Texte intégral
Monsieur le Ministre,
Monsieur l'Ambassadeur,
Mesdames et Messieurs les professeurs,
Mesdames, Messieurs,
Soyez les bienvenus rue Descartes au Ministère de la Recherche et des Nouvelles Technologies!
Je suis particulièrement heureuse de vous accueillir dans ces murs où va se tenir pendant deux jours le Forum polonais de la Science et de la Technologie.
Cette manifestation, que nous avons, le professeur Kleiber et moi-même, décidé d'organiser lors de sa visite en France il y a tout juste un an, revêt à mes yeux une portée particulière.
D'abord parce qu'elle constitue l'ouverture ou plus exactement le prélude à la saison culturelle polonaise en France, "Nova Polska", qui se déroulera en 2004, au moment de la consécration de la nouvelle Europe élargie.
Prenant moi-même un peu d'avance sur cette saison polonaise, je profiterai des Journées du Patrimoine pour me rendre, le 21 septembre prochain, à la Bibliothèque Nationale et y admirer le manuscrit des fameux Carnets de Pierre et Marie Curie dans lesquels ils consignèrent leurs expériences et découvertes autour de la radioactivité.
Ces carnets, encore légèrement radioactifs, sont un témoignage particulièrement émouvant à la fois de l'engagement scientifique et de ce travail de couple mené par Pierre et Marie Curie.
J'aimerais y voir l'image exemplaire de la coopération entre nos deux pays, entre nos deux traditions scientifiques. Croyez donc que j'aurai une pensée toute spéciale pour votre pays, en lisant sous la main de Marie Sklodowska-Curie les termes radium et polonium, bel hommage d'une scientifique à son pays d'origine. Marie Curie, qui nous offre la chance rare d'avoir en commun un Prix Nobel, dont nous fêtons cette année le centenaire.
Marie Curie, voyez-vous, me ramène à l'événement qui nous rassemble aujourd'hui.
Géographiquement, d'abord, puisque cette Montagne Sainte-Geneviève au pied de laquelle nous nous trouvons, vous conduira, si vous en faites l'ascension, jusqu'à l'Institut du Radium, rebaptisé Institut Curie, et qui occupe un vaste quadrilatère derrière le Panthéon - là-même où Marie Curie fut la seule femme à être invitée à faire partie des "Grands Hommes"
Nous sommes ici au coeur de la science, dans ce quartier latin qui vit éclore tant de talents et qui fut le creuset, dès le Moyen-Age, d'une Europe de la culture et de la connaissance.
Sans remonter à l'héritage de Copernic dans l'uvre de Descartes, justement, comment ne pas évoquer la remarquable coopération entre l'Ecole des Annales, représentée par Fernand Braudel et Jacques Le Goff et les historiens de l'Académie polonaise des Sciences, à commencer par Bronislaw Geremek (ancien ministre polonais des affaires étrangères, un des fondateurs du syndicat Solidarnosc, spécialiste du Moyen-Age) ?
Comment oublier qu'une médaille d'or du CNRS, une des plus hautes distinctions scientifiques nationales, a récompensé Piotr Slonimski pionnier de la génomique, directeur du Centre de génétique moléculaire à Gif-sur-Yvette et membre de l'Académie des Sciences ?
Sans parler de tous ceux qui, dans nos laboratoires, universités et centres de recherche font vivre, jour après jour, l'esprit de cette coopération scientifique, ces polonais d'origine qui construisent avec nos équipes des savoirs partagés, dans des domaines aussi variés que l'oncologie, la sociologie, la virologie ou encore la physique.
J'en profite pour saluer une initiative de votre ambassadeur en France, Jan Tombinski.
S'appuyant sur le constat de cette forte implantation des scientifiques polonais en France, l'ambassadeur a lancé un appel à tous ces chercheurs afin qu'ils contribuent à mieux faire connaître les résultats des recherches scientifiques menées en commun afin d'approfondir les liens entre nos centres de recherche.
Cette initiative repose sur un outil original, "l'espace virtuel franco-polonais", site web permettant le partage d'expériences et d'informations scientifiques.
Car il me semble important de souligner qu'une des forces de la coopération bilatérale franco-polonaise vient de ce qu'elle s'enracine dans cette bonne connaissance mutuelle des chercheurs et des équipes. Cette connaissance, cette familiarité avec les habitudes de travail et les domaines de recherche respectifs est le gage de coopérations réussies au niveau européen, via les réseaux d'excellence et projets intégrés que le 6ème PCRD met en place. C'est à cette condition seulement que nos équipes pourront témoigner d'un management efficace des programmes, clef du succès au niveau européen.
