Déclaration de M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur l'étude et l'évaluation de l'impact de l'aide au développement, pour une plus grande efficacité de l'aide publique, en insistant sur la responsabilité des Etats et sur le renforcement du dialogue entre la société civile et les Etats, à Paris le 25 mars 2003.

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Circonstance : Séminaire "Partenaires en évaluation du développement, apprendre et rendre compte" à Paris le 25 mars 2003

Texte intégral

Bonjour,
J'ai tenu à ouvrir votre séminaire, votre atelier de travail pour montrer l'importance que le gouvernement français, et plus particulièrement ce ministère, attachait à vos travaux.
Je crois avoir compris que c'était la première fois qu'il y avait autant de monde dans une salle pour essayer ensemble de travailler sur un sujet majeur qu'est celui de l'évaluation de l'aide. Il est clair que dans ce domaine, comme dans tout autre domaine, la notion d'évaluation, la notion de quantification, de qualification sont des notions importantes pour qu'ensemble nous rendions compte de l'intérêt de ce que nous faisons et de l'efficacité de la manière dont nous travaillons.
Il y a dans cette salle beaucoup de monde, comme vous le savez sans doute :
- 40 états et agences d'aides des pays de l'OCDE,
- des représentants des pays accédant à l'Union européenne,
- 15 agences des Nations unies,
- les banques de développement multilatérales,
- le Fonds monétaire International,
- et de nombreux représentants de la société civile, que ce soient des ONG internationales, ou plus ciblées sur un pays, des fondations privées, des organisations syndicales dont je tiens à saluer l'implication même si elle est plus récente car je crois que le sujet que vous aller traiter, le sujet de l'aide et de l'efficacité de cette aide, est un sujet majeur qui doit impliquer la totalité des parties prenantes de notre monde économique ;
- Il y a bien sûr des professionnels de l'évaluation de l'hémisphère Sud avec des représentants venant de l'Afrique et de l'Amérique latine ; je remercie les Coopérations qui les ont aidé à venir.
Je ne terminerai pas cette présentation sans remercier tous ceux qui directement ou indirectement nous ont aidé à bâtir cette réunion à travers des coopérations directes ou indirectes.
Alors, de quoi parlons-nous ? Nous parlons d'aide, et je voudrais rappeler la manière dont, en tant que président français du G8 nous souhaitons orienter nos réflexions dans ce domaine. Nous avons quatre thèmes majeurs, dont trois seront repris dans votre atelier. Les quatre thèmes c'est :
- la solidarité, et notamment le partenariat pour le développement du sud (et particulièrement de l'Afrique) et pour l'accès de tous à l'eau.
- Le deuxième thème c'est la responsabilité, la responsabilité des Etats du nord et du sud, la responsabilité des acteurs économiques et notamment des entreprises.
- Le troisième thème c'est la sécurité qui n'est pas directement à l'ordre du jour mais qui fait l'objet de beaucoup de réflexion dans les travaux du G8 de fin février et qui continuera à faire l'objet de réflexion dans les travaux ultérieurs. Sécurité, ça veut dire terrorisme, ça veut dire armes de destruction massive, c'est un sujet qui est particulièrement à l'ordre du jour actuellement,
- le quatrième thème, c'est que tout ceci doit se faire dans un contexte de dialogue soutenu entre la société civile et les Etats. Ça s'appelle le dialogue démocratique.
Votre atelier est sensé au cours des deux jours, travailler sur trois de ces thèmes, notamment l'esprit de responsabilité pour montrer qu'au niveau tant des gouvernements que des entreprises, des améliorations sont nécessaires. La gouvernance des entreprises est à améliorer, mais cet objectif concerne aussi les Etats et les représentants de la société civile. Chacun doit uvrer pour améliorer la transparence et l'efficacité dans lesquelles cet esprit de responsabilité doit être développé.
En ce qui concerne le renforcement de la démocratie, il passera partout par un renforcement du dialogue entre la société civile et les Etats.
En ce qui concerne la solidarité, c'est bien sûr le premier thème, le thème prioritaire de notre G8, et il est évidemment au cur de vos préoccupations.
