Interview de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, à RTL le 17 septembre 2003 sur l'éventualité d'une reprise de la croissance et sur la réforme à venir de la sécurité sociale.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


J.-M. Aphatie-. Bonjour F. Hollande. Hier à Auxerre J. Chirac a dit ceci : la France n'a aucune raison de douter d'elle-même. Alors, ce matin, est-ce que vous doutez de la France, F. Hollande ?
- " Les Français ne doutent pas de la France, heureusement. Ils peuvent douter des choix de leurs dirigeants. C'est ça le sujet. "
Les choix des dirigeants, c'est de spéculer sur la croissance. Alors, il faut tenir bon en attendant qu'elle arrive, parce qu'aux Etats-Unis et au Japon, ça a redémarré.
- " Oui, ce qui m'a frappé dans l'intervention de J. Chirac, c'est qu'après avoir été longtemps silencieux, trop silencieux, il est apparu décalé. Décalé d'abord par cette affirmation d'optimisme, quand l'inquiétude est multiple : inquiétude internationale, inquiétude européenne, inquiétude par rapport à l'emploi, au pouvoir d'achat, et rien ne venait justifier, étayer l'optimisme, c'est-à-dire une vision, un cap, une stratégie, des décisions fortes. Ensuite il est apparu décalé aussi par rapport à l'appel à l'équité. Je pense que nous sommes tous attentifs à ce que les choix qui seront faits, qui sont faits, correspondent à l'attente que l'on peut avoir en matière d'équité, de solidarité. Tel n'est pas le cas. On a eu une annonce de baisse d'impôt sur le revenu, et puis une augmentation de la fiscalité sur l'essence, gas-oil, dès le 1er janvier, et d'autres impôts puisque c'est le Gouvernement d'un impôt par jour. Il ne se passe pas un jour sans qu'il y ait annonce d'un prélèvement ou d'un impôt. Décalé aussi par rapport à l'appel au dialogue. Je pense que, comme responsable de l'opposition, moi je suis toujours ouvert au dialogue, à la discussion, sauf que rien n'est venu depuis maintenant quinze mois, notamment dans la sphère sociale ou même dans la sphère politique, marquer le souci d'associer chacune et chacun aux décisions qui sont prises. "
Mais "décalé" précisément, ça veut dire quoi ? Ca veut dire que le chef de l'Etat peut être un temps d'avance par rapport à une croissance qui va redémarrer - ce qui validerait les choix économiques - ou ça veut dire qu'il est totalement à côté de la réalité d'après vous ?
- " Je crois qu'il n'est plus en phase avec le pays, dont il assure pourtant la charge. Je veux dire par-là qu'il s'est beaucoup investi et de ce point de vue nous l'avons soutenu sur la question de l'Irak. Il s'est beaucoup investi sur le plan international et il a paru oublier le pays, dont il est aujourd'hui le président. Par ailleurs, il donne confiance et mandat au Premier ministre. Il se trouve que ce Premier ministre, sous l'autorité du président de la République, a fait des choix, il y a maintenant plusieurs mois, parce que la situation d'aujourd'hui, elle est le fruit de décisions qui ont été prises dès l'été 2002. Il a avalisé ses choix, et aujourd'hui il constate sans doute qu'ils ne fonctionnent plus, et il veut espérer une reprise de la croissance. "
Vous y croyez ou pas vous à la reprise de la croissance ? Vous pensez que c'est une hypothèse plausible ?
- " Mais vous savez, pendant des années on peut attendre la reprise américaine. Elle peut venir. "
Oui, parce que D. Strauss-Kahn et L. Jospin en ont profité en 97. Un budget 98 avait été bâti sur cette hypothèse, elle s'est vérifiée.
- " Mais ça suppose de l'accompagner, de la stimuler cette reprise, en France et en Europe, et de l'organiser. Or, tel n'est pas le cas. Nous sommes le héros de telle ou telle pièce de théâtre. Nous attendons la croissance comme d'autres attendaient Godot. C'est-à-dire qu'on attend quelqu'un, en l'occurrence la reprise, qui ne viendra peut-être jamais. Donc, quand on est chef de l'Etat, et lorsqu'on est en charge d'un pays comme la France, on n'a pas simplement à faire un commentaire, à livrer une espérance, à faire même une prière pour que la croissance revienne. On a à l'organiser et à prendre des initiatives européennes. A l'évidence, aujourd'hui, c'est à ce niveau qu'il faut agir pour la reprise à la croissance. Et en France aussi. "
Il y aura de même l'annonce du plan franco-allemand d'ailleurs à ce propos.
