Texte intégral
LE FIGARO. - Le rapport de la commission sur la gestion des entreprises publiques, que vous présidez, a suscité une polémique sur les intentions du gouvernement en matière de privatisation. N'est-il pas temps d'ouvrir clairement ce débat ?
Philippe DOUSTE-BLAZY. - Ce rapport ne vise en aucune manière à contester l'existence des entreprises publiques. Son objectif est d'éviter à l'avenir les erreurs de gestion du passé, qui ne sont d'ailleurs pas l'apanage du secteur public, comme on a pu le constater encore récemment avec Vivendi. Certains groupes publics sont même parfaitement gérés, mais d'autres ont pris des risques inconsidérés. Prenez l'exemple de France Télécom : comment a-t-on pu acheter Mobilcom et NTL pour près de 10 milliards d'euros sans en informer le conseil d'administration? Il s'agit, je vous le rappelle, de l'argent des contribuables, mais aussi des petits actionnaires. Pour EDF, le "hors bilan" représente 8,2 milliards d'euros, retraites non comprises! Nous avons assumé notre mission de contrôle, de vérité et aussi de proposition: le rapport suggère au gouvernement une série de mesures pour moderniser les relations entre l'Etat et les entreprises publiques et responsabiliser les acteurs, des dirigeants aux représentants de l'Etat actionnaire.
Que pensez-vous de la méthode choisie par Francis Mer pour privatiser des sociétés contrôlées par la Caisse des dépôts ?
Il ne s'agit pas d'une privatisation puisque la Caisse des dépôts sera un actionnaire minoritaire actif. Ne nous plaignons pas de voir se constituer un nouvel opérateur bancaire français de tout premier plan, permettant à la Caisse de disposer de nouvelles marges de manoeuvre et de redevenir le partenaire indispensable pour accompagner les projets de développement de l'Etat et des collectivités territoriales.
Au sein de la majorité et même du gouvernement, les avis divergent sur l'opportunité de poursuivre les baisses d'impôts dans le contexte économique actuel. Quelle est votre position ?
Il manque un point de croissance à la France par rapport à ses principaux voisins européens. Le devoir du gouvernement et de sa majorité est de créer les conditions économiques qui vont nous permettre de rattraper ce retard. Il faut continuer la baisse des prélèvements obligatoires pour stimuler la consommation, augmenter le pouvoir d'achat des Français et créer de l'emploi. La baisse des charges sociales sur les bas salaires est le seul moyen de rendre les revenus du travail plus attractifs que ceux de l'assistance et c'est un réel levier pour soutenir la consommation des ménages. Quant à la baisse à 5,5 % de la TVA dans la restauration, elle sera créatrice d'emplois, comme elle l'a été dans le bâtiment.
Après les retraites, le gouvernement va s'attaquer à la rentrée au sauvetage de l'assurance - maladie. Pourra-t-il, comme Jacques Chirac l'a promis, éviter d'augmenter les prélèvements obligatoires ?
Notre système de santé est l'un des meilleurs du monde, mais aussi l'un des plus chers. C'est parce que nous refusons une médecine à deux vitesses qu'il est indispensable d'améliorer la gestion actuelle de l'assurance maladie. Il faut responsabiliser les usagers comme les professionnels de santé pour aller vers la régulation médicalisée des dépenses, en accord avec les syndicats médicaux qui y sont prêts - ils l'ont prouvé par le passé. L'hôpital public, source de près de la moitié du déficit de l'assurance - maladie, ne peut s'exonérer de cet effort. Ses coûts doivent être évalués, ce qui suppose l'instauration dans le public de la tarification à la pathologie déjà pratiquée par les hôpitaux privés. Il n'est pas normal qu'une appendicectomie, par exemple, coûte 35 % plus cher dans le public que dans le privé.
Les restrictions budgétaires risquent de rallumer la crise dans l'Education nationale. Si vous étiez à la place de Luc Ferry, quelles mesures prendriez-vous en priorité ?
Etre à sa place est d'autant moins d'actualité que Luc Ferry, ainsi que Xavier Darcos, sont des ministres courageux et déterminés à résoudre les problèmes auxquels notre système scolaire est confronté. Le budget de l'Education nationale mérite naturellement toute notre attention, mais une approche uniquement budgétaire ne permettrait pas d'atteindre les quatre objectifs qui me semblent aujourd'hui prioritaires. Le premier, c'est l'égalité face aux acquisitions élémentaires que sont la lecture, l'écriture ou le calcul et sans lesquelles, comme le disait déjà Condorcet, il n'y a pas d'accès aux libertés publiques! 20% des enfants ne maîtrisent pas l'un des trois savoirs fondamentaux de l'entrée en 6eme. Cette situation est intolérable.