Qu'est ce que nous avons dit le 22 février quand nous nous sommes réunis dans cette salle au niveau du G7 finances ? Nous avons affirmé tous ensemble notre engagement de relever le défi de la pauvreté, et de consolider les résultats qui ont été déjà obtenus à Monterrey et à Johannesburg, en insistant sur la nécessité de mobiliser plus d'argent, pour parler simplement, mais aussi, et c'est le thème de votre atelier, d'améliorer l'efficacité de l'aide. Donc, peut-être de dépenser plus mais aussi de dépenser mieux, en fixant des objectifs quantifiés d'une manière ou d'une autre et, bien sûr, en s' orientant essentiellement vers des politiques axées sur la croissance.
Tous ces éléments nous ont permis de réaffirmer notre soutien aux objectifs du millénium pour le développement, notamment en matière de santé, d'éducation et d'eau. Nous avons aussi réaffirmé notre détermination pour nous occuper plus particulièrement des pays pauvres très endettés, ainsi que du Fonds mondial pour la santé, et nous avons particulièrement insisté sur la nécessité de penser aux pays africains à travers l'initiative du nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (le NEPAD). Et, bien sûr, nous avons rappelé la nécessité pour tous ces pays d'améliorer leur gouvernance et de nous démontrer l'efficacité de leur politique si nous voulons qu'ils nous encouragent à abonder cette politique.
Deux messages français en particulier dans ces domaines sont simples. Premièrement, même si nous sommes aujourd'hui l'un des principaux contributeurs de l'aide aux pays en développement, nous avons pris l'engagement et nous le tiendrons, quelles que soient les difficultés pour le tenir, de porter notre effort d'aide à 0,7 % du PNB préconisé par l'ONU, sachant que dans les cinq prochaines années, et dès 2003 nous avons commencé à le faire, nous visons un pourcentage de 0,5 %.
Deuxièmement, il est clair que nous partageons avec vous la nécessité d'améliorer l'efficacité de notre aide, l'efficacité de l'aide en générale, qui n'incombe pas seulement à ceux qui en bénéficient, mais aussi à ceux qui la délivrent.
Il faut donc, et ceci concerne la France mais aussi toute la communauté des pays développés, que nous concentrions notre aide de manière à avoir la conviction que cette aide n'est pas gaspillée, n'est pas dispersée, et qu'elle se traduit pas des résultats tangibles, des résultats mesurables, même s'il faut éviter la tentation qui consiste à oublier que dans les pays les plus pauvres, l'aide est une absolue nécessité.
Nous sommes aussi convaincus qu'une harmonisation des procédures est une condition non suffisante, mais en tout cas nécessaire, pour améliorer l'efficacité de l'aide. Il y eu à Rome une réunion le 25 février qui, je crois, a permis d'avancer dans cette voie en ce qui concerne cette harmonisation de l'aide des pays développés car elle doit permettre d'améliorer le rendement de notre aide en diminuant les charges administratives de gestion des aides multiformes qui sont aujourd'hui émises vers les pays bénéficiaires.
J'insiste sur ce point car il s'agit pour nous de créer les conditions pour que les frais généraux de mise en oeuvre de l'aide soient les plus faibles possible de manière à ce que le maximum arrive à destination. Au sein du comité d'aide au développement, nous avons proposé une recommandation sur cette coordination et cette harmonisation des pratiques des donateurs comme ce fut déjà le cas pour les pays les moins avancés, une recommandation qui devrait être intégrée dans les pratiques et les politiques de tous les pays. Nous avons aussi considéré qu'il est souhaitable que le comité d'aide au développement crée un groupe de travail pour mesurer l'efficacité de l'aide en relation avec tous ceux qui ont à en connaître, notamment les organes de l'ONU, ainsi que les banques multilatérales. Il faut que ce comité ait un mandat clair et il faut surtout qu'il ait un calendrier car on ne sait travailler bien que sous la pression du temps.
Il faut aussi, bien sûr, qu'il travaille en étroite collaboration avec le Groupe de travail sur l'évaluation de l'aide et, plus généralement, qu'il travaille avec l'ensemble de la communauté en matière d'évaluation.
Le troisième point et le quatrième point sur lesquels nous cherchons à avancer consistent à maximiser l'impact de cette aide et, pour la maximiser, il faut la mesurer, d'où la nécessité de mettre en place des moyens pour mesurer l'impact, ensuite procéder à ces mesures et enfin en tirer les conséquences. Tout ceci est simple dans le monde de l'entreprise au sens général du terme, c'est un peu plus compliqué dans les domaines qui nous intéressent. Ce n'est pas une raison pour ne pas trouver ensemble des moyens adaptés car, je le répète, la mesure permet l'efficacité. Il est clair que dans ce domaine je crois que la Banque mondiale continuera à jouer un rôle important de précurseur.
