Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Comment commencer une réponse au discours enflammé,... à sa façon poétique, en tout cas tout à fait théâtrale, de M. de Villiers ?
Il contient tant de choses, et d'abord l'auto-plaidoyer de celui qui, s'annexant les gloires de la Nation française, croit seul détenir la vérité. Quelle fougue, et quelle imagination ! Vraiment M. de Villiers, vous vous êtes fait plaisir, emporté par la jouissance du verbe et votre passion anti-européenne. Je passerai bien vite sur quelques surprises que nous a offertes l'orateur et qui doivent sans doute plus à l'effet d'éloquence qu'à la conviction idéologique. Mais je dois dire que j'ai apprécié M. de Villiers dans le rôle du pourfendeur du libéralisme pur et dur, de la pensée unique ou de la politique unique.
C'était une partition savoureuse, une défense de la France ; il faut dire que cela a été un peu entonné avec le ton de celui qui s'entêterait à dire : "Sauvez la France au nom du Sacré-Coeur".
Je n'aurais pas la prétention, en quelques minutes, d'improviser une si vaste fresque et je ne voudrais pas non plus lasser l'Assemblée. Il me faut en quelques mots revenir sur l'objet du débat qui était une exception d'irrecevabilité, qui supposait donc une prétendue inconstitutionnalité, une constitution , avez vous dit M. de Villiers, qui aurait été vidée de son sens. Il s'agit ce soir d'apprécier en quoi la résolution soumise à votre examen, et qui prend acte de la mise en oeuvre de l'article 109 J du Traité, serait éventuellement contraire à la Constitution.
Que nous dit précisément cet article 109 J ? Il dispose que "avant le 1er juillet 1998, le Conseil, réuni au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement, confirme, à la majorité qualifiée, quels sont les Etats membres qui remplissent les conditions nécessaires pour l'adoption d'une monnaie unique". Voilà tout de même de quoi il s'agit. Il suffirait de lire aussitôt l'article 88-2 de la Constitution, pour constater que la violation de notre Loi fondamentale qu'invoque au passage M. de Villiers est un pur produit de son imagination. Que dit, en effet, cet article 88-2 ? Il dit que, "selon les modalités prévues par le Traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992, la France consent aux transferts de compétences nécessaires à l'établissement de l'Union économique et monétaire européenne".
Cet article constitutionnel constituerait-il, comme vous l'avez dit, Monsieur le Député, un codicille secret, adopté subrepticement, à l'insu de la Représentation nationale et des citoyens et donc "abîmant" notre démocratie ? Non, il l'a été, cet article, en juin 1992, après plusieurs mois de discussions au Parlement, après un vote identique par les deux Assemblées, puis un vote à la majorité des 3/5ème du Congrès ; et cette acceptation des principes et de la lettre de Maastricht a été sanctionnée par la majorité du peuple français, après une campagne référendaire où tous les arguments ont pu être exprimés. M. de Villiers avait déjà alors motivé son rejet viscéral de la monnaie unique. Il n'a pas été suivi par la population, même si celle-ci a exprimé, reconnaissons-le, des réticences, des questions, des nuances dont nous tenons aujourd'hui compte. M. de Villiers n'a jamais accepté ce vote. Il remet aujourd'hui en question le choix librement exprimé par les Français. C'est son droit, mais qu'il l'assume, plutôt que de tenter de nous convaincre à force d'arguments peut être un peu redondants.
Qui pourrait, en effet, croire que l'Union monétaire, à laquelle va adhérer la France dans quelques jours, serait, comme nous l'assure M. de Villiers, d'une nature profondément différente de celle décidée à Maastricht ? Et qui pourrait croire que vous seriez, Monsieur le Député, comme vous le laissez entendre, prêt à vous rallier à ce grand projet, si en quelque sorte la pureté maastrichtienne était respectée ? Et pourquoi faudrait-il un nouveau référendum sur la même question ?
