Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, lue par Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, sur les enjeux du débat national sur l'énergie et sur les grands axes d'une politique énergétique durable, Paris le 18 mars 2003.

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Circonstance : Inauguration des premières rencontres du débat national sur les énergies sur le thème: "Quels nouveaux défis pour la politique énergétique ?", à Paris le 18 mars 2003

Texte intégral

Introduction
Nul n'aurait pu prévoir que le lancement du Débat national sur l'Energie coïnciderait avec l'entrée en guerre très probable des Etats-Unis contre l'Irak. C'est ce qui a empêché le Premier ministre d'ouvrir ce Débat comme il aurait aimé le faire, tant son attachement à cette initiative est grand. Je vous donne donc lecture du message introductif du Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin.
Le choix d'une politique énergétique est un enjeu majeur pour notre pays : il y va du bien-être quotidien de chacun, de notre compétitivité de demain, de notre capacité à inscrire notre développement industriel et économique dans une logique de développement durable et de solidarité nationale, de notre volonté de léguer aux générations futures une économie à la fois plus performante et plus respectueuse de notre environnement. Je suis heureux, en venant à votre rencontre aujourd'hui, de constater que vous êtes aussi nombreux à partager cette conviction et aussi engagés dans le débat que nous avons voulu ouvrir.
Ce grand débat sur les énergies, le Président de la République l'avait appelé de ses voeux au printemps dernier et j'en avais moi-même repris l'engagement dans mon discours de politique générale devant le Parlement. Je me réjouis que cet engagement trouve aujourd'hui sa traduction concrète à l'issue d'un important travail de préparation. Autour de Madame Fontaine, ministre déléguée à l'Industrie, les organisateurs se sont efforcés de se concerter largement avec les différents acteurs de cette grande consultation nationale : producteurs d'énergie et consommateurs, entreprises et associations, élus et experts.
Ma profonde gratitude et mes encouragements vont à l'ensemble de ceux d'entre vous qui s'impliquent dans ce processus de dialogue et d'échange qui est essentiel à notre cohésion nationale. Sans pouvoir être exhaustif, je voudrais plus particulièrement exprimer ma vive reconnaissance à Edgar Morin, Pierre Castillon et Mac Lesggy, qui ont accepté, à travers le comité des Sages qu'ils composent, de veiller à la pluralité et à l'équilibre du débat. Je voudrais aussi remercier Jean-Marc Jancovici pour sa présidence du comité consultatif, tâche difficile, et Jean Besson, député du Rhône, pour la mission qu'il conduit pour sensibiliser et recueillir les avis de ses collègues parlementaires et plus généralement des élus de la Nation.
La préparation du débat a parfois été un peu passionnelle, voire agitée, confirmant ainsi la forte attente des uns et des autres. Le gouvernement ne l'a pas conçu de façon fermée. D'une part, les sept rencontres qu'il organise lui-même ont pour maîtres mots l'échange et non l'information, la pluralité et non une ligne officielle. D'autre part, de nombreux autres colloques et conférences sur les différentes problématiques de l'énergie sont organisés dans toute la France pendant ces trois mois. Enfin, un site Internet est ouvert, avec la double fonction d'information et de dialogue, par des forums thématiques qui sont déjà actifs. Je veux ce matin vous assurer solennellement de ma détermination à ce que l'ensemble de ces débats permette l'expression du plus grand nombre. Leur teneur, et tout spécialement les propositions et suggestions qui s'y exprimeront, nourriront les réflexions du gouvernement et du Parlement pour préparer les décisions et orientations qu'ils devront arrêter à la fin de l'année. Je veux savoir ce que les Français pensent, connaître leurs attentes ou tout simplement leurs interrogations.
Le sujet de l'énergie nous concerne tous : sans énergie il n'y a pas de vie économique, ni de vie tout court. C'est aujourd'hui un poste important du budget des ménages et de nombreuses entreprises. Le secteur énergétique représente directement 3 % de notre PIB, 23 milliards d'euros d'importations et 200 000 emplois en France. Indirectement son impact est considérable, dans les services, comme par exemple le fonctionnement des chaufferies, et dans l'industrie. L'industrie automobile est le premier secteur industriel de notre pays, 1200000 emplois en dépendent, son avenir est étroitement lié à l'avenir de la donne énergétique de l'Europe.
