Interview de M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, à "Radio BFM" le 30 septembre 2003, sur la présentation du budget 2004 avec notamment le contrôle des dépenses publiques.

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Média : Radio BFM

Texte intégral


P. Manière-.(...). A. Lambert, bonjour.
- "Bonjour. "
Nous vous recevons sur BFM, quelques jours seulement après la présentation du Budget 2004. Vous qui aviez drastiquement taillé dans la dépense de votre bonne ville d'Alençon, le moins que l'on puisse dire est que vous ne rééditez pas l'exploit au niveau national. Les dépenses publiques vont encore grimper l'an prochain ?
- "Je stabilise néanmoins en volume, c'est-à-dire avec l'inflation, les dépenses de l'Etat. Il n'est pas dans mes attributions, malheureusement, de travailler sur les dépenses de Santé, mais stabiliser les dépenses de l'Etat pour la deuxième fois, c'est la première fois en 20 ans qu'on le fait. "
Donc ça pourrait être mieux, mais ça vous satisfait déjà ?
- "Ca pourrait être mieux, mais déjà nous faisons mieux qu'il n'a jamais été fait en 20 ans. "
Mais pourquoi, est-ce que c'est si difficile de tailler dans les dépenses d'Etat ?
- "Tout simplement parce que les dépenses sont très rigides. Vous avez des dépenses de pensions, elles sont déjà engagées, des gens sont à la retraite ; vous avez des intérêts de la dette qui a été souscrite. Vous avez des fonctionnaires qui ont été engagés pour 40 ans et ceci constitue 80 % du budget. "
Donc il reste 20 % sur lesquels on peut jouer seulement ?
- "Et voilà. Et c'est la raison pour laquelle il est très, très difficile, d'une année sur l'autre, de réduire les dépenses et faire zéro volume comme on dit dans notre jargon, deux années de suite, ça n'a pas été fait depuis 20 ans. "
Alors tout de même, vous parliez à l'instant de la charge des salaires des fonctionnaires d'Etat. Les suppressions de postes des fonctionnaires, ça, ça permet quand même d'alléger au bout d'un moment la charge du budget. Vous en faites 4 565, je crois, c'est un peu, peu par rapport aux 30 000 fonctionnaires qui partaient à la retraite. Ce n'est pas un effort énorme, on aurait pu faire plus ?
- "Nous en faisons moins 10 000 en réalité, parce qu'il en est créé environ 5 000 pour faire face aux priorités. Vous savez que nous avons voulu engager des polices, nous avons voulu engager des magistrats, il faudra naturellement engager également, dans le domaine de la santé, des infirmières et donc nous n'avons pas renouvelé des départs à la retraite à hauteur de 10 000, donc l'effort est déjà substantiel. C'est quatre fois ce que nous avons fait l'année dernière. Si nous multiplions par quatre chaque année, à la fin de la législature, nous avons quand même beaucoup progressé. "
Il restera des fonctionnaires quand même ?
- "Mais bien sûr, mais ils sont très utiles et vous savez que moi, je les aime beaucoup. Je pense qu'il faut absolument que nous leur redonnions espoir et de leur donner espoir, c'est redonner sens à leurs fonctions et c'est aussi leur donner une amélioration de leur pouvoir d'achat. "
D'ailleurs ce que vous disiez à propos d'Alençon, c'est que souvent, quand on diminuait le nombre de fonctionnaires, non seulement le service s'améliorait, mais la carrière des fonctionnaires s'améliorait ?
- "C'est ça qui est très important. C'est que réduire le nombre de fonctionnaires c'est en fait calibrer l'action publique, et les moyens de l'action publique, de telle sorte qu'ils puissent y trouver leur part. Les progrès dans la productivité que les fonctionnaires accomplissent leur sont restitués pour partie. "
Alors, quand vous négociez avec les ministres, chaque fois c'est une succession de bras de fer. Est-ce qu'il y a eu des bons et des mauvais élèves ?
- "Tout le monde essaie de faire du mieux qu'il peut. Et chacun a ses propres difficultés. Moi je ne suis pas très bien placé pour distribuer des bons points. Simplement, ce que je crois, c'est que les ministres aujourd'hui ont compris que ce n'est pas en annonçant des crédits supplémentaires qu'ils démontreront qu'ils sont des bons ministres. Le bon ministre, c'est celui qui peut dire aux Français, " Je fais mieux pour vous et à moins cher. " "
Donnez-nous quand même le nom d'un bon élève, un ministre avec qui vous avez trouvé que vous aviez une conversation constructive. Vous ne me direz pas les mauvais élèves, donnez-en un bon ?
- "Non, non, non. Si je commence, je sais que vous avez la pelote et je ne m'en sortirais pas. "
Venons-en au contenu du budget. La gauche vous reproche de faire des cadeaux aux riches dans ce budget avec la baisse de l'impôt sur le revenu, l'aménagement de l'impôt de solidarité sur la fortune. Vous assumez ?
