Texte intégral
OLIVIER MAZEROLLE
Bonsoir Monsieur LE PEN.
JEAN-MARIE LE PEN
Bonsoir.
OLIVIER MAZEROLLE
Et bonsoir à vous tous qui nous rejoignez sur ce plateau de " 100 minutes pour convaincre ". Monsieur LE PEN, le 21 avril 2002, beaucoup de Français ont été sous le choc, frappés de stupeur en apprenant votre qualification pour le deuxième tour de l'élection présidentielle. Quinze jours plus tard, vous étiez écrasé par Jacques CHIRAC, moins de 18 % des voix, avec tout de même 5.525.907 électeurs. Alors le 21 avril a-t-il été pour vous l'apogée, le maximum de ce que vous pouvez espérer ? Quels sont aujourd'hui vos projets, vos ambitions ? Que propose le Front national, et JEAN-MARIE LE PEN est-il inamovible ? Autant de questions que nous allons évoquer au cours de cette émission. Vous serez interrogé par les journalistes de FRANCE 2 et du NOUVEL OBSERVATEUR avec lequel nous sommes associés ce soir. Et vous aurez trois interlocuteurs, Max GALLO, écrivain et historien. Christian ESTROSI, député UMP des Alpes-Maritimes, et Manuel VALS, député maire socialiste d'Evry. Bonsoir Messieurs, à tout à l'heure. Alors Monsieur LE PEN, donc, tout d'abord une première question, si je vous demandais, comme ça, une image, pour définir la France, laquelle donneriez-vous ?
JEAN-MARIE LE PEN
Celle de l'hexagone avec sa petite Corse en bas, c'est l'image que je garde depuis mon enfance la plus tendre, et que je conserverais jusqu'à ma mort, sans doute.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors le 21 avril donc, vous étiez qualifié pour le deuxième tour de l'élection présidentielle avec presque 17 % des suffrages, et voilà comment vous vous adressiez à vos électeurs ?
OLIVIER MAZEROLLE
Rentré dans l'espérance, on se dit que vous allez faire des propositions aux Français pour essayer d'augmenter au maximum possible le nombre de suffrages se portant sur votre nom, le 1er mai, surprise, on redécouvre l'opposant, celui qui dénigre ses adversaires lors de votre grand discours d'entre les deux tours.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors il n'y a pas eu de tremblement de terre, Monsieur LE PEN, mais, dans le fond, est-ce que vous êtes seulement un homme d'opposition, quelqu'un qui ne veut pas du pouvoir ; qu'est-ce qui s'est passé entre ces deux tours ?
JEAN-MARIE LE PEN
Je suis dans l'opposition quand mes adversaires sont au pouvoir
OLIVIER MAZEROLLE
Oui, mais vous n'avez pas...
JEAN-MARIE LE PEN
Et bien sûr, j'espère un jour les mettre dans l'opposition, parce que je serais au pouvoir.
OLIVIER MAZEROLLE
Vous n'avez pas commis d'erreur entre les deux tours ?
JEAN-MARIE LE PEN
Je n'ai pas cette impression, vous sortez cette intervention de son contexte, parce qu'elle intervient en plein milieu d'une campagne inouïe, on peut le dire, absolument abominable de dénigrement, d'agressions diverses, de manifestations, de calomnies, qu'on n'avait jamais vus en France.
OLIVIER MAZEROLLE
Il n'y a quand même pas 82 % de personnes sous influence en France ?
JEAN-MARIE LE PEN
Non, écoutez, il y a tout de même un certain nombre de gens qui ont dû se laisser piéger et qui auront l'occasion, sans doute, d'en revenir dans les mois et les années qui viennent, c'est toute la grâce que je leur souhaite.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors autre chose, Monsieur LE PEN, vous êtes depuis très longtemps dans la vie politique française, puisque vous avez été en son temps le benjamin de l'Assemblée nationale, c'était dans les années 50.
JEAN-MARIE LE PEN
J'ai l'impression de l'être toujours.
OLIVIER MAZEROLLE
Dans les années 50 alors, et pourtant, il y a des moments où on se dit : mais, est-ce qu'on connaît JEAN-MARIE LE PEN ? Ainsi madame Yann PIAT, qui a été députée du Front national, qui a été votre filleule, dans un livre, a parlé de vous, elle a dit, il y a du Mister Hyde et du Docteur Jekyll en JEAN-MARIE LE PEN. Alors je vous propose deux photos pour illustrer cette affirmation, une première photo, on vous voit très souriant, et ce que dit Yann PIAT pourrait correspondre à cette photo, il peut répandre autour de lui des trésors de chaleur humaine s'il se sent bien perçu, aimé et admiré. Et puis, il y a une autre photo, que vous allez évidemment moins aimer, c'est celle où on voit agresser...
JEAN-MARIE LE PEN
Non !
OLIVIER MAZEROLLE
Attendez, bon, on vous voit en tout cas, là, agresser...
JEAN-MARIE LE PEN
Crier mon indignation !
OLIVIER MAZEROLLE
Une députée socialiste...
JEAN-MARIE LE PEN
Non, elle ne l'est pas encore !
OLIVIER MAZEROLLE
Attendez, une députée... bon, enfin, d'accord, elle va le devenir, et Yann PIAT écrit, et ça pourrait illustrer cette photo, s'il est tendu, elle parle de vous, stressé, contrarié, il se révulse comme une hydre, crache des torrents de flammes et de venin, prend plaisir à infliger de cuisantes blessures. Alors, où est JEAN-MARIE LE PEN ? C'est l'homme qui sourit, grand-père, encore séducteur, ou bien l'homme qui veut être violent ?
JEAN-MARIE LE PEN
Me permettrais-je de vous citer la devise que peut-être je ferais mettre un jour sur ma tombe, qui est celle que Pompé fait graver sur la sienne : " Doux à ses amis, dur à ses ennemis. "
OLIVIER MAZEROLLE
Au point de vouloir frapper ?
JEAN-MARIE LE PEN
Non, ça dépend, si on me frappe, je frappe. C'est sûr. Or, là, dans cette manifestation, les gens qui sont venus contre-manifester, m'ont accueilli aux cris de : " Pour LE PEN, une balle, le FN, une rafale ! " Et je criais mon indignation, car cette bouche ouverte est en train de dire : " On en a marre, on en a marre d'être agressé, assailli, insulté chaque fois que nous prétendons jouir de nos droits de citoyen, librement. "
OLIVIER MAZEROLLE
Alors on ne va pas rouvrir la polémique, mais vous avez été condamné à la suite de cet épisode pour violences et injures...
JEAN-MARIE LE PEN
Une belle arnaque politico-judiciairo-médiatique, on peut le dire.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors je voulais simplement présenter ces deux photos pour savoir qui était JEAN-MARIE LE PEN...
JEAN-MARIE LE PEN
C'est Jean qui rit et Jean qui pleure...
OLIVIER MAZEROLLE
Et nous allons maintenant passer au premier chapitre : la France selon JEAN-MARIE LE PEN. Alors d'où vient le Front national ? Quelles sont ses valeurs ? Quelle est son idéologie ? Récit de Michael DARMON.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors préférence nationale inscrite en lettres tricolores dans la Constitution, avez-vous dit, le 1er mai dernier, oui ?
JEAN-MARIE LE PEN
Me permettez-vous un mot sur le reportage de Monsieur DARMON, ce qu'il ne dit pas quand j'enterre monsieur DUPRAT. C'est que monsieur DUPRAT a été assassiné, tué par une bombe, piégé dans sa voiture, qui a d'ailleurs arraché aussi une jambe de sa femme. Il faudrait être complet pour comprendre un peu les choses...
OLIVIER MAZEROLLE
Enfin, il n'empêche qu'il a développé les thèses indiquées dans ce reportage...
JEAN-MARIE LE PEN
Semble-t-il, il en est mort.
OLIVIER MAZEROLLE
Je ne sais pas s'il en est mort, mais en tout cas, les thèses révisionnistes...
JEAN-MARIE LE PEN
Je ne sais pas...
OLIVIER MAZEROLLE
Notamment sur les génocides juifs sont effectivement des thèses défendues par monsieur DUPRAT...
JEAN-MARIE LE PEN
Sans doute, c'était son...
OLIVIER MAZEROLLE
Et donc vous l'avez salué en tant que camarade...
JEAN-MARIE LE PEN
Bien sûr...
OLIVIER MAZEROLLE
Alors, sur la préférence.
JEAN-MARIE LE PEN
Mort, assassiné.
OLIVIER MAZEROLLE
Sur la préférence nationale, qui est le pivot de votre programme, Jean-Baptiste PREDALI, chef du service politique de FRANCE 2, a des questions à vous poser.
JEAN-MARIE LE PEN
Bonjour Monsieur PREDALI.
JEAN-BAPTISTE PREDALI
Monsieur LE PEN, on vient de voir dans cette rétrospective que depuis trente ans, vous avez installé le thème de l'immigration au centre de votre discours. Alors, il y a une question que l'on peut se poser, finalement, est-ce que l'immigration, ça n'a pas été comme la clef, pour vous, pour revenir dans le jeu politique, vous y installer durablement d'ailleurs, est-ce que ce n'est pas en d'autres termes, un peu votre fonds de commerce ?
JEAN-MARIE LE PEN
Oui, tout à l'heure, nous allons parler, m'a-t-on dit, d'idéologie du Front national, mais vous pourrez constater que le Front national émerge en 1983 aux élections municipales où je serai élu conseiller du 20ème, avec une affiche extrêmement concrète : immigration, insécurité, chômage, fiscalisme, dénatalité, corruption politique, ras-le-bol ! Voilà, c'est ce que nous disons, autrement dit, nous sommes partis d'événements existants, nous interprétons la réaction des Français qui, semble-t-il, ne sont pas sur ces terrains-là défendus par la droite officielle et la gauche officielle parlementaires, et nous recueillons, là, il est vrai, déjà, un certain écho. Et pourquoi aurais-je cessé de crier notre indignation devant l'absence de politique capable de résoudre ces problèmes, puisque, aussi bien, ils n'ont fait que croître et prospérer depuis ces années-là.
JEAN-BAPTISTE PREDALI
Mais lorsqu'on suit votre discours, vos discours tout au long de ces années, on s'aperçoit qu'il y a des moments où vous ne mentionnez pas ce thème de l'immigration, je prends par exemple votre déclaration du 21 avril, déclaration très solennelle, le thème n'est pas mentionné. Et puis, là, votre discours du 1er mai, il y a quelques jours, vous avez parlé, à nouveau, assez longuement de l'immigration. Je veux dire, simplement pour comprendre, à quel moment vous décidez de mettre l'accent sur ce thème ou pas ?