L'importance capitalistique des investissements dans le secteur de l'énergie et leur durée de vie font que les décisions que nous allons préparer ensemble dessineront le paysage énergétique de nos enfants et petits-enfants. Ce sont des choix structurants qui nous projettent dans les années 2030-2040 - bien au-delà de toute échéance électorale. Dès lors, chacun de nous doit se sentir concerné et responsable, même si le rythme d'évolution de notre monde rend aujourd'hui la prévision à long terme sans doute plus complexe que jamais. Mais, pour resituer notre débat, revenons brièvement en arrière.
Evolution de la problématique
Les années 50 ont été marquées par le souci d'une énergie nationale et abondante : charbon et hydroélectricité, les années 60 par la recherche d'une énergie à meilleur marché : le pétrole. Les crises pétrolières des années 70 ont conduit à privilégier davantage l'indépendance stratégique et le rééquilibrage de notre balance commerciale. Ainsi les années 80 ont vu la montée en régime du parc électronucléaire et, de façon plus éphémère, des actions pour les économies d'énergie. Les années 90 ont été marquées par le processus d'ouverture des marchés énergétiques à la concurrence, avec ses vertus. Mais l'exemple de la Californie nous a montré à maints égards qu'une telle politique énergétique avait ses limites et que nous ne pouvions nous en contenter. Ce début du XXIème siècle se présente de façon plus complexe : aux problématiques précitées, qui conservent toute leur acuité, s'ajoute un double défi.
Tout d'abord, le XXIème siècle sera celui où les limites physiques de certaines ressources vont devoir nécessairement être intégrées. C'est notamment le cas du pétrole, dont les réserves prouvées ne dépassent guère trente ans et les réserves probables la fin du siècle. Bien avant cette échéance, et au-delà des cycles économiques ou des crises politiques, nous connaîtrons des tensions majeures liées à la très inégale répartition géographique des réserves énergétiques.
Par ailleurs, et au-delà du problème éthique de la consommation effrénée de réserves constituées sur l'ensemble du globe en plusieurs centaines de millions d'années, notre planète ne peut plus physiquement supporter des émissions de gaz à effet de serre sur le rythme d'évolution de ces cinquante dernières années. Les changements climatiques et la rupture de nombreux équilibres écologiques induiraient des dommages sans doute irréversibles, comme les experts internationaux du GIEC le soulignent. Nous sommes confrontés à l'impérieuse nécessité de mettre en oeuvre des politiques réelles de développement durable avec leurs trois composantes : économique, sociale et environnementale.
Je rappellerai simplement que pour plafonner à 450 PPM la teneur en gaz carbonique de notre atmosphère, nous devons globalement diviser par deux nos émissions d'ici 2050, ce qui devra sans doute se traduire pour nos pays développés par une division par un facteur 4 ou 5. C'est notre responsabilité individuelle et collective. Comme vous le savez, l'essentiel des émissions de gaz carbonique provient des consommations d'énergie. Voilà donc le cadre dans lequel nous devons inscrire nos travaux pour élaborer une politique énergétique durable. Comme le soulignait William Rees : " la connaissance de notre situation est une invitation au changement ".
Nous le savons et l'actualité nous le fait mesurer chaque jour : la problématique énergétique est fondamentalement planétaire. Néanmoins il nous appartient d'y apporter des réponses concrètes à chaque niveau : individuel, collectif, local, national, européen et mondial. Il n'est pas question pour moi d'être exhaustif sur les sujets dont vous allez débattre : je risquerais de vous lasser et je ne prétends pas avoir la compétence pour le faire. Les sept débats officiels et les nombreux débats parallèles permettront de couvrir largement le champ des attentes et préoccupations de nos concitoyens. Je voudrais simplement, ce matin, vous solliciter pour les dix semaines à venir, plus particulièrement sur six axes de changement qu'il me semble incontournable d'explorer.