- " Oui, je pense que c'est nécessaire qu'il y ait un plan franco-allemand. Il aurait été préférable de l'annoncer avant d'être rappelé à l'ordre par les autorités européennes. Car lorsqu'on est le mauvais élève de la classe, c'est difficile de faire le professeur. "
Il y avait autre chose dans le discours de Jacques Chirac hier, c'était un appel à l'opposition. "Une bonne idée", vient de dire A. Duhamel. "Un rêve", a dit J.-Y. Hollinger tout à l'heure dans sa chronique. "Je souhaite, a dit en tout cas précisément le chef de l'Etat, qu'au-delà des acteurs de l'assurance maladie, l'ensemble des forces politiques - majorité, et opposition - prenne une part active à la réforme de la sécurité sociale." Qu'est-ce que vous répondez au chef de l'Etat ?
- " D'abord, il faut toujours préférer l'apaisement au conflit. Lorsque le chef de l'Etat s'exprime, il doit - lui aussi - faire apparaître cette volonté d'apaisement. Elle n'a pas été là sur la question des retraites. Elle ne l'a pas été non plus sur la question de l'Education. Elle ne l'est pas davantage sur la question fiscale. Je dois vous faire une confidence : je n'ai pas été consulté sur la baisse de l'impôt sur le revenu pas plus que sur le gas-oil, pas davantage sur la suppression du Plan d'Epargne Populaire, pas plus sur le plan franco-allemand et pas encore non plus sur des initiatives que l'on pourrait prendre éventuellement à la rentrée sur l'assurance maladie. "
Vous ne consultiez pas beaucoup non plus quand vous étiez au pouvoir. C'est une règle du jeu. Mais sur l'assurance maladie c'est un peu différent.
- " Je peux me permettre de dire qu'en période de cohabitation, la consultation elle était permanente. "
Sur l'assurance maladie, c'est un peu différent parce que c'est un peu un bien commun. Alors, est-ce que l'opposition va participer ?
- " Le rôle de l'opposition - et vous avez raison de nous interpeller là-dessus - ça doit être de faire des propositions sur l'assurance maladie. Pas simplement de critiquer des choix qui d'ailleurs ne sont pas faits ou qui peuvent être improvisés, parce que ce qui est frappant, c'est qu'on renvoie à l'année prochaine des choix qu'il faudrait sans doute faire dès aujourd'hui. Je ne parle pas simplement de l'organisation de la sécurité sociale, je pense notamment au redressement, parce qu'aujourd'hui il y a dix milliards d'euros de déficit, sans doute quinze l'année prochaine et un endettement de la sécurité sociale extrêmement préoccupant qui contribue d'ailleurs à l'inquiétude, parce que quand même les déficits d'aujourd'hui, chacun le dit, ce sont les impôts de demain. Donc, nous, nous ferons des propositions : sur la santé publique, sur l'organisation de la sécurité sociale, sur la place des partenaires sociaux dans cette future gestion de ce qu'est notre bien commun, la protection sociale, et nous ferons même des propositions sur le financement. "
Des propositions, mais est-ce que vous participerez - je ne sais pas s'il y a une instance de concertation et de dialogue - est-ce que vous y participerez ou pas ?
- " D'abord il y a un lieu, qui est le lieu de la concertation du dialogue, c'est le Parlement. Nous sommes représentés au Parlement. Nous demandons à prendre sur les commissions d'enquêtes. Il va y en avoir une sur la canicule, sur les travaux qui doivent préparer des décisions en matière d'assurance maladie. Nous demandons à prendre toute notre place et à jouer tout notre rôle. Par ailleurs, si nous sommes consultés, nous viendrons donner nos propositions. "
Si le chef de l'Etat vous demande ou si un ministre de la santé vous demande de venir, vous irez pour dire ce que vous pensez.
- " Je l'ai fait sur la question de la laïcité, je le referai le cas échéant sur l'Education, et nous le referons sur la question de la santé et de l'assurance maladie. C'est notre rôle. Faire des propositions. Parce qu'il faut prendre ses responsabilités. "
Une petite devinette pour terminer : qui a dit : "F. Hollande est frappé d'immobilisme. Sur les retraites, nous n'avons rien eu d'autre à proposer que la hausse des cotisations. Si on veut retrouver de la crédibilité, il faudra être beaucoup plus percutant." Qui a dit ça ?
- " Ah, il faut toujours être percutant. "
Qui a dit ça ?
- " Moi, ce que je demande aux socialistes... "
C'est D. Strauss-Kahn qui a dit ça. C'est toujours votre copain ?
- " Mais toujours. Moi je n'ai que des amis parmi les socialistes ! Ce que je demande aux socialistes, c'est d'abord de travailler pour le parti socialiste. C'est la meilleure façon de faire des propositions. Par ailleurs, c'est vrai qu'il y a eu un choix de société sur la question des retraites. Est-ce qu'on voulait travailler plus longtemps ou est-ce qu'on voulait appeler à la solidarité nationale ? Nous avons demandé l'appel à la solidarité nationale. "
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 17 septembre 2003)