Texte intégral
Jean-Claude NARCY : Madame la ministre bonjour, merci d'être avec nous.
Charles VILLENEUVE : Bonjour Madame la ministre. C'est votre deuxième défilé, vous avez maintenant un il exercé, avez-vous eu des satisfactions, des préférences au cours de ces défilés?
Michèle ALLIOT-MARIE :
Je crois que cela a été un très beau défilé, où nos militaires ont eu à cur de montrer aux Français l'excellence de leur présentation ; comme ils auront montré tout au cours de cette année le grand professionnalisme avec lequel ils faisaient face à toutes les situations, souvent difficiles.
Jean-Claude NARCY : Cette armée est-elle conforme à celle que vous aviez décidée, il y a un an, avec le chef de l'Etat ?
L'objectif c'est l'armée 2015. Chaque année nous nous rapprochons de cet objectif, aussi bien en ce qui concerne les matériels qu'en ce qui concerne les personnels. Pour les personnels, le chef de l'Etat avait souhaité une professionnalisation des armées. Vous avez vu effectivement au cours de ce défilé, et ce n'était qu'une image de l'action générale des militaires, que ce sont de vrais et de grands professionnels dont nous pouvons être fiers.
Comment fonctionne le recrutement ?
Le recrutement se fait et se fait bien, je tiens à le dire.
C'est 30.000 par an, est-ce bien cela ?
30.000 par an, c'est ce qui est prévu jusqu'en 2015. Il y a un grand renouvellement, et la satisfaction que je peux avoir c'est que nous avons aujourd'hui en moyenne à peu près deux candidats pour chaque poste. Ce qui prouve bien qu'il y a, notamment de la part des jeunes français, une adhésion aux armées et à leur état d'esprit, et en même temps une connaissance de plus en plus grande de ce que peut apporter l'armée, c'est-à-dire une formation et une véritable capacité de promotion sociale.
Charles VILLENEUVE : Vous avez obtenu une bonne progression, 7 % de plus dans le cadre de la loi de programmation militaire ; vous avez du entendre sans doute le chef d'Etat major des armées, le général BENTEGEAT, qui disait sur France INTER qu'il fallait à tout prix que cette loi de programmation militaire s'applique dans son budget, afin que l'armée française ait un bon niveau d'entraînement et un bon niveau évidemment de matériels. Est-ce que vous croyez que le ministère de l'Economie et des Finances ne va pas finalement un peu piller votre budget par les temps qui courent ? On sait que la mode est à la rigueur budgétaire
La loi de programmation militaire et sa stricte exécution sont la volonté du président de la République, il l'a rappelé hier au cours de son allocution au ministère de la Défense. C'est également la volonté du gouvernement. La loi de programmation militaire sera appliquée dans son intégralité.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 30 juillet 2003)
Xavier LAMBRECHTS :
Madame le ministre de la Défense, merci d'avoir accepté notre invitation sur TV5. Le 14 juillet, l'armée française est à l'honneur, c'est bien le moins, une armée déployée aux quatre coins du monde en ce moment. A côté des bases permanentes, la France a envoyé des soldats ces dernières années, entre autres, en Bosnie, au Kosovo, en Macédoine, en Afghanistan, en Côte d'Ivoire, et plus récemment en République démocratique du Congo. Est-ce la confirmation, Madame Alliot-Marie, que finalement aujourd'hui comme hier, il n'y a pas de puissance et d'influence dans le monde sans une défense forte ?
Michèle ALLIOT-MARIE :
Bonjour. La France est une puissance mondiale, elle est membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, et il est important qu'elle ait les moyens de mettre en uvre ses décisions politiques, de soutenir ses valeurs, de défendre aussi ses ressortissants et ses intérêts. Il était donc indispensable de faire un effort de renouveau de la Défense nationale qui avait pâti des diminutions de crédits au cours de ces dernières années, au point que nous avions du mal à faire voler un pourcentage suffisant de nos appareils aériens. La loi de programmation militaire, voulue par le président de la République, qui est aujourd'hui sur de bons rails avec une augmentation importante des crédits budgétaires, nous permet de jouer ce rôle.
Vous répondez déjà par avance à ma deuxième question. Est-ce que l'Europe, et la France en particulier, dépensent assez pour leur défense ?
La France en la matière, a voulu montrer l'exemple, en quelque sorte. C'est vrai qu'elle avait régressé, sa part avait régressé, dans le produit national brut. Aujourd'hui, nous arrivons à un niveau qui est à peu près équivalent à celui de la Grande-Bretagne, mais il est vrai qu'un certain nombre d'autres pays européens sont à des niveaux beaucoup plus bas.
Il y a eu le 11 septembre 2001 () Aujourd'hui un seul chiffre : les Américains dépensent plus du double des 15 pays de l'Union européenne ensemble.
Ce n'est pas simplement un problème de comparaison. Le premier devoir d'un État, c'est de pouvoir défendre son territoire, ses citoyens, et ses intérêts. C'est la première règle. Il faut se donner les moyens nécessaires, c'est ce que fait la loi de programmation militaire pour la France, mais il est évident que le problème se pose pour tous les autres pays face aux risques, parce qu'aujourd'hui nous vivons dans un monde dangereux, un monde où il y a des crises régionales qui se multiplient. Vous avez cité celle des Balkans, vous avez cité un certain nombre de celles qui se déroulent en Afrique. Vous avez le Moyen Orient. Vous avez également une montée du terrorisme qui n'affecte pas simplement les Etats-Unis. Nous savons très bien que tout pays est susceptible de subir le terrorisme, nous l'avons vu sur notre territoire, nous l'avons vu à Karachi l'année dernière quand je suis arrivée, nous l'avons vu depuis à Bali, nous l'avons vu à Moscou. Il y a effectivement un véritable risque terroriste. Il y a également une prolifération des armes de destruction massive, qu'elles soient nucléaires, mais surtout bactériologiques ou chimiques, il faut pouvoir se défendre face à cela. C'est ce que je dis à mes collègues européens. Il faut que chacun fasse un effort.
Parlons d'Europe. Aujourd'hui, on peut dire qu'il n'y a pas de salut hors de l'Europe pour la défense, il faut une défense européenne commune.
