Interview de Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, à BFM le 28 août 2003, sur la perspective d'un arrêt de la liaison aérienne Londres-Strasbourg par la compagnie irlandaise Ryanair.

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Média : BFM

Texte intégral

Q - La ministre française des Affaires européennes, Noëlle Lenoir, bonsoir.
R - Bonsoir.
Q - Merci d'être sur BFM. Alors on rappelle évidemment que Strasbourg est encore et toujours la capitale de l'Europe avec un certain nombre d'institutions. Et si jamais Ryanair suspendait, comme il l'a annoncé, ses vols à partir du 25 septembre, cela pourrait faire terriblement désordre.
R - Ce serait regrettable. La décision n'est pas - vous l'avez dit - en vigueur puisque Ryanair a annoncé qu'elle quitterait Strasbourg le 24 septembre, donc nous avons encore le temps pour des discussions, et, je l'espère, pour la persuasion. Cela dit, il est tout à fait regrettable que la desserte de Strasbourg ne soit pas assurée convenablement. Strasbourg est une ville européenne, avec la présence du Conseil de l'Europe, et surtout du Parlement européen. Effectivement, un certain nombre de députés européens, les Britanniques et les Irlandais pour ne pas les citer, sont très critiques, et je dirais, inquiets.
Q - Alors cela veut dire d'ailleurs, si l'on retient cette date du 25 septembre, on sera en pleine session du Parlement européen, au premier jour d'ailleurs de la session de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Donc il faut d'une manière ou d'une autre que toutes ces personnalités, tous ces acteurs de la vie européenne, puissent prendre un moyen de transport entre Londres et Strasbourg pour assurer correctement leur travail.
R - Tout à fait. Le gouvernement, le Premier ministre l'a indiqué très clairement, il souhaite que le Parlement européen soit accessible, ce qui implique que tous les parlementaires européens, qu'ils viennent d'ailleurs de Riga, de Vilnius, de Londres ou de Dublin, puissent parvenir à Strasbourg en une matinée et pas plus. C'est notre objectif. Nous sommes très sensibilisés à l'affaire Ryanair. Ce matin, même M. Pat Cox, qui est le président du Parlement européen, m'a alertée sur les débats qui vont sans doute avoir lieu dans le cadre du Bureau du Parlement qui se réunit la semaine prochaine. Je n'ai pas l'intention de baisser les bras. Tout d'abord, je vais réunir une cellule opérationnelle qui sera animée par l'un de mes collaborateurs et comprendra tous les acteurs, c'est-à-dire non seulement la Direction de l'aviation civile, Air France et Ryanair, mais les élus, la Chambre de commerce et d'industrie, la préfecture de Région Je souhaite qu'une solution soit trouvée avant le 24 septembre. La France ne peut pas se permettre de se passer d'une liaison convenable entre Strasbourg et Londres.
Q - On précise d'ailleurs que si on parle de Ryanair, c'est parce que c'est la seule compagnie en ce moment, et à ce jour, qui assure justement cette liaison entre Strasbourg et Londres, parce que la filiale d'Air France Britair a renoncé justement depuis le 17 mai dernier à assurer une telle liaison. Est-ce qu'il n'était pas facile peut-être pour vous, Madame la Ministre, de passer un coup de fil tout simplement au président d'Air France - on sait que l'Etat est encore actionnaire d'Air France - pour lui dire : "Ecoutez, mettez-nous des avions à disposition pour permettre tout simplement le bon fonctionnement des institutions européennes à Strasbourg ?"
R - Le coup de fil à Air France a été passé, bien entendu. Le problème est délicat car la ligne Strasbourg-Londres est en principe rentable. La raison pour laquelle Britair, la filiale d'Air France qui assurait cette liaison, s'est retirée du jeu, c'est parce que sa rentabilité était devenue insuffisante, compte tenu de la concurrence nouvelle de Ryanair. Les entreprises publiques ont une certaine marge d'autonomie. Mais je souhaite effectivement sensibiliser Air France. Cela étant, un vrai problème de principe est posé dans cette affaire qui pour la première fois va donner lieu à une décision de justice, puisqu'on attend l'arrêt de la Cour d'Appel de Nancy : quelles sont les conditions dans lesquelles les sociétés "low cost" peuvent assurer des dessertes ? L'un des grands problèmes de l'Europe de demain, l'Europe élargie, c'est celui du désenclavement. Certainement ces sociétés y auront un rôle très important. Dans quelles conditions ? C'est le hic.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 août 2003)