Texte intégral
Ruth Elkrief.- Ernest-Antoine Seillière, bonjour.
Ernest-Antoine Seilliere.- Bonjour.
Ruth Elkrief : Merci d'être ce matin avec nous. Vous êtes sorti un petit peu de votre réserve hier. Est-ce que cela veut dire pour vous que le mouvement des grèves contre la retraite est terminé ?
Ernest-Antoine Seilliere.- Il y a eu une période un peu délicate pendant laquelle le gouvernement ayant présenté sa réforme a souhaité clairement la maintenir. Manifestement, dans la rue on a essayé de l'en distraire. Je pense qu'aujourd'hui, le gouvernement a maintenu sa détermination, et que dans la rue les choses s'essoufflent, c'est-à-dire que l'opinion comprend l'évidence de la nécessité de la réforme. Et ça veut dire que les syndicats - dont je vous signale d'ailleurs qu'une partie d'entre eux adhère à la réforme - comprennent la nécessité absolue de réformer notre pays, notamment dans le domaine des retraites. Et je pense en effet que la période la plus difficile étant passée, il est normal que le MEDEF, qui ne voulait pas en quelque sorte se mettre au milieu de cette bataille, aujourd'hui en tire un peu les conclusions.
Ruth Elkrief.- Et revienne sur la scène. Avec quand même une question : vous plaidez pour cette réforme, mais ce que demandent un certain nombre de salariés c'est : est-ce que vous prenez vraiment votre part de la charge que représente cette réforme pour toute la
société ?
Ernest-Antoine Seilliere.- D'abord je vous signale que nous prenons avec les salariés déjà 24 % du montant des salaires bruts pour faire fonctionner la retraite par répartition, c'est-à-dire que les actifs payent déjà, et les entreprises, le quart de ce dont pourraient disposer les gens au travail, pour financer la retraite. Cette part nous parait donc très forte, et nous pensons que nous avons dans ce domaine-là, à la fois les entreprises et les salariés actifs, largement déjà pris notre part de la retraite. Et d'autre part, il y a un domaine sur lequel nous disons très fortement que nous prendrons notre part, c'est bien entendu d'organiser le travail des travailleurs plus âgés, ceux qu'on appelle "les seniors" dans l'entreprise, sur lequel nous prenons l'engagement de la négociation, bien entendu au plus près du terrain, de façon à ce que les choses se fassent convenablement pour chacun, mais que l'on puisse rester en entreprise, plus âgé, comme on le fait d'ailleurs dans l'Europe entière, dans des conditions convenables. Cela n'est pas dans la culture, ni des salariés, ni des entreprises, ni de la société française, et dans ce domaine-là nous prenons bien entendu notre part. Les entreprises contribueront fortement à cela.
Ruth Elkrief.- Mais justement Ernest-Antoine Seillière, c'est toute la question. On a le sentiment que toutes les entreprises ne sont pas aussi engagées que vous, en tout cas dans les mots.Aujourd'hui, les salariés partent en moyenne à 57 ans et demi, et vous refusez que soit notée la date butoir des 65 ans dans la loi. Dans le fond, si vous me permettez l'expression, vous voulez un peu le beurre, c'est-à-dire qu'on allonge la durée des cotisations, et l'argent du beurre, c'est-à-dire éventuellement pouvoir vous débarrasser malgré tout des seniors avant 65 ans.
Ernest-Antoine Seilliere.- Je crois que c'est une présentation, c'est une vérité un petit peu rapide. Actuellement, lorsqu'un salarié a, bien entendu, accumulé tous les droits à la retraite, et qu'il a soixante ans, on peut, l'employeur peut lui dire : c'est la fin du travail. D'ailleurs, c'est ce que souhaitent les gens puisqu'ils souhaitent partir vite. La loi indique que ce sera désormais à 65 ans. Alors si la retraite est à 65 ans, il faut le dire. Mais un salarié ne peut pas avoir, selon nous, à la fois le droit de partir à soixante, et le droit de se maintenir à soixante-cinq. Nous sommes partisans de ce que ce droit grimpe, en quelque sorte, au fur et à mesure que l'on allongera la durée de cotisations. Soixante et un d'abord, soixante-deux ensuite. Mais nous imposer les soixante-cinq ans tout de suite, et considérer - je crois que le ministre en est lui-même tout à fait d'accord -comme, je dirais, une dérive brutale, et qui n'a pas été bien vue dans le texte, nous en demandons la correction, il ne faut pas en faire toute une affaire.