L'Europe est une puissance économique. Pour être une puissance politique, elle doit avoir une défense capable effectivement de soutenir ses intérêts et ses idées.
Est-ce que vous seriez favorable, par exemple, à une véritable armée européenne ou c'est un leurre ?
Le problème n'est pas celui d'une armée européenne, le problème est de savoir si l'Europe a la capacité de déployer des troupes là où elle décide de le faire. Elle commence effectivement, puisqu'en Macédoine par exemple, c'est une opération de l'Union européenne qui a relevé l'Otan. En Ituri, au Congo, c'est une opération autonome de l'Union européenne. Donc nous sommes capables, effectivement aujourd'hui, de déployer des hommes, de déployer un commandement sur des théâtres d'opérations extérieurs, mais il faut pouvoir le faire davantage et c'est le travail auquel nous nous attelons avec mes collègues européens.
Alors vous parlez de force européenne, il faut savoir que la France va participer à deux forces, en fait, de réaction rapide, justement une force européenne qui sera opérationnelle : 60.000 hommes je pense, fin de cette année
Fin de cette année, oui.
Et puis aussi une force de l'OTAN. Alors est-ce qu'il n'y a pas, quelque part, une contradiction, un choix à faire entre les deux ?
Non, nous avons justement bien insisté sur ce fait qu'il s'agissait de forces qui étaient complémentaires, et en aucun cas rivales ou bien redondantes.
En terme géographique, par exemple en terme d'intervention d'endroits où elles peuvent se déployer ?
D'abord, il faut bien voir que l'OTAN a aujourd'hui besoin effectivement d'une force d'intervention rapide, parce que cela correspond à la nouvelle donne stratégique, aux nouvelles sortes de crises qui se produisent. La France est très favorable, le président de la République l'a dit, notamment à Prague, à ce que l'OTAN se dote d'une force d'intervention rapide.
Il a marqué son accord à la participation de la France.
Tout à fait. Par ailleurs, si l'Union européenne veut pouvoir intervenir, quand l'OTAN n'intervient pas, soit parce que les pays de l'OTAN ne le veulent pas ou parce qu'ils ne le peuvent pas, il faut aussi que l'Europe puisse disposer d'une force d'intervention rapide. Bien entendu, il s'agit en partie des mêmes hommes. Il y a effectivement, un nombre très important de militaires qui sont susceptibles d'être mobilisés dans le cadre de cette force d'intervention rapide, et en fonction des besoins. Suivant les cas, cette intervention peut se réaliser dans un cadre OTAN, comme elle pourra l'être dans un cadre Union européenne. Mais il ne doit pas y avoir de préemption, c'est-à-dire que si l'Union européenne en a besoin, l'Union européenne pourra effectivement mettre en uvre ces militaires.
Où en sont les relations franco-américaines, aujourd'hui, en matière de défense ?
En matière de défense, de temps en temps j'exprime un désaccord avec mon collègue américain, M. Rumsfeld, qui ne comprend peut-être pas toujours l'intérêt qu'il peut y avoir à écouter des gens qui connaissent bien le terrain, qui connaissent les réactions psychologiques des uns et des autres.
Je constate cependant que les militaires français et américains, qui sont sur un certain nombre de théâtres d'opérations ensemble, en Afghanistan, en Bosnie, dans les Balkans, ou par exemple à Djibouti, travaillent dans la meilleure entente et avec beaucoup de signes très cordiaux de la part des militaires américains.
Même si on a parfois l'impression, vous me direz si je me trompe, que les deux pays ou que l'Europe et les États-Unis agissent parfois plus en concurrents qu'en alliés ? Est-ce qu'il n'y a pas quand même quelque part une cassure historique qui s'est produite, là ?
Je ne crois pas. Les États-Unis sont nos amis et ils sont également nos alliés. Nous sommes alliés parce que nous partageons les mêmes valeurs fondamentales et nous partageons également les mêmes risques. Il peut y avoir parfois des désaccords, mais ils portent sur des méthodes plus qu'autre chose. Il faut que chacun respecte l'autre. Être allié, c'est savoir écouter l'autre, c'est savoir respecter aussi son opinion, et c'est surtout avoir la confiance comme base des relations.
Madame la ministre, vous avez beaucoup voyagé ces derniers mois, surtout en Asie d'ailleurs. Est ce que l'Asie, représente une priorité dans la politique française de Défense ?
Dans ce monde dangereux, dont je parlais tout à l'heure, où il y a beaucoup d'incertitudes, il est très important que nous puissions avoir des échanges et des échanges stratégiques de réflexion et d'analyse sur les différents pôles régionaux importants. La Chine, et d'une façon générale les pays d'Asie, ont une connaissance précieuse pour nous parce qu'ils ont des liens de proximité notamment avec l'Asie centrale, avec l'Afghanistan, qui sont stratégiques. Il est évident que nous sommes préoccupés par la relation entre l'Inde et le Pakistan. Il est important, dans tous ces cas-là, de pouvoir effectivement échanger. Entretenir des relations internationales équilibrées, consiste à respecter les autres et avoir des échanges, qui soient aussi des échanges sur un pied d'égalité.
Vous revenez de Moscou, vous avez été en Russie plusieurs fois d'ailleurs ces derniers temps, là aussi, l'idée c'est de rééquilibrer, je dirais, face à l'hégémonie américaine, quelque part ?
Il ne doit pas y avoir d'hégémonie, parce qu'un monde hégémonique est toujours quelque chose de très dangereux, et de très fragile. Il faut donc des relations internationales qui existent sur la base des pôles multiples. Il y a un pôle asiatique, un pôle européen, un pôle africain, un pôle sud-américain, et un pôle nord-américain. Tout ceci doit nous conduire à avoir un dialogue qui soit un dialogue ouvert, un dialogue de confiance, et non pas sur la base de diktat. Il n'y a, encore une fois, pas la moindre rivalité avec les États-Unis. Il y a simplement des gens qui ont envie, ensemble, de participer à la création d'un monde qui soit plus juste et donc un monde plus sûr.
Parlons de l'Afrique, la France a déployé environ 4.000 hommes en Côte d'Ivoire. Il y a quelques jours, la fin de l'état de guerre a été officiellement proclamée dans ce pays, ce qui veut dire que la force française pourrait se retirer rapidement de Côte d'Ivoire ou c'est trop tôt ?
