Déclarations de Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, sur la recherche et les nouvelles technologies dans le domaine du handicap, Garches le 25 avril 2003 et Paris le 28 avril 2003.

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Circonstance : Visite du Centre d'innovations technologiques du Centre hospitalier à Garches le 25 avril 2003 et Colloque "Nouvelles technologies pour une société plus accessible" à la Cité des sciences et de l'industrie à Paris le 28 avril 2003

Texte intégral

Visite du Centre d'innovations technologiques (CIT)
du Centre hospitalier de Garches
Madame la Ministre, Chère Marie-Thérèse,
Madame la Présidente,
Monsieur le Directeur,
Mesdames et Messieurs,
Je vous remercie vivement de votre présence ce matin sur ce site hospitalier de Garches.
Je vous remercie surtout d'avoir partagé si généreusement avec nous un moment d'intensité humaine bouleversante, que ce soit lors des visites que nous avons faites à divers endroits de l'hôpital, lors de notre réunion de travail, ou encore en entendant ces témoignages qui m'ont beaucoup touchée et appris.
Cette matinée est une formidable synthèse de vie : volonté farouche de surmonter le handicap et la maladie par ceux-là mêmes qu'ils ont atteints ; volonté égale et exemplaire de tout le corps médical et hospitalier ; exploration enthousiaste des ressources offertes par les technologies de l'information et de la communication au service de la santé, de l'activité et du confort des personnes hospitalisées et handicapées.
Je remercie aussi très chaleureusement le docteur Lofaso du Centre d'Innovation Technologique et le Professeur Gajdos de l'Institut Garches, pour leur action et la préparation de cette réunion, destinée à encourager l'action de la recherche au service du handicap et l'usage des nouvelles technologies au service des handicapés.
Le développement des activités de recherche et leur traduction technologique en faveur des personnes handicapées est un axe politique important de mon ministère, une voie tracée par la priorité donnée à la lutte contre le handicap, en juillet dernier, par le Président de la République. La célébration de l'année européenne du Handicap vient souligner l'importance de cette orientation.
Le champ offert à la recherche et aux nouvelles technologies dans la lutte contre le handicap est, je le crois, immense.
La recherche fondamentale, véritablement exploratoire et qui repousse toujours plus loin la frontière de la connaissance, y tient toute sa place, en permettant d'améliorer la prévention et la maîtrise des causes du handicap. Je pense au décryptage du génome récemment terminé, à la connaissance, au dépistage et à la prévention des maladies génétiques et des maladies rares.
La recherche appliquée, la recherche technologique, tiennent aussi leur place, notamment lors de la prise en charge du handicap.
Les technologies de l'information et de la communication, notamment, ont déjà grandement amélioré la situation des personnes handicapées en leur fournissant des outils efficaces de compensation de leur déficience. Elles leur permettent de réaliser de manière autonome des actions qui leur étaient interdites auparavant.
Cette prise en charge est fondamentale pour les personnes handicapées de naissance, ou pour celles qui le deviennent à la suite d'un accident.
A propos d'accidents, faut-il le rappeler, la violence routière est un des facteurs les plus importants du handicap.
Les deux actions prioritaires décidées par le Président de la République, handicap et sécurité routière, qui touchent si fortement la vie de nos concitoyens, sont ainsi étroitement liées entre elles - comme elles sont l'une et l'autre liées au développement technologique.
L'Hôpital de Garches, pour l'ensemble de son personnel qui vit cela au quotidien comme pour l'ensemble de nos concitoyens, est à cet égard hautement symbolique, à la croisée des thèmes "Handica" et "Sécurité Routière".
Le Centre d'Innovation Technologique (CIT) de l'Hôpital de Garches a été créé à l'initiative conjointe des Ministères de la Recherche et de la Santé.
Les CIT ont pour but de valoriser la recherche médicale par transfert de technologies, de mettre au service des industriels un environnement hospitalier de haute technologie et de favoriser la création de produits innovants au sein d'entreprises spécialisées dans la fabrication de dispositifs médicaux.
Ces applications in situ bénéficient à tous puisqu'elles permettent aux chercheurs et aux industriels, d'observer l'appropriation et le test des produits par les handicapés de l'hôpital. Nous l'avons vu notamment, pour le bras articulé et le coffret domotique.
Réciproquement, et j'ai été très sensible à cet argument, elles permettent à la personne récemment handicapée de découvrir l'existence d'un certain nombre d'outils réellement susceptibles de l'aider, et cette prise en charge psychologique est importante, comme le sait bien le personnel soignant ici présent.
