Déclaration de M. Hervé Morin, président du groupe parlementaire UDF à l'Assemblée nationale, à LCI le 30 avril 2003, sur la réforme des retraites, le projet de loi sur l'immigration et les relations entre l'UDF et l'UMP.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

A. Hausser.- On vient d'avoir connaissance des chiffres du chômage du mois de mars, il a augmenté de 1 % en France, ce qui porte le pourcentage à 9,3 %. Malgré cela, le Premier ministre veut croire que la France n'est pas en récession et qu'elle traverse simplement une mauvaise passe. C'est votre impression ?
- "Elle traverse une mauvaise passe depuis déjà un moment, puisqu'on est rentrée dans une période de quasi-récession depuis le dernier trimestre 2002..."
Vous parlez de "récession" ?
- "Quand on vous annonce une croissance négative, on est bien dans une récession, c'est le mot qu'il convient ! La récession, souvent, ce que l'on voit derrière cela, c'est que ça dure et ça dure longtemps. Ce qui est certain, c'est que la France est dans un vrai trou d'air, qui était annoncé d'ailleurs. C'est pourquoi, à l'époque, dès septembre 2002, nous avions dit au Gouvernement que la construction de son budget n'était pas raisonnable, parce que l'ensemble des indicateurs économiques avancés, ce qu'on entendait des chefs d'entreprise, des économistes, nous faisaient croire que construire un budget sur des hypothèses de croissance de 2,5 % n'était pas raisonnable mais qu'on allait droit dans le mur en matière de déficit."
Vous pensiez que la croissance serait divisée par deux, comme elle l'a été ?
- "Oui."
On ne vous a pas entendus !
- "Ah si !"
On ne vous a pas écoutés ?
- "On ne nous a pas entendus, ça, c'est clair. Mais aujourd'hui, on a raison."
Les mesures en faveur de la famille, la réforme des retraites... Le Gouvernement se lance quand même dans les réformes ; vous lui donnez acte de tout cela ?
- "Je suis ravi, parce que comme vous le savez, nous appelons à ce qu'il y ait un vrai vent de réforme en France. Sur la famille, je trouve que les mesures qui ont été annoncées sont bonnes. Ce qui me semble très important, c'est que cette politique doit avant tout et essentiellement permettre aux parents de pouvoir avoir leur désir d'enfant, faire en sorte qu'ils aient les enfants qu'ils veulent et qu'on puisse les accompagner, les aider, c'est-à-dire toutes les structures nécessaires pour qu'une femme et un homme puissent avoir la famille qu'ils souhaitent avec l'environnement dont ils ont besoin - les crèches, les haltes-garderies, garderies périscolaires... C'est-à-dire que les femmes puissent travailler. Par exemple, le fait de permettre de cumuler un temps partiel et une allocation pour pouvoir rester un peu à la maison, cela me parait très bien. Parce qu'il y a souvent un vrai drame quand les femmes prennent leur congé parental pendant trois ans, quand elles essayent de retrouver du travail après trois ans, c'est extrêmement difficile. Donc, leur permettre d'associer les deux, tout cela, va dans le bon sens. Très franchement, ce n'est pas tellement d'argent dont les familles ont besoin - aussi, bien sûr....
Cela aide, parfois !
- "Mais c'est surtout d'avoir l'environnement qui permette d'élever ses enfants tout en ayant une vie personnelle et une vie professionnelle."
Sur la réforme des retraites, beaucoup dans la majorité disaient qu'il fallait aller plus vite. J.-P. Raffarin a pris son temps et a fait présenter la réforme du Gouvernement par F. Fillon. L'UMP vous rejoint quand il s'agit d'augmenter, de faire un geste pour les petites pensions. Vous souhaiteriez qu'elles soient portées à 90 % du Smic ; l'UMP dit 80-85 %. Les 40 annuités, ça va passer ?
- "Nous pensons que cette réforme ne doit pas simplement être une réforme financière, c'est-à-dire consolider le régime de retraite par répartition. Ce que nous croyons aussi, c'est que cette réforme - et elle passera d'autant mieux - doit être fondée sur l'équité. il n'y a pas plus injuste en France que le régime de retraite. Personne n'est traité de la même façon. Les veuves, les durées de cotisation, le taux de remplacement, etc. Il nous semble qu'il y a un effort à effectuer sur les petites retraites."
L'équité, ce n'est pas seulement que les petites retraites, parce qu'on peut parler des régimes spéciaux, etc.