Comment y remédier ?
En n'attendant pas que l'enfant ait 11 ans pour repérer le problème, qui doit être identifié et traité par l'école primaire. Ensuite, il faut viser l'égalité face à l'orientation, ce qui suppose de véritables parcours éducatifs personnalisés. Seulement 10 % des enfants rencontrent aujourd'hui un conseiller d'orientation! Troisième objectif, l'égalité face à l'emploi ou comment ouvrir l'école aux métiers. Il faut en finir avec le paradoxe qui veut qu'en France, les filières d'excellence comme les écoles de commerce, d'ingénieurs, ou l'ENA pratiquent depuis toujours l'enseignement en alternance, et qu'on refuse ce double enseignement théorique et pratique à ceux qui se destinent à des matières manuelles. Enfin, un effort doit être fait dans l'aide que notre nation apporte à nos universités et donc à nos étudiants.
La décentralisation peut-elle être poursuivie après les échecs des tentatives du gouvernement dans l'Education et en Corse ?
Permettez au maire de Toulouse de croire à la décentralisation, c'est-à-dire au rapprochement entre les citoyens et ceux qui prennent les décisions qui les concernent. Vous parlez d'échec en Corse: si l'on recourt à une consultation locale, il y a succès dès lors que les électeurs se déplacent massivement, comme ils l'ont fait pour ce référendum. Il ne s'agit pas de leur imposer une solution, mais de suivre leur volonté. Il faut s'habituer à la démocratie de proximité. C'est le véritable acte II de la décentralisation que nous attendons depuis 1982.
Pour les régionales de 2004, quel serait le compromis acceptable avec l'UDF ?
Notre position demeure celle de la main tendue et du partenariat. Je constate d'ailleurs que beaucoup d'élus locaux de l'UMP et de l'UDF travaillent déjà ensemble. Je suis sûr que le bon sens et la réalité du terrain sauront, s'il le faut, s'imposer aux appareils nationaux! Je suis donc confiant dans la possibilité d'un accord avec l'UDF, à condition bien sûr que chacun des signataires soit prêt à soutenir le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.
(Source http://www.u-m-p.org, le 21 juillet 2003)
Philippe DOUSTE-BLAZY. - Ce rapport ne vise en aucune manière à contester l'existence des entreprises publiques. Son objectif est d'éviter à l'avenir les erreurs de gestion du passé, qui ne sont d'ailleurs pas l'apanage du secteur public, comme on a pu le constater encore récemment avec Vivendi. Certains groupes publics sont même parfaitement gérés, mais d'autres ont pris des risques inconsidérés. Prenez l'exemple de France Télécom : comment a-t-on pu acheter Mobilcom et NTL pour près de 10 milliards d'euros sans en informer le conseil d'administration? Il s'agit, je vous le rappelle, de l'argent des contribuables, mais aussi des petits actionnaires. Pour EDF, le "hors bilan" représente 8,2 milliards d'euros, retraites non comprises! Nous avons assumé notre mission de contrôle, de vérité et aussi de proposition: le rapport suggère au gouvernement une série de mesures pour moderniser les relations entre l'Etat et les entreprises publiques et responsabiliser les acteurs, des dirigeants aux représentants de l'Etat actionnaire.
Que pensez-vous de la méthode choisie par Francis Mer pour privatiser des sociétés contrôlées par la Caisse des dépôts ?
Il ne s'agit pas d'une privatisation puisque la Caisse des dépôts sera un actionnaire minoritaire actif. Ne nous plaignons pas de voir se constituer un nouvel opérateur bancaire français de tout premier plan, permettant à la Caisse de disposer de nouvelles marges de manoeuvre et de redevenir le partenaire indispensable pour accompagner les projets de développement de l'Etat et des collectivités territoriales.
Au sein de la majorité et même du gouvernement, les avis divergent sur l'opportunité de poursuivre les baisses d'impôts dans le contexte économique actuel. Quelle est votre position ?