Une approche globale et une intégration en amont des politiques publiques
Tout d'abord, la problématique du développement durable que je viens d'évoquer nécessite de ne pas aborder le sujet des énergies de façon isolée. Il ne s'agit pas d'un simple marché avec des ressources et une demande, sur lesquelles il serait possible de jouer isolément. Au contraire, le souci du développement durable, notamment dans ses composantes énergétique et environnementale, doit être intégré le plus en amont possible dans chacune des politiques publiques. Cette approche est celle de la stratégie nationale du développement durable que mon gouvernement est en train d'élaborer avec les représentants de la société civile.
Ceci explique aussi l'implication forte dans le déroulement du débat, au côté de la ministre en charge de l'énergie, Madame Fontaine, de ses collègues en charge de l'écologie et du développement durable, Mesdames Bachelot et Saïfi. Il convenait également d'y associer Gilles de Robien, compte tenu de l'importance des consommations d'énergie dans les transports et le résidentiel tertiaire : les deux tiers de la consommation nationale, et de leurs évolutions constantes à la hausse. La poursuite des tendances actuelles dans ces deux secteurs ne nous permettrait pas de tenir nos engagements du protocole de Kyoto pour 2010. Ces éléments soulignent l'importance de la mise en oeuvre rapide, au niveau national comme au niveau local, d'approches nouvelles et plus en amont sur des politiques aussi complémentaires que l'aménagement du territoire, l'urbanisme, le logement ou les infrastructures de transport.
La maîtrise de la demande
" Aucun problème ne peut être résolu sans changer l'état d'esprit qui l'a engendré ", écrivait Albert Einstein. Par rapport aux exercices habituels de prospective dans le domaine de l'énergie, je souhaite que l'importance la plus extrême soit apportée au deuxième axe, celui de la maîtrise de la demande en énergie. Certes, chacun a en tête les gaspillages quotidiens dans les contextes domestiques et professionnels. Il convient bien évidemment d'y remédier, le relâchement des comportements dans ce domaine étant patent depuis une quinzaine d'années.
Certains ne manqueront pas de souligner qu'une énergie abondante est facteur de prospérité, et que la croissance à laquelle nous aspirons tous s'accompagne toujours d'une augmentation des consommations d'énergie. Je souhaite m'inscrire en faux contre ce sophisme : ces observations du passé ne peuvent être des postulats pour l'avenir ! Dans d'autres domaines nous avons pu observer que la corrélation entre croissance et consommation n'est ni absolue ni irréversible. Au fil de l'Histoire et du progrès de notre société, il en a été ainsi pour la consommation d'espaces agricoles, puis de matériaux de construction puis d'acier. Je suis convaincu que le XXIème siècle doit et va être celui de l'information et de l'intelligence et qu'il verra notre demande énergétique s'infléchir puis baisser. Je suis persuadé que les économies d'énergie nous ouvriront des marges nouvelles de croissance.
Je vous invite à proposer, voire inventer les voies qui permettront de parvenir à cette croissance forte mais de plus en plus sobre en énergie. Ne nous voilons pas la face, la principale source d'économie sera d'abord une évolution profonde de nos comportements et de nos modes de vie. Y sommes-nous prêts ? Je le souhaite sincèrement. Au-delà de ce changement progressif d'attitude, de nombreuses pistes présentées dans le plan national de lutte contre les changements climatiques méritent d'être approfondies. Des gains importants peuvent sans doute être obtenus par un renforcement de l'isolation des bâtiments anciens, l'élimination progressive du marché des composants les moins performants, comme les simples vitrages. Il me semble d'intérêt national que la toute récente directive sur l'efficacité énergétique des bâtiments soit rapidement transposée et mise en oeuvre. L'information des consommateurs ne peut-elle pas être renforcée ?
- dans l'électroménager, en affichant au-delà des consommations leurs traductions financières en termes de coût sur dix ans de fonctionnement ;
- dans les logements, en rendant systématique la communication à l'acheteur ou au locataire des factures de chauffage, incitant ainsi les propriétaires à rénover et isoler leurs biens ?