Ruth Elkrief.- Vous pensez que cette correction va être faite et qu'il va y avoir un amendement qui pourra rectifier cette donnée, cet âge ? Parce qu'en même temps, on dit aux Français : vous allez avoir une surcote si vous restez, et puis en même temps, ils peuvent être virés, comme on dit, avant d'avoir toutes leurs cotisations.
Ernest-Antoine Seilliere.- Non, écoutez, personne n'est viré, tout le monde souhaite partir, je vous le rappelle, très tôt du travail. Mais de deux choses l'une : ou bien la chose est réglée, on reste dans l'entreprise jusqu'à 65 ans, chacun en a le droit, et à ce moment-là il n'y a pas à négocier. On reste jusqu'à 65 ans, point. Ou bien au contraire on nous demande de faire l'effort dans les entreprises, et que les salariés fassent aussi l'effort de rester plus longtemps dans l'entreprise, et à ce moment-là ça doit être bien entendu progressif et il faut négocier les conditions. Ce que nous réprouvons d'une manière générale, c'est qu'on veuille régler par la loi, par une décision sortie de façon abrupte et d'ailleurs assez imprévue, pour toutes les entreprises de notre pays, des choses impératives. Nous sommes pour la négociation et donc nous sommes contre, en effet, ce genre de chiffres, imposés. Ce qui ne veut pas dire, comme on essaie de le laisser croire, que nous ne soyons pas, nous, le MEDEF et les entreprises et les fédérations, tout-à-fait conscients de la nécessité de changer de culture dans l'entreprise pour les salariés.
Ruth Elkrief.- Alors quelle place vous voyez aux seniors par exemple dans les entreprises, je dirais dans les dix ans qui viennent ?
Ernest-Antoine Seilliere.- Ecoutez, d'abord si vous voulez, on a beaucoup regretté que cette tendance à vouloir faire partir très vite les seniors ne conduise ceux-ci à partir avec le savoir de l'entreprise. Et donc, il est évident que dans la fin de carrière, il faut organiser, que les anciens puissent se mettre au contact des jeunes, de façon à leur transmettre le savoir, c'est ce qu'on appelle le tutorat, la formation, bref. C'est un premier chapitre. Un deuxième chapitre, c'est bien entendu que dans le cadre de l'entreprise où on connaît bien les circonstances du travail de chacun, on puisse déplacer, organiser, déplacer vers un travail moins pénible ou moins répétitif que sais-je, le salarié dont on souhaite faire évoluer la nature du travail. Et puis enfin, il peut y avoir un mélange entre la retraite et l'activité, ce qu'on n'a absolument pas envisagé encore jusqu'à présent en France. Ou bien on part et c'est fini, ou bien on reste et c'est tout ! On peut parfaitement faire un mixage entre la retraite et le travail.
Ruth Elkrief.- Donc les patrons vont aussi changer de culture.
Ernest-Antoine Seilliere.- Mais bien entendu ! Comment dirais-je, les entreprises, les salariés, la société française qui s'est accommodée formidablement de financer par le contribuable le départ à la retraite anticipée, comme on dit, tout ceci ne peut plus durer puisque l'allongement de la vie et la diminution de la part des actifs par rapport aux inactifs ne rend plus possible le financement des retraites si on ne change pas de culture. Nous sommes, je vous le rappelle, au coeur de ce débat, nous l'avons lancé, comme nous avons d'ailleurs lancé la plupart des débats de société actuellement, qu'il s'agisse de l'assurance maladie, du service minimum et la nécessité de la réglementation de la grève dans le service public, tout en maintenant ce droit, comme il s'agit d'ailleurs de l'Europe sur laquelle nous sommes à l'appui de l'euro depuis le départ, de l'attractivité du pays sur laquelle nous sommes depu is le départ en train de dire : attention aux délocalisations...
