Texte intégral
S. Paoli - L'esprit du sport peut-il sauver le monde ou le sport est-il déjà aujourd'hui à l'image du monde, une affaire d'argent ? Le Forum mondial du sport, à Saint-Denis, en parallèle aux Mondiaux d'athlétisme, veut promouvoir un autre sport dans un autre monde.
Invité de Questions Directes, P. Braouezec, député-maire de Saint-Denis et organisateur du Forum mondial du sport. On dit "Forum mondial du sport", et on pense évidemment à Forum mondial social. Est-ce que la philosophie est un peu la même ?
- "Un peu la même, même si nous ne souhaitions pas mettre sur la touche un certain nombre de personnes qui ne se retrouvent pas dans les courants altermondialistes. Il y a dans le comité de parrainage de ce Forum mondial du sport, des personnalités de diverses opinions, y compris des gens qui sont aujourd'hui classés à droite. On a surtout souhaité, avec ce Forum mondial du sport, susciter le débat, la réflexion autour de ces questions qui, aujourd'hui, minent un peu le sport : le rapport du sport à l'argent, le rapport du sport aux médias, les rapports Nord-Sud dans le sport, le rôle de la femme dans le sport, tout un tas de thèmes qui vont être débattus pendant cette semaine, et qui, je l'espère, feront des petits. On espère que cette initiative sera relayée par les clubs, les associations, et que peut-être, tous les ans ou tous les deux ans, une ville fera comme nous et organisera ce forum pour faire le point, dresser un petit peu le bilan."
Quel chantier tout de même ! Evidemment, c'est une vitrine extraordinaire, c'est peut-être même l'une des épreuves les plus suivies au monde, ce championnat mondial d'athlétisme...
- "C'est la troisième manifestation après la Coupe du monde de football et les Jeux olympiques. C'est donc effectivement un événement très médiatisé."
Mais cette vitrine suffit-elle à faire passer l'idée que peut-être - sans basculer dans l'utopie - le sport pourrait contribuer à nous faire changer notre vision du monde ?
- "Je pense que le sport est un des éléments qui peut nous amener à réfléchir sur le devenir de notre société, la société que l'on veut. Est-ce que l'on veut une société de plus en plus éclatée, ou bien est-ce que l'on veut une société où le vivre et faire ensemble a encore un sens ? Je pense que le sport est un des éléments pour répondre à ces questions. On est devant un choix de civilisation. Aujourd'hui, on le voit bien, au travers du traitement des vieux. On a aussi des responsabilités par rapport à l'avenir de notre jeunesse, et le sport, on le sait, est un élément fédérateur."
[...]
Je posais tout à l'heure à S. Caristan, entraîneur national, la question des limites humaines en matière de performance. A vous, j'ai envie de poser la question des limites de la politique. Est-ce que le sport est un moyen de dépasser aujourd'hui ces limites, au moment où beaucoup - la CGT a en fait le procès à tous les partis, pas simplement à la gauche - où les politiques ne tiennent pas leurs engagements, disent des choses et ne les font pas. Y a-t-il, aujourd'hui, dans l'espace du sport, quelque chose qui permette de dépasser les curseurs de la politique ?
- "Je ne sais pas si c'est le sport qui peut donner le "la" au monde politique. Ce qui est certain, c'est qu'il y a une grande responsabilité des politiques pour que, quand ils prennent des engagements, ils les tiennent. C'est une question d'éthique. On rejoint donc, effectivement, l'une des valeurs fondamentales du sport. Je pense aujourd'hui que s'il y a autant de désintéressement de la part de la population vis-à-vis du monde politique, s'il y a cette abstention qui devient chronique, c'est parce qu'un certain nombre de gens ne croient plus aux politiques et ne croient plus aux promesses qu'ils peuvent faire avant les élections. On a une responsabilité les uns et les autres, quelle que soit d'ailleurs la couleur politique que l'on représente. On est aujourd'hui à un tournant, là aussi, dans notre société. Je pense de plus en plus que cette démocratie représentative, qui est quand même un peu malade, en tout cas en crise, doit être accompagnée d'une démocratie directe, une démocratie participative de plus en plus forte pour que les gens participent eux-mêmes au devenir de la société, au devenir de la cité. Un certain nombre d'élus, aujourd'hui, s'engagent dans cette voie-là. Il faut les encourager à poursuivre, parce que c'est peut-être de là que renaîtra aussi la politique, en faisant en sorte que les gens soient pleinement associés aux décisions que les responsables politiques prennent."