Nous avons voulu ouvrir de la manière la plus large possible, dans la limite des contraintes liées au site lui-même, cette demi-journée de travail. Nous y avons invité la presse, car il est important que le travail de fond que vous menez ici connaisse un retentissement certain auprès des pouvoirs publics et de l'ensemble de nos concitoyens.
Permettez-moi de partager avec vous le programme de travail "Personnes handicapées : recherche et diffusion des technologies" de mon ministère, programme préparé en étroite concertation avec Marie-Thérèse Boisseau et déjà partiellement engagé.
Marie-Thérèse Boisseau vous a parlé des aspects législatifs, de la loi de 1975 sur le handicap, et des deux missions que nous confions l'une au Professeur Michel Fardeau, l'autre au Professeur Philippe Thoumie.
La communauté de recherche sur le handicap est éparse. Bien souvent, ce n'est pas considéré comme un axe de recherche prioritaire, et cet état d'esprit doit changer. C'est pour cela que nous avons souhaité entendre deux chercheurs, Nadine Vigouroux du CNRS et le Professeur Jean-François Ravaud de l'INSERM.
Ils nous ont montré la force de leur motivation ; ils préfigurent l'implication de leurs organismes que nous souhaitons renforcer.
En ce qui concerne les aspects budgétaires, nous consacrons depuis début 2003 une priorité "handicap" sur le fonds de la Recherche et de la Technologie et j'ai le plaisir d'annoncer aujourd'hui :
- un programme "Usage", doté de 6 millions d'euros. Ce programme est spécialement orienté vers des projets de recherche et d'innovation associant des utilisateurs, par exemple des associations de handicapés.
- un programme Réseau National des Technologies pour la Santé", cofinancé par le Ministère de l'Industrie et notre Ministère. Chacun des Ministères y consacre 6 millions d'euros en 2003.
Le soutien à l'innovation est un moteur de notre politique. Il occupe une place importante dans le domaine du handicap. La recherche sur le handicap peut générer des innovations tous publics : la domotique, les télécommandes, l'habitacle automobile en sont un exemple.
Les innovations conçues dans les laboratoires de recherche sur le handicap ont du mal à percer. La problématique d'achat de ces produits innovants pour les hôpitaux est un des axes de la mission confiée au Professeur Philippe Thoumie.
De la même manière, un certain nombre de grands groupes industriels ont "dans leurs tiroirs" des produits potentiellement intéressants pour le handicap. Nous devons les motiver sur ce thème.
L'exemple de Valeo soutenant l'Institut Garches ou de Thalès travaillant avec l'Institut Garches sur la formation des handicapés aux Nouvelles Technologies sont à faire connaître et à accompagner.
Une première mesure que nous prenons est le lancement par l'ANVAR d'un appel à propositions "Technologies en faveur du handicap", avant la fin juin. Par ailleurs, le Concours National 2003 pour la création d'entreprises innovantes, géré par l'ANVAR pour le compte de notre Ministère, aura un "Prix spécial Handicap".
Enfin, l'ensemble des acteurs ici présents doit réfléchir à utiliser en faveur du handicap les nouvelles dispositions crées par la loi sur les Fondations et le mécénat, et nous les y aiderons.
L'utilisation des nouvelles technologies par les handicapés est le quatrième axe important de notre programme de travail.
A titre d'exemple, la numérisation de documents, livres, journaux, restitués en braille ou sous forme sonore, permet aux personnes aveugles d'accéder à l'écrit, d'accéder à la culture, aux personnes sourdes de pouvoir communiquer à distance. Le Minitel avait déjà été un franc succès à cet égard.
De manière plus globale, voir comment les nouvelles technologies et Internet sont utilisés par les handicapés est très important pédagogiquement pour l'ensemble de nos concitoyens. Chacun de nous connaît un handicapé, une personne aidante, et voir comment les handicapés s'approprient les nouvelles technologies, par nécessité d'abord, pour leur bien-être et leur insertion ensuite, est un exemple pour tous.
Nous allons porter l'effort sur trois sujets dans cet axe de travail.
Les espaces publics numériques, que la Mission d'Accès Public à l'Internet, la MAPI, est chargée d'animer, seront mobilisés en faveur de l'accueil des handicapés et de l'insertion par Internet.
Nous avons vu au cours de la visite le rôle-clé joué par la salle Internet et multimédia de l'Hôpital.
D'autres initiatives existent, je pense notamment à l'espace public numérique ICOM de Lyon (association Handicap International). L'appel d'offres décidé au CIADT du 13 décembre 2002 pour les espaces publics numériques (2 millions d'euros) sera élargi à la thématique des centres de ressources pour handicapés.
