Déclaration de Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, sur la recherche coopérative inter-entreprises et la création de jeunes entreprises innovantes, Bordeaux le 27 mars 2003.

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Circonstance : Congrès France Technopoles Entreprises Innovation (FTEI) à Bordeaux le 27 mars 2003

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Député Maire de Bordeaux,
Monsieur le Sénateur et Président du Conseil Général,
Monsieur le Président du Conseil Régional d'Aquitaine,
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Lorsque Jean-François Balducchi, président de France Technopole Entreprises Innovation, m'a transmis votre invitation à participer à ce congrès, j'ai accepté avec plaisir. Malheureusement, en raison de contraintes d'agenda intervenues récemment, je ne peux être présente avec vous, comme prévu, pour clôturer cette journée. Croyez que je le regrette vivement. J'ai confié le soin à ma conseillère pour l'Innovation, Madame Lyse Santoro, de vous transmettre les principaux messages que j'avais préparés à votre intention.
Je souhaite avant tout saluer le réseau FTEI et son action. Après 3 années d'existence, ce réseau, qui maille l'ensemble du territoire national, s'implique au quotidien par des initiatives locales particulièrement bienvenues. Il concourt au développement, à la création et à l'incubation d'entreprises, en mettant en réseau des compétences académiques et industrielles, en détectant et accompagnant des projets innovants, en accueillant des entreprises sur des pôles de compétence. Il permet à de très nombreux projets et à plus de 9400 entreprises innovantes d'avoir accès à des compétences techniques, financières, juridiques, de management, essentielles pour leur réussite.
Derrière ce réseau et ces actions, il y a des hommes et des femmes dont je salue l'engagement et l'action au quotidien.
Aujourd'hui FTEI est plus que jamais un lieu d'échanges de bonnes pratiques, et un lieu de prospective par le biais de congrès auxquels participent les décideurs et les acteurs majeurs du développement économique, de l'innovation et de l'aménagement du territoire. Pour cela le 'Tour de France de l'Innovation' est une bonne initiative avec l'organisation de congrès dans différentes villes de France, comme aujourd'hui à Bordeaux.
Je salue aussi le fait que les deux grands thèmes principaux que vous avez abordés aujourd'hui soient en parfaite cohérence avec les priorités du gouvernement : l'Innovation et les territoires, et la recherche coopérative inter-entreprise ou entreprise - laboratoires. La création de jeunes entreprises innovantes, le partenariat public-privé, l'Innovation et les régions, et enfin l'Innovation en Europe, font l'objet de mesures concrètes dans le Plan gouvernemental de soutien en faveur de la Recherche et de l'Innovation.
J'ai présenté ce Plan en collaboration avec Nicole Fontaine le 11 décembre 2002. Il s'inscrit dans le droit fil de l'objectif européen qui est que l'Europe devienne d'ici 10 ans l'économie fondée sur la connaissance la plus compétitive au monde. Il s'inscrit également dans la politique de recherche du Gouvernement, qui au-delà d'être au service de l'excellence et de la dynamique scientifiques, est aussi au cur de la politique d'innovation et de croissance économique de notre pays, pour créer des emplois et du progrès. L'Innovation, qui prend sa source majoritairement dans la R D, est essentielle pour construire notre avenir. 'L'Innovation, en quelques mots, c'est créer de la valeur, des valeurs, à partir de nos savoirs'.
Ce Plan est composé de 4 grandes séries de mesures :
Une première série vise à augmenter les dépenses de recherche engagées par les entreprises. Un constat doit nous frapper : alors que l'Etat français est, en Europe, celui qui dépense le plus pour la recherche publique, nos entreprises dépensent en moyenne 25 à 40% de moins que les entreprises d'autres pays européens et internationaux. Notre objectif est d'augmenter ces dépenses de 40% d'ici 8 ans. C'est un défi considérable dans la situation économique que nous connaissons.
Une seconde série de mesures vise à mieux valoriser les résultats de la recherche par les entreprises.
Pour pérenniser ces actions, il faut en parallèle développer l'esprit d'entreprendre dans les écoles, les lycées, l'enseignement supérieur et la recherche. Une troisième série de mesures est mise en place dans ce sens avec Luc Ferry.
Enfin, une quatrième série de mesures vise à faire de la recherche et de l'innovation une priorité européenne.
Je vous propose de commenter les mesures de ce Plan en relation avec les thèmes de cette journée.