JEAN-MARIE LE PEN
Ce n'est pas une obsession, la preuve, c'est que je parle de l'immigration quand l'actualité la rend plus perceptible à l'opinion, et cela, vous êtes beaucoup mieux placé que moi pour le faire, par conséquent, je suis en quelque sorte tenu par l'environnement médiatique que de la vie politique française, puisque nous ne sommes pas représentés à l'Assemblée nationale, malgré nos millions de voix.
JEAN-BAPTISTE PREDALI
Mais pourquoi l'an dernier, ce n'était pas un thème qui vous paraissait devoir être évoqué de manière insistante, et puis, cette année, ça redevient ce thème-là, pourquoi, je cherche à comprendre ?
JEAN-MARIE LE PEN
Non, c'est un discours de cinq ou dix minutes qui clôt en quelque sorte la soirée du premier tour des élections, je m'adresse à la France, je lui parle avec mon coeur, avec mes tripes, si on peut dire, et je ne décline pas les différents sujets qui sont des sujets préoccupants, on ne cesse de me faire le reproche de ne parler que de ça, alors, on ne peut pas à la fois me reprocher d'en parler toujours ou de n'en parler que dans certaines circonstances.
JEAN-BAPTISTE PREDALI
Le 30 avril dernier, le ministre de l'Intérieur a présenté un projet de loi, justement, ayant trait à l'immigration, est-ce qu'il y a au moins une mesure, avec laquelle vous soyez d'accord ?
JEAN-MARIE LE PEN
A dire vrai, je tiens Monsieur le Ministre de l'Intérieur pour un illusionniste, il est d'ailleurs de l'école de son Premier ministre, c'est-à-dire, ce sont des hommes qui pensent que la communication doit l'emporter sur la solution des problèmes, il n'est pas important de réussir, l'important, c'est de paraître, c'est de faire savoir ; or, les mesures prises par monsieur SARKOZY souffrent d'une carence essentielle, c'est qu'elles ne s'attachent, quand elles le font, qu'à un certain nombre de conséquences, et jamais à l'essentiel, c'est-à-dire jamais aux causes des problèmes.
JEAN-BAPTISTE PREDALI
Alors, je voudrais simplement vous demander votre opinion, le délai de rétention des étrangers en situation irrégulière, porté de 12 à 32 jours, vous êtes pour ou vous êtes contre ?
JEAN-MARIE LE PEN
A condition, bien sûr, de les attraper, parce qu'on ne peut retenir que ceux que l'on a en quelque sorte fait prisonnier, si j'ose dire, ou arrêté...
JEAN-BAPTISTE PREDALI
Mais sur le sens de la mesure, vous êtes plutôt favorable ?
JEAN-MARIE LE PEN
Mais pourquoi pas, c'est une mesure, tout ce que fait monsieur SARKOZY n'est pas haïssable, et on pourrait même dire, s'il était encore plus jeune, qu'il y met tout de même de la bonne volonté et qu'il va finir par apprendre, mais il est ministre de l'Intérieur, ce n'est pas la première fois qu'il est ministre, et par conséquent, on peut être un peu plus sévère à son égard qu'on ne peut l'être à l'égard de...
OLIVIER MAZEROLLE
Mais qu'est-ce que vous feriez en plus ?
JEAN-MARIE LE PEN
Oh, beaucoup d'autres choses, mais je ne le ferais pas dans le cadre d'un ministère de l'Intérieur, car il faut évidemment une politique alternative des politiques qui ont été suivies.
OLIVIER MAZEROLLE
Mais par exemple, quelles mesures prendriez-vous ?
JEAN-MARIE LE PEN
Pour l'immigration ?
OLIVIER MAZEROLLE
Oui.
JEAN-MARIE LE PEN
Vous voulez que je vous en donne quelques-unes ?
OLIVIER MAZEROLLE
Oui.
JEAN-MARIE LE PEN
La première serait de couper les pompes aspirantes, c'est-à-dire de cesser de fournir aux immigrés qui viennent dans notre pays les mêmes avantages sociaux, quelquefois même plus d'avantages sociaux qu'à nos propres compatriotes, car c'est cela qui constitue la pompe aspirante. On vient du monde entier en France, parce qu'on sait qu'en venant en France, on gagnera sans travailler plus de cent fois plus qu'en travaillant chez soi. La deuxième, c'est la réforme du code de la nationalité. Il est essentiel qu'il y ait une différence entre les Français et les étrangers en France, faute de quoi évidemment, personne ne s'y retrouve, et les Français ont le sentiment de ne plus être chez eux, il faut en particulier que soit supprimé le droit du sol, qui fait que l'on devienne Français simplement parce qu'on y est né, alors qu'on doit, à mon avis, la nationalité s'hérite ou se mérite, soit par la filiation d'un des deux parents, soit par la demande et l'acceptation de la naturalisation.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors puisque vous en venez à ce sujet, je vous propose d'écouter quelqu'un que nous avons rencontré, il y a quelques jours, qui a été un grand champion français, un athlète dans les années 60, qui a fait résonner la Marseillaise bien souvent dans tous les stades du monde entier, ses parents étaient polonais, il s'appelle Michel JAZY, il voudrait parler.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors avec le droit du sang, Michel JAZY ne serait pas français, Monsieur LE PEN ?
JEAN-MARIE LE PEN
Oui, mais je vois que Monsieur JAZY est mal informé, je lui conseille d'ailleurs, puisqu'il habite le Nord, de rencontrer notre secrétaire départemental, monsieur SLABOLEPSZY, qui est exactement de la même origine que lui. Par conséquent...
OLIVIER MAZEROLLE
Oui, mais droit du sang, il ne serait pas français, ses parents étaient Polonais ?
JEAN-MARIE LE PEN
Il aurait demandé à être Français, on lui a offert une option, n'est-ce pas, dans le cadre de la loi de cette époque...
OLIVIER MAZEROLLE
Non, elle était automatique, sa nationalité, à partir du moment où il faisait ce choix, elle était automatique...
JEAN-MARIE LE PEN
Dans le cadre de la législation de cette époque, les mêmes problèmes ne se posaient pas, n'est-ce pas, les immigrants polonais ne posaient pas le problème que posent aujourd'hui les millions d'immigrés du tiers-monde qui ne sont d'ailleurs que l'avant-garde de dizaines de millions d'autres.
JEAN-BAPTISTE PREDALI
Mais par immigrés, vous entendez essentiellement, vous, les Maghrébins, en gros ?
JEAN-MARIE LE PEN
Pardon ?
JEAN-BAPTISTE PREDALI
Par immigrés, vous entendez essentiellement les Maghrébins ?
JEAN-MARIE LE PEN
Non, non, non, non, Monsieur, l'immigration dans notre pays est planétaire, savez-vous que les Chinois étaient 125.000, il y a cinq ans, à Paris, ils sont 250.000, on pense que dans cinq ans, ils seront 500.000. Par conséquent, ce n'est pas seulement les Maghrébins, il y a l'Afrique noire, il y a l'Amérique du sud, il y a tout le continent asiatique, les Pakistanais, les Hindous, les Indonésiens, les Vietnamiens, et les Chinois avec leur milliard et demi d'habitants...
JEAN-BAPTISTE PREDALI
Dans ce cadre-là, est-ce qu'on peut fermer des frontières, vous dites : c'est planétaire, qu'est-ce qu'on peut faire ?
JEAN-MARIE LE PEN
Je le crois, oui, c'est un problème de volonté politique, et je vous ai dit, il faut arrêter les pompes aspirantes, donc dans ces cas-là, les gens qui sauront qu'en venant chez nous, ils n'auront ni hôpital, ni école, ni travail, ni...
OLIVIER MAZEROLLE
Mais ils travaillent, Monsieur LE PEN, justement, parce qu'on les fait venir...
JEAN-MARIE LE PEN
Mais non, mais qui les fait venir ?
OLIVIER MAZEROLLE
Un certain nombre de personnes, il y a du travail au noir, on les fait travailler...
JEAN-MARIE LE PEN
S'il y a des gens qui les font venir pour travailler, et j'ai proposé dans ce domaine, qu'ils soient frappés d'un impôt qui servirait d'ailleurs au rapatriement d'autres immigrés. C'est vrai que le patronat et le gouvernement on fait venir, dans les années 70, des immigrés dans notre pays, pour travailler. Et monsieur POMPIDOU ne s'est pas caché de dire...
OLIVIER MAZEROLLE
Vous êtes sûr que parmi vos électeurs, il n'y a pas des personnes, par exemple dans le Midi de la France, qui font venir des immigrés pour travailler, au noir, par exemple ?
JEAN-MARIE LE PEN
Attendez, attendez, ne se sont pas cachés de dire qu'ils importaient de la main d'oeuvre immigrée pour faire pression sur les salaires des travailleurs manuels français. Or, moi, j'étais de ceux, avec mes camarades, qui souhaitions justement que les travailleurs manuels français voient revaloriser leur situation, et ils ne pouvaient le faire que dans le cadre d'un marché
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur LE PEN, je réitère ma question, aujourd'hui, je réitère ma question, aujourd'hui, croyez-vous qu'il n'y a pas...
JEAN-MARIE LE PEN
Vous n'avez pas perdu vos mauvaises habitudes...
OLIVIER MAZEROLLE
Dans les départements où l'on vote massivement Front national des personnes qui font venir des travailleurs immigrés, clandestinement ?
JEAN-MARIE LE PEN
Mais vous seriez beaucoup plus surpris de savoir combien d'immigrés devenus français votent pour moi, et qui savent mieux que quiconque, et qui sont sur le terrain, qu'il est absolument mortel, suicidaire, de laisser entrer par centaines de milliers, voire par millions les gens qui entrent chez nous...
OLIVIER MAZEROLLE
Par millions...
JEAN-BAPTISTE PREDALI
Je voudrais vous interroger sur une déclaration que vous avez faite au MONDE, datée du 19 avril, c'est dans une interview, je prends une réponse, une de vos réponses : " Le jour où nous aurons, en France, non plus cinq millions, mais 25 millions de musulmans, ce sont eux qui commanderont. " D'abord, la France est vraiment si menacée que ça ? Et deuxième question, on ne peut pas être musulman et citoyen français, c'est incompatible ?
JEAN-MARIE LE PEN
Cher Monsieur, gouverner, c'est prévoir, et nos gouvernants font la démonstration aujourd'hui que depuis trente ans, ils n'ont rien vu, rien prévu, et rien fait, et que nous nous trouvons dans une situation dramatique dont je vous dis et dont je répète, qu'elle n'est que le début du commencement d'un courant migratoire, qui vient d'un monde qui est passé, en l'espace de 70 ans, de deux milliards d'habitants à sept milliards, et qui passera dans les quinze ou vingt ans qui viennent, à neuf milliards.