C'est d'ailleurs là que nous pouvons nous renforcer.
En effet, les sociétés et les économies modernes sont et seront de plus en plus fondées sur le savoir. L'Europe a pris toute la mesure de cette situation à Barcelone en se fixant pour objectif d'accroître son effort de recherche jusqu'à 3% du PIB à l'horizon 2010. Une compétition mondiale se joue entre les continents pour être à la pointe de la connaissance. Cette compétition porte tout d'abord sur la maîtrise des grandes infrastructures de recherche. Dans ce domaine, la dimension nationale n'est plus suffisante. Autrefois réservées à certains domaines de la physique, les grandes installations de recherche sont aujourd'hui l'outil de base du chercheur. Qu'il s'agisse des technologies de l'information, de la physique des hautes énergies, des sciences du vivant, de la physique nucléaire, de la maîtrise de l'espace, c'est au niveau européen, et parfois au niveau mondial, que les communautés scientifiques et les Etats doivent lier leurs efforts.
Il n'est que de voir l'exemple très actuel de la machine ITER qui sera l'outil de recherche dans le domaine de la fusion non seulement de l'Europe mais de tous les continents, et pour lequel la France propose le site remarquable de Cadarache ; de même, le domaine spatial illustre cette nécessaire dimension européenne des projets.
La compétition se joue également au niveau des hommes.
Le renforcement de la recherche européenne nécessite une jeunesse toujours mieux formée, capable de maîtriser des connaissances de plus en plus complexes et variées, orientée vers le travail au sein d'équipes pluridisciplinaires et à l'écoute des besoins des entreprises et des citoyens. Enfin, la compétition se situe au niveau des entreprises, intermédiaires indispensables entre la science fondamentale et les citoyens, dont dépendent la croissance et l'emploi.
Leur capacité à innover, l'importance et la qualité de leur investissement dans la R D et l'innovation forgent les atouts de l'Europe de demain. Or, c'est dans ce domaine de l'investissement privé de R D que l'Europe accuse le plus de retard par rapport aux Etats Unis. C'est donc là aussi qu'il faut agir.
De bons projets européens, ce sont d'abord des projets solidement ancrés dans une tradition d'échanges bilatéraux voire triangulaires, comme ceux qui peuvent se nouer entre chercheurs polonais, français et allemands au sein du " triangle de Weimar " dont nos ministres respectifs des Affaires Etrangères ont récemment souhaité le renforcement.
Notre longue amitié, nos relations privilégiées, notre excellente coopération scientifique, technique et économique sont autant d'ingrédients qui nous permettront de relever tous ces défis ensemble au sein d'une Europe forte et solidaire.
Je m'en voudrais de ne pas évoquer, ne serait-ce que brièvement, les grands domaines de notre coopération scientifique et technologique : agroalimentaire, informatique et société de l'information, biotechnologies et médecine, nouveaux matériaux et nanotechnologies
Vous aurez remarqué que ces domaines recoupent le programme de ce Forum polonais de la science et de la technologie.
En effet, en Pologne, comme en France c'est autour de ces grandes thématiques d'avenir que nous mobilisons nos efforts ; elles doivent être accompagnées d'un socle de recherche fondamentale solide et d'une formation de chercheurs au meilleur niveau mondial.
C'est dans ce contexte que s'inscrivent les principales collaborations entre organismes de recherche, à commencer par l'accord récemment signé entre des laboratoires français, polonais et allemands, dans le cadre d'un groupement de recherche européen piloté par le CNRS et consacré à l'étude du génome de la paramécie.
Un accord du même type devrait rapidement intervenir dans le domaine des nanotechnologies avec le projet du laser bleu.
J'évoquerais également le projet COPERNIC, parce que son action touche à la sphère économique dont on sait toute l'importance qu'elle a pour la croissance et la prospérité de nos deux pays et qui permet à des chercheurs d'Europe Centrale et Orientale, parmi lesquels un quart sont polonais, de suivre en France un programme de MBA animé par quatre grandes écoles, les Mines de Paris, les Ponts et Chaussées, Sciences Po et le Collège des Ingénieurs et financé par des bourses du Ministère des Affaires Etrangères.
Je sais, Monsieur le Ministre, combien toute cette richesse vous tient à cur et je voudrais vous dire combien la France est attachée à une coopération, qui traduit des liens d'amitiés séculaires.
Faisons les fructifier ensemble pour l'avenir des générations futures dans une Europe forte et en paix.
Je termine en souhaitant à tous les participants des travaux et échanges fructueux et un agréable séjour à Paris.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 15 septembre 2003)