Pour l'instant, vous le savez, la force française n'est là qu'en fonction d'un mandat de l'ONU et en appui des forces de la CEDEAO. Pour l'instant, les forces de la CEDEAO nous demandent effectivement de continuer à les appuyer. Cependant, la France n'a pas vocation à demeurer, en dehors des troupes pré-positionnées que nous avons, et qui nous ont permis d'ailleurs au début du conflit de protéger nos ressortissants, d'extraire un certain nombre d'étudiants américains qui se trouvaient dans des zones de combat.
En revanche, on peut imaginer que si les troupes françaises se retiraient rapidement, il pourrait y avoir une reprise de la guerre aussi, la situation est encore très fragile en Côte d'Ivoire.
Encore une fois, nous sommes présents en Côte d'Ivoire à la demande de la communauté internationale, et notamment à la demande de la force de la CEDEAO. Nous estimons que c'est aux Africains, en premier lieu, de pouvoir intervenir dans des opérations de maintien de la paix, mais nous nous sentons aussi concernés. C'est la raison pour laquelle nous les appuyons.
J'imagine que votre réponse sera à peu près semblable concernant la République démocratique du Congo. Là, il y a un millier d'hommes, de soldats français qui sont dans la région de Bunia, en Ituri, dans l'est du Congo. Ils devraient partir à la fin du mois d'août.
C'est une mission temporaire, effectivement, qui a été faite à la demande de l'ONU, avec une résolution des Nations Unies. Nous demandons de renforcer la MONUC telle qu'elle est aujourd'hui, en attendant que les nouveaux contingents, venant notamment du Bengladesh, puissent venir. C'est une mission très définie dans son territoire, puisqu'il s'agit de Bunia et de l'aéroport, qu'il faut sécuriser. J'ajouterai que c'est en même temps une opération faite par l'Europe, mais une opération extrêmement difficile, dans un contexte très difficile, parce que nous avons en face de nous des milices qui sont intéressées par les richesses locales, qui sont composées aussi de gens très jeunes, soumis à la toxicomanie pour un bon nombre d'entre eux, très armés.
C'est une mission à haut risque dans un contexte de saison des pluies, donc avec des accès très difficiles.
Ma dernière question concernera toujours l'Afrique. Quelle est votre vision de l'Afrique, parce que l'Afrique pourrait être un Eldorado, c'est souvent une situation dramatique plutôt qu'on a à relater dans les journaux télévisés. Quelle est votre vision de l'Afrique, je dirais aujourd'hui et dans un avenir proche ?
L'Afrique a effectivement beaucoup de capacités, beaucoup de perspectives qui sont celles de ses richesses naturelles, celles de la richesse de ses hommes et de ses femmes aussi. Le problème, c'est qu'aujourd'hui, l'Afrique est confrontée à un risque qui est celui de l'éclatement ethnique et des rivalités ethniques.
Donc vous n'êtes pas très optimiste, à vous entendre.
Je suis inquiète, c'est vrai, pour un certain nombre de pays. Je crois qu'il est important que tous ceux qui ont une vision de l'Afrique à la fois positive et surtout qui veulent le développement de l'Afrique et la paix en Afrique puissent se regrouper pour faire cela. C'est ce que nous essayons de faire à travers les forces locales telles que celles de la CEDAO. Nous essayons d'y contribuer par le système RECAMP qui nous permet à la fois d'équiper et de former ces forces. Vous savez, nous avons une histoire commune avec l'Afrique, nous avons des liens culturels, et des liens affectifs. Ce que nous souhaitons, c'est que dans le siècle prochain l'Afrique puisse tenir toute sa place.
Xavier LAMBRECHTS
Madame ALLIOT-MARIE, merci, merci beaucoup d'avoir été l'invitée de TV5.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 30 juillet 2003)
Annette Ardisson :
Bonjour, Madame la ministre.
Michèle Alliot-Marie :
Bonjour.
Ce 14 juillet est placé sous le signe des forces françaises en action, c'est elles qui seront à l'honneur sur les Champs Elysées. Balkans, Afrique, Afghanistan, on en a un peu partout Où nos soldats sont-ils le plus en danger ?
Nos soldats sont dans des situations difficiles dans pratiquement tous les endroits. Je dirais que cela se présente simplement sous des formes différentes. Il est évident que, au Congo, en Ituri, nous avons là une mission extrêmement difficile, par son contexte, par les milices que les soldats ont en face d'eux, fréquemment composées de jeunes, très souvent drogués et surarmés. C'est une mission difficile. Regardez ce qui se passe également en Afghanistan où les soldats sont au nombre de 500, sans compter ceux qui sont en train de former l'armée nationale afghane, ils sont aussi dans un contexte extrêmement difficile.
Qu'est-ce qu'ils font ? Parce qu'on ne sait pas très bien ce qu'ils font, ces 500 soldats qui travaillent avec les Américains.
Ces 500 soldats sont parmi les forces de la FIAS, c'est-à-dire que, dans Kaboul et les environs, et notamment à l'aéroport de Kaboul, ils contribuent à obtenir une situation de sécurité qui permet au gouvernement afghan de se constituer et de faire fonctionner à peu près normalement les institutions. C'est une mission qui est difficile : ils sont loin de leur famille, il y a de plus en plus d'attentats Nous constatons donc là qu'il s'agit de troupes qui ont un rôle important. Et puis dans les Balkans, il ne faut pas négliger le fait que, même si la situation s'est considérablement apaisée, nous sommes toujours à la merci d'un incident grave qui fasse redémarrer les choses. Cela implique, de leur part, beaucoup de maîtrise et en même temps beaucoup d'attention. Ils font preuve de leur professionnalisme. Vous me permettrez d'ajouter à tous ces soldats, les 38 000 soldats que nous avons hors de métropole, dont un certain nombre dans les actions que vous avez mentionnées, mais aussi les militaires qui ont participé à la lutte contre les catastrophes naturelles - n'oublions pas en particulier les inondations du Gard et malheureusement la pollution liée au Prestige. Là aussi, les militaires ont été engagés aux côtés d'autres forces, et eux aussi vont être mis à l'honneur aujourd'hui.