Par ailleurs, nous devons être attentifs, notamment sur les sites gouvernementaux, au respect des recommandations internationales dites WAI (Web Accessibility Initiative) du World Wide Web Consortium (W3C).
L'Association Braille'Net, qui s'appuie, comme le CIT de Garches, sur l'unité INSERM U 483, mène un travail de fond sur ce sujet que nous devons tous soutenir.
Je participe d'ailleurs lundi à un colloque "Nouvelles technologies pour une société plus accessible", à la Cité des Sciences et de l'Industrie, qui inscrit le sujet dans un cadre européen.
Enfin, la transposition en cours de la directive européenne sur "les droits d'auteur sur la société de l'information" comporte une exception au droit d'auteur pour les utilisations par les handicapés, exception qui sera mise en oeuvre de manière entière.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les grandes lignes d'un plan d'action qui vise à vous accompagner au mieux dans votre approche des nouvelles technologies afin de réduire les difficultés que vous rencontrez.
Votre combat pour que la vie soit la plus forte est admirable. Il mérite la mobilisation des forces vives de notre pays.
Face aux besoins, exprimés ou non, face à la douleur, et aux attentes ressenties, face à l'espoir de reconquête d'une vie aussi pleine que possible, il sera toujours insuffisant.
Sachez néanmoins qu'il correspond à un engagement fort de nos deux Ministères, engagement que nous comptons poursuivre et renforcer tout au long de notre mandat.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 28 avril 2003)
Cité des Sciences et de l'Industrie,
le 28 avril 2003
Colloque "Nouvelles Technologies pour une société plus accessible"
Monsieur le Président (Braillenet),
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureuse d'être parmi vous pour ouvrir ce colloque "Nouvelles Technologies pour une société plus accessible", à la Cité des Sciences et de l'Industrie.
Je salue l'ensemble des participants et orateurs, notamment ceux venus d'un certain nombre de pays pour ce colloque dont le caractère européen est tout à fait remarquable. Comme vous le savez, 2003 est l'année européenne du handicap, et par ailleurs c'est un des trois chantiers prioritaires énoncés par le président de la république française.
La recherche appliquée, les nouvelles technologies à usage des handicapés sont des axes importants de l'action du gouvernement, et tout particulièrement de mon Ministère.
En effet je vois au moins trois idées-forces dans cet axe d'action :
La recherche technologique sur le handicap est à l'origine d'innovations tout publics, par exemple dans la domotique, l'habitacle automobile. Il en va de même dans votre sujet de l'accessibilité des sites Web : rendre un site Web accessible aux handicapés contribue largement à le rendre mieux accessible à tous les publics.
Les technologies de l'information et de la communication, de l'accès Internet aux bras robotiques articulés, sont un outil indispensable pour les handicapés ; elles améliorent grandement leur situation en leur fournissant des outils efficaces de compensation de leur déficience, et leur permettent de réaliser de manière autonome des actions qui leur étaient interdites auparavant.
La façon dont les personnes handicapées s'approprient ces technologies joue un rôle d'exemple pour l'appropriation de ces technologies par l'ensemble de nos concitoyens.
J'avais déjà eu l'occasion, lors de l'inauguration de la Fête de l'Internet ici à la CSI en mars, de visiter ici la Cyberbase et de voir les applications d'accessibilité pour les aveugles, notamment celle de BrailleNet, et pour les malentendants.
Plus récemment, j'ai lancé vendredi, avec Marie-Thérèse Boisseau, Secrétaire d'Etat aux Personnes Handicapées, le programme d'action gouvernemental sur le thème : "Handicap : recherche et diffusion des technologies".
Ce plan s'articule autour de quatre axes, je les résumerai rapidement. Un document récapitulatif est disponible à l'entrée du colloque et sur notre site Web www.recherche.gouv.fr. Je reviendrai plus en détail sur le quatrième axe qui est au coeur de votre problématique d'accessibilité.
Tout d'abord, Marie-Thérèse Boisseau et moi avons confié deux missions sur le handicap à deux professeurs de médecine, l'une sur la recherche amont, et l'autre sur la recherche technologique, l'innovation et l'utilisation des nouvelles technologies par les handicapés. L'accessibilité fait partie de cette seconde mission, confiée au Professeur Thoumie de l'Hôpital Rotschild que je vous engage à rencontrer.