Que souhaitez-vous en cette fin de mois d'août ? Souhaitez-vous une rentrée apaisée, une rentrée de combat ou, un peu à l'esprit de ce Forum du sport, une rentrée de réflexion sur les grands enjeux qui nous concernent tous ?
- "Une rentrée de réflexion sans doute, sur tous ces enjeux, mais aussi une rentrée d'action et de lutte, parce que je pense que dans un certain nombre de domaines, on ne peut pas laisser faire un certain nombre de choses. On le voit bien avec la question de l'emploi et des licenciements, on le voit bien sur la question de la santé. Le débat qu'on va avoir sur la sécurité sociale à l'Assemblée nationale n'est pas neutre, y compris au regard de ce qui s'est passé pendant l'été. Je ne cherche pas, moi, à faire de polémique par rapport au Gouvernement, de savoir s'il faut qu'untel ou untel démissionne. Je crois qu'on a aujourd'hui une responsabilité collective par rapport à l'ensemble du système sanitaire en France et notamment le système hospitalier, où il y a des manques de moyens énormes ..."
C'est la question du financement et la Une du Figaro de ce matin, c'est : "La dette publique à mille milliards" ; l'endettement de chaque Français se monte aujourd'hui à 15 000 euros. Comment va-t-on financer tout cela ?
- "Je crois que si on continue à ne voir qu'au travers du prisme de la dette publique, la question du devenir notre société, on est tous, tous, "très mal barrés", pour reprendre une expression qui a déjà été donnée. La santé a un coût, l'éducation a un coût, la culture a un coût. Il y a tout un tas de domaines de l'activité humaine qui ont des coûts et qui ne peuvent pas être rentables. Si on considère qu'ils sont rentables, on va accentuer les différences et les inégalités. Et pour ma part, je ne peux pas rentrer dans cette logique d'un ultralibéralisme qui nous amènerait effectivement à faire le compte de tout ceci. On a aujourd'hui des responsabilités, c'est vrai. D. Bromberger le disait tout à l'heure, les gens vivent de plus en plus vieux, on a donc une solidarité vis-à-vis de ces personnes, mais on a aussi à développer tout un tas d'activités humaines, dont le sport mais aussi la culture, les loisirs, et l'ensemble de ce qui fait qu'un homme ou une femme vit normalement dans notre société. Donc, les coûts de l'éducation, les coûts de la santé doivent être pris en charge par l'Etat. Moi, cela ne me dérange pas de payer les impôts, quand je sais qu'effectivement, ils sont utilisés à bon escient."
Hier, M.-G. Buffet a fait sa rentrée dans le Calvados. Elle a dit : "Il faut que nous soyons communistes" ; que veut dire "être communiste" aujourd'hui ?
- "Etre communiste aujourd'hui, c'est considérer que ce monde ne va pas bien, mais qu'on n'a pas tout seuls de réponse à apporter pour changer de voie et construire un autre monde. D'autres personnes, en France et dans le monde, réfléchissent sur le devenir de cette société. Le Parti communiste a sans doute son rôle à jouer mais il n'est pas seul à pouvoir le jouer. Il faut qu'il s'ouvre aussi sur d'autres qui apportent leurs réflexions, qui ont des solutions, d'autres bouts de solution. Et on voit bien que c'est dans l'échange d'expériences, avec des gens qui visent à la même chose, visent à faire en sorte que cette société n'aille pas dans le mur... On a aujourd'hui une responsabilité en tant que communistes, c'est de faire en sorte effectivement que cette société change."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 25 août 2003)
Invité de Questions Directes, P. Braouezec, député-maire de Saint-Denis et organisateur du Forum mondial du sport. On dit "Forum mondial du sport", et on pense évidemment à Forum mondial social. Est-ce que la philosophie est un peu la même ?