JEAN-BAPTISTE PREDALI
La France ne peut pas assimiler quelqu'un d'étranger ?
JEAN-MARIE LE PEN
Elle ne peut plus le faire, elle ne peut plus le faire, parce qu'elle le fait au détriment de ses nationaux. Chaque fois qu'on fait entrer quelqu'un, soit, comme assisté, soit comme travailleur, il est bien évident que dans un pays où il y a trois millions ou quatre millions de chômeurs, il prend la place d'un travailleur français, et que s'il ne travaille pas, ce qui est le cas de beaucoup d'entre eux, lui et sa famille vivra, disons-le franchement, aux crochets des travailleurs français et des citoyens français. C'est cette situation que, personnellement, je n'accepte pas dans son injustice, et que n'acceptent pas tout de même des millions de gens qui ont voté pour moi.
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur LE PEN, le 1er mai dernier, alors qu'était, à quelques encablures de la réunion du Front national, dévoilée une plaque à la mémoire de Brahim BOUARRAM, un jeune arabe mort, noyé dans la Seine le 1er mai 95, où il avait été précipité par des skinheads, vous avez dit : " c'est celui qui... pardon, " chaque année, pour remercier les petits voyous qui permettent de diffamer le FN, on va inaugurer des ex-votos ", est-ce que ça veut dire que dans votre esprit, les voyous, ce sont... c'est celui qui s'est retrouvé dans la Seine noyé ou ceux qui... plutôt que ceux qui l'y ont précipité ?
JEAN-MARIE LE PEN
Vous me faites injure, Monsieur...
OLIVIER MAZEROLLE
Mais pas du tout, je vous pose la question.
JEAN-MARIE LE PEN
Vous me faites injure, car vous n'avez pas cité ma phrase, j'ai parlé la mort du malheureux marocain, jeté à l'eau, par des petits voyous. Il est bien évident que l'opération de monsieur DELANOË, qui d'ailleurs recommencerait celle qu'avait faite avant lui, monsieur MITTERRAND, l'année même de l'accident, et permettez-moi de vous faire une citation, elle sort d'un livre qui est à peine sorti des presses, c'est de monsieur Philippe BILGER, ça s'appelle : " Un avocat général s'est échappé ", c'est plus facile pour un avocat général de s'échapper que pour un détenu, sauf PERLETTO, bien entendu...
OLIVIER MAZEROLLE
Vous n'allez pas regretter que les criminels soient prison quand même ?
JEAN-MARIE LE PEN
Je vous lis sa dernière phrase : Bertrand DELANOË, c'est le procureur général de l'affaire BOUARRAM, vous savez, nouveau maire de Paris, ayant évoqué la possible édification d'une stèle à la mémoire de Brahim BOUARRAM, j'ai failli lui écrire pour lui exposer le contexte exact d'une affaire qui avait fortement ému l'opinion publique. A mon sens, une stèle, ce serait faire trop d'honneur, même à rebours, à FREMINET, qui n'était qu'un jeune homme limité, égaré. J'ai renoncé à cette lettre, il est difficile de convaincre qu'il y a plus besoin d'un symbole que de réalité...
OLIVIER MAZEROLLE
Même limité et égaré, est-ce qu'il méritait d'être...
JEAN-MARIE LE PEN
Je retire l'échelle, je n'en dirais pas plus...
OLIVIER MAZEROLLE
Même limité et égaré, méritait-il de périr noyé ?
JEAN-MARIE LE PEN
Pardon ?
OLIVIER MAZEROLLE
Même limité et égaré, méritait-il de..
JEAN-MARIE LE PEN
Mais qui a dit cela Monsieur ?
OLIVIER MAZEROLLE
Mais je ne sais pas, c'est ce que vous venez de dire, là...
JEAN-MARIE LE PEN
Mais qui a dit cela ? Mais qui a dit cela ?
OLIVIER MAZEROLLE
Je ne sais pas, enfin, écoutez, on ne va pas... simplement...
JEAN-MARIE LE PEN
Ça, c'est l'opinion de " l'avocat général " Philippe BILGER...
OLIVIER MAZEROLLE
Très bien, mais vous le lisez, donc...
JEAN-MARIE LE PEN
Et je la lis parce qu'elle a un rapport direct avec la cérémonie ou la pseudo cérémonie de monsieur DELANOË, qui veut exploiter des cadavres en attribuant la responsabilité de ce meurtre au Front national, qui n'avait strictement rien à voir dans cette affaire, qu'il a d'ailleurs très nettement condamné.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors, Monsieur LE PEN, je vous propose de regarder cette image qui, elle, a été prise à la manifestation du Front national du 1er mai, voilà, c'était un badge distribué par les jeunesses du Front national : " Tu niques la France, dégage ! " Est-ce que c'est une façon d'apaiser les esprits vis-à-vis de l'immigration ?
JEAN-MARIE LE PEN
C'est sûr que s'il y a des gens qui disent qu'ils niquent la France, il faut les dégager au plus tôt !
OLIVIER MAZEROLLE
Oui, non, mais enfin...
JEAN-MARIE LE PEN
Ah ça oui, ça sûrement !
OLIVIER MAZEROLLE
Ce badge, c'est un appel à l'apaisement des esprits ?
JEAN-MARIE LE PEN
Je ne sais pas, demandez ça au FNJ, le Front National de la Jeunesse, ils prendront leur responsabilité...
OLIVIER MAZEROLLE
La Jeunesse avec LE PEN, est-il indiqué.
JEAN-MARIE LE PEN
Mais oui, absolument, mais oui, il y en a quand même un petit peu...
OLIVIER MAZEROLLE
Vous ne les désapprouvez pas ?
JEAN-MARIE LE PEN
De vouloir dégager ceux qui niquent la France ?
OLIVIER MAZEROLLE
Ce badge, ce badge ?
JEAN-MARIE LE PEN
Oui !
OLIVIER MAZEROLLE
Ce badge, non, non, l'interpellation de ce badge ?
JEAN-MARIE LE PEN
Non, non, je ne désapprouve pas.
OLIVIER MAZEROLLE
Non, vous ne désapprouvez pas. Très bien. Merci. Maintenant, nous allons faire venir ALAIN DUHAMEL, qui a lu un sondage IPSOS, réalisé pour LE NOUVEL OBSERVATEUR et FRANCE 2, sur l'appréciation que les Français portent sur le Front national. Alain ?
ALAIN DUHAMEL
Bonsoir Monsieur LE PEN.
JEAN-MARIE LE PEN
Bonsoir Monsieur DUHAMEL.
ALAIN DUHAMEL
La première fois que je vous avais interrogé à la télévision, c'était à " L'heure de vérité "...
JEAN-MARIE LE PEN
Un souvenir inoubliable...
ALAIN DUHAMEL
Il y avait en tout cas à peu près vingt ans, je vous avais posé une question, je vous avais dit : est-ce que vous-même, vous vous considérez comme un démocrate, et vous m'aviez répondu : je préfère dire un républicain. Alors je voudrais savoir si vingt ans après, en gros, à la même question, vous faites la même réponse ?
JEAN-MARIE LE PEN
Je me considère comme un républicain et comme un démocrate. Et je dois dire que je suis un exemplaire rare dans le monde politique français, où on a la démocratie à la bouche, mais où on ne la pratique pas. Et j'en suis, si j'ose dire, avec mon mouvement, un vivant exemple puisque, ayant obtenu, depuis vingt ans, des millions de voix à chaque consultation électorale, nous sommes tenus à l'écart de l'Assemblée nationale, que le gouvernement de monsieur RAFFARIN a tenté de nous chasser des conseils régionaux aux prochaines élections, il n'a pas réussi grâce au Conseil constitutionnel, Dieu merci, et qu'encore actuellement, il essaie de nous empêcher de participer au référendum qui va avoir lieu sur la Corse.
ALAIN DUHAMEL
Alors le sondage qu'on a effectué montre, s'agissant de l'image du Front national, que les trois grands reproches qui reviennent, massivement, c'est : un parti raciste, un parti d'extrême droite, et un danger pour la démocratie.
JEAN-MARIE LE PEN
Parce que pour vous, vous qualifiez ces mots des reproches...
ALAIN DUHAMEL
Mais je suppose que vous ne les trouvez pas aimables !
JEAN-MARIE LE PEN
J'ai regardé dans votre sondage, vous ne vous êtes pas posé la question de savoir si en particulier, le grand nombre de gens, qui approuvaient que je sois raciste dans les sympathisants des Front national, c'était peut-être des gens qui l'étaient, ou des gens qui trouvaient que ça n'était pas une insulte.
ALAIN DUHAMEL
Non, mais si vous me permettez, je ne vous ai pas posé ma question...
JEAN-MARIE LE PEN
Alors je note cependant, parce que vous parlez des chiffres, 24 % des Français ne me considèrent pas raciste, 7 % de plus qu'il y a cinq ans...
ALAIN DUHAMEL
Est-ce que je peux vous poser ma question ?
JEAN-MARIE LE PEN
Ça, c'est un chiffre intéressant...
ALAIN DUHAMEL
Est-ce que je peux vous poser ma question ?
JEAN-MARIE LE PEN
Oui.
ALAIN DUHAMEL
Parce que ma question, c'était voilà ce qu'il y avait comme chiffres, les chiffres que je viens de vous donner sont des chiffres exacts, et ma question était : après toutes ces années, pendant lesquelles vous avez fait tant d'efforts, dans tant d'émissions et dans tant de campagnes électorales et dans tant de meetings, est-ce que le fait qu'une forte majorité, au moins les deux tiers, quelquefois plus des trois quarts, qualifient de cette façon votre parti, est-ce que ça n'est pas un gros échec ?
JEAN-MARIE LE PEN
Quand je vois que des gens aussi au courant des choses de la politique, que vous-même, penser des choses comme celle-là, on peut se dire que le citoyen moyen, bien évidemment, n'a pas beaucoup d'autre possibilité que de penser cela aussi...
ALAIN DUHAMEL
Non mais, est-ce que pour vous, c'est un échec ?
JEAN-MARIE LE PEN
Il y a eu une manifestation, tout à l'heure, là, devant vos stations...
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur LE PEN, on va prendre vos citations, parce que quand même, c'est intéressant...
ALAIN DUHAMEL
Non, mais est-ce que pour vous, c'est un échec ?
OLIVIER MAZEROLLE
Dans le reportage qu'on passait tout à l'heure, vous avez parlé de substances biologiques, vous avez parlé...