Alors, pour rester sur les missions extérieures : 38 000 hommes, 700 millions d'euros pour l'année 2003, est-ce que ce n'est pas beaucoup pour un pays comme le nôtre soumis quand même à des restrictions budgétaires et dont la professionnalisation est en cours ?
Nous sommes l'une des rares puissances membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU. Cela nous donne des obligations. Elles dépassent notre obligation naturelle, qui est celle de tout État, consistant à protéger notre territoire et à protéger nos ressortissants et nos intérêts, où qu'ils se trouvent dans le monde. Nous avons également à tenir nos engagements internationaux. Alors, effectivement, il y a une situation économique difficile. Je crois que c'est à l'honneur de la France que de faire les efforts nécessaires pour pouvoir tenir son rang et pour pouvoir tenir ses engagements. Ce que nous souhaiterions, c'est que d'autres pays fassent peut-être un effort supplémentaire, notamment dans le cadre de la défense européenne.
Madame Alliot-Marie, jamais aucune loi de programmation militaire n'a été exécutée telle qu'elle était prévue.
Il faut bien un commencement à tout.
Est-ce que vous pensez que celle-ci échappera à la règle ?
Absolument. Il y a là une volonté très forte du président de la République, une volonté très forte du gouvernement. C'est la raison pour laquelle, contrairement à ce qui s'est parfois passé dans le temps, c'est vrai, la première année de la loi de programmation militaire, l'année 2003, est exécutée, sera exécutée dans son intégralité, et la loi de programmation militaire continuera d'être exécutée dans son intégralité.
Et les moyens dits " réservés " ?
Les réserves sont libérées au fur et à mesure des besoins. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle elles existent. Au ministère de la Défense, nous en avons toujours eu pour justement faire face à ces besoins en cours d'année. Et là, je constate effectivement que, sans difficulté, il y a libération des moyens réservés au fur et à mesure de notre demande.
Madame Alliot-Marie, des voix commencent à se faire entendre en France, et plus seulement aux États-Unis, pour demander que la France, précisément, donne un coup de main aux Américains en Irak, malgré tout. Alors, je sais que vous avez déjà dit que les conditions n'étaient pas réunies, mais est-ce complètement inimaginable si, vraiment, ils étaient en situation extrêmement difficile ? Après tout, on a répété aussi qu'ils restaient nos alliés
Je crois qu'il faut voir le problème de l'Irak du point de vue de la légalité internationale. Aujourd'hui, il y a une résolution des Nations unies qui est intervenue après la guerre d'Irak et qui fixe le mandat des différents pays pour favoriser la reconstruction de ce pays, pour aider le peuple irakien qui a beaucoup souffert en la matière. Dans ce cadre-là, nous sommes, bien entendu, prêts à aider à la reconstruction de l'Irak, mais il n'est pas question pour nous d'aller au-delà de ce qui est dit dans la résolution de l'ONU. Et, de toute façon, je note que les autorités américaines ne l'ont pas formulé non plus expressément ; et donc, aujourd'hui, je dis que ni sur le plan de la demande, ni sur le plan de l'encadrement juridique d'une telle action, il n'y a matière à s'interroger.
A propos des Américains, vous avez suivi naturellement la polémique sur les déclarations inexactes du président BUSH au mois de janvier dernier. Aujourd'hui, la France a-t-elle des doutes sur l'existence des armes de destruction massive en Irak ?
Nous avons toujours dit qu'il fallait que l'ONU, par l'intermédiaire des inspecteurs et des inspections, puisse vérifier s'il y avait ou non encore des armes de destruction massive en Irak. Il y en a eu, et nous le savons puisqu'elles ont été utilisées, notamment contre les Kurdes et parfois contre les Chiites. Mais est-ce qu'il en existe toujours ou est-ce qu'il en existait toujours ? Nous n'en savons rien. Ce que je constate simplement, c'est qu'elles n'ont pas, si elles existent, été utilisées au moment même où le gouvernement irakien était en grande difficulté.
Vous n'avez pas vraiment répondu à ma question sur des doutes
Écoutez, je crois que la meilleure chose pour lever les doutes, c'est que les inspecteurs de l'ONU puissent aller voir sur place ce qu'il en est, ce que nous disons depuis le début.
Alors, revenons-en à notre 14 juillet. C'est l'EUROCORPS qui défilera en tête. Est-ce que ce corps ne sert pas, finalement, d'alibi à l'Europe de la Défense ? En dehors d'essayer de marcher d'un même pas, est-ce qu'il y a vraiment, opérationnellement, une Europe de la Défense ?
Oui, il y a aujourd'hui une Europe de la Défense, depuis peu de temps. Moi, je dirais qu'elle est née, finalement, le 1er avril de cette année, au moment où l'Union européenne a pris la relève de l'OTAN en Macédoine. Elle est aujourd'hui présente au Congo, car je rappelle que la mission temporaire qu'effectuent nos soldats sous mandat de l'ONU, au Congo, est une opération européenne, avec un commandement européen, avec une participation de plusieurs pays européens. Au cours des derniers mois, nous avons considérablement avancé dans la construction de l'Europe de la Défense. Cela se voit par les grands programmes dont vous avez entendu parler : le gros avion de transport A400-M qui, enfin, a vu le jour ; Galileo, qui est le système équivalent à celui du GPS ; mais également les missiles Meteor et puis surtout la décision de construire une sorte d'Agence européenne de l'armement qui va être inscrite dans la Convention. Je crois que ce sont là les éléments de départ d'une défense européenne qu'il faudra, bien entendu, développer, conforter, mais qui existe.
Mais enfin, pour l'instant, à part les Britanniques et nous, il y a peu de gens qui mettent la main à la poche.
Alors, c'est vrai que conforter l'Europe de la Défense, cela suppose aussi que d'autres pays fassent à l'instar de la France, de la Grande-Bretagne, de la Grèce aussi - ne l'oublions pas - un effort supplémentaire pour répondre aux besoins de la défense de leur population et de leur pays. Nous sommes dans un monde dangereux où on voit se multiplier les crises régionales en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie centrale ; où l'on voit monter le terrorisme, malheureusement, et nous l'avons connu sur le territoire européen ; où l'on voit également la prolifération des armes de destruction massive. Cela implique un effort de tous. La France montre l'exemple.
