Extraits d'une interview de Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, à RTL le 8 septembre 2003, sur la politique budgétaire française par rapport aux contraintes du Pacte de stabilité et la future Constitution européenne.

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Q - J'en viens à l'Europe, aux propos de Jean-Pierre Raffarin la semaine dernière. Pour lui, ce qui presse avant tout c'est de relancer l'emploi et non pas la réduction des déficits publics, comme il l'a dit. Cela a provoqué de nombreuses réactions. Je reviens en particulier sur celle de Valéry Giscard d'Estaing, qui explique que les responsabilités nationales ne sont pas détachées du cadre européen. Cela résonne comme une mise en garde de Valéry Giscard d'Estaing ?
R - Il faut raison garder. Je sais qu'on aime beaucoup, ici ou là, commenter les petites phrases. En réalité, que s'est-il passé ? Jean-Pierre Raffarin a pris la peine d'aller voir l'ensemble des commissaires pour présenter les projets de la France pour remédier aux déficits. Il n'a jamais - vous ne pouvez pas le prendre en défaut - remis en cause le Pacte de stabilité. Pourquoi ? D'abord, le Pacte de stabilité, c'est nous qui l'avons défini, c'est nous qui l'avons voulu. Ensuite, il s'agit d'un Pacte de stabilité et de croissance ce qui veut dire que s'il n'y a pas un minimum de coordination des politiques économiques entre les pays européens, on risque de fragiliser l'euro.
Q - Vous êtes en train d'amoindrir les propos de Jean-Pierre Raffarin ?
R - Je ne les amoindris pas. Il a encore dit ce week-end, en Italie où il était en visite, qu'il ne s'agissait pas de remettre en cause le Pacte de stabilité. Mais le pacte de stabilité - et la Commission en est consciente - n'est pas un couperet aveugle. Vous savez combien les traitements de choc administrés à certains patients peuvent avoir des conséquences tout à fait négatives et contre-productives.
Q - C'est peut-être les mots employés, quand il dit que son rôle n'est pas d'aller rendre "des équations comptables à tel ou tel bureau". On a vu en écoutant Pascal Lamy la semaine dernière, sur cette antenne, que cela ne lui faisait pas plaisir.
R - Je voudrais simplement dire une chose : c'est que les grands pays, pas seulement nous, mais l'Allemagne, l'Italie et aussi d'autres pays qui ont des taux d'endettement très élevés - la Belgique où j'étais vendredi, ainsi que le Portugal - ont de grandes difficultés pour réduire ces déficits. La conjoncture internationale est en effet défavorable à l'Europe. Cela dit, nous savons pertinemment que la solution, ce sont les réformes. Et ces réformes, nous les avons commencées et nous les continuons.
Q - D'accord. Mais est-ce que les mots employés auraient pu être différents, à votre avis ? Est-ce qu'il y a eu un minimum de non-diplomatie dans la façon de le dire ?
R - C'est vrai que le Pacte de stabilité n'est pas un instrument bureaucratique. Il doit être apprécié dans le cadre des relations de confiance, et je dirais même dans le cadre des négociations sur ces questions qui existent entre les Etats qui ont des difficultés et la Commission.
Q - Vous attendez-vous à avoir une période de difficultés dans la gestion des dossiers à Bruxelles ?
R - Non, pas du tout. J'y suis allé, comme je vous l'indiquais, vendredi. J'ai discuté avec la Commission...
Q - ...Et ça n'a pas été un petit peu houleux ?
R - Non, parce que l'Allemagne qui a comme nous des difficultés, comme nous de grandes rigidités, a présenté un plan - elle devait le faire en mai dernier - qui a satisfait la Commission. Néanmoins, comme vous le savez, les mesures proposées par nos partenaires allemands n'ont pas non plus toutes d'effets à court terme, mais également à moyen ou à long terme.
Q - Donc, vous ne craignez pas que la France finalement donne un mauvais exemple ?
R - Nous ne sommes pas isolés. Nous ne souhaitons pas l'être. Le 24 septembre prochain, le gouvernement rendra publics les arbitrages budgétaires et nos prévisions pour 2004, le plan - ce plan qu'on appelle "Agenda 2006" étant précisé. Je suis persuadée que toute la discussion d'aujourd'hui sera un très lointain souvenir.
Q - On ira jusqu'à quel pourcentage du déficit dans ce budget ?