- "J'assume complètement et je trouve que baisser l'impôt sur le revenu, c'est donner un signal aux Français. C'est respecter leur travail, c'est leur dire " Nous affirmons la dignité et la primauté du travail. " J'aimerais bien que la gauche se positionne là-dessus. Est-ce qu'elle affirme la dignité et la primauté du travail ? Est-ce qu'elle encourage le travail ? Est-ce qu'elle croit au courage des Français ? Nous, nous disons clairement - la législature précédente a véhiculé des idées de réduction du temps de travail, du fait que le travail était une forme d'aliénation -, le travail est un élément de réalisation de la personne humaine. Et donc il est capital de pouvoir rendre aux Français le fruit de leur travail. Il leur a été confisqué pendant trop d'années. Donc non seulement, j'assume, mais je revendique cette baisse d'impôts. "
A. Lambert, on dit beaucoup aussi que l'Etat va reprendre d'une main ce qu'il donne de l'autre, avec la hausse de la CSG et du ticket modérateur du côté Sécu et puis aussi avec la hausse du gazole qui fait beaucoup parler dans les chaumières ?
- "La hausse du gazole ne va pas avoir d'effets à la pompe, puisque au fond le gazole ne coûtera pas plus cher, si la hausse s'appliquait demain, qu'au mois d'avril dernier. "
Parce qu'entre-temps le pétrole a baissé, le dollar a baissé, c'est ça l'idée ?
- "Voilà, tout simplement. "
Donc vous récupérez une partie de ce qui aurait été dans les poches des Français tout de même ?
- "Non ce qui était versé aux pétroliers baisse et donc ça permet d'accroître un peu ce qui revient à l'Etat. Et le Premier ministre a choisi que ce soit fléché vers Réseau Ferré de France pour améliorer l'efficacité des voies ferrées en France. Je crois que les Français retrouveront une part de ce qui leur est prélevé. "
Mais honnêtement, l'argument écologique " le gazole pollue, il faut le taxer plus ", c'est un argument de séance ça, l'idée c'est de faire rentrer plus d'argent dans les caisses de l'Etat ?
- "Non, non, mais tous les gouvernements ont dit qu'il fallait réduire l'écart entre le gazole et l'essence. Et donc c'est réduire l'écart entre le gazole et l'essence. "
A. Lambert, vous venez d'Alençon, le berceau de Moulinex, qui a fait faillite. Péchiney passe sous pavillon canadien. On a appris hier l'accord du Conseil des Marchés Financiers et de la Commission de Bruxelles. Alstom n'est sauvée que par l'intervention de l'Etat, c'est la fin de l'industrie en France ?
- "Nous sommes à l'épreuve mais nous pouvons rester des champions à condition que nous baissions nos prélèvements et que nous réduisions nos dépenses et alors vous verrez, nous reprendrons la place que nous avions dans le monde. "
A propos de Bruxelles qui a donc approuvé l'affaire Alstom, ça a été dur ces derniers temps de discuter avec Bruxelles ? Vous avez l'impression que la page est tournée ? Il y a un malentendu entre Paris et Bruxelles ? Entre, je dirais, Bercy et Bruxelles ?
- "Non, non, je crois que ce qui compte, c'est que Bruxelles ait la conviction - et je crois qu'elle est acquise maintenant - que nous faisons tout ce que nous pouvons pour revenir sous la barre des 3 %. Et je le redis encore ce matin, nous faisons tout pour revenir sous la barre des 3 %. Je crois que P. Solbes le sait, il a regardé ce que nous faisons, il a regardé que faire zéro volume sur les dépenses de l'Etat, pour la seconde année - encore une fois ça ne s'était jamais fait, depuis 20 ans - il trouve que des efforts sont substantiels. Je pense qu'il pense comme nous : si la reprise est au rendez-vous comme on peut l'espérer, la réduction du déficit sera rapide. "
Allez ! un peu de politique. Vous avez peut-être lu le sondage qui donne 20 % à A. Santini, s'il se présente en Ile-de-France. Cela ne donne pas à penser ça, pour un centriste qui a rallié l'UMP ? Est-ce que vous n'avez pas fait de l'UMP une machine à perdre pour la droite en ouvrant un boulevard, à droite, au Front national, et à gauche, à l'UDF ?
- "Moi, je ne suis pas spécialiste de la politique politicienne, vous le savez bien donc"
Non, mais ça ne vous empêche pas d'y réfléchir de temps en temps ?
- "Oui, mais je préfère parler plutôt que de partir des idées qui nous font vivre tous ensemble et mon message, c'est de dire aux Français : " La France a besoin de vos talents, de votre imagination et de vos efforts. Et grâce à votre talent, votre imagination et vos efforts, la France, non seulement s'en sortira, mais réussira et redeviendra championne. " "
A. Lambert, les trois questions express pour finir. Que faites-vous ce matin, en quittant le studio de BFM ?
- "Je vais prendre un nouveau petit déjeuner avec 80 chefs d'entreprises. "
La question perso : Est-ce que vous respectez les limites de vitesse dans vos incessants aller-retour entre Paris et Alençon ?
- "Oui, j'y tiens beaucoup. "
Toujours, systématiquement ?
- "Oui, mais je n'ai pas de mérite, parce que je ne conduis pas. Mais ce sont mes instructions. "
Dernière question : La croissance en 2003, quel est votre pronostic ?
- "0,5. "
Vous y croyez encore ?
- "J'y crois encore, mais c'est vrai qu'on ne fera pas mieux. "
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 30 septembre 2003)