Enfin nous considérons que le développement doit tenir compte des impératifs de solidarité avec les générations futures d'où l'idée de développement durable et de préservation de l'environnement avec le cas particulier de l'eau qui est très probablement un des sujets sur lequel, avec le sida, nous devrions essayer de créer les conditions pour que l'efficacité de notre aide se traduise le plus rapidement possible par des progrès significatifs.
Comme vous le savez, peut être, Monsieur Camdessus a animé un groupe de travail international montrant l'ampleur des efforts que nous devrions réaliser pour obtenir et atteindre les objectifs du millenium, et c'est dans ce contexte là que nous avons encore, en tant que président du G8, l'intention de proposer à nos partenaires à Evian en mai un plan d'action sur l'eau.
Vos objectifs, je les partage, ils se traduisent par la notion de redevabilité, c'est à dire, rendre compte, c'est un mot latin, n'oubliez pas. Cela se traduit par accountability en anglais. Je trouve que rendre compte, rendre des comptes à ceux qui ont accepté de faire un effort en pensant aux autres, me paraît une bonne traduction, c'est celle que vous n'avez pas retenue puisque vous avez parlé de "redevabilité" en français mais je pense que "rendre compte" fait mieux ressentir la puissance des mots, qui est derrière ce concept.
Autour des idées que vous avez développées, il est clair que cette nécessité de rendre compte est un complément indispensable à tous les systèmes d'audit qui existent non seulement pour les acteurs économiques non soumis aux lois du marché, mais aussi à tous les autres. Cette capacité de rendre compte doit être de qualité, elle doit être exercée de manière indépendante, et bien sûr répondre à quelques normes dont peut-être vous commencerez à préciser les contours lors de vos travaux.
Mais c'est aussi, comme nous l'avons compris, un moyen d'améliorer la capacité de l'aide publique et donc, nous attendons avec beaucoup d'intérêt votre capacité à imaginer ou à tenir compte de toutes les pratiques qui existent déjà dans ce domaine, pour qu' ensemble nous sortions de cet atelier avec des idées plus précises sur ce qu'il est nécessaire de faire pour améliorer notre aide, si nous voulons continuer à avoir un peu de générosité, un peu de courage, un peu d'audace. Tout ceci pour dire que si nous voulons pourvoir continuer à penser aux autres, il faut que nous ayons le sentiment de le faire d'une manière efficace.
Cette efficacité, cette idée de penser aider les autres, je crois que cela doit s'inscrire dorénavant dans un dialogue plus soutenu avec la société civile et bien sûr entre tous les Etats, d'où mon intérêt de voir que la société civile au sens large du terme est très bien représentée ici. J'exprime le souhait que, ensemble, vous puissiez avoir des travaux fructueux vous permettant à vous d'avoir le sentiment d'avoir appris et nous permettant à nous de bénéficier des résultats de ce que vous aurez appris ensemble.
Voilà les quelques mots que je voulais évoquer avec vous sur un sujet que vous connaissez de manière professionnelle mieux que moi, pour vous dire simplement que, et ceci est important, il y a derrière les thèmes sur lesquels vous travailliez beaucoup d'enjeux, et que plus on sera tous convaincus que nous savons de manière efficace mettre en oeuvre et mesurer les impacts de notre aide, plus nous aurons le courage et l'audace d'augmenter cette aide, car cette aide, qui ne remplace pas bien sûr la capacité et la nécessité pour ces différents pays de se prendre eux-même par la main, cette aide est et sera indispensable dans l'avenir si nous voulons bâtir non seulement un monde durable mais un monde vivable. Et, par conséquent, je suis très heureux d'avoir l'occasion ultérieurement, d'écouter de la part de mes collaborateurs le résultat de vos travaux car ils sont utiles, pas uniquement à vous, ils sont tous utiles dans un moment d'une histoire du monde particulièrement important avec tous les défis que nous avons relevés et avons à relever ensemble.
Je vous remercie de votre attention et vous souhaite une bonne journée. Merci.
(source http://www.minefi.gouv.fr, le 6 mai 2003)