Ruth Elkrief.- ...Le MEDEF, acteur social de premier plan, c'est ce que vous voulez dire ?
Ernest-Antoine Seilliere.- Oui ! Nous sommes au cur de la société, on le sait, et d'ailleurs quand nous ne parlons pas pour le dire, on semble le regretter.
Ruth Elkrief.- Ernest-Antoine Seillière, on parlait justement des jours de grève, de la réglementation de la grève. Les syndicats s'inquiètent aujourd'hui. Ils considèrent que la direction des grandes administrations et des entreprises publiques comme La Poste ont décidé de prélever l'intégralité des journées de grève et de concentrer cela au lieu de l'étaler comme d'habitude dans les grands conflits. Vous trouvez que c'est un bon moyen pour dissuader de faire la grève ?
Ernest-Antoine Seilliere.- Ca c'est vraiment une affaire de l'Etat employeur avec ses salariés. Le MEDEF en a assez sur les bras...
Ruth Elkrief.- Oui mais comme employeur, qu'est-ce que vous en dites ?
Ernest-Antoine Seilliere.- Le MEDEF en a assez sur les bras pour ne pas se mêler de cette affaire. Mais je crois que les salariés du privé, comme les entrepreneurs, disent : quand on fait grève, au moins il est évident qu'on n'est pas payé. On sait très bien d'ailleurs que la fonction publique a l'habitude de payer les jours de grève. Vous savez la colère monte dans nos rangs, à nous les entrepreneurs, empêchés de travailler par les services publics qui se mettent en grève à tout propos. La liberté du travail est en cause dans cette affaire ! Nous devons, nous aussi, contenir nos extrémistes qui disent :
" on en a marre ! Assez ! La société française ne peut marcher comme cela ! Et qu'on ne compte pas sur les entrepreneurs pour rester dans notre pays à faire de l'emploi et de la croissance si on continue comme ça ! " Alors, je préfère vous dire que si l'Etat paye les jours de grève après avoir pendant trois semaines empêcher de travailler les salariés qui le voulaient et qui se sont donnés beaucoup de mal pour ça, alors c'est vrai, la société française apparaîtra singulièrement déréglée !
Ruth Elkrief.- Il ne s'agit absolument pas de ça, il s'agit de ne plus étaler le remboursement, enfin je veux dire le fait que les salariés...
Ernest-Antoine Seilliere.- ... Ecoutez toutes ces modalités-là ne sont pas l'affaire du MEDEF !
Ruth Elkrief : Dernière question : la conjoncture économique vous inquiète. Francis Mer, le ministre de l'Economie, a prédit un second semestre meilleur que le premier, mais une année 2004 qui ne sera pas quand même une franche croissance.
Ernest-Antoine Seilliere.- Oui nous avons dit, nous depuis des mois et des mois, que la reprise n'était pas au rendez-vous, que l'atmosphère économique était lourde, que la compétitivité française baissait, et que donc tout ceci était extrêmement inquiétant. Et que bien entendu le dérèglement social de la France dans ce contexte rajoutait à la difficulté. Comme vous le savez, l'international piétine, l'Europe en réalité recule, nos voisins sont dans la récession, et nous sommes dans la stagnation...
Ruth Elkrief.- ...Un dernier mot pour nous dire qu'est-ce qui pourrait changer, et comment ça pourrait changer, un mot.
Ernest-Antoine Seilliere.- Un mot : la réforme, et la croissance ! Mais la réforme encore plus que la croissance !
Ruth Elkrief.- Merci beaucoup Ernest-Antoine Seillière.
