Interview de Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, à ITV le 11 septembre 2003, sur la politique budgétaire française par rapport aux contraintes du Pacte de stabilité et la perspective d'une initiative franco-allemande pour la relance de la croissance et de la compétitivité.

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Texte intégral


Q - (A propos du Pacte de stabilité et de croissance)
R - Cette règle européenne qu'est le Pacte de stabilité est l'élément de gouvernance économique le plus fort que nous ayons en Europe. La coordination des politiques économiques entre les Etats doit permettre en effet, à l'Europe de se diriger vers une meilleure croissance. Nous ne voulons pas perdre le bénéfice de cette coordination des politiques économiques que permet le Pacte de stabilité et de croissance. Il y a simplement un impératif : conjuguer le long terme - remédier à nos déficits - avec le plus court terme : sauver l'emploi.
Q - Peut-on prendre des initiatives avec ce Pacte de stabilité et de croissance - le Premier ministre dit d'ailleurs "Pacte de croissance et de stabilité" ? Peut-on prendre des initiatives avec nos partenaires pour l'adapter à l'environnement conjoncturel qui est le nôtre aujourd'hui ?
R - La Commission est d'accord pour considérer que l'application du Pacte doit être souple, à savoir, que l'on ne peut pas ne pas tenir compte du contexte. A l'heure actuelle, il y a encore un ralentissement de la croissance au plan mondial, même si l'on observe une reprise aux Etats-Unis, une légère reprise en Allemagne que l'on annonce, et une prochaine reprise chez nous. L'économie a des cycles et nous sommes au creux d'un cycle. Nous ne pouvons pas miser entièrement sur la reprise de la croissance. C'est la raison pour laquelle le gouvernement français a engagé des réformes structurelles en profondeur sur le long terme : la réforme des retraites, le plan santé, la modernisation de l'Etat Tout cela va bien entendu être favorablement pris en compte par la Commission.
Q - Comment peut-on effectivement donner des gages à la Commission ? Parce que là, pour l'instant, on a un déficit prévu jusqu'en 2006 à peu près. Cela signifie que l'on ne respectera pas le Pacte de stabilité jusqu'en 2006. Comment, concrètement, peut-on donner des gages à la Commission européenne pour montrer qu'effectivement l'on est vertueux sur le plan budgétaire ?
R - Les réformes structurelles sont un élément très important. Nous avons présenté ces réformes dans le cadre de l'Agenda 2006. Les Allemands, eux, ont un projet de réforme qui s'intitule "Agenda 2010". Tout cela marque la volonté de chaque Etat de mieux gérer ses finances publiques et de mieux équilibrer ses comptes. Mais il y a l'immédiat : la nécessité d'une relance de la croissance. Le déficit en France est en majorité dû à la baisse des rentrées des recettes de l'Etat, notamment des rentrées fiscales à cause du chômage. D'où l'idée d'une relance de la croissance par l'investissement, par les infrastructures - par exemple, de transport - mais aussi par la consommation Ceci n'excluant pas la maîtrise des dépenses. Il faut que les téléspectateurs sachent qu'il n'y aura pas un euro supplémentaire dépensé cette année, en 2003, par rapport à ce qui était initialement prévu dans le projet de loi de finances voté par le Parlement. Ce qui est assez exceptionnel. Mais, cela ne va pas assez loin. Je ne peux cependant pas anticiper sur les propositions qui seront faites par mon collègue Francis Mer.
Q - On va faire de nouvelles propositions ?
R - Nous sommes en phase de discussion.
Q - Vous parlez de l'Allemagne. Vous êtes également secrétaire générale pour la coopération franco-allemande ; le 18 septembre prochain, il y a un Conseil des ministres franco-allemands, donc je vous pose la question : est-ce qu'avec notre partenaire privilégié l'Allemagne, nous allons effectivement vers une initiative politique sur le Pacte de stabilité et de croissance ?
R - Nous allons vers une initiative politique très importante sur la relance de la croissance et de la compétitivité. Pourquoi ? Parce que nous sommes deux pays fondateurs de l'Europe dont le poids démographique est important. Parce que nous représentons deux grandes économies et que lorsque cela va mal en Allemagne et en France, cela va mal dans le reste de l'Europe. Nous sommes conscients de nos responsabilités proprement européennes à cet égard. Nous allons donc proposer une relance de la croissance et de la compétitivité. Nous ne pouvons pas tout dévoiler aujourd'hui avant le Conseil des ministres franco-allemand qui aura lieu le 18 septembre. Mais notre proposition s'inscrira dans ce que nous appelons la "stratégie de Lisbonne", c'est à dire plus de recherche, plus d'innovation, plus de transferts de technologie de la science à l'entreprise, plus de création d'entreprises. D'ailleurs, nous sommes un peu dans cette logique en France aujourd'hui. Cela a été rappelé hier par le Premier ministre. Tout cela va dans le bon sens et signifie que les deux pays savent qu'ils doivent faire des efforts conjoints dans le cadre européen.
Q - Noëlle Lenoir, ma question portait d'abord sur le Pacte de stabilité et de croissance. Effectivement, il va y avoir la relance à l'ordre du jour de ce Conseil des ministres franco-allemands. Mais pourrait-il y avoir une initiative commune pour finalement dire : il faut adapter ce Pacte de stabilité et de croissance à, justement, l'absence de croissance ?
R - Il n'y aura pas d'anticipation sur les propositions que fera la France le 24 septembre à la Commission dans le cadre du plan qu'elle doit mettre en oeuvre pour marquer notre totale détermination à réduire les déficits. Il n'y aura pas d'anticipation. Il y aura simplement une certaine tonalité montrant que nous souhaitons conjuguer une bonne gestion des finances publiques et une relance de la croissance. Mais c'est surtout d'une initiative de croissance qu'il s'agit. Car, s'il n'y a pas de croissance, il n'y a pas d'emploi et s'il n'y a pas d'emploi, il n'y a pas de recette fiscale. Faute de croissance, le modèle social européen en prendrait surtout un sérieux coup.
Q - C'est un peu un pari sur l'avenir... Vous parliez effectivement de relance et notamment de relance entre les deux partenaires : dans quel domaine précisément ? On parle, par exemple, beaucoup d'initiatives sur les chantiers navals, d'une coopération industrielle entre les deux pays, par exemple, sur des secteurs industriels précis comme les chantiers navals ?
R - Il y a les chantiers navals, il y a aussi l'aérospatiale. Le développement de l'aéronautique a été l'une des actions les plus marquantes en matière industrielle dans les deux pays avec EADS, Airbus et Eurocopter. Il y a aussi les infrastructures de transport. Il peut y avoir l'énergie. Il peut y avoir toutes sortes de domaines. En annexe à cette déclaration commune qui est une sorte de profession de foi en faveur d'une modernisation des deux Etats et de la lutte contre leur désindustrialisation, des projets précis seront présentés le 18 septembre.
Q - A-t-on le chiffrage de tous ces projets ? On parle d'un plan de relance qui équivaudrait à peu près à 50 milliards d'euros ?
R - Je ne peux pas vous donner de précisions chiffrées. Je ne suis pas persuadée qu'elles seront mentionnées dans cette déclaration, même si elles sont par ailleurs discutées. Je ne peux pas vous donner de précisions à l'heure actuelle
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 septembre 2003)