Cette interrogation peut être fondée mais vous n'évoquez, à l'appui de votre thèse, qu'un argument sérieux : c'est l'adoption du Pacte de stabilité, qui irait, selon vous, au-delà des dispositions prévues par le Traité. Vous connaissez, Monsieur de Villiers, l'histoire de ce pacte. Vous savez que la formation politique à laquelle j'appartiens, que les autres formations composant la majorité plurielle ont critiqué ce texte, tant dans son principe que dans son contenu, texte souhaité en fait par nos amis allemands parfois emportés par certains excès, ou en tout cas, affectueux à l'excès de la stabilité ou d'un attachement un peu exclusif à la désinflation. Vous savez que ce texte avait été accepté par les autorités françaises bien avant les élections législatives de juin 1997 au Sommet de Dublin. Et c'est pourquoi nous n'avons eu de cesse, depuis lors, de chercher à rééquilibrer la construction européenne, en la réorientant, comme l'a rappelé le Premier ministre, vers la croissance et vers l'emploi. Je crois qu'il serait néanmoins totalement abusif de prétendre que le Pacte de stabilité, instrument d'application - fondé certes sur une interprétation rigoriste à l'excès - de certains articles du Traité serait en violation dudit Traité. Bref, si le Pacte de stabilité, adopté par vos amis politiques, n'est pas tout à fait "la tasse de thé" du gouvernement auquel j'appartiens, ce serait travestir la réalité et tromper les Français que de faire croire à l'inconstitutionnalité de ce texte.
Il est intéressant de noter que M. de Villiers se garde bien d'évoquer une seconde résolution adoptée également à Amsterdam, mais celle-ci à l'initiative de la France et du nouveau gouvernement : celle, précisément, sur la croissance et l'emploi, qui a débouché sur le Conseil européen extraordinaire de Luxembourg, et désormais sur les pactes nationaux pour l'emploi tel que celui qui vient d'être présenté la semaine dernière par Mme Aubry. Je pourrais continuer ainsi mais je veux en venir au caractère proprement politique de votre intervention. On voit bien que votre vraie argumentation n'est pas dans la Constitution ou sur la Constitution mais qu'elle est ailleurs.
Vous nous dites que nous nous tromperions sur le monde, sur l'Europe, sur la France ; en quelque sorte que nous serions en train en présentant l'euro de conduire le convoi funèbre de la France, d'abandonner dix siècles de souveraineté et vous proposez une seule parade, bien sûr : renoncer à la monnaie unique. A l'appui de cette thèse ressassée sans relâche depuis 1992, on peut ainsi utiliser tous les arguments, même les plus éprouvés: ainsi le pauvre, le bien pâle Traité d'Amsterdam, qui renforcerait les pouvoirs de la Commission et sanctuariserait le droit communautaire, au-dessus de notre Constitution. Là aussi quelle imagination !
Alors vous soulevez l'idée selon laquelle la monnaie unique serait en tous points une erreur. J'essaierais de vous répondre très rapidement. Qui peut croire d'abord que la monnaie unique serait, comme vous l'avez insinuée, le cheval de Troie de la mondialisation ? Oui, Monsieur de Villiers, il y a bien quelqu'un ici qui se trompe sur l'Europe, mais c'est vous. L'Europe, l'euro, c'est exactement le contraire de la mondialisation libérale, de ses excès, c'est la capacité retrouvée à organiser au niveau mondial, au niveau européen et par rapport à notre pays une régulation économique et monétaire.
On sait pourquoi l'euro a été fait, il a été fait pour rebâtir un instrument de réserve puissant sur notre continent, il a été élaboré pour permettre de lutter contre la spéculation, il est là pour permettre la reconstitution d'un véritable système monétaire international sur des bases beaucoup plus stables et beaucoup plus équilibrées.