JEAN-MARIE LE PEN
Oh mon Dieu...
OLIVIER MAZEROLLE
A d'autres moments, d'inégalités des races...
JEAN-MARIE LE PEN
Je suis composé d'une substance biologique et j'en demande pardon à la pensée unique...
OLIVIER MAZEROLLE
Voilà, et quand on ajoute ça à l'inégalité des races, y a-t-il donc des connotations biologiques qui font qu'il existe une hiérarchique entre les différentes races ?
JEAN-MARIE LE PEN
Ce qu'il y a en tout cas de certain, c'est qu'il y a une police de la pensée dans notre pays et que... je crois que c'est BUKOWSKI qui a pu dire, il ne reste plus qu'un seul système communiste dans le monde... en Europe, c'est la France
OLIVIER MAZEROLLE
Non, mais attendez, pardon, je vous ai posé une question au sujet de vos déclarations, voilà, je ne sais pas ce que dit monsieur BUKOWSKI, mais simplement, vous-même, vous parlez de substances biologiques et d'inégalité des races, alors qu'est-ce que ça signifie ?
JEAN-MARIE LE PEN
Ecoutez, votre question...
OLIVIER MAZEROLLE
Y a-t-il une hiérarchique entre les hommes ?
JEAN-MARIE LE PEN
Me désarme, autrement dit, ce sont là des mots qu'il est interdit d'utiliser, parce qu'il y a des censeurs...
OLIVIER MAZEROLLE
Pas interdit puisque je vous pose la question.
JEAN-MARIE LE PEN
N'est-ce pas, comme dans le monde, dans RUEL (ph), il y a des censeurs qui pointent les mots, il a dit biologique, qu'est-ce que ça veut dire ?
OLIVIER MAZEROLLE
Donc vous préférez ne pas répondre à une question simple...
JEAN-MARIE LE PEN
Non, je n'y répondrai pas.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors Alain.
JEAN-MARIE LE PEN
Je voudrais plutôt répondre à Monsieur...
ALAIN DUHAMEL
Parce que je vous signale que vous ne m'avez toujours pas répondu...
JEAN-MARIE LE PEN
Non, non, mais parce que vous n'avez pas cité...
ALAIN DUHAMEL
Non, mais attendez, Monsieur LE PEN, Monsieur LE PEN...
JEAN-MARIE LE PEN
Vous n'avez pas cité ceux qui ont dit...
ALAIN DUHAMEL
Mais Monsieur LE PEN, vous ne savez pas ce que je vais vous poser comme question après, donc ne me citez pas les chiffres que je n'ai pas exprimés...
JEAN-MARIE LE PEN
Il y a un Français sur quatre qui pense que je ne suis pas raciste et ils y ont un certain mérite, compte tenu des calomnies qui, sur ce sujet, sont répandues depuis trente ans, sur moi-même et le Front national.
ALAIN DUHAMEL
Alors je reprends ma question, est-ce que les chiffres que je vous ai cités, qui sont dans le sondage, est-ce que pour, après tous les efforts que vous avez faits, ça n'est pas, quand même néanmoins, un gros échec ? Si vous trouvez que ça n'est pas un échec, on passe à la question d'après, moi ça m'est égal !
JEAN-MARIE LE PEN
Là, cher Monsieur DUHAMEL, laissez-moi dire une chose...
ALAIN DUHAMEL
Allez-y.
JEAN-MARIE LE PEN
On avait cru comprendre, au premier tour des élections, que les sondeurs étaient brusquement pris d'une crise de modestie, et s'excusaient de s'être trompés, et par conséquent, il ne fallait prendre leurs sondages qu'avec beaucoup de précautions. Alors permettez que je prenne aussi le vôtre avec aussi ces précautions, d'abord parce qu'il est fait par téléphone, relativement à Le PEN et au Front national, et que compte tenu du véritable terrorisme intellectuel qui règne quand il s'agit du Front national, on est prudent quand on répond. Et par conséquent, je suis tenté de penser que ces réponses sont très " minorisées ", d'autant qu'on sait bien qu'IPSOS est un organisme de sondages très convenable, très correct, mais enfin il sonde pour LE NOUVEL OBSERVATEUR, on fait toujours quand même une petite fleur à ceux qui vous...
OLIVIER MAZEROLLE
Et FRANCE 2, et FRANCE 2, et FRANCE 2 ?
JEAN-MARIE LE PEN
Et FRANCE 2, à ceux qui vous ont commandé le sondage. Ça n'est pas le Front national, voilà...
ALAIN DUHAMEL
Est-ce que je peux vous poser la question d'après ?
JEAN-MARIE LE PEN
Pardon ?
OLIVIER MAZEROLLE
Oui allez-y, parce que le chronomètre tourne...
ALAIN DUHAMEL
Oui, je peux...
JEAN-MARIE LE PEN
Interruption... c'est bien normal qu'on parle, non ?
ALAIN DUHAMEL
Alors il y a, dans le même sondage et vous concernant, vous cette fois-ci, vous JEAN-MARIE LE PEN, non pas l'image de votre parti, mais la vôtre, il y a 49 % de Français qui considèrent que vous êtes plus modéré que vous ne l'étiez auparavant.
JEAN-MARIE LE PEN
Oui, c'est vrai.
ALAIN DUHAMEL
Vous êtes d'accord sur le chiffre...
JEAN-MARIE LE PEN
Et il y en a...
ALAIN DUHAMEL
Vous me permettez de vous poser la question ?
JEAN-MARIE LE PEN
Répondre...
ALAIN DUHAMEL
La question est, est-ce que c'est quelque chose qui est pour vous une banalisation, ou est-ce que, au contraire, c'est le résultat d'une stratégie ? Est-ce que vous en êtes satisfait ? Est-ce que vous en êtes ennuyé ?
JEAN-MARIE LE PEN
Ecoutez, je m'efforce de présenter au pays et aux Français une image la plus proche possible de la réalité, ça n'est pas très facile, compte tenu du fait que nous avons peu de moyens de communication, et que vous savez comme moi...
OLIVIER MAZEROLLE
Oh, vous n'allez pas nous faire le coup, vous avez 100 minutes, ce soir ! Alors écoutez, allez...
JEAN-MARIE LE PEN
Ah non... écoutez, mais en 2000, 0.14 % du temps d'antenne politique sur l'ensemble des antennes...
OLIVIER MAZEROLLE
Allez dernière question, Alain, parce que...
JEAN-MARIE LE PEN
0.14 en 2001...
OLIVIER MAZEROLLE
La réalité...
JEAN-MARIE LE PEN
0.23 en 2002, on n'a pas encore les résultats, ils doivent être indicibles.
ALAIN DUHAMEL
Mais ce soir, 100 %.
JEAN-MARIE LE PEN
Voilà.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors, allez-y.
ALAIN DUHAMEL
Alors donc...
JEAN-MARIE LE PEN
Et donc bravo !
ALAIN DUHAMEL
Qu'est-ce que pour vous, dans votre image, le premier tour de l'élection présidentielle, le 21 avril, a changé ? Qu'est-ce que vous vous êtes dit qu'il y a aujourd'hui de différent ? Est-ce que vous sentez autre chose ? Est-ce que vous avez l'impression d'être regardé autrement ?
JEAN-MARIE LE PEN
Ah oui, tout à fait. D'ailleurs...
ALAIN DUHAMEL
Merci de me répondre, déjà, ça promet !
JEAN-MARIE LE PEN
Un certain nombre d'observateurs ont noté, il ne s'agit pas de moi, moi j'ai toujours la même attitude, aussi bien à l'égard du succès, qu'à l'égard de l'adversité. Mais les électeurs... comment dirais-je, les observateurs ont noté que désormais, il y avait un certain nombre d'électeurs Front national qui osaient le dire publiquement, ça leur a paru...
ALAIN DUHAMEL
Ils ont moins peur qu'avant...
JEAN-MARIE LE PEN
Etre une petite révolution dans le monde politique.
OLIVIER MAZEROLLE
Donc ça va mieux pour vous, alors.
JEAN-MARIE LE PEN
Comment ?
OLIVIER MAZEROLLE
Ça va mieux pour vous.
JEAN-MARIE LE PEN
Ça va mieux et puis, d'autant que vous n'avez pas tout dit sur le sondage...
OLIVIER MAZEROLLE
Attendez, on y reviendra plus tard...
ALAIN DUHAMEL
Avec vous, il faut reconnaître que c'est difficile de placer un mot.
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur Le PEN, on y reviendra...
JEAN-MARIE LE PEN
Non, non mais parce que...
OLIVIER MAZEROLLE
Attendez, attendez, on a plein d'autres questions...
ALAIN DUHAMEL
Le sondage, j'en parle encore...
OLIVIER MAZEROLLE
Faites confiance à ALAIN DUHAMEL, il est plein de questions.
JEAN-MARIE LE PEN
D'accord. Alors, je vais vous dire...
OLIVIER MAZEROLLE
Sur la réalité de la France...
JEAN-MARIE LE PEN
Ce qui a changé et qui est antinomique de ce pensent nos concurrents et adversaires, c'est que eux ont dit, qui annonçaient depuis des années et des années que le feu de paille du Front national allait finir par s'éteindre, suivez mon regard, Monsieur DUHAMEL...
ALAIN DUHAMEL
Oui...
JEAN-MARIE LE PEN
Eh bien...
OLIVIER MAZEROLLE
Je vous propose de débattre de la réalité de la France, vous avez un interlocuteur, Max GALLO, ça n'est pas rien Max GALLO...
JEAN-MARIE LE PEN
Ah non...
OLIVIER MAZEROLLE
Est un écrivain et un historien qui aime beaucoup la France, qui a consacré des livres, notamment à de GAULLE et à Napoléon, et bien d'autres encore. Max GALLO, bonsoir.
JEAN-MARIE LE PEN
Même à César.
OLIVIER MAZEROLLE
Et à César, récemment effectivement. Max GALLO, bonsoir. Vous avez des choses à dire à JEAN-MARIE LE PEN, j'imagine.
MAX GALLO
Bonsoir.
JEAN-MARIE LE PEN
Bonsoir.