Madame Alliot-Marie, merci.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 30 juillet 2003)
Charles VILLENEUVE : Bonjour Madame la ministre. C'est votre deuxième défilé, vous avez maintenant un il exercé, avez-vous eu des satisfactions, des préférences au cours de ces défilés?
Michèle ALLIOT-MARIE :
Je crois que cela a été un très beau défilé, où nos militaires ont eu à cur de montrer aux Français l'excellence de leur présentation ; comme ils auront montré tout au cours de cette année le grand professionnalisme avec lequel ils faisaient face à toutes les situations, souvent difficiles.
Jean-Claude NARCY : Cette armée est-elle conforme à celle que vous aviez décidée, il y a un an, avec le chef de l'Etat ?
L'objectif c'est l'armée 2015. Chaque année nous nous rapprochons de cet objectif, aussi bien en ce qui concerne les matériels qu'en ce qui concerne les personnels. Pour les personnels, le chef de l'Etat avait souhaité une professionnalisation des armées. Vous avez vu effectivement au cours de ce défilé, et ce n'était qu'une image de l'action générale des militaires, que ce sont de vrais et de grands professionnels dont nous pouvons être fiers.
Comment fonctionne le recrutement ?
Le recrutement se fait et se fait bien, je tiens à le dire.
C'est 30.000 par an, est-ce bien cela ?
30.000 par an, c'est ce qui est prévu jusqu'en 2015. Il y a un grand renouvellement, et la satisfaction que je peux avoir c'est que nous avons aujourd'hui en moyenne à peu près deux candidats pour chaque poste. Ce qui prouve bien qu'il y a, notamment de la part des jeunes français, une adhésion aux armées et à leur état d'esprit, et en même temps une connaissance de plus en plus grande de ce que peut apporter l'armée, c'est-à-dire une formation et une véritable capacité de promotion sociale.
Charles VILLENEUVE : Vous avez obtenu une bonne progression, 7 % de plus dans le cadre de la loi de programmation militaire ; vous avez du entendre sans doute le chef d'Etat major des armées, le général BENTEGEAT, qui disait sur France INTER qu'il fallait à tout prix que cette loi de programmation militaire s'applique dans son budget, afin que l'armée française ait un bon niveau d'entraînement et un bon niveau évidemment de matériels. Est-ce que vous croyez que le ministère de l'Economie et des Finances ne va pas finalement un peu piller votre budget par les temps qui courent ? On sait que la mode est à la rigueur budgétaire
La loi de programmation militaire et sa stricte exécution sont la volonté du président de la République, il l'a rappelé hier au cours de son allocution au ministère de la Défense. C'est également la volonté du gouvernement. La loi de programmation militaire sera appliquée dans son intégralité.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 30 juillet 2003)
Xavier LAMBRECHTS :
Madame le ministre de la Défense, merci d'avoir accepté notre invitation sur TV5. Le 14 juillet, l'armée française est à l'honneur, c'est bien le moins, une armée déployée aux quatre coins du monde en ce moment. A côté des bases permanentes, la France a envoyé des soldats ces dernières années, entre autres, en Bosnie, au Kosovo, en Macédoine, en Afghanistan, en Côte d'Ivoire, et plus récemment en République démocratique du Congo. Est-ce la confirmation, Madame Alliot-Marie, que finalement aujourd'hui comme hier, il n'y a pas de puissance et d'influence dans le monde sans une défense forte ?
Michèle ALLIOT-MARIE :
Bonjour. La France est une puissance mondiale, elle est membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, et il est important qu'elle ait les moyens de mettre en uvre ses décisions politiques, de soutenir ses valeurs, de défendre aussi ses ressortissants et ses intérêts. Il était donc indispensable de faire un effort de renouveau de la Défense nationale qui avait pâti des diminutions de crédits au cours de ces dernières années, au point que nous avions du mal à faire voler un pourcentage suffisant de nos appareils aériens. La loi de programmation militaire, voulue par le président de la République, qui est aujourd'hui sur de bons rails avec une augmentation importante des crédits budgétaires, nous permet de jouer ce rôle.
Vous répondez déjà par avance à ma deuxième question. Est-ce que l'Europe, et la France en particulier, dépensent assez pour leur défense ?
La France en la matière, a voulu montrer l'exemple, en quelque sorte. C'est vrai qu'elle avait régressé, sa part avait régressé, dans le produit national brut. Aujourd'hui, nous arrivons à un niveau qui est à peu près équivalent à celui de la Grande-Bretagne, mais il est vrai qu'un certain nombre d'autres pays européens sont à des niveaux beaucoup plus bas.
Il y a eu le 11 septembre 2001 () Aujourd'hui un seul chiffre : les Américains dépensent plus du double des 15 pays de l'Union européenne ensemble.
Ce n'est pas simplement un problème de comparaison. Le premier devoir d'un État, c'est de pouvoir défendre son territoire, ses citoyens, et ses intérêts. C'est la première règle. Il faut se donner les moyens nécessaires, c'est ce que fait la loi de programmation militaire pour la France, mais il est évident que le problème se pose pour tous les autres pays face aux risques, parce qu'aujourd'hui nous vivons dans un monde dangereux, un monde où il y a des crises régionales qui se multiplient. Vous avez cité celle des Balkans, vous avez cité un certain nombre de celles qui se déroulent en Afrique. Vous avez le Moyen Orient. Vous avez également une montée du terrorisme qui n'affecte pas simplement les Etats-Unis. Nous savons très bien que tout pays est susceptible de subir le terrorisme, nous l'avons vu sur notre territoire, nous l'avons vu à Karachi l'année dernière quand je suis arrivée, nous l'avons vu depuis à Bali, nous l'avons vu à Moscou. Il y a effectivement un véritable risque terroriste. Il y a également une prolifération des armes de destruction massive, qu'elles soient nucléaires, mais surtout bactériologiques ou chimiques, il faut pouvoir se défendre face à cela. C'est ce que je dis à mes collègues européens. Il faut que chacun fasse un effort.
Parlons d'Europe. Aujourd'hui, on peut dire qu'il n'y a pas de salut hors de l'Europe pour la défense, il faut une défense européenne commune.
L'Europe est une puissance économique. Pour être une puissance politique, elle doit avoir une défense capable effectivement de soutenir ses intérêts et ses idées.