Qui peut croire, M. de Villiers, que faire l'euro, c'est consentir à l'affaiblissement de la France ? Je crois là aussi, même si je parlerai d'elle avec un peu moins de flammes, le temps me manquant, que vous n'avez pas compris grand chose à la situation de la France dans le monde d'aujourd'hui. C'est vrai que le Mur de Berlin s'est effondré, c'est vrai qu'il n'y a plus aujourd'hui dans notre monde, chacun s'en réjouit, qu'une seule superpuissance. Il n'y en a plus deux, il n'y en a pas trois. Et la France dans ce concert, dont vous dites sans arrêt qu'elle est diminuée, affaiblie, dont vous vous délectez au fond de cet affaiblissement, la France n'est pas une superpuissance.
La France est une des cinq, six, sept puissances qui conservent dans le monde une influence mondiale. Oui, cette influence est mondiale, mais en même temps on sait bien dans ce concert des nations, dans le G8, dans le G7, dans le monde tel qu'il est, que la France a besoin, pour être plus forte, de se grouper avec d'autres. La mondialisation, M. de Villiers, ne fait pas disparaître les Etats-Nations, il n'y en a même jamais eu autant, mais les regroupements ne sont pas contestables, ils ne sont d'ailleurs pas contestés. C'est si simple d'essayer de susciter la peur avec le fantasme d'un grand empire arabo-musulman...C'est plus simple encore de constater la réalité du Mercosur, celle de l'ASEAN, qui ne rêvent que d'un modèle d'intégration : l'Union européenne ; et peut-être ont-ils quelques raisons pour cela. Oui, aujourd'hui, dans le monde tel qu'il est, nous avons besoin de bâtir des ensembles, et l'euro est un moyen de bâtir un ensemble européen fort.
Qui peut croire que l'euro, c'est la fin du politique ? Non, l'euro nous le savons bien tous ici, c'est un instrument de puissance. Je note d'ailleurs que le début de la dérive dépossédant la France de sa souveraineté date selon vous de l'Acte unique, ratifié par vous en 1986, par un gouvernement auquel vous apparteniez. Ce que nous voulons, c'est une "Europe-puissance" , ce n'est pas une "Europe-croupion", c'est une Europe qui soit effectivement plus large, qui soit plus forte, qui soit plus politique. Voilà ce que nous essayons de bâtir. Et il est totalement inexact de prétendre que l'euro serait contradictoire avec l'élargissement ou le renforcement politique. C'est exactement le contraire qui est en train de se produire et nous devons l'observer. Vous parlez des Onze et de la grande Europe. Je note pour ma part, et je suis très fréquemment dans ces pays d'Europe centrale et orientale qui aspirent à nous rejoindre, que c'est au moment même où nous passons à l'euro, que se met en place la Conférence européenne, que nous allons proposer que s'ouvrent des négociations d'adhésion, et je sais, pour m'être rendu maintenant dans la plupart de ces capitales, qu'une des raisons pour laquelle ces pays sont attirés vers l'Europe, c'est justement la perspective, lointaine sans doute, mais tout à fait réelle pour eux d'adhérer à cette zone monétaire optimale à laquelle l'euro ressemble singulièrement plus qu'à l'ensemble politique que vous avez décrit. Non, je crois pour ma part, puisque vous avez cité la grenouille européenne qui voudrait, en matière économique, se faire aussi grosse que le boeuf, que, fable pour fable, et face au tout puissant dollar, vous feriez mieux de vous inspirer de la fable du lion et du rat, le lion empêtré face au rat parfois agile.
Qui peut croire enfin, car c'est la solution que vous proposez, Monsieur de Villiers, que la monnaie française c'est l'indépendance nationale ? Là, je crois franchement que vous vous trompez sur le monde.