MAX GALLO
Bonsoir. Ecoutez, c'est à moi, JEAN-MARIE LE PEN, que je pense m'intéresser parce que nous venons d'entendre était passionnant dans la mesure où c'était une... in vivo, une description des talents de l'habileté politique et idéologique de JEAN-MARIE LE PEN. Donc je crois que tout a été dit sur l'homme JEAN-MARIE LE PEN, c'est un talent avec beaucoup d'efficacité, et je ne vais pas me lancer dans la course aux anathèmes. Moi, ce qui m'intéresse, c'est de savoir pourquoi 5.250.000 Français ont voté pour lui, et pourquoi, malgré tous les anathèmes, il continue à polariser l'attention à ce point. Alors moi, j'ai un diagnostic qui est celui-ci, je crois effectivement que la France traverse une crise nationale très profonde, qui n'est pas récente, qui s'explique par une série de guerres perdues, et d'abord le désastre de 40, mais aussi les guerres coloniales, avec tous les malheurs qu'elles ont entraînées pour l'ensemble de la population... enfin beaucoup de Français, et qu'elle s'explique aussi par le sentiment de désarroi, par le sentiment de désarroi par exemple provoqué par l'assassinat d'un préfet, ou bien par le fait, et il faut oser dire les choses, si on veut comprendre le phénomène JEAN-MARIE LE PEN, par le fait que le ministre de l'Intérieur est sifflé par une assemblée de jeunes filles en tchador, en France, ce qui est étonnant, ce qui, en tout cas, bouleverse les repères traditionnels. Et si on ne prend pas conscience de la souffrance, de l'insécurité sociale, des plans sociaux, du chômage, de la difficulté de l'école, autrement dit de la crise profonde de la nation, on ne comprend pas qu'il y a une crise nationale, et que si on ne répond pas à la crise nationale, Monsieur JEAN-MARIE LE PEN prospèrera. Et l'insulter ou le couvrir, ou dire ce qu'il est, ne servira à rien. Pour moi, JEAN-MARIE LE PEN n'est pas du tout la cause de la crise nationale, il en est un symptôme, mais il n'en est pas la solution, et c'est évidemment un opposant... c'est à l'opposant que je parle : il n'en est pas la solution, parce que son actualité, vous citez ses propos sur l'immigration, et d'ailleurs il vient de s'exprimer de manière très claire, conformément à ce qu'il dit, dégage la préférence nationale, etc, nous connaissons cela. Mais en réalité, ses propos sur l'immigration sont enracinés dans un discours symbolique. Il y a une phrase de JEAN-MARIE LE PEN, de 1991, dans une interview à ASPECTS DE LA FRANCE, dans laquelle il dit, " La politique, c'est toujours et plus que jamais une guerre du langage, une guerre du vocabulaire, une guerre de signes et une guerre de symboles ", je partage tout à fait ce sentiment-là. Et c'est pourquoi il faut aller aux symboles, mais les symboles de JEAN-MARIE LE PEN, il les pervertit, ou plutôt il les exprime tels qu'ils sont, c'est-à-dire les symboles de l'extrême droite. Quand il prend Jeanne d'Arc, je suis, moi aussi, un admirateur de Jeanne d'Arc, mais il en fait non pas le signe de l'unité nationale, mais un signe, au fond, de l'expression d'une partie de la communauté nationale, et cela va de pair avec, évidemment, le lien du sang. Quand il parle des étrangers, mais les étrangers c'est le discours de l'extrême droite classique. Il oublie simplement que, par exemple, s'il y a eu dans la résistance Honoré d'ESTIENNE d'ORVES, il y a eu aussi 20 et 3 étrangers et nos frères pourtant, qui mourraient, qui s'abattaient en criant " Vive la France ". Il y a donc chez lui, si vous voulez dans sa manière de traiter la crise nationale, en fait un approfondissement de cette crise. Mais on ne pourra pas le combattre, on ne pourra pas réduire son influence, simplement en déversant, je reprends ce mot, en déversant sur lui l'appellation de tortionnaire, de fasciste, etc. mais simplement, ça je tiens à le dire car c'est, je crois, la clé de son succès, simplement quand les élites politiques françaises se rendront compte qu'il y a une complémentarité entre, d'une part, leur silence sur le sens de l'histoire de France, sur le sens de la crise nationale, et d'autre part l'image qu'en donne JEAN-MARIE LE PEN. Au fond, ça intéresse beaucoup de gens en France que JEAN-MARIE LE PEN développe cette image caricaturale de la France, parce que ça leur permet de dire, " Vous voyez, la France, c'est JEAN-MARIE LE PEN. Donc débarrassons-nous de la France ".
OLIVIER MAZEROLLE
Alors monsieur...
MAX GALLO
Alors ça, c'est la clé qui fait... encore un mot, c'est la clé qui fait de JEAN-MARIE LE PEN, non pas quelqu'un de hors système, mais un complément de système.
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur GALLO, JEAN-MARIE LE PEN vous répond.
JEAN-MARIE LE PEN
Monsieur GALLO, je crois que vous nous connaissez très mal, et en particulier vous connaissez très mal la composition du Front national, la composition de sa direction. Tenez, il y a par exemple au bureau politique du Front national, deux personnes, Monsieur IORIO et Monsieur... un autre camarade de Nice qui sont comme vous, des enfants d'Italiens, et ils sont au bureau politique du Front national.
MAX GALLO
Je croyais ne pas avoir... je craignais que vous ne m'expulsiez du plateau, monsieur Le PEN.
JEAN-MARIE LE PEN
Mais non, pas du tout, pas du tout, pourquoi le ferais-je ? C'est justement... si vous saviez cela. Mais ils ne sont pas les seuls, n'est-ce pas, il n'y a pas que Messieurs CHENARD (phon) et IORIO. Il y a un homme d'origine arabe qui est arabe, qui s'appelle Farid SMAHI, il y a chez nous des noirs, il y a chez nous des Arabes, il y a chez nous des juifs et qui sont non seulement...
MAX GALLO
Mais c'est dans vos conceptions...
JEAN-MARIE LE PEN
Adhérents mais qui sont des représentants du Front, n'est-ce pas. Et par conséquent, nous n'avons pas...
MAX GALLO
Votre conception...
JEAN-MARIE LE PEN
Je vous crois de bonne foi, Monsieur GALLO. Je crois que vous vous trompez. Nous n'avons pas cette attitude-là, nous ne sommes pas aussi hostiles aux étrangers, et surtout pas aux étrangers devenus français et qui aiment la France. Mais nous sommes hostiles au phénomène de l'immigration, et même pas aux immigrés. J'ai toujours dit, vous ne devez pas vous en prendre aux immigrés, ils ne sont pas responsables de leur présence, seuls sont responsables les politiciens français de droite et de gauche.
MAX GALLO
Mais en fait, votre conception... votre discours sur l'immigration, c'est ce que j'ai essayé de dire, votre discours sur l'immigration, il s'enracine sur votre vision de la France. Quand on lit les articles que vous avez écrits, quand on voit la manière dont vous traitez les symboles, on voit bien que votre façon de voir la France, c'est une façon où vous excluez les étrangers...
JEAN-MARIE LE PEN
Mais non !
MAX GALLO
Vous prenez Clovis, par exemple, mais Clovis est un Germain. Vous prenez ZOLA, vous prenez GAMBETTA, vous prenez MAZARIN, la France, par sa situation géopolitique, ne peut être qu'une nation bâtie sur le droit du sol, elle ne peut être que cela, et elle est cela, et sa capacité à intégrer, sa capacité à nationaliser les étrangers est capitale, et il y a un point qui, en lisant vos textes, m'est apparu, de manière tout à fait aveuglante, c'est le peu d'emploi que vous faites du mot citoyen, pratiquement il est absent. Et il y a un mot, alors, qui disparaît totalement de votre vocabulaire, si j'en crois les textes que j'ai lus avec attention, il y a un mot qui n'existe pas dans votre vocabulaire, c'est le mot de laïcité. Le mot de laïcité, je ne crois pas que vous l'ayez écrit et prononcé. Je peux me tromper, mais je ne l'ai pas trouvé, parce que ce mot de laïcité, il est capital et il renvoie précisément à une spécificité française que vous niez. Vous avez la vision classique, et moi, je ne veux pas douter de votre sincérité, mais vous avez la vision classique de l'extrême droite, et le problème qui est posé, c'est celui-ci, comment cette vision classique, qui est dans la tradition française, de l'extrême droite, réussit-elle aujourd'hui à occuper un tel champ dans l'espace et cela...
OLIVIER MAZEROLLE
Alors Monsieur GALLO...
MAX GALLO
Est possible parce qu'il y a des missions, en fait, sur la question nationale.
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur GALLO, Monsieur Le PEN.
JEAN-MARIE LE PEN
Monsieur GALLO, êtes-vous prêt à me rencontrer ou à rencontrer mes amis et à débattre avec eux ? Avez-vous reçu la lettre que je vous avais...
MAX GALLO
Non, je ne crois pas...
JEAN-MARIE LE PEN
La lettre ouverte, c'était la lettre française ouverte, je vous ai écrit une lettre, à Max GALLO et vous ne l'avez pas...
MAX GALLO
Je ne l'ai pas lue... je regrette...
JEAN-MARIE LE PEN
Vous ne l'avez pas reçue parce que je pense que vous m'auriez répondu. Alors je vous enverrai le livre, vous verriez ce que je disais de vous. Je voudrais poser une question, trouvez-vous normal que le Front national, avec des millions d'électeurs, n'ait pas de représentation dans l'Assemblée nationale française ? Est-ce que c'est normal ?
MAX GALLO
Je ne le trouve pas normal, parce que je considère que dès lors que vous jouez, fut-ce en apparence, mais en tout cas dans le cadre légal, le jeu démocratique, je crois qu'on peut et doit débattre avec vous de manière démocratique, parce que vous participez au jeu démocratique, et je ne crois pas que nier la réalité, la réalité des représentations soit une bonne méthode en vie démocratique.
JEAN-MARIE LE PEN
Max GALLO, je suis en tous les cas, moi, prêt à débattre, en privé même, avec vous, pour que vous connaissiez...
MAX GALLO
Non, merci.
JEAN-MARIE LE PEN
Mieux le sujet que vous ne semblez le connaître, car j'ai peur que vous nous connaissiez à travers les médias et pas directement.
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur GALLO et Monsieur Le PEN, manifestement...
MAX GALLO
Non, je crois malheureusement avoir lu vos textes.
OLIVIER MAZEROLLE
Deux visions de l'histoire de France différentes, merci Max GALLO. Monsieur Le PEN, nous passons maintenant à un second chapitre, " Trente ans de présidence ", parce que le Front national a été créé en 1972, ça fait même 31 ans, d'ailleurs. C'est bon signe, ça, pour un parti que le président soit toujours le même depuis 31 ans ?
JEAN-MARIE LE PEN
Ce n'est pas mauvais, je crois, si j'en juge par un certain nombre d'autres institutions, il y a dans la vie politique des gens qui ont été, en quelque sorte...
OLIVIER MAZEROLLE
Au même poste, à la même fonction pendant 31 ans ?
JEAN-MARIE LE PEN
Oui, bien sûr.