En second lieu, notre Ministère oriente un certain nombre de ses lignes budgétaires vers la recherche technologique de prise en charge du handicap et de diffusion des innovations liées au handicap. Le programme "Réseau National des Technologies pour la Santé" est doté de 12 millions d'euros en 2003. La ligne "Usages", destinée à des projets coopératifs avec des associations d'utilisateurs, par exemple des associations du monde du handicap pour l'accessibilité, est dotée de 6 millions d'euros en 2003.
En troisième lieu, en ce qui concerne l'innovation, l'ANVAR (Agence Nationale de Valorisation de la Recherche) lancera un appel à propositions sur le thème du handicap avant l'été. La récente loi sur les fondations et le mécénat d'entreprise pourra bénéficier à des créations de fondations dans le domaine du handicap.
Sur le quatrième thème, qui vise à favoriser l'utilisation d'Internet par les handicapés, via l'accessibilité notamment, nous lançons un certain nombre de mesures :
Les espaces publics numériques qui le souhaitent doivent pouvoir accueillir des handicapés, à l'instar de ce que fait par exemple le centre Handicap International, espace public numérique à Lyon. L'appel d'offres " Espaces Publics Numériques " que nous lançons avec la DATAR, avec 2 millions d'euros sur 2003, pourra soutenir de tels centres.
La transposition en cours de la directive " Droits d'auteurs dans la société de l'information " doit avoir une exception pleine et entière pour le handicap, c'est d'ailleurs l'objet de votre débat de cet après-midi.
Par ailleurs, nous devons améliorer l'accessiblité des sites webs gouvernementaux, par une étroite collaboration avec BrailleNet et le W3C, dont l'antenne européenne est hébergée en France à Sophia-Antipolis :
- Nous avons demandé à cette association de rendre tous les sites du Ministère de l'Education et de la Recherche accessibles, le travail commencera début mai.
- Nous avons lancé un forum de discussion sur l'accessibilité entre tous les webmestres de sites publics, en liaison avec les partenaires BrailleNet et le W3C.
- Au-delà, se pose la question d'une inscription de l'obligation d'accessibilité des sites publics, et des services Internet ouverts au public, dans la modification en cours de la loi de 1975 sur le handicap.
- Enfin, bien entendu, le relais doit être pris par les développeurs Web, grâce au XML notamment, pour diffuser cette compétence dans les sites Internet privés.
Votre colloque m'a paru intéressant à plus d'un titre, et en plus des motifs ci-dessus, il y a aussi d'autres raisons pour lesquelles j'ai souhaité m'y associer.
Tout d'abord par ses organisateurs, BrailleNet en France est issue de l'action d'un laboratoire de recherche, l'INSERM et l'Université Paris VI. Avec cinq ans d'existence, cette association montre comment des chercheurs peuvent être ouverts à s'impliquer dans la société civile, dans l'intérêt général. C'est cette recherche que je souhaite notamment promouvoir, ouverte vers l'extérieur, vers l'entreprise, vers le milieu associatif, vers l'innovation et le transfert, vers tous nos concitoyens, utilisant les nouvelles technologies, oeuvrant de manière pédagogique pour tous.
Je mentionnerai un des projets créés et entretenus par BrailleNet, le serveur Hélène permettant la numérisation en braille des grands ouvrages de la littérature française. Ce serveur s'appuie sur l'INRIA de Grenoble, montrant là aussi une recherche ouverte vers l'extérieur, au bénéfice de tous.
J'ai souhaité m'associer à votre colloque aussi, compte tenu des thèmes que vous avez choisis dans votre colloque, qui recoupe sous l'angle particulier du handicap ma priorité qui est de promouvoir les usages de l'Internet pour tous. Usages éducatifs que vous abordez ce matin. Usages culturels, numérisation du patrimoine que vous abordez cet après-midi.
Enfin, troisième raison d'inaugurer vos travaux, le caractère européen de votre colloque, visant à promouvoir un projet de certification européenne pour garantir une accessibilité aux sites Web, en liaison avec le W3C.
C'est cette démarche européenne qu'il convient de promouvoir, dans le domaine de l'accessibilité aux handicapés, mais aussi dans les thèmes plus généraux que j'abordais au début, la recherche technologique et la diffusion de l'innovation parmi la population handicapée. Ce sujet doit réellement être mené à un niveau européen, notamment avec les grands industriels actifs dans ce secteur.
Voilà, je laisse donc la place à BrailleNet et ses partenaires belges, britanniques, hollandais, grecs, allemands, autrichiens, hongrois, irlandais, espagnols, italiens, danois, pour la signature de cet accord EuroAccessibility que vous présentez à la Commission Européenne et que je suivrai avec intérêt.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 30 avril 2003)