Certaines mesures du Plan concernent la croissance des entreprises innovantes, thème abordé aujourd'hui par votre assemblée. C'est une des priorités du Plan d'action en faveur de l'Innovation. Un nouveau décret permettra aux chercheurs des EPICs de participer et de créer de jeunes entreprises avec les mêmes avantages que ceux des EPST, ce qui devrait favoriser la création de jeunes entreprises innovantes. Mais il ne suffit pas de favoriser leur création, il faut également les accompagner et leur permettre de grandir. Pour cela plusieurs mesures sont en cours de mise en place :
ce sont en premier lieu des avantages fiscaux pour soutenir leur croissance pendant les premières années. Des exonérations de charges sociales, d'impôt sur les sociétés, de taxe locale et de plus-values seront accordées aux jeunes entreprises innovantes de moins de 8 ans et actives en R D pour lesquelles un nouveau statut sera créé. Des exonérations de taxe professionnelle, une accélération du taux d'amortissement sur les investissements de recherche seront aussi mises en place. Et enfin un crédit d'Impôt Recherche 'dopé' est en cours de définition pour l'année 2004.
ce sont en second lieu des sources de financement et de fonds propres pour la création et la croissance des jeunes entreprises : un statut fiscal et juridique sera créé pour les 'business angels' pour permettre des avantages fiscaux à la hauteur des risques qu'ils prennent ; une enveloppe de 30 M d'euros sera mise à disposition par la CDC-PME pour l'amorçage ; et le Concours national d'aide à la création d'entreprise apportera également dès cette année 30 M d'euros avec un règlement amélioré.
Le financement des jeunes entreprises innovantes est nécessaire mais pas suffisant. S'il faut de l'argent, encore faut-il bien le dépenser et valoriser cet investissement financier en privilégiant la qualité des projets et des entreprises.
Dans cette optique, des mesures sont prises pour améliorer et professionnaliser les services d'accompagnement des porteurs de projets et des jeunes créateurs. Des compétences multiples autres que scientifiques et techniques sont essentielles pour la réussite de la jeune entreprise, vous le savez autant que moi : ce sont des compétences de management, juridiques, financières, de marketing, de propriété intellectuelle, de 'business development', et d'autres. L'Etat a la volonté de capitaliser sur la réussite des incubateurs qui fournissent aujourd'hui ces services, et d'aller plus loin. L'évaluation des 31 incubateurs publics a été lancée. Les résultats pour les 14 incubateurs dont le financement est arrivé à terme seront rendus au plus tard début avril ; le résultats sur l'ensemble des 31 sera rendu en juillet 2003. En fonction de leurs évaluations, les incubateurs seront re-financés avec un contrat d'objectifs pour les prochaines années. Des objectifs de mission, de professionnalisation avec de vraies équipes multi-compétentes internes ou externes, des objectifs d'ouverture sur le secteur privé et de pérennisation à terme seront fixés. Ces objectifs sont en cours de définition par un groupe de travail actuellement piloté par le Ministère de la Recherche.
En parallèle, des formations à l'entrepreneuriat seront mises en place dans l'enseignement supérieur et les organismes publics de recherche. Elles contribueront à mieux armer les futurs créateurs d'entreprises pour favoriser cette qualité de projet et d'entreprise.
D'autres mesures du Plan concernent la recherche coopérative inter-entreprise ou entreprise - laboratoire, second thème de la journée ; c'est la problématique du partenariat entre recherche publique et privée. J'ai été frappée par les premiers résultats de la consultation nationale : 90% des participants estiment que ce partenariat est encore insuffisant ! Nous avons obligation de tenir compte de ce constat et d'agir. C'est une des priorités affichées du Plan en faveur de l'Innovation, en particulier dans la seconde série de mesures. Ce partenariat est essentiel pour mieux valoriser les résultats de la recherche. Pour le faciliter :
- il faut permettre à la recherche publique et privée d'adopter un langage commun pour mieux travailler ensemble. Pour cela les chercheurs du secteur public seront sensibilisés aux enjeux de la propriété intellectuelle et de sa gestion, ils seront incités financièrement à déposer davantage de brevets de qualité. Une charte d'évaluation des chercheurs, avec une liste de critères pertinents et un guide de procédés sera rédigée en tenant compte des initiatives menées dans les organismes publics de recherche en France et à l'étranger. Elle sera un outil pour reconnaître les efforts des chercheurs en particulier dans le somaine de l'Innovation.
- au-delà d'un langage commun, il faut aussi créer davantage de passerelles entre recherche publique et privée. Pour cela le nombre de conventions CIFRE sera doublé d'ici 2010 pour atteindre le nombre de 1500. Des stages d'initiation à l'entreprise d'une durée de 4 à 6 mois seront créés pour les doctorants. Une incitation financière sera mise en place pour les chercheurs qui initient et exécutent des programmes de recherche en collaboration avec une entreprise qui finance le contrat.
- l'essaimage, c'est-à-dire la création de jeunes entreprises innovantes à partir d'entreprises existantes, renforcera aussi le partenariat public-privé. Une jeune spin-off contracte généralement des contrats de recherche en partenariat avec la recherche publique. Elle intègre des équipes mixtes de chercheurs issus du secteur public et privé. Elle sera accueillie par les incubateurs publics aux côtés des jeunes entreprises issues du secteur public.