OLIVIER MAZEROLLE
Ah, moi je n'en connais pas.
JEAN-MARIE LE PEN
Regardez le Pape, par exemple.
OLIVIER MAZEROLLE
Il n'a pas 31 ans.
JEAN-MARIE LE PEN
Il y aura bientôt.
OLIVIER MAZEROLLE
Et le Pape.
JEAN-MARIE LE PEN
C'est tout la grâce que je lui souhaite. Mais vous savez...
OLIVIER MAZEROLLE
Soumis à élection périodique.
JEAN-MARIE LE PEN
Mais je me soumets à une élection périodique. Je serais tenté de dire que ce n'est pas de ma faute si je suis réélu par acclamation à l'unanimité du congrès, je ne vais tout de même pas pleurer à cause de cela.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors nous allons voir...
JEAN-MARIE LE PEN
Confiance, que la confiance que j'ai dans le mouvement que je dirige, elle m'est rendue par les adhérents du Front national.
OLIVIER MAZEROLLE
Nous allons voir justement comment fonctionne le Front national, avec ce récit d'Alix BOULHAIGUET.
/// Reportage ///
OLIVIER MAZEROLLE
Préférence familiale.
JEAN-MARIE LE PEN
Non mais il se trouve que j'ai des filles, je ne vais pas les chasser parce qu'elles sont là. Elles sont toutes des militantes, depuis très longtemps. Marine est militante depuis 15 ans, je peux même dire qu'elle l'était avant, puisqu'elle avait 8 ans quand notre immeuble a explosé sur une bombe qu'on y avait mis pour nous tuer. Elle est un peu comme Obélix, tombée dedans, et c'est pour ça qu'elle a acquis, en quelque sorte, ce goût de la politique. Je ne vois pas pourquoi si elle a du talent... et si elle n'en avait pas, bien sûr que les journalistes ne lui demanderaient pas son avis, et elle n'aurait pas même la place qu'elle a, que vous estimez, vous, anormale, de 34ème sur 100 élus du comité central, ça n'est pas si mauvais que cela. Il faut savoir...
OLIVIER MAZEROLLE
Elle était...
JEAN-MARIE LE PEN
Il faut savoir, de temps en temps, se faire pardonner son talent aussi.
OLIVIER MAZEROLLE
Très bien. Alors Claude ASKOLOVITCH, du NOUVEL OBSERVATEUR, a des questions à vous poser sur vos perspectives d'avenir.
JEAN-MARIE LE PEN
Bonjour Monsieur ASKOLOVITCH.
CLAUDE ASKOLOVITCH
Monsieur Le PEN, on fête beaucoup un anniversaire, celui du 21 avril. J'ai envie de parler d'un autre anniversaire qu'on fête aujourd'hui, le 5 mai. Le 5 mai, il y a exactement un an, vous avez subi la défaite la plus humiliante qu'est jamais connue un finaliste de l'élection présidentielle.
JEAN-MARIE LE PEN
C'est votre sentiment, ça n'est pas le mien.
CLAUDE ASKOLOVITCH
J'allais vous demander à quoi sert un parti politique qui n'est pas destiné à gouverner ?
JEAN-MARIE LE PEN
Vous n'en savez rien, et vous serez peut-être surpris dans les années qui viennent, mais la politique, on le sait, c'est un art de surprise.
CLAUDE ASKOLOVITCH
Dans d'autres pays européens, il y a moins de surprises ; en Autriche, en Italie, aux Pays Bas, les partis d'extrême droite gouvernent, ils passent des compromis, ils en rabattent un peu de leurs prétentions...
JEAN-MARIE LE PEN
Même aux Pays-Bas, on les tue quand ils gouvernent, c'est vrai.
CLAUDE ASKOLOVITCH
Pim FORTUYN a été tué avant que son parti arrive au gouvernement. Mais là-bas, dans ces pays-là, les partis, vos partis frères, passent des compromis avec la droite modérée, ils en rabattent de leurs prétentions, ils passent des alliances. Vous êtes apparemment le seul, un des derniers, qui buttez sur l'obstacle, qui êtes rejeté systématiquement par l'électorat, par les sondés, même si ça ne vous plaît pas, et par les chefs de la droite française, notamment Jacques CHIRAC. Qu'est-ce qui explique cet obstacle ? Etes-vous moins fréquentable que l'Autrichien HAIDER ? Etes-vous plus extrémiste que l'italien FINI ?
JEAN-MARIE LE PEN
Sans doute que j'ai des convictions et que j'applique rigoureusement la stratégie du Front national depuis des années. Nous aimons mieux être élu que battu, c'est humain, mais nous préférons être battus sur nos idées qu'élus sur celles de nos adversaires. Et je ne suis pas, pour ma part, prêt à faire de compromis avec des appareils ou des responsables politiques, que je tiens pour insuffisants, impotents, voire pour d'autres criminels. Je crois que la proposition du Front national est une proposition alternative, et je regrette beaucoup que le 21 avril ait été faussé par la trahison de Monsieur MEGRET. Car ce qui eut du se produire, c'est que le candidat socialiste et moi arrivions en tête, et Jacques CHIRAC soit éliminé au premier tour. Au deuxième tour, nous aurions eu, à ce moment-là, une véritable alternative politique : la gauche marxiste d'un côté, la droite nationale populaire et sociale de l'autre. Là, il y aurait eu un vrai débat politique, mais il n'y a pas eu de débat politique, d'abord parce que la gauche s'est jetée au pied de Jacques CHIRAC, terrorisée par l'hypothèse que je pouvais arriver à la présidence de la République, ulcérée que son candidat ait été éjecté par le suffrage universel. Je peux vous dire qu'il y a quelqu'un au mois qui aurait bien aimé avoir autant que Le PEN, ce soir-là, c'était JOSPIN.
CLAUDE ASKOLOVITCH
Pour quelqu'un qui a une mémoire politique, ça fait des années que vous êtes dedans, vous zappez singulièrement certaines séquences, j'ai souvenir qu'en 1986-87 vous lanciez des appels à Jacques CHIRAC, ce même Jacques CHIRAC que vous détestez aujourd'hui, et à Raymond BARRE pour s'unir, pour empêcher François MITTERRAND, à l'époque, d'être réélu. J'ai le souvenir d'élection municipale de Dreux dans laquelle Jean-Pierre STIRBOIS, avec qui vous étiez très proche, s'était fait élire avec la droite. Au fond, ce que vous reprochez à CHIRAC, c'est de vous avoir fermé la porte.
JEAN-MARIE LE PEN
Non, pas du tout. C'est vrai que Jacques CHIRAC a une attitude d'ailleurs assez inexplicable, en tous les cas inexpliquée d'ostracisme contre le Front national. Et je suis frappé de voir que les reproches qui sont faits au Front national, qui justifient cette mise à l'écart, cette mise au banc du Front national n'est jamais été exprimée clairement, jamais on a dit...
CLAUDE ASKOLOVITCH
Donné l'explication...
JEAN-MARIE LE PEN
Nous ne voulons pas du Front national pour des raisons précises. Un assassin a droit au réquisitoire du Procureur général, il a droit à des avocats, il a droit à des témoins, il a droit à des juges. Le Front national n'a droit à rien, même pas à l'articulation des griefs qu'on lui reproche.
CLAUDE ASKOLOVITCH
Dans votre bouche, et dans la presse du Front national ou proche du Front national, il y a quelques années, on donnait une explication, on expliquait que Jacques CHIRAC était sous l'influence de puissances occultes, maçonniques et que c'était pour ça qu'il vous fermait la porte. Vous croyez toujours à cette explication ?
JEAN-MARIE LE PEN
Je fais des hypothèses, je me perds en conjecture, je me demande ce qui peut conduire un homme comme CHIRAC, si ce n'est la profonde affinité qu'il a toujours entretenu avec la gauche, on se souvient qu'il a été un jeune militant communiste, et qu'il n'a jamais raté une occasion de manifester sa sympathie, que ce soit au chef de la Chine communiste, tout récemment encore en l'invitant à son château, ou encore au chef du Vietnam communiste. En de nombreuses circonstances, Jacques CHIRAC a montré que si son c...ur penchait, il penchait plutôt à gauche, voire même à l'extrême gauche.
CLAUDE ASKOLOVITCH
Pourquoi lui avoir proposé votre aide en 86-87 ?
JEAN-MARIE LE PEN
Je ne lui ai pas proposé mon aide...
CLAUDE ASKOLOVITCH
Publiquement.
JEAN-MARIE LE PEN
Mais je vous assure que non...
CLAUDE ASKOLOVITCH
Publiquement !
JEAN-MARIE LE PEN
Puisque... mais pas du tout. Monsieur CHIRAC prend comme première mesure... comment dirais-je, le changement c'est la première mesure qu'il propose au gouvernement, il a une majorité, il a une majorité au Parlement, de quelques voix, on a racheté quelques indépendants vite fait, mais il a la majorité, il n'a pas besoin des voix du Front national. La première mesure qu'il prend, c'est la réforme électorale qui revient, en quelque sorte, au scrutin majoritaire, qui élimine donc le Front national, il a continué de le rester jusqu'à aujourd'hui. Et je lui dis en partant, " Morituri te salutant ", ça n'est pas un appel au secours, ni ça n'est pas... c'est un défi, ça n'est pas une proposition de soutien, je ne vois pas où vous avez pu voir une proposition de soutien.
CLAUDE ASKOLOVITCH
Vous vous interrogez sur les raisons de votre diabolisation, ou de votre exclusion, j'ai peut-être un exemple, très récent, qui est dans l'actualité. On sort de la guerre en Irak, vous étiez contre cette guerre, comme Jacques CHIRAC d'ailleurs, et comme la plupart des dirigeants politiques français. Mais vous êtes le seul à avoir soutenu jusqu'au bout, mordicus, le régime de Saddam HUSSEIN. Le 31 mars dernier, dans un texte que vous avez publié, je l'ai retrouvé dans vos archives, vous expliquiez, je vous cite, que Saddam HUSSEIN était diabolisé, on se demande ce qu'en pensent les rescapés du régime qui s'expriment aujourd'hui dans la presse. Vous expliquez que l'Amérique, je vous cite encore, se préparait à découper le Moyen orient au gré des utopies maçonniques, c'est une étrange obsession. Et encore plus fort, vous vantez les mérites du kamikaze et vous parliez avec enthousiasme du souffle d'Allah qui soulève les dunes du désert et les jette sur les convois de l'assaillant. Le souffle d'Allah...
JEAN-MARIE LE PEN
Remettez cela dans son contexte, s'il vous plaît...
CLAUDE ASKOLOVITCH
Dans le contexte d'un texte...