(Source http://www.medef.fr, le 18 juin 2003)
Ernest-Antoine Seilliere.- Bonjour.
Ruth Elkrief : Merci d'être ce matin avec nous. Vous êtes sorti un petit peu de votre réserve hier. Est-ce que cela veut dire pour vous que le mouvement des grèves contre la retraite est terminé ?
Ernest-Antoine Seilliere.- Il y a eu une période un peu délicate pendant laquelle le gouvernement ayant présenté sa réforme a souhaité clairement la maintenir. Manifestement, dans la rue on a essayé de l'en distraire. Je pense qu'aujourd'hui, le gouvernement a maintenu sa détermination, et que dans la rue les choses s'essoufflent, c'est-à-dire que l'opinion comprend l'évidence de la nécessité de la réforme. Et ça veut dire que les syndicats - dont je vous signale d'ailleurs qu'une partie d'entre eux adhère à la réforme - comprennent la nécessité absolue de réformer notre pays, notamment dans le domaine des retraites. Et je pense en effet que la période la plus difficile étant passée, il est normal que le MEDEF, qui ne voulait pas en quelque sorte se mettre au milieu de cette bataille, aujourd'hui en tire un peu les conclusions.
Ruth Elkrief.- Et revienne sur la scène. Avec quand même une question : vous plaidez pour cette réforme, mais ce que demandent un certain nombre de salariés c'est : est-ce que vous prenez vraiment votre part de la charge que représente cette réforme pour toute la
société ?
Ernest-Antoine Seilliere.- D'abord je vous signale que nous prenons avec les salariés déjà 24 % du montant des salaires bruts pour faire fonctionner la retraite par répartition, c'est-à-dire que les actifs payent déjà, et les entreprises, le quart de ce dont pourraient disposer les gens au travail, pour financer la retraite. Cette part nous parait donc très forte, et nous pensons que nous avons dans ce domaine-là, à la fois les entreprises et les salariés actifs, largement déjà pris notre part de la retraite. Et d'autre part, il y a un domaine sur lequel nous disons très fortement que nous prendrons notre part, c'est bien entendu d'organiser le travail des travailleurs plus âgés, ceux qu'on appelle "les seniors" dans l'entreprise, sur lequel nous prenons l'engagement de la négociation, bien entendu au plus près du terrain, de façon à ce que les choses se fassent convenablement pour chacun, mais que l'on puisse rester en entreprise, plus âgé, comme on le fait d'ailleurs dans l'Europe entière, dans des conditions convenables. Cela n'est pas dans la culture, ni des salariés, ni des entreprises, ni de la société française, et dans ce domaine-là nous prenons bien entendu notre part. Les entreprises contribueront fortement à cela.
Ruth Elkrief.- Mais justement Ernest-Antoine Seillière, c'est toute la question. On a le sentiment que toutes les entreprises ne sont pas aussi engagées que vous, en tout cas dans les mots.Aujourd'hui, les salariés partent en moyenne à 57 ans et demi, et vous refusez que soit notée la date butoir des 65 ans dans la loi. Dans le fond, si vous me permettez l'expression, vous voulez un peu le beurre, c'est-à-dire qu'on allonge la durée des cotisations, et l'argent du beurre, c'est-à-dire éventuellement pouvoir vous débarrasser malgré tout des seniors avant 65 ans.
Ernest-Antoine Seilliere.- Je crois que c'est une présentation, c'est une vérité un petit peu rapide. Actuellement, lorsqu'un salarié a, bien entendu, accumulé tous les droits à la retraite, et qu'il a soixante ans, on peut, l'employeur peut lui dire : c'est la fin du travail. D'ailleurs, c'est ce que souhaitent les gens puisqu'ils souhaitent partir vite. La loi indique que ce sera désormais à 65 ans. Alors si la retraite est à 65 ans, il faut le dire. Mais un salarié ne peut pas avoir, selon nous, à la fois le droit de partir à soixante, et le droit de se maintenir à soixante-cinq. Nous sommes partisans de ce que ce droit grimpe, en quelque sorte, au fur et à mesure que l'on allongera la durée de cotisations. Soixante et un d'abord, soixante-deux ensuite. Mais nous imposer les soixante-cinq ans tout de suite, et considérer - je crois que le ministre en est lui-même tout à fait d'accord -comme, je dirais, une dérive brutale, et qui n'a pas été bien vue dans le texte, nous en demandons la correction, il ne faut pas en faire toute une affaire.