Est-ce que vous seriez favorable, par exemple, à une véritable armée européenne ou c'est un leurre ?
Le problème n'est pas celui d'une armée européenne, le problème est de savoir si l'Europe a la capacité de déployer des troupes là où elle décide de le faire. Elle commence effectivement, puisqu'en Macédoine par exemple, c'est une opération de l'Union européenne qui a relevé l'Otan. En Ituri, au Congo, c'est une opération autonome de l'Union européenne. Donc nous sommes capables, effectivement aujourd'hui, de déployer des hommes, de déployer un commandement sur des théâtres d'opérations extérieurs, mais il faut pouvoir le faire davantage et c'est le travail auquel nous nous attelons avec mes collègues européens.
Alors vous parlez de force européenne, il faut savoir que la France va participer à deux forces, en fait, de réaction rapide, justement une force européenne qui sera opérationnelle : 60.000 hommes je pense, fin de cette année
Fin de cette année, oui.
Et puis aussi une force de l'OTAN. Alors est-ce qu'il n'y a pas, quelque part, une contradiction, un choix à faire entre les deux ?
Non, nous avons justement bien insisté sur ce fait qu'il s'agissait de forces qui étaient complémentaires, et en aucun cas rivales ou bien redondantes.
En terme géographique, par exemple en terme d'intervention d'endroits où elles peuvent se déployer ?
D'abord, il faut bien voir que l'OTAN a aujourd'hui besoin effectivement d'une force d'intervention rapide, parce que cela correspond à la nouvelle donne stratégique, aux nouvelles sortes de crises qui se produisent. La France est très favorable, le président de la République l'a dit, notamment à Prague, à ce que l'OTAN se dote d'une force d'intervention rapide.
Il a marqué son accord à la participation de la France.
Tout à fait. Par ailleurs, si l'Union européenne veut pouvoir intervenir, quand l'OTAN n'intervient pas, soit parce que les pays de l'OTAN ne le veulent pas ou parce qu'ils ne le peuvent pas, il faut aussi que l'Europe puisse disposer d'une force d'intervention rapide. Bien entendu, il s'agit en partie des mêmes hommes. Il y a effectivement, un nombre très important de militaires qui sont susceptibles d'être mobilisés dans le cadre de cette force d'intervention rapide, et en fonction des besoins. Suivant les cas, cette intervention peut se réaliser dans un cadre OTAN, comme elle pourra l'être dans un cadre Union européenne. Mais il ne doit pas y avoir de préemption, c'est-à-dire que si l'Union européenne en a besoin, l'Union européenne pourra effectivement mettre en uvre ces militaires.
Où en sont les relations franco-américaines, aujourd'hui, en matière de défense ?
En matière de défense, de temps en temps j'exprime un désaccord avec mon collègue américain, M. Rumsfeld, qui ne comprend peut-être pas toujours l'intérêt qu'il peut y avoir à écouter des gens qui connaissent bien le terrain, qui connaissent les réactions psychologiques des uns et des autres.
Je constate cependant que les militaires français et américains, qui sont sur un certain nombre de théâtres d'opérations ensemble, en Afghanistan, en Bosnie, dans les Balkans, ou par exemple à Djibouti, travaillent dans la meilleure entente et avec beaucoup de signes très cordiaux de la part des militaires américains.
Même si on a parfois l'impression, vous me direz si je me trompe, que les deux pays ou que l'Europe et les États-Unis agissent parfois plus en concurrents qu'en alliés ? Est-ce qu'il n'y a pas quand même quelque part une cassure historique qui s'est produite, là ?
Je ne crois pas. Les États-Unis sont nos amis et ils sont également nos alliés. Nous sommes alliés parce que nous partageons les mêmes valeurs fondamentales et nous partageons également les mêmes risques. Il peut y avoir parfois des désaccords, mais ils portent sur des méthodes plus qu'autre chose. Il faut que chacun respecte l'autre. Être allié, c'est savoir écouter l'autre, c'est savoir respecter aussi son opinion, et c'est surtout avoir la confiance comme base des relations.
Madame la ministre, vous avez beaucoup voyagé ces derniers mois, surtout en Asie d'ailleurs. Est ce que l'Asie, représente une priorité dans la politique française de Défense ?
Dans ce monde dangereux, dont je parlais tout à l'heure, où il y a beaucoup d'incertitudes, il est très important que nous puissions avoir des échanges et des échanges stratégiques de réflexion et d'analyse sur les différents pôles régionaux importants. La Chine, et d'une façon générale les pays d'Asie, ont une connaissance précieuse pour nous parce qu'ils ont des liens de proximité notamment avec l'Asie centrale, avec l'Afghanistan, qui sont stratégiques. Il est évident que nous sommes préoccupés par la relation entre l'Inde et le Pakistan. Il est important, dans tous ces cas-là, de pouvoir effectivement échanger. Entretenir des relations internationales équilibrées, consiste à respecter les autres et avoir des échanges, qui soient aussi des échanges sur un pied d'égalité.
Vous revenez de Moscou, vous avez été en Russie plusieurs fois d'ailleurs ces derniers temps, là aussi, l'idée c'est de rééquilibrer, je dirais, face à l'hégémonie américaine, quelque part ?
Il ne doit pas y avoir d'hégémonie, parce qu'un monde hégémonique est toujours quelque chose de très dangereux, et de très fragile. Il faut donc des relations internationales qui existent sur la base des pôles multiples. Il y a un pôle asiatique, un pôle européen, un pôle africain, un pôle sud-américain, et un pôle nord-américain. Tout ceci doit nous conduire à avoir un dialogue qui soit un dialogue ouvert, un dialogue de confiance, et non pas sur la base de diktat. Il n'y a, encore une fois, pas la moindre rivalité avec les États-Unis. Il y a simplement des gens qui ont envie, ensemble, de participer à la création d'un monde qui soit plus juste et donc un monde plus sûr.
Parlons de l'Afrique, la France a déployé environ 4.000 hommes en Côte d'Ivoire. Il y a quelques jours, la fin de l'état de guerre a été officiellement proclamée dans ce pays, ce qui veut dire que la force française pourrait se retirer rapidement de Côte d'Ivoire ou c'est trop tôt ?