JEAN-MARIE LE PEN
Parce que vous extrayez, comme ça, des morceaux de phrase que vous mêlez les unes aux autres, pour faire un petit cocktail détersif, ce n'est pas...
CLAUDE ASKOLOVITCH
Vanter les mérites des kamikazés et parler du souffle d'Allah, on vous ignorait cette sympathie exotique pour les terroristes islamiques.
JEAN-MARIE LE PEN
Qu'il y aurait des kamikazes, il y en aurait, il y en aurait, et il y en aura sans doute, et c'est probablement la guerre d'agression injuste, illégale, immorale faite par les Anglo-Américains qui sera responsable de cette nuée qui se lève, bien évidemment. Ça, c'est prévoir, ça n'est pas approuvé.
CLAUDE ASKOLOVITCH
Dans le même texte, vous faisiez de l'humour, vous baptisiez George BUSH et Tony BLAIR, je vous cite encore, " Rumsteck et Rosbif ". On parle de votre crédibilité et de votre culture de gouvernement, juste une question, si vous aviez été élu, il y a un an, exactement un an, est-ce que vous imaginez le président de la République française, le chef de l'Etat, baptiser le président des Etats-Unis et le Premier ministre britannique " Rumsteck et Rosbif " ?
JEAN-MARIE LE PEN
C'est justement parce que je n'ai pas été élu que je peux me permettre cette liberté.
CLAUDE ASKOLOVITCH
Donc le Caveau de la République plutôt que la présidence de la République ?
JEAN-MARIE LE PEN
Voilà, pourquoi pas.
CLAUDE ASKOLOVITCH
Deux dernières questions sur votre mouvement Monsieur Le PEN, pourquoi est-ce que votre mouvement, pourquoi est-ce que l'extrême droite ne s'est pas gérer ses conflits internes normalement ? Après tout, il peut y avoir des oppositions, on le voit au PS, ils ont un congrès. Pourquoi est-ce que chez vous, quand il y a des divergences, ça se termine mal, par une scission, c'est MEGRET, ou par des dissensions, des haines internes, comme on le voit aujourd'hui entre votre fille, Marine Le PEN, et vos barons, ceux qui dirigent le parti avec vous ?
JEAN-MARIE LE PEN
Mais vous avez vu ça où ? Vous avez quelquefois assisté aux congrès du Parti socialiste ? Vous avez assisté au dernier congrès du Parti communiste dans lequel Madame BUFFET a réglé ses comptes en excluant de son bureau politique tous ses adversaires ? Ce n'est pas comme ça au Front national, cela ne se passe pas... et puis, il n'y a pas une scission avec Bruno MEGRET, il y a eu un complot, une tentative de putsch, secrètement organisée pour s'emparer illégalement des leviers de commande du Front, ça n'a strictement rien à voir. D'ailleurs nous avons apporté la preuve démocratiquement que nous étions légitimes, puisque moi j'ai fait 18 % et MEGRET a fait 2 %, voilà.
CLAUDE ASKOLOVITCH
Aujourd'hui, à mots couverts, quand ils parlent avec les journalistes, parce qu'ils parlent avec des journalistes, les partisans de Marine Le PEN, comme les partisans de Bruno GOLNISCH parlent d'une scission possible, vous le savez...
JEAN-MARIE LE PEN
Ah non, je ne sais pas, je ne le sais pas...
CLAUDE ASKOLOVITCH
Vous ne le savez pas...
JEAN-MARIE LE PEN
Si vous avez entendu cela, c'est peut-être l'opinion de tel ou tel, mais ça n'est pas l'opinion du mouvement, telle qu'elle s'est démocratiquement exprimée. Dois-je vous rappeler que quand je lis, un commentaire assez étonnant d'ailleurs parce que je ne vois pas comment on peut lire une liste, un résultat électoral autrement que sèchement, n'est-ce pas, quand je lis cette liste, elle est soumise à l'approbation, approuvez-vous la composition du bureau politique ? Unanimité moins une voix. Approuvez-vous la constitution du bureau exécutif ? Unanimité. Il y a là 120 personnes qui constituent le... comment dirais-je, l'assemblée de notre mouvement, et par conséquent, qui pourrait s'exprimer.
OLIVIER MAZEROLLE
Dernière question ?
JEAN-MARIE LE PEN
Personne n'a exprimé le point de vue dont vous faites état, là.
CLAUDE ASKOLOVITCH
Toute dernière question qui vous renseignera peut-être également sur l'état d'esprit à l'intérieur de votre parti, c'est à ça que servent les journalistes. Beaucoup de vos dirigeants disent que Marine Le PEN, votre fille dont vous êtes très fier, que vous imposez à une vice-présidence contre l'avis de la plupart des autres dirigeants, que cette fille vous fait vieillir, qu'elle est la preuve vivante par ses 34 ans de votre ringardisation, de vos 75 ans, de vos 80 ans à la prochaine présidentielle.
JEAN-MARIE LE PEN
Ce sont des mauvaises langues qui disent cela, ne les écoutez pas, ils vont vous tromper. Non, non, je ne crois pas ça, du tout.
CLAUDE ASKOLOVITCH
Vous ne croyez pas que...
JEAN-MARIE LE PEN
Je crois que Marine...
CLAUDE ASKOLOVITCH
L'engouement dont bénéficie votre fille souligne votre propre rejet ?
JEAN-MARIE LE PEN
Marine a été nommée au bureau exécutif cinquième vice-présidente, parce qu'elle est représentative de toute une classe, de toute une catégorie d'adhérents, d'adhérentes, d'électrices, d'électeurs, qui sont des gens de moins de quarante ans, il y en a quelques-uns encore dans notre pays...
OLIVIER MAZEROLLE
Donc on aura appris qu'il y a des mauvaises langues au Front national.
JEAN-MARIE LE PEN
Sûrement, bien sûr.
OLIVIER MAZEROLLE
Maintenant, nous allons voir...
JEAN-MARIE LE PEN
Là où il y a de l'homme, il y a de " l'hommerie "...
OLIVIER MAZEROLLE
Merci, Claude ASKOLOVITCH. Nous allons voir maintenant comment ça se passe lorsque le Front national gagne des élections, ça s'est produit dans certaines municipalités, quatre municipalités dans le sud d'ailleurs, il y avait eu Vitrolles, Toulon, Orange et Marignane. Alors Arnaud BOUTET...
JEAN-MARIE LE PEN
Et d'autres.
OLIVIER MAZEROLLE
Et d'autres, mais je parle des...
JEAN-MARIE LE PEN
D'autres dont on ne parle pas.
OLIVIER MAZEROLLE
Quatre plus emblématiques, et donc Arnaud BOUTET est allé à Orange et à Toulon.
/// Reportage ///
OLIVIER MAZEROLLE
Voilà. Alors sur la préférence familiale qui s'exerce également dans les municipalités FN, ALAIN DUHAMEL, à partir du sondage, car on y revient, IPSOS / NOUVEL OBSERVATEUR / FRANCE 2, a des questions à vous poser, Monsieur Le PEN.
JEAN-MARIE LE PEN
Ce n'est pas le Front national qui a été battu à Toulon, c'est Jean-Marie Le CHEVALLIER...
OLIVIER MAZEROLLE
C'est vrai...
JEAN-MARIE LE PEN
Ce n'est pas tout à fait pareil...
OLIVIER MAZEROLLE
Qu'il avait quitté entre-temps.
JEAN-MARIE LE PEN
Ce n'est pas tout à fait pareil, car Jean-Marie Le CHEVALLIER avait trahi le Front national, et c'est la raison de son échec aux élections.
OLIVIER MAZEROLLE
Ça fait deux traîtres.
JEAN-MARIE LE PEN
Eh oui.
ALAIN DUHAMEL
Je peux poser ma question ?
JEAN-MARIE LE PEN
Mais sûrement.
ALAIN DUHAMEL
Merci. Dans le sondage, que vous avez raison de suivre, mais je ne vous donnerai pas de chiffres faux, en tout cas pas volontairement, il y a 89 % des Français qui connaissent votre fille Marine.
JEAN-MARIE LE PEN
Ah !
ALAIN DUHAMEL
Il y en a 61 % qui connaissent Bruno GOLLNISCH.
JEAN-MARIE LE PEN
Ah !
ALAIN DUHAMEL
Alors je voudrais savoir... oui, c'est comme ça, bon, je voudrais savoir si dans votre esprit, vous qui avez quand même l'expérience de candidatures présidentielles multiples, la capacité à attirer l'attention, à se faire connaître, à manifester du charisme, à intéresser, à créer quelque chose autour de soi, est-ce que c'est un élément déterminant pour choisir un ou une candidate ?
JEAN-MARIE LE PEN
Moi, je suis très heureux que les médias invitent Marine, je serais très heureux qu'ils invitent aussi Bruno GOLLNISCH, qu'ils invitent Karl LANG, qu'ils invitent les dirigeants de notre mouvement, et je me suis plaint, tout à l'heure, à juste titre, que ça n'était pas le cas, il y a beaucoup de débats, et nous sommes généralement pas invités, et dans ces débats, nos spécialistes sont des gens qui tiendraient très bien, MARTINEZ, ou tant d'autres, on l'a vu apparaître comme ça...
ALAIN DUHAMEL
Monsieur Le PEN...
JEAN-MARIE LE PEN
De temps en temps, mais très, trop rarement.
ALAIN DUHAMEL
Monsieur Le PEN, est-ce que vous voulez être assez gentil pour répondre à ma question, parce que ce que vous venez de dire, c'est sûrement très intéressant, mais ça n'avait rien à voir avec ma question, rien du tout ! Ma question...
JEAN-MARIE LE PEN
Me suis-je trompé ?
ALAIN DUHAMEL
Peut-être, vous étiez distrait. Ma question, c'était votre fille attire l'attention de 89 % des Français, Bruno GOLLNISCH de 61 %, vous qui avez été plusieurs fois candidat à l'élection présidentielle, qui connaissez bien le fonctionnement des campagnes, est-ce que vous considérez ou non que c'est un élément décisif pour le choix d'un candidat ou d'une candidate que d'être capable de provoquer cet intérêt et cette attention.
JEAN-MARIE LE PEN
Ce qui lui manque, ce sont des interlocuteurs. Alors prenons, ce soir...
ALAIN DUHAMEL
Comment...
JEAN-MARIE LE PEN
Emettons, ce soir, le voeu que beaucoup de gens permettent à Bruno GOLLNISCH de compenser le petit retard médiatique qu'il a dans les sondages.
ALAIN DUHAMEL
Si c'est ça, comment est-ce que vous expliquez que, à ce moment-là, selon vos critères, on a vu plus souvent votre fille que Bruno GOLLNISCH ?