Ruth Elkrief.- Vous pensez que cette correction va être faite et qu'il va y avoir un amendement qui pourra rectifier cette donnée, cet âge ? Parce qu'en même temps, on dit aux Français : vous allez avoir une surcote si vous restez, et puis en même temps, ils peuvent être virés, comme on dit, avant d'avoir toutes leurs cotisations.
Ernest-Antoine Seilliere.- Non, écoutez, personne n'est viré, tout le monde souhaite partir, je vous le rappelle, très tôt du travail. Mais de deux choses l'une : ou bien la chose est réglée, on reste dans l'entreprise jusqu'à 65 ans, chacun en a le droit, et à ce moment-là il n'y a pas à négocier. On reste jusqu'à 65 ans, point. Ou bien au contraire on nous demande de faire l'effort dans les entreprises, et que les salariés fassent aussi l'effort de rester plus longtemps dans l'entreprise, et à ce moment-là ça doit être bien entendu progressif et il faut négocier les conditions. Ce que nous réprouvons d'une manière générale, c'est qu'on veuille régler par la loi, par une décision sortie de façon abrupte et d'ailleurs assez imprévue, pour toutes les entreprises de notre pays, des choses impératives. Nous sommes pour la négociation et donc nous sommes contre, en effet, ce genre de chiffres, imposés. Ce qui ne veut pas dire, comme on essaie de le laisser croire, que nous ne soyons pas, nous, le MEDEF et les entreprises et les fédérations, tout-à-fait conscients de la nécessité de changer de culture dans l'entreprise pour les salariés.
Ruth Elkrief.- Alors quelle place vous voyez aux seniors par exemple dans les entreprises, je dirais dans les dix ans qui viennent ?
Ernest-Antoine Seilliere.- Ecoutez, d'abord si vous voulez, on a beaucoup regretté que cette tendance à vouloir faire partir très vite les seniors ne conduise ceux-ci à partir avec le savoir de l'entreprise. Et donc, il est évident que dans la fin de carrière, il faut organiser, que les anciens puissent se mettre au contact des jeunes, de façon à leur transmettre le savoir, c'est ce qu'on appelle le tutorat, la formation, bref. C'est un premier chapitre. Un deuxième chapitre, c'est bien entendu que dans le cadre de l'entreprise où on connaît bien les circonstances du travail de chacun, on puisse déplacer, organiser, déplacer vers un travail moins pénible ou moins répétitif que sais-je, le salarié dont on souhaite faire évoluer la nature du travail. Et puis enfin, il peut y avoir un mélange entre la retraite et l'activité, ce qu'on n'a absolument pas envisagé encore jusqu'à présent en France. Ou bien on part et c'est fini, ou bien on reste et c'est tout ! On peut parfaitement faire un mixage entre la retraite et le travail.
Ruth Elkrief.- Donc les patrons vont aussi changer de culture.
Ernest-Antoine Seilliere.- Mais bien entendu ! Comment dirais-je, les entreprises, les salariés, la société française qui s'est accommodée formidablement de financer par le contribuable le départ à la retraite anticipée, comme on dit, tout ceci ne peut plus durer puisque l'allongement de la vie et la diminution de la part des actifs par rapport aux inactifs ne rend plus possible le financement des retraites si on ne change pas de culture. Nous sommes, je vous le rappelle, au coeur de ce débat, nous l'avons lancé, comme nous avons d'ailleurs lancé la plupart des débats de société actuellement, qu'il s'agisse de l'assurance maladie, du service minimum et la nécessité de la réglementation de la grève dans le service public, tout en maintenant ce droit, comme il s'agit d'ailleurs de l'Europe sur laquelle nous sommes à l'appui de l'euro depuis le départ, de l'attractivité du pays sur laquelle nous sommes depu is le départ en train de dire : attention aux délocalisations...
