Réponse de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, en réponse à une question sur l'incompatibilité entre les fonctions de militaire et de juré d'assises, à l'Assemblée nationale le 10 février 1998.

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Texte intégral

Ma question s'adresse à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice. Elle concerne l'article 257 du code de procédure pénale, qui prévoit que les fonctions de juré d'assises sont incompatibles avec celles de militaire en activité de service. S'il est vrai que les militaires sont soumis à des obligations particulières, ils restent pour autant des citoyens à part entière. L'incompatibilité prévue au 4° de l'article 257 était vraisemblablement justifiée à l'origine par le lien hiérarchique étroit qui existe entre les militaires et le pouvoir exécutif mais ce lien peut aujourd'hui être contesté. Il n'existe en effet de lien hiérarchique étroit qu'entre le pouvoir exécutif et quelques officiers généraux, chefs d'état-major. En outre, au moment où s'instaurent dans les faits la professionnalisation des armées et l'abandon de la conscription, il paraît important, voire essentiel, de consolider les liens qui peuvent exister entre les Français et leur armée, en évitant des discriminations dépassées.
Certains estiment que la suppression de cette disposition constituerait une atteinte à l'indépendance du jury ou une menace à l'impartialité des décisions rendues par les cours d'assises. Personnellement, je ne le pense pas. Je suis persuadé que les militaires ont un sens du devoir, un sens de l'honneur et de la justice, sinon plus ancré, en tout cas pas moins fort que les autres citoyens. Je fais confiance au modernisme et à la lucidité de Mme le garde des sceaux. Lors d'une réponse à une question écrite que j'avais posée en septembre 1997, elle s'était engagée à poursuivre une réforme de la procédure criminelle. Cette réforme pourrait être l'occasion de mettre à jour et d'actualiser, peut-être en collaboration avec les services du ministère de la défense, des textes comme l'article 257 du code de procédure pénale.
R.- L'incompatibilité entre les fonctions de juré de cour d'assises et celles de militaire en activité est en effet prévue par les dispositions du 4° de l'article 257 du code de procédure pénale. Cette disposition ne concerne pas uniquement cette catégorie d'agents publics, elle vise également ceux qui, par leurs fonctions, participent à la recherche des auteurs d'infractions pénales, assurent la surveillance des condamnés ou peuvent être victimes d'agressions. Sont ainsi concernés les fonctionnaires des services de police et ceux de l'administration pénitentiaire.
Participant à l'enquête pénale ou à la sanction, ces agents ne peuvent, sans qu'un doute apparaisse sur leur impartialité, participer aux juridictions qui sont amenées à se prononcer sur la culpabilité et la sanction des auteurs d'infractions. Méconnaître ce principe serait contraire aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Il convient de rappeler que les militaires de la gendarmerie participent à la police judiciaire et ont à connaître de nombreuses infractions relevant de la juridiction des assises.
Mais les personnes visées ci-dessus ne sont pas les seules à ne pouvoir être désignées comme jurés d'assises: l'article 257 du code de procédure pénale prévoit également une incompatibilité pour les membres des organes constitutionnels et des autorités juridictionnelles ainsi que pour les fonctionnaires d'autorité exerçant des responsabilités particulières. Ces exclusions s'expliquent clairement par le souci de préserver le principe de séparation des activités législatives, exécutives et juridictionnelles. Ces restrictions ne font en rien de ces personnes des citoyens de second plan. Pour ces raisons, Mme le garde des sceaux n'envisage pas de proposer une modification des dispositions de l'article 257 du code de procédure pénale.
(Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 16 novembre 2001)