Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les députés,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec plaisir que je viens aujourd'hui devant votre Commission, faire avec vous le point de l'avancement du projet de loi d'orientation en faveur du monde rural, que je soumettrai à votre examen d'ici la fin de l'année. Celui-ci aura été auparavant présenté au Conseil des ministres et discuté dans le cadre d'une réunion du Comité Interministériel pour l'Aménagement et le Développement du Territoire (CIADT) présidée par le Premier ministre à la fin de l'été.
Voulu par le Président de la République et le Premier ministre, ce texte participe de la réponse que le Gouvernement veut apporter au " blues " des campagnes.
Le premier constat sur lequel il se fonde, c'est la diversité croissante du monde rural et des problèmes auxquels il est confronté. " La France se nomme diversité ", écrivait déjà Fernand BRAUDEL dans L'identité de la France. Tous les vingt ou trente kilomètres, un paysage cède la place à un autre, et la réalité de nos territoires ruraux est plus diverse que les Français ne l'imaginent souvent. Qu'y a-t-il désormais de commun entre les zones agricoles péri-urbaines dynamiques, mais dont les terres sont bousculées et soumises à la pression croissante de l'urbanisme commercial, celles en cours de repeuplement par les rurbains venus chercher à la campagne une qualité de vie qu'ils ne trouvent plus dans les métropoles urbaines et les communes qui continuent de connaître un déclin important. Bien peu de choses, en vérité, sinon parfois un sentiment d'abandon. Car cela fait de nombreuses années que le monde rural ne se trouve plus au coeur des préoccupations. Ainsi, les habitants du monde rural participent au progrès, mais moins que ceux des villes, et ils craignent souvent d'être perçus comme une charge pour la collectivité.
Cette coupure entre le monde des villes et celui des campagnes tient, je crois, à plusieurs raisons.
- La première est bien connue : l'agriculture n'est plus l'activité dominante du monde rural. Le manque de perspective, le développement de la valeur du non-travail et la baisse du nombre d'exploitations empêchent un renouvellement satisfaisant des générations et affaiblissent notre tissu rural. Les différences culturelles n'en sont que plus visibles. Où les Français comptent en mètres carrés, les agriculteurs comptent en hectares. Où les Français pensent formation pour leurs enfants et héritage, les agriculteurs pensent transmission du patrimoine. Le monde des campagnes conserve également un mode et des projets de vie largement différents de celui des villes. Ainsi, le lien du monde rural avec le reste de la société s'est-il progressivement érodé.
- La seconde, c'est que la façon dont on rend aujourd'hui compte des enjeux ruraux paraît inadéquate. On utilise trop souvent des concepts, des catégories, des équations qui traduisent peut-être des réalités économiques, communautaires ou internationales, mais pas celles de l'agriculture et de la ruralité telles que nos agriculteurs les vivent et nos concitoyens les perçoivent.
Le second constat, c'est que notre politique rurale n'a de sens que si elle est sous-tendue par une activité agricole vigoureuse. Car sans une agriculture puissante, il n'y aura pas de campagne dynamique. Même si, bien évidemment, nous devons aussi tenir compte des autres activités créatrices d'emploi dans le monde rural, j'entends que les agriculteurs puissent demeurer le " coeur battant " de nos campagnes.
L'exode rural massif que nous avons connu appartient au passé. Il est temps que nous mettions un terme à l'image misérabiliste du monde rural qui parfois subsiste encore dans les esprits. Il est temps que chacun prenne conscience que le monde rural est une chance pour la France.
Par le projet de loi que je soumettrai à votre examen, j'entends rendre au monde des villes et au monde des campagnes des perspectives communes. Car la France sombre trop souvent dans les divisions, et elle n'est jamais aussi faible que quand elle laisse subsister en son sein des querelles entre ses diverses composantes.
Pour assurer le succès de cette démarche, nous devons nous garder de deux écueils :
- le premier, c'est l'énumération à la PREVERT, avec son cortège de revendications, qui en ferait une " voiture-balai " de l'action de l'Etat dans les campagnes. Selon la belle formule d'Edgar PISANI, la société ne doit pas, en ce domaine, " substituer la norme au projet ". Car, la maîtrise de l'espace n'est pas une technique. C'est une politique ;
- le second, c'est le risque d'une opposition entre le monde rural et le monde urbain, entre la prise en compte des besoins du monde rural et le développement de ses activités agricoles.
Je souhaite, avant tout, que ce projet de loi et tous les dispositifs qui vont l'accompagner s'attachent aux préoccupations les plus concrètes du monde rural : lever les obstacles économiques propres au monde rural, favoriser les partenariats, encourager le développement des territoires ruraux les plus isolés, préserver et mettre en valeur le patrimoine naturel et bâti, favoriser - au nom de l'égalité des chances - l'accès de tous aux services, tels sont les objectifs qui me guideront dans la rédaction du projet de loi que je soumettrai à votre examen. Bien évidemment, il faudra aussi examiner la question foncière, et je serai sur ce sujet, qui touche à l'essentiel, particulièrement attentif à vos suggestions.
L'ensemble des services de mon Ministère sont désormais mis à contribution pour son élaboration. Des consultations sont conduites avec le monde associatif, les grandes associations d'élus locaux, généralistes (Association des Maires de France, Association des Régions de France, Association des Départements de France) ou spécialisées (Conseil National de la Montagne) et les organisations professionnelles. Des groupes de travail se réunissent sur les questions de la pluriactivité, des groupements d'employeurs, des sociétés d'économie mixte, de l'agriculture de groupe, de l'action sociale, de la politique en faveur de la montagne et du pastoralisme, des services au public, de la rénovation du patrimoine bâti, et de la protection des espaces agricoles péri-urbains. Une évaluation de l'impact des mesures d'exonération prises en faveur des zones de revitalisation rurale et des territoires ruraux de développement prioritaire issues de la loi PASQUA de 1995 est également conduite.
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les députés,
L'enjeu de notre action dépasse de beaucoup des considérations strictement techniques ou financières. Car ce qui est en cause dans ce projet de loi n'est rien de moins que la sauvegarde d'un modèle de civilisation, auquel nous sommes profondément attachés. Dans cette mission difficile, je sais pouvoir compter sur votre soutien ; vous pouvez, en retour, compter sur mon écoute attentive et mon attention la plus vigilante aux préoccupations dont vous me ferez part.
Je vous remercie.
(source http://www.agriculture.gouv.fr, le 9 mai 2003)