Ruth Elkrief.- ...Le MEDEF, acteur social de premier plan, c'est ce que vous voulez dire ?
Ernest-Antoine Seilliere.- Oui ! Nous sommes au cur de la société, on le sait, et d'ailleurs quand nous ne parlons pas pour le dire, on semble le regretter.
Ruth Elkrief.- Ernest-Antoine Seillière, on parlait justement des jours de grève, de la réglementation de la grève. Les syndicats s'inquiètent aujourd'hui. Ils considèrent que la direction des grandes administrations et des entreprises publiques comme La Poste ont décidé de prélever l'intégralité des journées de grève et de concentrer cela au lieu de l'étaler comme d'habitude dans les grands conflits. Vous trouvez que c'est un bon moyen pour dissuader de faire la grève ?
Ernest-Antoine Seilliere.- Ca c'est vraiment une affaire de l'Etat employeur avec ses salariés. Le MEDEF en a assez sur les bras...
Ruth Elkrief.- Oui mais comme employeur, qu'est-ce que vous en dites ?
Ernest-Antoine Seilliere.- Le MEDEF en a assez sur les bras pour ne pas se mêler de cette affaire. Mais je crois que les salariés du privé, comme les entrepreneurs, disent : quand on fait grève, au moins il est évident qu'on n'est pas payé. On sait très bien d'ailleurs que la fonction publique a l'habitude de payer les jours de grève. Vous savez la colère monte dans nos rangs, à nous les entrepreneurs, empêchés de travailler par les services publics qui se mettent en grève à tout propos. La liberté du travail est en cause dans cette affaire ! Nous devons, nous aussi, contenir nos extrémistes qui disent :
" on en a marre ! Assez ! La société française ne peut marcher comme cela ! Et qu'on ne compte pas sur les entrepreneurs pour rester dans notre pays à faire de l'emploi et de la croissance si on continue comme ça ! " Alors, je préfère vous dire que si l'Etat paye les jours de grève après avoir pendant trois semaines empêcher de travailler les salariés qui le voulaient et qui se sont donnés beaucoup de mal pour ça, alors c'est vrai, la société française apparaîtra singulièrement déréglée !
Ruth Elkrief.- Il ne s'agit absolument pas de ça, il s'agit de ne plus étaler le remboursement, enfin je veux dire le fait que les salariés...
Ernest-Antoine Seilliere.- ... Ecoutez toutes ces modalités-là ne sont pas l'affaire du MEDEF !
Ruth Elkrief : Dernière question : la conjoncture économique vous inquiète. Francis Mer, le ministre de l'Economie, a prédit un second semestre meilleur que le premier, mais une année 2004 qui ne sera pas quand même une franche croissance.
Ernest-Antoine Seilliere.- Oui nous avons dit, nous depuis des mois et des mois, que la reprise n'était pas au rendez-vous, que l'atmosphère économique était lourde, que la compétitivité française baissait, et que donc tout ceci était extrêmement inquiétant. Et que bien entendu le dérèglement social de la France dans ce contexte rajoutait à la difficulté. Comme vous le savez, l'international piétine, l'Europe en réalité recule, nos voisins sont dans la récession, et nous sommes dans la stagnation...
Ruth Elkrief.- ...Un dernier mot pour nous dire qu'est-ce qui pourrait changer, et comment ça pourrait changer, un mot.
Ernest-Antoine Seilliere.- Un mot : la réforme, et la croissance ! Mais la réforme encore plus que la croissance !
Ruth Elkrief.- Merci beaucoup Ernest-Antoine Seillière.
(Source http://www.medef.fr, le 18 juin 2003)