D'où est née cette idée même de la monnaie européenne ? Elle remonte à l'effondrement du système de Bretton Woods, dans les années 1971-1973 qui justement mettait en place partout sur la planète des changes fixes, des parités fixes, certes ajustables par des dévaluations, mais tout de même fixes. Et qui a gagné à ce moment-là ? Qui gagne toujours à la flexibilité ? Eh bien c'est simple, les vainqueurs, cela a été d'abord les Américains, qui ont pu affirmer le pouvoir de la monnaie. Les vainqueurs, cela a été les libéraux qui ont pu partout spéculer. Les vainqueurs, ce sont les monétaristes qui, aux cotés de M. Friedman, n'ont pas arrêté de militer pour cette spéculation tous azimuts. Et qui a toujours lutté, justement, contre cette flexibilité des changes ? Cela a toujours été les progressistes, ceux qu'en économie on appelle les keynésiens, ceux qui croient à une certaine régulation, ceux qui croient encore à la puissance publique et je pense que les progressistes dans cette assemblée s'y reconnaîtront.
Quelle est, en définitive, l'alternative que propose M. de Villiers ? Elle se trouve, au détour d'une phrase, dans cette question : qu'apporte de plus la monnaie unique par rapport au lien franc/mark ? Monsieur de Villiers, précisément, elle apporte, contrairement à ce que vous avez dit, une souveraineté retrouvée, même si celle-ci s'exercera en partage avec nos partenaires. Le Premier ministre l'a répété avec force tout à l'heure. Qui donc voudrait continuer à s'accrocher à une souveraineté purement formelle, où l'Allemagne, par la force de sa monnaie, décide, et où les autres sont contraints de suivre ? Car c'est notre situation aujourd'hui. Qui voudrait se satisfaire encore de monnaies européennes compartimentées, incapables de peser face à un dollar-roi ? Est-ce que c'est cela le modèle que vous nous proposez d'ériger, Monsieur de Villiers ? Quelle étrange conception de la souveraineté !
Et puisque vous invoquez Bernanos, j'ai envie de vous répondre, avec lui : "l'avenir est quelque chose qui se surmonte ; on ne subit pas l'avenir, on le fait". Non, vraiment pour vous avoir écouté avec attention, je n'ai pas vu dans votre discours éloquent, peut-être un peu long - à un moment donné, je me suis demandé si c'était deux fois le même - je n'ai pas vu quelque chose de très nouveau. Au fond ce sont toujours les mêmes arguments éternellement répétés, sans même, cette fois-ci, la force des menaces qui étaient brandies en 1992, sans la force de catastrophes qu'on nous annonçait et qui ne se sont pas produites.
Vous avez beaucoup cité notre Constitution. Vous avez évoqué son article 3. Mais c'est clair, chez nous le peuple est souverain. Il l'est, il a d'ailleurs voté l'année dernière, d'une certaine façon, en 1997, sur notre conception de la monnaie unique.
Vous avez évoqué le gouvernement, l'article 20. C'est toujours le gouvernement qui détermine et conduit la politique de la Nation. Et nous le prouvons. Vous avez oublié en citant François Mitterrand, cette autre citation que vous criait pourtant souvent Alain Barrau pendant votre discours : "le nationalisme, c'est la guerre!". Ce que nous voulons, c'est effectivement cela : faire l'Europe sans défaire la France. C'est ce que disait tout à l'heure le Premier ministre essayant de répondre à vos angoisses : "je veux l'Europe, j'ai confiance en la France". Je crois que c'est la démarche du gouvernement.
Vous savez, vous avez évoqué plusieurs fois le parc d'attractions "Euroland", que je n'ai pas eu le bonheur de visiter. A vrai dire, je ne vois pas bien de quoi il s'agit. Mais j'ai pensé en vous écoutant que vous aviez effectivement un très grand talent pour évoquer les peurs, pour ressusciter tous les conservatismes et pour au fond, mettre en scène le passé, car vous êtes le maître d'oeuvre du Puy du Fou, plutôt que de concevoir l'avenir. et en vous écoutant, je voyais effectivement ces dix siècles passés de souveraineté française ; ils étaient avec vous à la tribune il y a quelques instants.