Il manque un point de croissance à la France par rapport à ses principaux voisins européens. Le devoir du gouvernement et de sa majorité est de créer les conditions économiques qui vont nous permettre de rattraper ce retard. Il faut continuer la baisse des prélèvements obligatoires pour stimuler la consommation, augmenter le pouvoir d'achat des Français et créer de l'emploi. La baisse des charges sociales sur les bas salaires est le seul moyen de rendre les revenus du travail plus attractifs que ceux de l'assistance et c'est un réel levier pour soutenir la consommation des ménages. Quant à la baisse à 5,5 % de la TVA dans la restauration, elle sera créatrice d'emplois, comme elle l'a été dans le bâtiment.
Après les retraites, le gouvernement va s'attaquer à la rentrée au sauvetage de l'assurance - maladie. Pourra-t-il, comme Jacques Chirac l'a promis, éviter d'augmenter les prélèvements obligatoires ?
Notre système de santé est l'un des meilleurs du monde, mais aussi l'un des plus chers. C'est parce que nous refusons une médecine à deux vitesses qu'il est indispensable d'améliorer la gestion actuelle de l'assurance maladie. Il faut responsabiliser les usagers comme les professionnels de santé pour aller vers la régulation médicalisée des dépenses, en accord avec les syndicats médicaux qui y sont prêts - ils l'ont prouvé par le passé. L'hôpital public, source de près de la moitié du déficit de l'assurance - maladie, ne peut s'exonérer de cet effort. Ses coûts doivent être évalués, ce qui suppose l'instauration dans le public de la tarification à la pathologie déjà pratiquée par les hôpitaux privés. Il n'est pas normal qu'une appendicectomie, par exemple, coûte 35 % plus cher dans le public que dans le privé.
Les restrictions budgétaires risquent de rallumer la crise dans l'Education nationale. Si vous étiez à la place de Luc Ferry, quelles mesures prendriez-vous en priorité ?
Etre à sa place est d'autant moins d'actualité que Luc Ferry, ainsi que Xavier Darcos, sont des ministres courageux et déterminés à résoudre les problèmes auxquels notre système scolaire est confronté. Le budget de l'Education nationale mérite naturellement toute notre attention, mais une approche uniquement budgétaire ne permettrait pas d'atteindre les quatre objectifs qui me semblent aujourd'hui prioritaires. Le premier, c'est l'égalité face aux acquisitions élémentaires que sont la lecture, l'écriture ou le calcul et sans lesquelles, comme le disait déjà Condorcet, il n'y a pas d'accès aux libertés publiques! 20% des enfants ne maîtrisent pas l'un des trois savoirs fondamentaux de l'entrée en 6eme. Cette situation est intolérable.
Comment y remédier ?
En n'attendant pas que l'enfant ait 11 ans pour repérer le problème, qui doit être identifié et traité par l'école primaire. Ensuite, il faut viser l'égalité face à l'orientation, ce qui suppose de véritables parcours éducatifs personnalisés. Seulement 10 % des enfants rencontrent aujourd'hui un conseiller d'orientation! Troisième objectif, l'égalité face à l'emploi ou comment ouvrir l'école aux métiers. Il faut en finir avec le paradoxe qui veut qu'en France, les filières d'excellence comme les écoles de commerce, d'ingénieurs, ou l'ENA pratiquent depuis toujours l'enseignement en alternance, et qu'on refuse ce double enseignement théorique et pratique à ceux qui se destinent à des matières manuelles. Enfin, un effort doit être fait dans l'aide que notre nation apporte à nos universités et donc à nos étudiants.
La décentralisation peut-elle être poursuivie après les échecs des tentatives du gouvernement dans l'Education et en Corse ?
Permettez au maire de Toulouse de croire à la décentralisation, c'est-à-dire au rapprochement entre les citoyens et ceux qui prennent les décisions qui les concernent. Vous parlez d'échec en Corse: si l'on recourt à une consultation locale, il y a succès dès lors que les électeurs se déplacent massivement, comme ils l'ont fait pour ce référendum. Il ne s'agit pas de leur imposer une solution, mais de suivre leur volonté. Il faut s'habituer à la démocratie de proximité. C'est le véritable acte II de la décentralisation que nous attendons depuis 1982.
Pour les régionales de 2004, quel serait le compromis acceptable avec l'UDF ?
Notre position demeure celle de la main tendue et du partenariat. Je constate d'ailleurs que beaucoup d'élus locaux de l'UMP et de l'UDF travaillent déjà ensemble. Je suis sûr que le bon sens et la réalité du terrain sauront, s'il le faut, s'imposer aux appareils nationaux! Je suis donc confiant dans la possibilité d'un accord avec l'UDF, à condition bien sûr que chacun des signataires soit prêt à soutenir le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.
(Source http://www.u-m-p.org, le 21 juillet 2003)