Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je tiens d'emblée à saluer l'initiative de Monsieur le Sénateur Bernard Joly, à l'origine de cette proposition de Loi qui vise à restreindre la consommation de tabac chez les jeunes, et que j'ai soutenu lors de sa présentation au Sénat.
Je souhaite également remercier M. le rapporteur, Gérard Cherpion, le Président Dubernard et les membres de la commission des affaires culturelles familiales et sociales pour la qualité de leur travaux qui ont permis d'aboutir aujourd'hui à un texte équilibré.
Sous l'impulsion du Président de la République, le Gouvernement a déclaré depuis le début de l'année la guerre au tabac.
Il s'agit d'une guerre sans concession, destinée à prévenir de dizaines de milliers de morts.
Le tabac tue. Ce n'est plus un secret pour personne. La mention apparaît maintenant clairement sur les paquets de cigarettes.
Il tue lentement mais sûrement. Parmi les jeunes ayant commencé à fumer à l'adolescence, la moitié décèdera du tabac et parmi eux un quart décèdera avant 65 ans. Soit une vie raccourcie de 20 à 25 ans !
Les fumeurs ne vivent pas seulement moins longtemps. Ils vivent moins bien. Le tabac lèse de façon irréversible la plupart des organes vitaux : coeur, poumons, cerveau. Il est la première cause de cancer.
Il aliène les individus en les rendant dépendants.
La question n'est plus de savoir pourquoi nous combattons le tabac.
Elle n'est pas non plus de savoir comment. Les mesures efficaces sont connues. Elles ont été appliquées avec succès non seulement au Royaume-Uni, mais aussi en Finlande, en Suède.
La question est de savoir si tous ensemble nous nous donnons les moyens de remporter des victoires décisives, face aux pressions de certains lobbies qui menacent de baisser le prix des cigarettes au moment où le Gouvernement lance le plan de mobilisation contre le cancer.
La loi Evin l'a démontré. Ces moyens sont avant tout d'ordre législatif et réglementaire. Cette loi a représenté une étape historique dans la lutte contre le tabagisme dans notre pays et a été suivie par une diminution de 14,5 % des ventes de cigarettes de 1992 à 1997.
Malheureusement, l'effet s'est estompé entre 1998 et 2001 et les ventes sont restées stables en raison d'une augmentation insuffisante des prix et peut-être aussi de l'absence de front antitabac solide au sein du gouvernement précédent.
L'impact de la loi Evin a été insuffisant chez les jeunes. Leur consommation de tabac a connu une hausse importante entre 1992 et 1999 particulièrement visible chez les filles. (40 % des jeunes français fument de manière quotidienne et 10 % présentent déjà des signes de dépendance au tabac).
Les jeunes français détiennent ainsi aujourd'hui le record d'Europe de la consommation du tabac.
Cela veut dire que demain si nous ne faisons rien, nous détiendrons aussi le record d'Europe des cancers du poumon.
Cela veut dire également, comme le souligne un rapport récent, que la mortalité par cancer bronchique dans la population féminine atteindra demain le niveau de la mortalité par cancer du sein. Que nos enfants seront en droit de nous demander pourquoi nous n'avons pas su ou - plus grave encore -, pourquoi nous n'avons pas voulu les protéger !
Nous pouvons éviter toutes ces morts annoncés. Les français l'attendent de nous. Soixante trois pour cent d'entre eux sont favorables à une très forte augmentation des prix du tabac pour réduire la consommation dans notre pays. Soixante neuf pour cent sont favorables à l'interdiction de la vente de cigarettes aux moins de 16 ans.
Ils ne sont pas isolés. La récente signature par 41 pays de la convention cadre de l'OMS contre le tabac montre à quel point l'opinion mondiale évolue.
L'offensive contre le tabac, nous l'avons déclenchée en augmentant de façon importante le prix du tabac en janvier. Nous l'avons poursuivi en soutenant la proposition de loi présentée par le Sénateur JOLY qui a su appréhender avant les autres la signification, la portée symbolique et l'actualité de l'interdiction de vente du tabac au mineur.
Le Président de la République a réaffirmé cette priorité en présentant la lutte contre le tabac comme une exigence absolue lors de l'annonce du plan cancer.
J'ai présenté à la presse fin mai le plan complet de notre offensive.
Nous voulons agir et agir vite. Déjà les premiers résultats nous y encouragent. Sur les quatre premiers mois de l'année, les ventes de cigarettes ont diminué de 9 % par rapport à l'année 2002. Autre indication encourageante : les ventes de substituts nicotiniques ont augmenté de 25 %. Accroître le prix du tabac, c'est non seulement dissuader les non-fumeurs de commencer à fumer. Mais c'est aussi donner aux fumeurs une motivation supplémentaire pour s'arrêter.