R - Le déficit cette année est de 4 %, ce qui est trop, effectivement. Je peux vous apporter deux éléments très importants : premièrement, par rapport au projet de loi de finances initial pour 2003, nous n'avons pas dépensé un euro de plus. C'est-à-dire qu'il y a eu une maîtrise budgétaire qui est - je dois dire - extrêmement rare dans l'histoire des finances publiques en France et aussi dans les autres pays. De plus, l'an prochain, comme Francis Mer l'a encore indiqué ces derniers jours, nous allons réduire les déficits structurels. Je ne peux pas vous donner les chiffres exacts. Il y aura une maîtrise des dépenses et il y aura dans le même temps un plan de croissance. Donc, nous pensons contenir la dérive actuelle.
Q - Grâce à ce qui a été décidé par rapport au Pacte de stabilité, notamment ?
R - Grâce à ce qui a été décidé et je dois dire - je voudrais le souligner ici -, qui aurait dû être fait il y a des années ! On ne peut pas imputer à ce gouvernement l'absence des réformes structurelles qui étaient nécessaires depuis bien longtemps.
Q - Vous avez remarqué - d'ailleurs, Alain Duhamel y faisait allusion - que les souverainistes, ceux qui sont hostiles au développement d'un pouvoir européen - Charles Pasqua, Philippe de Villiers - ont tous félicité Jean-Pierre Raffarin ce week-end ?
R - Oui. Je pense qu'il y a eu derrière ces félicitations un petit peu de facéties. Non, il ne s'agit pas de cela. Les règles européennes, en matière de Pacte de stabilité, sont bonnes pour nous. Le Premier ministre n'a pas dit le contraire.
Q - Est-ce que finalement, la meilleure solution, serait de repenser le Pacte de stabilité, de le rendre plus souple ?
R - Nous souhaitons que le Pacte soit appliqué de manière flexible. Mais c'est d'ailleurs ce que la Commission a déjà admis.
Q - Au prix d'une réforme ?
R - La communication de la Commission européenne, en novembre dernier, apporte déjà en effet une certaine flexibilité. Il faut ainsi maintenant que les Etats apportent la preuve que le plan qu'ils mettent en uvre permet de réduire les déficits structurels de 0,5 % par an. Et c'est ce que nous nous efforçons de faire. Par ailleurs, comme vous le savez, il y a une prise en compte de la situation des Etats. Il ne s'agit pas de casser la croissance. Pour la croissance, en France, que fait-on à l'heure actuelle ? Nous continuons à baisser les impôts pour la relance du pouvoir d'achat et pour redonner confiance. Nous allons aussi relancer l'investissement. Avec nos partenaires allemands, nous étudions avec la plus grande attention les propositions qui sont faites dans différents rapports pour financer des infrastructures qui sont d'intérêt européen.
Q - C'est dans le cadre franco-allemand, en vue du prochain Conseil des ministres ?
R - Bien sûr, et puis il faut la relance de l'emploi. S'il n'y a pas d'emploi, il n'y a pas de recettes ! Le déficit, en France, est surtout dû - en dehors des aspects structurels - aux rentrées fiscales insuffisantes parce que l'emploi n'est pas là. Et c'est ce à quoi nous voulons remédier.
Q - Où en est la Constitution qui a été mise au point par la Convention européenne sous l'égide de Valéry Giscard d'Estaing ? Il y a eu, apparemment, une réunion des ministres des Affaires étrangères, ce week-end, en Italie et une majorité de pays ont l'air de vouloir, à tout le moins, amender cette Constitution pour ne pas dire "rejeter".
R - Une majorité de pays veut également que cette Constitution aboutisse. Nous souhaitons, nous, Français, avec d'autres d'ailleurs, que la présidence italienne puisse finaliser les travaux d'adoption de cette Constitution européenne. Pour le reste, il y a en fait assez peu de problèmes, je puis vous le dire, qui seront mis sur la table. On les connaît, en gros : la majorité qualifiée - le calcul des votes à la majorité qualifiée qui ne plaît pas en l'état à nos amis espagnols -, et un certain nombre de problèmes que nous-mêmes sommes prêts à examiner pour des ajustements nécessaires. Par exemple : quel sera le statut exact du ministre européen des Affaires étrangères ? Cette fonction est une grande innovation qui a été retenue et qui a été voulue par la France.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 septembre 2003)