- en matière de transport de marchandises, l'optimisation des flux semble encore pouvoir progresser notablement. Sur le sujet des transports, il m'apparaît indispensable que certaines propositions puissent être traduites d'ores et déjà en mesures effectives dans le plan d'action Climat qui sera arrêté au deuxième semestre 2003.
De même, sans doute convient-il d'ouvrir le débat sur la durabilité de certains produits : allonger leur durée de vie ne peut-il pas permettre de réduire tant les consommations d'énergie que de matières premières ? Les technologies les plus performantes peuvent-elles être davantage encouragées, comme l'exigence plus fréquente, notamment dans les marchés publics, du niveau " HQE ", haute qualité environnementale ?
Dans les entreprises, l'innovation doit être encouragée pour mettre au point des process moins consommateurs d'énergie, les progrès de la biotechnologie peuvent sans doute ouvrir la voie à des gains aussi importants que ceux que les catalyseurs ont permis en chimie. Les pistes sont nombreuses. Nous devons avoir l'ambition de nous y engager avec le formidable atout que constituent le talent de notre recherche nationale et les savoir-faire de nos concitoyens.
Energies renouvelables
La France a recours de façon très significative à l'hydroélectricité et de façon bien plus modérée que de nombreux pays européens aux autres énergies renouvelables. Il convient ici bien sûr de peser les avantages et les inconvénients de ces produits d'énergie souvent décentralisés : pas d'épuisement de ressources naturelles, guère d'émission de gaz à effet de serre, mais un coût souvent encore élevé et une insertion paysagère assez controversée. Ici encore plus qu'ailleurs, il apparaît indispensable de s'appuyer sur une vision à long terme pour définir notre politique dans ce domaine. Vision à long terme quant aux enjeux bien sûr, mais aussi quant à l'évolution de nouvelles filières, dont la compétitivité économique ne peut que se renforcer au fur et à mesure de leur développement.
Un investissement long et important a été consenti pour la filière nucléaire ; ne faut-il pas miser de façon analogue sur de nouvelles sources d'énergie ? C'est la raison pour laquelle Madame Fontaine a récemment arrêté une programmation pluriannuelle des investissements en matière de production d'électricité. Cette programmation de transition est légalement indispensable pour lancer dès cet été deux appels d'offre pour des installations de plus de 12 MW, l'un sur la filière bois-biomasse, l'autre pour de premières réalisations d'éoliennes off-shore, pour des mises en service d'ici 2007.
Une nouvelle programmation encore plus structurante sera établie après le grand Débat national, avec un horizon d'une dizaine d'années. La concertation locale sera bien évidemment un préalable au choix définitif et à la réalisation des projets. Cette démarche de portée limitée, quelques centaines de mégawatts, illustre la volonté gouvernementale d'avancer de façon beaucoup plus audacieuse sur les filières des énergies renouvelables. A quel rythme ? Suivant quelles filières ? Avec quels prix de production et quelle valorisation des avantages environnementaux ? Cela ne se décidera qu'après votre Débat et à la lumière des propositions que vous ferez.
En matière de filières, je souhaite que vous puissiez, au-delà des éoliennes et de la valorisation de la biomasse, éclairer les choix que nous devrons faire en matière de solaire - sujet sur lequel nous sommes sans doute très en deçà de notre potentiel pour le chauffage et la production d'eau chaude. Dans une optique plus prospective, vous pourriez débattre de l'avenir de l'hydrogène et des piles à combustible. Sont-elles à inclure dans les énergies renouvelables ou connexes à celles-ci ? Je pense que les réponses pertinentes que vous pourrez apporter renverront largement sur une évaluation globale de ces filières et notamment sur les filières énergétiques de production en amont des produits.
Energie nucléaire
Le quatrième axe est celui de nucléaire. Je n'en parlerai pas longuement, sachant qu'il ne risque en aucun cas d'être oublié. Je souhaite que ce sujet puisse être envisagé de manière moins passionnée et faire appel de part et d'autre aux éléments techniques, scientifiques et économiques les plus objectifs possibles.