Pour l'instant, vous le savez, la force française n'est là qu'en fonction d'un mandat de l'ONU et en appui des forces de la CEDEAO. Pour l'instant, les forces de la CEDEAO nous demandent effectivement de continuer à les appuyer. Cependant, la France n'a pas vocation à demeurer, en dehors des troupes pré-positionnées que nous avons, et qui nous ont permis d'ailleurs au début du conflit de protéger nos ressortissants, d'extraire un certain nombre d'étudiants américains qui se trouvaient dans des zones de combat.
En revanche, on peut imaginer que si les troupes françaises se retiraient rapidement, il pourrait y avoir une reprise de la guerre aussi, la situation est encore très fragile en Côte d'Ivoire.
Encore une fois, nous sommes présents en Côte d'Ivoire à la demande de la communauté internationale, et notamment à la demande de la force de la CEDEAO. Nous estimons que c'est aux Africains, en premier lieu, de pouvoir intervenir dans des opérations de maintien de la paix, mais nous nous sentons aussi concernés. C'est la raison pour laquelle nous les appuyons.
J'imagine que votre réponse sera à peu près semblable concernant la République démocratique du Congo. Là, il y a un millier d'hommes, de soldats français qui sont dans la région de Bunia, en Ituri, dans l'est du Congo. Ils devraient partir à la fin du mois d'août.
C'est une mission temporaire, effectivement, qui a été faite à la demande de l'ONU, avec une résolution des Nations Unies. Nous demandons de renforcer la MONUC telle qu'elle est aujourd'hui, en attendant que les nouveaux contingents, venant notamment du Bengladesh, puissent venir. C'est une mission très définie dans son territoire, puisqu'il s'agit de Bunia et de l'aéroport, qu'il faut sécuriser. J'ajouterai que c'est en même temps une opération faite par l'Europe, mais une opération extrêmement difficile, dans un contexte très difficile, parce que nous avons en face de nous des milices qui sont intéressées par les richesses locales, qui sont composées aussi de gens très jeunes, soumis à la toxicomanie pour un bon nombre d'entre eux, très armés.
C'est une mission à haut risque dans un contexte de saison des pluies, donc avec des accès très difficiles.
Ma dernière question concernera toujours l'Afrique. Quelle est votre vision de l'Afrique, parce que l'Afrique pourrait être un Eldorado, c'est souvent une situation dramatique plutôt qu'on a à relater dans les journaux télévisés. Quelle est votre vision de l'Afrique, je dirais aujourd'hui et dans un avenir proche ?
L'Afrique a effectivement beaucoup de capacités, beaucoup de perspectives qui sont celles de ses richesses naturelles, celles de la richesse de ses hommes et de ses femmes aussi. Le problème, c'est qu'aujourd'hui, l'Afrique est confrontée à un risque qui est celui de l'éclatement ethnique et des rivalités ethniques.
Donc vous n'êtes pas très optimiste, à vous entendre.
Je suis inquiète, c'est vrai, pour un certain nombre de pays. Je crois qu'il est important que tous ceux qui ont une vision de l'Afrique à la fois positive et surtout qui veulent le développement de l'Afrique et la paix en Afrique puissent se regrouper pour faire cela. C'est ce que nous essayons de faire à travers les forces locales telles que celles de la CEDAO. Nous essayons d'y contribuer par le système RECAMP qui nous permet à la fois d'équiper et de former ces forces. Vous savez, nous avons une histoire commune avec l'Afrique, nous avons des liens culturels, et des liens affectifs. Ce que nous souhaitons, c'est que dans le siècle prochain l'Afrique puisse tenir toute sa place.
Xavier LAMBRECHTS
Madame ALLIOT-MARIE, merci, merci beaucoup d'avoir été l'invitée de TV5.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 30 juillet 2003)
Annette Ardisson :
Bonjour, Madame la ministre.
Michèle Alliot-Marie :
Bonjour.
Ce 14 juillet est placé sous le signe des forces françaises en action, c'est elles qui seront à l'honneur sur les Champs Elysées. Balkans, Afrique, Afghanistan, on en a un peu partout Où nos soldats sont-ils le plus en danger ?
Nos soldats sont dans des situations difficiles dans pratiquement tous les endroits. Je dirais que cela se présente simplement sous des formes différentes. Il est évident que, au Congo, en Ituri, nous avons là une mission extrêmement difficile, par son contexte, par les milices que les soldats ont en face d'eux, fréquemment composées de jeunes, très souvent drogués et surarmés. C'est une mission difficile. Regardez ce qui se passe également en Afghanistan où les soldats sont au nombre de 500, sans compter ceux qui sont en train de former l'armée nationale afghane, ils sont aussi dans un contexte extrêmement difficile.
Qu'est-ce qu'ils font ? Parce qu'on ne sait pas très bien ce qu'ils font, ces 500 soldats qui travaillent avec les Américains.
Ces 500 soldats sont parmi les forces de la FIAS, c'est-à-dire que, dans Kaboul et les environs, et notamment à l'aéroport de Kaboul, ils contribuent à obtenir une situation de sécurité qui permet au gouvernement afghan de se constituer et de faire fonctionner à peu près normalement les institutions. C'est une mission qui est difficile : ils sont loin de leur famille, il y a de plus en plus d'attentats Nous constatons donc là qu'il s'agit de troupes qui ont un rôle important. Et puis dans les Balkans, il ne faut pas négliger le fait que, même si la situation s'est considérablement apaisée, nous sommes toujours à la merci d'un incident grave qui fasse redémarrer les choses. Cela implique, de leur part, beaucoup de maîtrise et en même temps beaucoup d'attention. Ils font preuve de leur professionnalisme. Vous me permettrez d'ajouter à tous ces soldats, les 38 000 soldats que nous avons hors de métropole, dont un certain nombre dans les actions que vous avez mentionnées, mais aussi les militaires qui ont participé à la lutte contre les catastrophes naturelles - n'oublions pas en particulier les inondations du Gard et malheureusement la pollution liée au Prestige. Là aussi, les militaires ont été engagés aux côtés d'autres forces, et eux aussi vont être mis à l'honneur aujourd'hui.