Alors puisque nous sommes en train de discuter une exception d'irrecevabilité, je vous invite à rejeter cette exception d'irrecevabilité, par laquelle M. de Villiers cherche uniquement à retarder la discussion. J'invite l'Assemblée nationale à ouvrir le débat sur la manière dont vont s'organiser ces transferts de compétences librement consentis par la Nation. C'est ce débat et ce débat seulement, celui de l'avenir, qu'attendent les Français, car il touche leur vie quotidienne, car il définit aussi le sens politique que nous voulons donner à l'Europe./.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Peu d'éléments nouveaux sont intervenus depuis la clôture du débat hier soir. Je crois que le texte de la résolution qui était déjà excellent, a été encore amélioré par les amendements adoptés et ce texte confirme toute l'importance du Parlement pour accompagner cette grande étape historique. C'est sur ce point que je veux insister. C'est dans un esprit d'étroite coopération que le gouvernement conçoit de façon générale les développements de la construction européenne qui, évidemment ne se limitent pas au passage de l'euro, quelle que soit l'importance fondamentale historique, émouvante de cette décision. C'est une décision politique, Dominique Strauss-Kahn l'a rappelé, qui s'inscrit dans le mouvement de mise en commun au niveau européen de certains éléments de notre souveraineté, pour mieux peser collectivement dans les affaires du monde. Je crois que le débat a permis de montrer que l'euro et l'Europe étaient une réponse à la mondialisation. Je crois que notre débat a aussi montré qu'il ne fallait pas s'enfermer dans une nostalgie un peu illusoire de la seule souveraineté nationale et, que face à l'évolution du monde, il fallait aller effectivement vers de grands ensembles. C'est ce que font par exemple les Américains, c'est ce que font les Asiatiques et je crois que par rapport à ce désir là, l'Union européenne reste un modèle.
Le choix est simple : - Soit l'Europe reste une collection de nations juxtaposées, des vieilles nations qui ont une identité forte, qui ont un rôle dans le monde.
- Soit l'Europe choisit de devenir ce qu'elle est, c'est-à-dire la première puissance au monde et dans cette mesure-là, j'aime bien la formule d'Hubert Védrine : "L'euro peut être pour l'Europe le choc fédérateur qu'elle a bien du mal à trouver". Cette décision de passage à l'euro par ailleurs est une décision qui ne se conçoit pas de façon isolée mais qui est indissociable de l'effort de rééquilibrage de la construction européenne entrepris par le gouvernement. Un rééquilibrage qui va avant tout en faveur de la croissance et de l'emploi, un rééquilibrage marqué par les décisions d'Amsterdam et aussi par les décisions du Luxembourg. Je pense en l'occurrence à la résolution sur la croissance et l'emploi.
Le plan national d'actions de notre pays a été présenté à la Commission des affaires sociales, à la délégation pour l'Union européenne avant d'être envoyé à Bruxelles. Et j'insiste sur le caractère extrêmement novateur de ces décisions. Il y aura d'une part désormais non plus des critères financiers qui ont été fixés par le Traité de Maastricht et qui ne sont après tout que des critères de bonne gestion, je pense notamment au principal d'entre eux qui, est la réduction de la dette publique. Il y aura aussi les objectifs de Luxembourg pour l'emploi, la lutte contre le chômage des jeunes, la lutte contre le chômage de longue durée, l'action pour l'augmentation de l'effort de formation des chômeurs. Et puis chaque année désormais, il y aura un Conseil européen qui sera consacré non pas uniquement aux affaires générales de l'Europe mais à l'emploi, à l'évaluation continue de cet effort. Peut-être votre assemblée souhaiterait elle parler de cette démarche pour l'emploi, plus généralement de l'Europe sociale avant le Sommet de Cardiff, ce serait légitime et le gouvernement est, bien sûr, disponible pour le faire. Vous le savez, la négociation européenne est une alchimie complexe, j'ai la conviction que le gouvernement, qui peut s'appuyer sur les délibérations de son parlement national, a une position plus forte en négociations. En la matière, les absents ont toujours tort. Et je me réjouis à cet égard, de beaucoup d'éléments qui figurent dans le projet de résolution et qui confortent tout à fait le point de vue du gouvernement.