Plus que tout, je souhaite que les acteurs de la recherche publique et privée prennent conscience de leur complémentarité. C'est tout l'enjeu d'une recherche fédérée et complémentaire prometteuse pour l'innovation et la croissance. Au-delà des bénéfices directs pour une meilleure valorisation des résultats de la recherche, je suis convaincue que ce partenariat permettra aussi la diffusion de la culture de gestion par projets, d'évaluation et de brevets dans la recherche publique. Les doctorants sont un excellent vecteur pour insuffler cette culture de façon durable.
Le troisième thème de la journée concerne l'importance des collectivités territoriales comme relais de la politique d'Innovation.
Là encore, j'ai été frappée par les premiers résultats de la consultation nationale qui témoignent du rôle que les collectivités territoriales ont à jouer en matière d'innovation.
Les régions sont déjà impliquées et actives dans la politique d'Innovation. L'action du gouvernement est décentralisée via les DRRT et les délégués régionaux de l'Anvar, les incubateurs, les différents acteurs du terrain tels les membres de FTEI ; tous ces acteurs sont des vrais traits d'union entre la décision gouvernementale et la mise en uvre régionale.
Pour aller plus loin, le gouvernement propose dans son Plan Innovation la création d'un guichet unique dont le rôle sera de mieux coordonner l'action de l'Etat et des collectivités locales en faveur de l'innovation, et de mieux orienter les porteurs de projets et les jeunes entreprises. Cette réflexion s'inscrit dans la réflexion sur la décentralisation lancée par le Premier Ministre, Monsieur Jean-Pierre Raffarin. La volonté politique est là, pour des régions exécutives et responsables, aux côtés d'un Etat fédératif et stratège.
Un autre thème de la journée concerne la priorité absolue d'une politique européenne de l'Innovation.
Les premiers résultats de la consultation nationale montrent qu'une très large majorité des participants, plus de 90%, pensent que le rôle de l'Europe est appelé à se développer dans le domaine des politiques d'innovation, et 50% d'entre eux pensent que la France doit être plus présente dans l'Europe de l'Innovation. Je ne peux que me réjouir de cette volonté et de cette prise de conscience. Je la partage avec conviction.
La France a sans doute amorcé la dynamique, puisque la Commission européenne a salué positivement le Plan en faveur de l'Innovation et en particulier les mesures pour la création et l'accompagnement des jeunes entreprises innovantes. La France a la volonté de continuer à jouer un rôle moteur dans la construction d'une Europe de la Recherche et de l'Innovation. Nous avons participé activement avec Nicole Fontaine à la préparation du conseil européen de printemps pour donner cette impulsion.
Le Conseil européen a annoncé le 21 mars la nécessité de présenter un plan d'action européen pour atteindre l'objectif européen des 3%, en avril prochain. Dès à présent, nous savons que les mesures du Plan Innovation français sont en cohérence avec les recommandations et les orientations de ce futur plan européen, elles sont même parfois à l'initiative de certaines recommandations, et sans doute seront citées en exemple. La France est en mesure de faire entendre sa voix.
Je me réjouis sincèrement que le Tour de France de l'Innovation organisé par FTEI témoigne de cette dimension internationale prioritaire avec la présence à Bordeaux, entre autres, de nombreux participants espagnols et portugais.
Depuis décembre, a été lancée sur ce plan une large consultation nationale pour laquelle de très nombreux participants se sont mobilisés. J'ai pu recueillir en direct certains de vos commentaires lors de visites sur le terrain ou de déjeuners au Ministère. Nous analysons actuellement l'ensemble de ces données.
L'une des premières conclusions, après ces deux mois et demi de consultation, est que le Plan est d'ores et déjà bien accueilli. 'Les mesures vont dans le bon sens ' entend-on ! Les mesures annoncées répondent aux attentes des professionnels sur le terrain, elles sont en cohérence avec les thèmes que vous avez abordés.
Une autre conclusion importante est que ces mesures constituent une première étape. Même si le plan comporte déjà un nombre très important de mesures, il faut aller encore plus loin. Aussi les acteurs consultés anticipent-ils déjà les prochaines mesures à prendre, dans la continuité des premières.
J'aurai le plaisir de vous restituer les conclusions de cette consultation avec Nicole Fontaine, le 09 avril prochain, à Paris lors du colloque 'Innover pour construire l'avenir'. A cette occasion, un état d'avancement détaillé de la mise en place du plan sera présenté ainsi que les prochaines étapes et le calendrier gouvernemental. Puis nous rentrerons très bientôt dans l'action et la mise en uvre concrète du plan sur le terrain. A ce moment-là, je souhaite pouvoir compter sur chacun d'entre vous. Vous serez des partenaires essentiels pour conduire ce grand chantier et mettre en place efficacement ce premier train de mesures.
Puissions-nous nous mobiliser, et relever ensemble le défi d'une Recherche et d'une Innovation forte et performante, pour permettre à la France de revenir en quelques années au premier plan européen, et à l'Europe d'être plus compétitive ! Vous êtes au cur de cette dynamique, j'en ai la conviction. Je vous remercie de votre engagement et de votre attention et vous souhaite une très bonne soirée.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 31 mars 2003)