Alors, pour rester sur les missions extérieures : 38 000 hommes, 700 millions d'euros pour l'année 2003, est-ce que ce n'est pas beaucoup pour un pays comme le nôtre soumis quand même à des restrictions budgétaires et dont la professionnalisation est en cours ?
Nous sommes l'une des rares puissances membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU. Cela nous donne des obligations. Elles dépassent notre obligation naturelle, qui est celle de tout État, consistant à protéger notre territoire et à protéger nos ressortissants et nos intérêts, où qu'ils se trouvent dans le monde. Nous avons également à tenir nos engagements internationaux. Alors, effectivement, il y a une situation économique difficile. Je crois que c'est à l'honneur de la France que de faire les efforts nécessaires pour pouvoir tenir son rang et pour pouvoir tenir ses engagements. Ce que nous souhaiterions, c'est que d'autres pays fassent peut-être un effort supplémentaire, notamment dans le cadre de la défense européenne.
Madame Alliot-Marie, jamais aucune loi de programmation militaire n'a été exécutée telle qu'elle était prévue.
Il faut bien un commencement à tout.
Est-ce que vous pensez que celle-ci échappera à la règle ?
Absolument. Il y a là une volonté très forte du président de la République, une volonté très forte du gouvernement. C'est la raison pour laquelle, contrairement à ce qui s'est parfois passé dans le temps, c'est vrai, la première année de la loi de programmation militaire, l'année 2003, est exécutée, sera exécutée dans son intégralité, et la loi de programmation militaire continuera d'être exécutée dans son intégralité.
Et les moyens dits " réservés " ?
Les réserves sont libérées au fur et à mesure des besoins. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle elles existent. Au ministère de la Défense, nous en avons toujours eu pour justement faire face à ces besoins en cours d'année. Et là, je constate effectivement que, sans difficulté, il y a libération des moyens réservés au fur et à mesure de notre demande.
Madame Alliot-Marie, des voix commencent à se faire entendre en France, et plus seulement aux États-Unis, pour demander que la France, précisément, donne un coup de main aux Américains en Irak, malgré tout. Alors, je sais que vous avez déjà dit que les conditions n'étaient pas réunies, mais est-ce complètement inimaginable si, vraiment, ils étaient en situation extrêmement difficile ? Après tout, on a répété aussi qu'ils restaient nos alliés
Je crois qu'il faut voir le problème de l'Irak du point de vue de la légalité internationale. Aujourd'hui, il y a une résolution des Nations unies qui est intervenue après la guerre d'Irak et qui fixe le mandat des différents pays pour favoriser la reconstruction de ce pays, pour aider le peuple irakien qui a beaucoup souffert en la matière. Dans ce cadre-là, nous sommes, bien entendu, prêts à aider à la reconstruction de l'Irak, mais il n'est pas question pour nous d'aller au-delà de ce qui est dit dans la résolution de l'ONU. Et, de toute façon, je note que les autorités américaines ne l'ont pas formulé non plus expressément ; et donc, aujourd'hui, je dis que ni sur le plan de la demande, ni sur le plan de l'encadrement juridique d'une telle action, il n'y a matière à s'interroger.
A propos des Américains, vous avez suivi naturellement la polémique sur les déclarations inexactes du président BUSH au mois de janvier dernier. Aujourd'hui, la France a-t-elle des doutes sur l'existence des armes de destruction massive en Irak ?
Nous avons toujours dit qu'il fallait que l'ONU, par l'intermédiaire des inspecteurs et des inspections, puisse vérifier s'il y avait ou non encore des armes de destruction massive en Irak. Il y en a eu, et nous le savons puisqu'elles ont été utilisées, notamment contre les Kurdes et parfois contre les Chiites. Mais est-ce qu'il en existe toujours ou est-ce qu'il en existait toujours ? Nous n'en savons rien. Ce que je constate simplement, c'est qu'elles n'ont pas, si elles existent, été utilisées au moment même où le gouvernement irakien était en grande difficulté.
Vous n'avez pas vraiment répondu à ma question sur des doutes
Écoutez, je crois que la meilleure chose pour lever les doutes, c'est que les inspecteurs de l'ONU puissent aller voir sur place ce qu'il en est, ce que nous disons depuis le début.
Alors, revenons-en à notre 14 juillet. C'est l'EUROCORPS qui défilera en tête. Est-ce que ce corps ne sert pas, finalement, d'alibi à l'Europe de la Défense ? En dehors d'essayer de marcher d'un même pas, est-ce qu'il y a vraiment, opérationnellement, une Europe de la Défense ?
Oui, il y a aujourd'hui une Europe de la Défense, depuis peu de temps. Moi, je dirais qu'elle est née, finalement, le 1er avril de cette année, au moment où l'Union européenne a pris la relève de l'OTAN en Macédoine. Elle est aujourd'hui présente au Congo, car je rappelle que la mission temporaire qu'effectuent nos soldats sous mandat de l'ONU, au Congo, est une opération européenne, avec un commandement européen, avec une participation de plusieurs pays européens. Au cours des derniers mois, nous avons considérablement avancé dans la construction de l'Europe de la Défense. Cela se voit par les grands programmes dont vous avez entendu parler : le gros avion de transport A400-M qui, enfin, a vu le jour ; Galileo, qui est le système équivalent à celui du GPS ; mais également les missiles Meteor et puis surtout la décision de construire une sorte d'Agence européenne de l'armement qui va être inscrite dans la Convention. Je crois que ce sont là les éléments de départ d'une défense européenne qu'il faudra, bien entendu, développer, conforter, mais qui existe.
Mais enfin, pour l'instant, à part les Britanniques et nous, il y a peu de gens qui mettent la main à la poche.
Alors, c'est vrai que conforter l'Europe de la Défense, cela suppose aussi que d'autres pays fassent à l'instar de la France, de la Grande-Bretagne, de la Grèce aussi - ne l'oublions pas - un effort supplémentaire pour répondre aux besoins de la défense de leur population et de leur pays. Nous sommes dans un monde dangereux où on voit se multiplier les crises régionales en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie centrale ; où l'on voit monter le terrorisme, malheureusement, et nous l'avons connu sur le territoire européen ; où l'on voit également la prolifération des armes de destruction massive. Cela implique un effort de tous. La France montre l'exemple.
Madame Alliot-Marie, merci.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 30 juillet 2003)