Je pense à l'importance centrale du Conseil de l'euro, qui doit bien être le lieu politique où s'élaborera la conception concertée des pays ayant l'euro en partage. Je crois profondément à l'avenir de cette institution qui est au fond le premier exemple des coopérations renforcées proposées par le Traité d'Amsterdam. Et je souligne également l'importance cruciale d'un contrôle diplomatique permanent émanant des parlements nationaux comme du parlement européen sur l'Union économique et monétaire. Et à mon tour je veux dire le rôle positif de l'amendement voté hier sur la proposition du président Giscard d'Estaing, de François Bayrou, de Pierre Mehaignerie, de Jacques Barrot. Il permet effectivement d'envisager une construction politique complète autour de l'euro avec à la fois la Banque centrale européenne, le Conseil de l'euro et le comité parlementaire qui permettra un contrôle au niveau européen. Le Parlement sera aussi dans les mois et les années à venir le lieu d'autres débats essentiels, je pense à la transposition de certaines directives relatives au marché intérieur ou au débat précédent les Conseils européens, notamment les Conseils européens qui traiteront de la réforme de la PAC et des fonds structurels avant l'élargissement.
Je pense naturellement à la ratification du Traité d'Amsterdam et la révision constitutionnelle qui précédera. Ce débat viendra devant vous, il viendra devant vous le plus tôt possible, je l'espère. Beaucoup dans la discussion d'hier l'ont déjà évoqué dans des termes finalement assez peu enthousiastes et on peut en effet s'interroger en notant les manques de ce Traité d'Amsterdam, et je pense d'abord à la question institutionnelle. Il faudra que le parlement, je le crois, dise avec force les conditions institutionnelles pour que l'élargissement puisse être réussi, c'est là quelque chose de fondamental. Nous voulons une Europe qui marche. Mais en même temps, il y a, je crois, des enjeux puissants qui justifient la ratification en raison, comme disait le Premier ministre, de ce Traité d'Amsterdam. Je pense aux capacités que nous aurons de nous donner les moyens d'une Politique étrangère et de sécurité commune (PESC), aux capacités que nous aurons d'agir pour l'élargissement, par exemple en étant capable de transposer au niveau de l'Union européenne la politique de liberté, de circulation des personnes, de sécurité qui est aujourd'hui engrangée dans le cas du Comité Schengen, à la protection des services publics, au développement durable, à l'amélioration de l'égalité homme-femme, au rôle de nos DOM-TOM, à la reconnaissance de Strasbourg comme siège du parlement européen.
Ce sont là de grandes occasions de faire le point sur la construction européenne et sur son avenir. Jack Lang nous invitait hier à donner à l'Europe un supplément d'âme, et il est vrai qu'elle a effectivement besoin de politique. L'euro a un sens politique : il couronne le marché intérieur, il met en place de nouvelles institutions, il conforte l'Europe sans défaire la France. Mais en même temps, cet euro n'est qu'un élément d'une Europe-puissance.
Hier dans son exception d'irrecevabilité, M. de Villiers essayait de nous expliquer que nous n'avions rien compris au monde, à l'Europe et à la France. Je crois effectivement, renversant son propos , que le monde a changé, que la France doit y redéfinir sa place et que, pour cela, elle a besoin d'une Europe plus forte politiquement, plus construite, d'une Europe plus populaire et cela suppose un effort constant d'explications, de pédagogie de tous ceux qui y croient, d'une Europe qui soit aussi plus large, et cet enjeu de l'élargissement est déterminant pour les années qui viennent. Encore une fois, l'euro y contribue mais nous savons bien que cela n'épuise pas le débat. Achevons donc cet après-midi ce débat et préparons-nous à ceux qui viendront ensuite, qui ne sont pas moins importants mais dont nous posons aujourd'hui le socle./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 septembre 2001)