Sur ces bases, le débat ne sera pas esquivé. Les avantages et inconvénients de cette filière doivent-ils conduire ou non au renouvellement du parc existant ? Si oui, partiellement ou totalement ? Suivant quelles filières technologiques : l'EPR ou un des réacteurs de quatrième génération ou des réacteurs de taille plus réduite plus facilement exportables dans des pays à faible réseau électrique ? Quelles exigences en matière de sûreté ? Quelles solutions pour le traitement et le stockage des déchets radioactifs ? Ces questions sont régulièrement posées et ne sont pas tabou. Vous serez tous écoutés : les décisions ne sont pas prises, elles ne seront pas précipitées. Comme pour les autres options de la politique énergétique, le gouvernement présentera ses propositions à l'automne au Parlement, dans un projet de loi d'orientation.
Des approches profondément rénovées pour une nouvelle politique énergétique globale
Ma cinquième invitation sera relative aux instruments de préparation et de mise en oeuvre d'une politique énergétique durable. Il nous est nécessaire de procéder différemment par rapport au siècle dernier. L'Etat ne peut plus et ne doit plus décider directement de la plupart des investissements. L'approche doit tout d'abord être plus globale, être celle du développement durable, telle que je l'ai évoquée tout à l'heure. La maîtrise de la demande doit ensuite être explorée en amont de la politique d'offre. Je redis mon attachement à cette chronologie intellectuelle et à cette stratégie énergétique. Fondamentalement, la plupart des choix seront directement exercés par les acteurs économiques, particuliers et entreprises. Il revient à l'Etat de fixer les règles du jeu pour réguler et orienter ces décisions déconcentrées. La régulation a été largement définie dans les lois gaz et électricité. Des adaptations seront sans doute à y apporter.
Parallèlement, il nous revient d'orienter les choix, non pas de façon partisane, mais pour que les conséquences des choix individuels soient le plus possible supportées par ceux qui les exercent : il s'agit d'internaliser les externalités, comme le préconisent les économistes. Comment peut-on faire évoluer en ce sens notre fiscalité et nos règlements ? Comment ajuster le système de permis d'émission, dont le cadre général vient d'être arrêté au niveau européen pour une première période de 2005 à 2007 ? Dans quelles conditions des " certificats verts " sur l'origine de l'électricité pourront-ils concourir positivement à la mise en oeuvre de notre politique énergétique ? Il y a là des sujets novateurs, mais cruciaux, sur lesquels vos propositions sont très attendues.
De façon connexe, nous ne pouvons pas définir une stratégie énergétique sans y intégrer l'emploi : l'emploi dans le secteur de la production et de la distribution d'énergie, avec notamment deux grandes entreprises nationales d'envergure européenne, EDF (Electricité de France) et Gaz de France (Gaz de France), qui évoluent chacune avec une logique industrielle forte et ambitieuse. Mais il s'agit aussi de l'emploi dans les autres secteurs, fournisseurs de matériels de production d'énergie et d'appareils ou de matériels consommateurs d'énergie. Une politique forte de soutien à la recherche-développement de ces secteurs doit être conduite. C'est pourquoi le gouvernement a inscrit le couple énergie-environnement comme l'une de ses trois priorités en matière de recherche. Là aussi, les orientations à mettre en oeuvre doivent être débattues.
Aux côtés d'entreprises d'envergure mondiale comme Total, Suez, Schlumberger, Technip-Coflexip, Alstom ou Areva, comment pouvons-nous faire émerger des leaders en matière de solaire, d'éoliennes, en matière de biomasse ? Comment, par exemple, préparer notre industriel de matériels de transport à garder son rang en concevant des produits qui porteront les marchés en 2010 et au-delà, en transport individuel ou collectif ? Enfin, sur l'ensemble de ces volets de la filière énergétique, des indicateurs d'avancement doivent être régulièrement et contradictoirement publiés.