Nous voulons aller plus loin. Le plan cancer a fixé nos objectifs pour les cinq prochaines années : réduire de 30 % le tabagisme des jeunes et de 20 % le tabagisme adulte.
Vis à vis des jeunes :
1 - Il est indispensable de réduire l'accès des jeunes aux produits du tabac par de nouvelles mesures législatives.
Nous poursuivrons l'augmentation des taxes sur le tabac. C'est le moyen le plus efficace de réduire la consommation, et en particulier des jeunes comme le rappelle la convention cadre de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement en ce sens.
Nous poursuivrons cette augmentation autant qu'il le faudra pour atteindre nos objectifs.
Nous avons de la marge. Au Royaume-Uni, le prix du paquet est presque deux fois plus élevé qu'en France.
Rendre plus difficile l'accès au tabac , c'est aussi interdire la vente des paquets de petite taille - appelés aussi " paquets enfants " - que les fabricants de tabac proposent aux jeunes pour les inciter à fumer car ils sont moins chers et donc plus attractifs. Ces petits paquets ne représentent qu'une faible part de leur chiffre d'affaires. Mais les cigarettiers n'ignorent pas que plus les adolescents fument tôt, plus ils sont dépendants à l'âge adulte et fidèles à la marque qui les a initiés. C'est donc avec ces petits paquets, un véritable investissement, au dépens de la santé de nos enfants, que fait l'industrie du tabac.
L'interdiction des paquets enfants fait partie des recommandations du Conseil de l'Union Européenne et de la convention cadre de l'OMS adoptée le 21 mai 2003.
Rendre plus difficile l'accès au tabac, c'est enfin interdire la vente de tabac aux mineurs de moins de 16 ans parce qu'il s'agit d'une mesure hautement cohérente et symbolique. Cohérente avec la nécessité de dénoncer avec force les méfaits du tabac et de le rendre de plus en plus inacceptable pour la société toute entière et pour la jeunesse en priorité. Et qui a tout son sens, au sein d'un programme global d'actions contre le tabac.
Ne nous trompons pas. La guerre contre le tabac n'est pas la guerre contre les buralistes.
Les sanctions initialement prévues étaient disproportionnées. Pour faire appliquer cette loi, nous comptons avant tout sur l'engagement des buralistes et leur sens des responsabilités.
Nous avons besoin des buralistes. Ils sont au coeur de la lutte contre la contrebande et des promotions frauduleuses. Ils sont aussi un relais du service public et un réseau de commerces de proximité précieux.
Je suis conscient des difficultés qu'ils rencontrent en particulier quand ils sont frontaliers. J'ai reçu le Président de la Confédération des débitants de tabac de France, Monsieur René LE PAPE et je lui ai assuré que je rechercherai avec les autres ministres concernés, des solutions à ces difficultés. Cela passera par une aide à la diversification des activités qui leur sont confiés par les pouvoirs publics. Cela passera aussi par une modification de l'encadrement de la fiscalité des cigarettes dans l'Union européenne et un renforcement de la lutte contre la contrebande et la fraude : deux actions qui font partie intégrante de notre plan contre le tabac.
2. Vis à vis des jeunes, des actions de prévention et d'éducation à la santé seront aussi mises en place. Des campagnes de sensibilisation des adolescents seront diffusées à la rentrée par l'INPES.
En milieu scolaire, le ministre de l'Education Nationale en collaboration avec le ministère de la Santé va mettre en place en octobre dans le cadre du programme Ecole sans tabac des centres d'information et de conseils co-financés par les deux ministères.
Les programmes d'éducation à la santé comprendront un volet sur les consommations à risque et notamment le tabac. L'application de la loi Evin sur la protection des non-fumeurs sera renforcée.
3. Des actions qui se limitent aux jeunes ne sont cependant pas efficaces. Il nous faut agir sur l'ensemble de la population. Le tabagisme des adolescents est significativement associé à celui de ses parents, à celui de son environnement social proche.
C'est l'objet du programme que j'ai présenté lors de la Journée mondiale sans tabac.
Il s'agit d'un plan ambitieux et financé, qui mobilise le ministère de la Santé mais aussi la Mission interministérielle de lutte contre le Cancer et la Mission Interministérielle de Lutte contre la drogue et la toxicomanie et à travers ces deux missions de nombreux ministères.
Nous agirons sur tous les fronts pour progressivement ne plus laisser d'espace au tabac dans notre société.
Débanaliser l'image du tabac, éviter aux jeunes de commencer, protéger totalement les non-fumeurs de la fumée des autres et aider les fumeurs à s'arrêter, voilà les objectifs du plan Cancer.
Au nom du Gouvernement, je remercie l'Assemblée Nationale de s'engager aussi dans la lutte contre le tabac. C'est un combat dont nous serons fiers. Dans lequel je m'engage personnellement en étant sûr de pouvoir ainsi améliorer durablement la santé des français.
(source http://www.sante.gouv.fr, le 4 août 2003)