- "Un peu la même, même si nous ne souhaitions pas mettre sur la touche un certain nombre de personnes qui ne se retrouvent pas dans les courants altermondialistes. Il y a dans le comité de parrainage de ce Forum mondial du sport, des personnalités de diverses opinions, y compris des gens qui sont aujourd'hui classés à droite. On a surtout souhaité, avec ce Forum mondial du sport, susciter le débat, la réflexion autour de ces questions qui, aujourd'hui, minent un peu le sport : le rapport du sport à l'argent, le rapport du sport aux médias, les rapports Nord-Sud dans le sport, le rôle de la femme dans le sport, tout un tas de thèmes qui vont être débattus pendant cette semaine, et qui, je l'espère, feront des petits. On espère que cette initiative sera relayée par les clubs, les associations, et que peut-être, tous les ans ou tous les deux ans, une ville fera comme nous et organisera ce forum pour faire le point, dresser un petit peu le bilan."
Quel chantier tout de même ! Evidemment, c'est une vitrine extraordinaire, c'est peut-être même l'une des épreuves les plus suivies au monde, ce championnat mondial d'athlétisme...
- "C'est la troisième manifestation après la Coupe du monde de football et les Jeux olympiques. C'est donc effectivement un événement très médiatisé."
Mais cette vitrine suffit-elle à faire passer l'idée que peut-être - sans basculer dans l'utopie - le sport pourrait contribuer à nous faire changer notre vision du monde ?
- "Je pense que le sport est un des éléments qui peut nous amener à réfléchir sur le devenir de notre société, la société que l'on veut. Est-ce que l'on veut une société de plus en plus éclatée, ou bien est-ce que l'on veut une société où le vivre et faire ensemble a encore un sens ? Je pense que le sport est un des éléments pour répondre à ces questions. On est devant un choix de civilisation. Aujourd'hui, on le voit bien, au travers du traitement des vieux. On a aussi des responsabilités par rapport à l'avenir de notre jeunesse, et le sport, on le sait, est un élément fédérateur."
[...]
Je posais tout à l'heure à S. Caristan, entraîneur national, la question des limites humaines en matière de performance. A vous, j'ai envie de poser la question des limites de la politique. Est-ce que le sport est un moyen de dépasser aujourd'hui ces limites, au moment où beaucoup - la CGT a en fait le procès à tous les partis, pas simplement à la gauche - où les politiques ne tiennent pas leurs engagements, disent des choses et ne les font pas. Y a-t-il, aujourd'hui, dans l'espace du sport, quelque chose qui permette de dépasser les curseurs de la politique ?
- "Je ne sais pas si c'est le sport qui peut donner le "la" au monde politique. Ce qui est certain, c'est qu'il y a une grande responsabilité des politiques pour que, quand ils prennent des engagements, ils les tiennent. C'est une question d'éthique. On rejoint donc, effectivement, l'une des valeurs fondamentales du sport. Je pense aujourd'hui que s'il y a autant de désintéressement de la part de la population vis-à-vis du monde politique, s'il y a cette abstention qui devient chronique, c'est parce qu'un certain nombre de gens ne croient plus aux politiques et ne croient plus aux promesses qu'ils peuvent faire avant les élections. On a une responsabilité les uns et les autres, quelle que soit d'ailleurs la couleur politique que l'on représente. On est aujourd'hui à un tournant, là aussi, dans notre société. Je pense de plus en plus que cette démocratie représentative, qui est quand même un peu malade, en tout cas en crise, doit être accompagnée d'une démocratie directe, une démocratie participative de plus en plus forte pour que les gens participent eux-mêmes au devenir de la société, au devenir de la cité. Un certain nombre d'élus, aujourd'hui, s'engagent dans cette voie-là. Il faut les encourager à poursuivre, parce que c'est peut-être de là que renaîtra aussi la politique, en faisant en sorte que les gens soient pleinement associés aux décisions que les responsables politiques prennent."