- "Oui, bien sûr, c'est d'ailleurs ce que nous disons. Mais puisque vous m'interrogez sur les petites retraites, nous pensons, premièrement, que quelqu'un qui pendant 40 ans à travailler au Smic, mérite d'avoir une retraite digne et décente. Un des effets de la réforme Balladur a été de diminuer le niveau de la retraite et de diminuer encore le niveau de la retraite pour les gens cotisant au Smic. Donc, un, il faut que ces personnes qui ont travaillé pendant 40 années, souvent dans des conditions difficiles, aient une retraite au moins convenable. Deuxième élément, il faut que cette retraite soit largement supérieure au minimum vieillesse. C'est-à-dire que celui qui a travaillé pendant 40 ans, ne doit pas être traité peu ou prou comme celui qui n'a pas cotisé pour toutes sortes de raisons, ou qui n'a pas cotisé suffisamment et qui donc, bénéficie du minimum vieillesse. Il faut qu'il y ait une vraie différence, que le travail soit récompensé. Un des axes majeurs du Gouvernement pendant un an aurait dû être en permanence de considérer que le travail, c'est le moyen, pour le pays, de pouvoir s'en sortir."
C'est le nouveau discours : "maintenant on réhabilite le travail".
- "Oui, mais il aurait fallu le réhabiliter plus encore, notamment au moment de la réforme sur les 35 heures, sur des baisses de cotisations sociales plus importantes, etc. On ne l'a pas fait très bien. Mais, deuxième élément, sur les personnes qui ont cotisé 40 ans et qui ont commencé à 14 ans - je le connais bien, parce que c'est typiquement ma circonscription..."
On dirait que tout le monde découvre ce problème !
- "Non, on ne l'a pas découvert, on l'a toujours dit. Vous pouvez reprendre les propositions de F. Bayrou lors de l'élection présidentielle, c'était déjà celles-là. Ces personnes ont commencé à cotiser à 14 ans, souvent avec des charges pénibles, etc. Tous ces gens-là doivent pouvoir partir à la retraite après avoir cotisé 40 ans. Cela me parait indispensable."
Vous croyez que le niveau des pensions pourra être maintenu ou qu'il va baisser ?
- "A l'heure actuelle, le projet, il faut le reconnaître, fait baisser le niveau des pensions. Mais il y a un problème arithmétique et mathématique."
N. Sarkozy présente un projet de loi sur l'immigration, ce matin, en Conseil des ministres, qui tend à augmenter la durée de la rétention mais qui supprime aussi les doubles peines. Avez-vous regardé un peu ce projet ? Il vous parait équitable, lui aussi ?
- "Nous l'avons regardé et la philosophie d'ensemble est excellente. Cette idée de considérer qu'il faut être ferme aux frontières, pour pouvoir ensuite mener un vraie politique d'intégration. L'échec de l'intégration en France..."
Vous dites "intégration". Et l'immigration ? Vous voulez arriver à "l'immigration zéro" ?
- "Non, tout le monde sait très bien que l'immigration zéro, c'est impossible. Ce qu'il faut, c'est avoir une politique assez ferme pour que celles et ceux qui sont sur notre territoire n'aient pas le sentiment d'être rejetés ou de ne plus être acceptés aussi. On a bien vu, notamment au moment de la guerre du Golfe, avec ces manifestations absolument scandaleuses que la France a un vrai souci d'intégration et doit faire en sorte que toutes les communautés vivent avec un certain nombre d'idéaux républicains communs. Cela passe d'abord par une politique d'immigration ferme."
Il faut une loi pour le foulard islamique ?
- "Je ne sais pas s'il faut une loi. Ce qu'il faut, c'est que ce qu'a décidé N. Sarkozy pour la carte d'identité, qu'on le reprenne un peu dans tous les domaines de la République, notamment à l'école."
La préparation des régionales est la préoccupation première de l'UDF actuellement ?
- "Pas du tout ! On n'est pas du tout dans une opération de marchandage..."
Mais de négociation peut-être ?
- "Non plus. Nous formons nos 22 têtes de liste pour les 22 régions et après, nous allons discuter avec l'UMP, avec cette idée de partenariat. Mais cela impose de respecter les autres."
On ne vous respecte pas ?
- "On peut dire que l'on a parfois le sentiment - cela a beaucoup évolué, entre la position de domination de superbe de juillet 2002 et l'attitude d'aujourd'hui, cela a un peu changé. Mais il est clair qu'il y a deux piliers dans la majorité, pas qu'un seul. La maison tiendra mieux si les deux piliers sont respectés."
Tout est une question de taille...
(Source http://www.UDF.org, le 2 mai 2003)