Une gouvernance rénovée de la politique énergétique
Henri Bergson nous invitait à " ce que l'avenir ne soit plus ce qui va arriver, mais ce que nous allons en faire ". C'est pourquoi ma dernière proposition sera de vous demander de réfléchir au rôle des différents acteurs. Tout d'abord, l'Etat se doit d'être exemplaire. Or, je ne suis pas certain qu'il le soit toujours, par exemple en matière d'efficacité énergétique de ses bâtiments. Pour progresser, que doit-il changer ? J'ai demandé, entre autres, à l'ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie) de proposer une redéfinition de ses missions, de façon générale, mais aussi de façon plus particulière en ce qui concerne son appui à l'Etat pour qu'il soit réellement exemplaire. La contrainte budgétaire est très forte. Ce n'est pas une raison de différer des investissements rentables économiquement et écologiquement, au contraire. Au-delà de la fonction importante et spécifique que peut remplir la Caisse des Dépôts et Consignations, il convient d'explorer la voie des partenariats public-privé.
Ici comme ailleurs, l'ensemble des collectivités locales peuvent jouer un rôle déterminant. Elles y sont fortement encouragées. De même, dans la continuité de ce qu'à récemment proposé la députée Nathalie Kosciusko-Morizet, j'invite plus particulièrement les régions à engager, pour celles qui le souhaiteront, des politiques régionales marquées, propres à créer une dynamique fructueuse, tant au plan énergétique qu'économique. Telle région pourrait ainsi proposer de s'investir plus particulièrement sur le solaire, telle autre sur les véhicules propres ou encore sur les nouveaux matériaux ou les éoliennes.
En alliant compétences de laboratoires universitaires et publics, filières industrielles, exemplarité des acteurs publics, il me semble possible de dégager sur des filières bien identifiées des synergies gagnantes, comme cela a été fait dans des métiers industriels plus classiques. L'Etat sera prêt à soutenir et à accompagner des logiques de territoire, mariant l'efficacité énergétique et environnementale avec la création de produits et d'emplois. C'est un appel à de nouvelles ambitions qui leur est ici lancé.
Conclusion
Ce grand débat national, s'il va être un moment fort d'échange et une étape de la préparation d'une politique structurante pour notre pays, ne doit pas constituer un aboutissement, mais un point de départ, pour chacun, particulier ou entreprise, élus et pouvoirs publics, et bien évidemment les associations, dont le rôle citoyen est très important.
Je souhaite que vous proposiez, pour la poursuite de ce débat, une meilleure information de nos concitoyens, une sensibilisation aux enjeux dès l'école et surtout, des cadres de discussion autorisant une concertation dans la durée, sans doute avec des déclinaisons locales d'envergure. Ces discussions doivent être très ouvertes à l'ensemble de nos concitoyens, non pas pour que le présent débat s'éternise, car ne cela ne serait pas raisonnable, mais pour que la mise en oeuvre de la politique nationale qui sera arrêtée par le gouvernement et le Parlement, se décline, se mette en oeuvre, s'adapte aux spécificités des territoires et s'ajuste à des données économiques et environnementales qui évoluent sans cesse. Votre participation aujourd'hui, les nombreuses initiatives partenaires qui ont été prises en complément de ce que les ministères organisent, et la grande qualité de beaucoup des contributions déjà reçues, témoignent fortement de cette dynamique participative que je souhaite encourager et en laquelle j'ai confiance.
Avec Madame Fontaine, et ses collègues du gouvernement, qui sont associés au débat, Monsieur Mer, Madame Bachelot, Madame Saïfi, Madame Haigneré et Monsieur de Robien, je vous souhaite un travail à la fois serein et riche en confrontations d'idées et en propositions. Je souhaite avec le gouvernement débattre au fond avec vous. Chacun d'entre vous est déjà un acteur du domaine de l'énergie. Par votre participation à ce débat, vous pouvez devenir co-auteurs d'une politique énergétique durable, qui est une clé fondamentale de l'avenir de notre pays. Je connais votre sens des responsabilités, et je sais que vous sentez le vent de l'Histoire souffler autour de vous : je compte sur vous pour nous aider à réussir notre rendez-vous avec l'avenir.
" Plus puissante est l'intelligence générale, plus grande est sa faculté de traiter les sujets spéciaux " a écrit Edgar Morin, qui s'exprimera dans un instant, dans Les sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur. Gageons que toute l'intelligence que vous mettrez collectivement dans ce débat nous permettra de traiter comme il le mérite ce sujet si spécial qu'est l'énergie.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 1 avril 2003)