Que souhaitez-vous en cette fin de mois d'août ? Souhaitez-vous une rentrée apaisée, une rentrée de combat ou, un peu à l'esprit de ce Forum du sport, une rentrée de réflexion sur les grands enjeux qui nous concernent tous ?
- "Une rentrée de réflexion sans doute, sur tous ces enjeux, mais aussi une rentrée d'action et de lutte, parce que je pense que dans un certain nombre de domaines, on ne peut pas laisser faire un certain nombre de choses. On le voit bien avec la question de l'emploi et des licenciements, on le voit bien sur la question de la santé. Le débat qu'on va avoir sur la sécurité sociale à l'Assemblée nationale n'est pas neutre, y compris au regard de ce qui s'est passé pendant l'été. Je ne cherche pas, moi, à faire de polémique par rapport au Gouvernement, de savoir s'il faut qu'untel ou untel démissionne. Je crois qu'on a aujourd'hui une responsabilité collective par rapport à l'ensemble du système sanitaire en France et notamment le système hospitalier, où il y a des manques de moyens énormes ..."
C'est la question du financement et la Une du Figaro de ce matin, c'est : "La dette publique à mille milliards" ; l'endettement de chaque Français se monte aujourd'hui à 15 000 euros. Comment va-t-on financer tout cela ?
- "Je crois que si on continue à ne voir qu'au travers du prisme de la dette publique, la question du devenir notre société, on est tous, tous, "très mal barrés", pour reprendre une expression qui a déjà été donnée. La santé a un coût, l'éducation a un coût, la culture a un coût. Il y a tout un tas de domaines de l'activité humaine qui ont des coûts et qui ne peuvent pas être rentables. Si on considère qu'ils sont rentables, on va accentuer les différences et les inégalités. Et pour ma part, je ne peux pas rentrer dans cette logique d'un ultralibéralisme qui nous amènerait effectivement à faire le compte de tout ceci. On a aujourd'hui des responsabilités, c'est vrai. D. Bromberger le disait tout à l'heure, les gens vivent de plus en plus vieux, on a donc une solidarité vis-à-vis de ces personnes, mais on a aussi à développer tout un tas d'activités humaines, dont le sport mais aussi la culture, les loisirs, et l'ensemble de ce qui fait qu'un homme ou une femme vit normalement dans notre société. Donc, les coûts de l'éducation, les coûts de la santé doivent être pris en charge par l'Etat. Moi, cela ne me dérange pas de payer les impôts, quand je sais qu'effectivement, ils sont utilisés à bon escient."
Hier, M.-G. Buffet a fait sa rentrée dans le Calvados. Elle a dit : "Il faut que nous soyons communistes" ; que veut dire "être communiste" aujourd'hui ?
- "Etre communiste aujourd'hui, c'est considérer que ce monde ne va pas bien, mais qu'on n'a pas tout seuls de réponse à apporter pour changer de voie et construire un autre monde. D'autres personnes, en France et dans le monde, réfléchissent sur le devenir de cette société. Le Parti communiste a sans doute son rôle à jouer mais il n'est pas seul à pouvoir le jouer. Il faut qu'il s'ouvre aussi sur d'autres qui apportent leurs réflexions, qui ont des solutions, d'autres bouts de solution. Et on voit bien que c'est dans l'échange d'expériences, avec des gens qui visent à la même chose, visent à faire en sorte que cette société n'aille pas dans le mur... On a aujourd'hui une responsabilité en tant que communistes, c'est de faire en sorte effectivement que cette société change."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 25 août 2003)