JEAN-MARIE LE PEN
Ça, posez la question à vos collègues...
ALAIN DUHAMEL
Vous êtes un homme politique, vous êtes le président du Front national...
JEAN-MARIE LE PEN
Parce que je peux vous dire une chose, c'est que ni moi, ni mes services, ni les... n'ont poussé Marine à aucun moment, je peux vous le dire, et...
ALAIN DUHAMEL
Je ne vous dis pas le contraire.
JEAN-MARIE LE PEN
Et que... non, non, mais je le dis pour que ça soit clair, " Corum populo ", mais je constate qu'il n'y a pas, de la part des médias, cette appétence, provisoirement peut-être, il se trouve que Marine est à la mode, qu'on a besoin dans la politique française, c'est un petit courant d'air pur d'une jeune femme souriante, d'une jeune mère de famille, d'une jeune professionnelle, d'une jeune élue qui, je vous le rappelle quand même, a fait 35 % des voix au deuxième tour dans le pays minier du Pas-de-Calais.
ALAIN DUHAMEL
Comment, Monsieur Le PEN... comment est-ce que sera, un jour, je ne vois dis pas maintenant, un jour, comment est-ce que sera désigné votre successeur ?
JEAN-MARIE LE PEN
Normalement...
ALAIN DUHAMEL
Par quel système...
JEAN-MARIE LE PEN
Statutairement, c'est le congrès du Front national qui désignera mon successeur, mais comme il peut toujours y avoir un accident de parcours, j'ai bien précisé que s'il m'arrivait quoi que ce soit, qui me mette hors d'état de remplir ma fonction, je désignais Bruno GOLLNISCH pour être mon successeur, c'est clair, ça.
ALAIN DUHAMEL
Alors...
JEAN-MARIE LE PEN
Parce que j'ai pour lui la plus grande estime, la plus grand sympathie, et même la plus grande affection, voyez. Ce n'est pas mon fils, mais presque.
ALAIN DUHAMEL
Dans le même sondage, il y a 51 % des Français qui considèrent que vous-même, aujourd'hui, vous êtes usé.
JEAN-MARIE LE PEN
Ah bon ?
ALAIN DUHAMEL
Ah oui, ah oui. Alors je ne vous dis pas qu'ils ont raison, ou qu'ils ont tort... attendez, attendez ma question !
JEAN-MARIE LE PEN
Oui mais vous parlez tout le temps !
ALAIN DUHAMEL
Ah non, non, c'est vous qui... attendez la question... attendez la question ! La question est, si vous vous présentez comme tête de liste dans la région PACA, ce qui est théoriquement votre intention, et si vous êtes battu, est-ce que vous envisagerez, compte tenu du fait qu'un certain nombre de gens vous trouvent usé, de vous retirer, de céder la place à la génération d'après ?
JEAN-MARIE LE PEN
Non.
ALAIN DUHAMEL
Non.
JEAN-MARIE LE PEN
Voyez, ça jaillit. Ce que vous n'avez pas dit, quand même, c'est que, à la question estimez-vous que JEAN-MARIE LE PEN est usé, 42 % répondent non...
ALAIN DUHAMEL
Oui, je n'ai pas dit le contraire !
JEAN-MARIE LE PEN
42 %, ce n'est pas... mais vous ne le citez pas, ce n'est pas négligeable, et je connais un homme politique qui s'est exprimé sur un de ses concurrents dans cette forme-là, à qui ça n'a pas porté chance, c'est Monsieur... c'est le Premier ministre socialiste, Monsieur JOSPIN, qui avait trouvé que CHIRAC était usé...
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur Le PEN, nous allons...
JEAN-MARIE LE PEN
Jusqu'à la corde, qui a servi pour le pendre d'ailleurs !
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur Le PEN, puisque vous n'êtes pas usé, vous êtes en forme, ce soir...
JEAN-MARIE LE PEN
Toujours !
OLIVIER MAZEROLLE
Vous avez un autre interlocuteur, Monsieur Christian ESTROSI, qui est en direct avec nous de Nice, bonsoir Monsieur ESTROSI. Vous êtes député et conseiller général des Alpes-Maritimes, et c'est vous qui avez, comme on dit, rapporté la loi SARKOZY, la loi sur la sécurité à l'Assemblée nationale, et je crois que vous voulez parler de sécurité avec Monsieur Le PEN, un thème cher au Front national.
CHRISTIAN ESTROSI
Oui, Monsieur MAZEROLLE. Effectivement, la priorité a été au c...ur de la campagne présidentielle au printemps dernier, et je voudrais dire à JEAN-MARIE LE PEN, alors que Jacques CHIRAC a rassemblé 82 % des électeurs sur son nom, lui-même 18 %, que je respecte pleinement les 5 millions d'électeurs qui se sont prononcés en sa faveur. Ils l'ont sans doute fait d'ailleurs sur de vraies préoccupations évoquées par JEAN-MARIE LE PEN, et ça n'est pas parce que je ne partage pas les valeurs de Monsieur Le PEN, que pour autant j'appartiens à la catégorie de ceux qui dénoncent que l'on évoque ces vraies préoccupations, et qui longtemps, trop longtemps ont occulté ce débat qui finalement a contribué à la montée des extrémismes dans notre pays. Aujourd'hui, il se trouve que nous avons engagé une véritable politique de rupture avec le passé. Derrière Jacques CHIRAC, derrière Jean-Pierre RAFFARIN, avec Nicolas SARKOZY, le ministre de l'Intérieur, dont vous disiez, tout à l'heure, qu'il était un illusionniste, nous avons rompu avec un ensemble de tabous. Nous l'avons fait sans excès et sans outrance, et nous apportons dans chaque domaine de la société, qui ont contribué à la montée de la violence et de la délinquance depuis un certain nombre d'années, de véritables réponses. Ça n'est pas de l'illusionnisme, c'est une réalité. Ça n'est pas de l'illusionnisme, Monsieur LE PEN, lorsque nous apportons, par la loi d'orientation et de programmation, la création de 13.500 postes de gendarmes et de policiers dans notre pays. Nous ne sommes pas illusionnistes lorsque nous réformons notre code de procédure pénale pour apporter des réponses concrètes en matière de lutte contre les filières de proxénétisme, de mendicité agressive, de gens de voyage qui occupent sans droit ni titre les propriétés d'autrui, de lutte contre la délinquance des mineurs, avec la création de centres d'éducation fermés, de responsabilisation des parents qui manquent au devoir d'éducation des enfants. Alors Monsieur LE PEN, vous qui, finalement, avez profité - je le pense sincèrement - du laxisme de la gauche, d'un Monsieur JOSPIN, dont vous regrettiez, il y a quelques instants d'ailleurs, qu'il n'ait pas été présent au second tour, tout comme je peux le regretter moi-même, mais qui reconnaissait sa propre naïveté dans le domaine de la lutte contre la délinquance, je pense que c'est sur cette politique laxiste que, pendant un certain nombre d'années, vous avez fait votre miel. Alors simplement, Monsieur LE PEN, aujourd'hui, en matière d'illusionnisme, je vous appelle à un peu de sincérité. Allez, Monsieur LE PEN, en votre âme et conscience, sincèrement, est-ce qu'il y a matière à contester la politique du gouvernement ?
OLIVIER MAZEROLLE
Alors, Monsieur LE PEN ?
JEAN-MARIE LE PEN
Ah, qu'il est sympathique, le diable, quand il se fait ermite ! Parce que ce que vous venez de dire est plein de chaleur et de sentiment et va vous propulser, je pense, à l'intérieur de votre parti vers des postes plus importants que celui que vous n'occupez actuellement. Mais vous avouez vous-même qu'avant que vous ne trouviez votre chemin de Damas, avant le 21 avril, c'est-à-dire avant ce formidable coup de pied au derrière que le premier tour de JEAN-MARIE LE PEN a donné à la classe politicienne tout entière, vous étiez solidaire des politiques nulles qui étaient menées dans le pays, aussi bien dans le domaine de l'immigration, de l'insécurité, du chômage, du fiscalisme, de la corruption, faut-il que nous parlions de corruption, mais dans une région où nous avons été collègues nous-mêmes, tous les deux, où la corruption va même jusqu'à la mort d'une députée, l'assassinat d'une députée, l'assassinat d'un certain nombre de collaborateurs de personnalités politiques. On va juger Monsieur PERLETTO, qui va peut-être nous apprendre un certain nombre de choses. Alors vous avez découvert tout ça le 21 avril, je suis obligé de vous dire que vous m'en devez grâce, parce que c'est grâce à mon résultat que vous avez brusquement décidé de sortir, apparemment, c'est mon sentiment, de sortir de l'impuissance, de l'impotence, pour essayer de montrer que vous étiez capable de faire quelque chose. Mais je vous attends, la France vous attend, non pas semaine après semaine, vous attend l'année prochaine. Il va y avoir des élections, des élections régionales, qui vont sans doute nous opposer, Monsieur ESTROSI, ça ne sera pas la première fois, d'ailleurs...
OLIVIER MAZEROLLE
Vous ne serez pas les seuls, d'ailleurs, il y aura aussi les socialistes.
JEAN-MARIE LE PEN
Pas les seuls, mais je crois que vous n'aurez pas l'honneur de tenir la tête de liste. Je crois que c'est...
OLIVIER MAZEROLLE
Alors Monsieur ESTROSI vous répond sur la politique, sur ce que vous lui avez dit. Alors, Monsieur ESTROSI.
CHRISTIAN ESTROSI
Oui, Monsieur LE PEN, bien évidemment, vous essayez un peu de botter en touche, et je note que depuis un certain nombre de mois vous évitez ce débat même de la sécurité. Ça n'est pas le 21 avril que nous nous sommes réveillés. Pendant cinq ans, nous avons dû subir cette politique de gauche, et cette politique laxiste qui a amené la violence et la délinquance à monter de plus de 17 % dans notre pays. Il y a des résultats réels que nous enregistrons mois après mois. Nous voyons toutes les semaines de véritables réseaux qui sont démantelés, l'action des Groupements d'intervention régionaux, dans la région à laquelle vous faisiez référence, qui nous permet enfin de pénétrer dans les cités de non-droit pour démanteler tous ces réseaux d'économie souterraine. C'est ça, le temps de l'action dans lequel nous sommes rentrés avec le gouvernement de Jean-Pierre RAFFARIN et avec Nicolas SARKOZY. Alors je vous en prie, ne faites pas diversion, abordez le sujet. Je vous ai lu quelque part, où vous écriviez que le Front national avait toujours fait le bon diagnostic et qu'il était peut-être temps pour lui de commencer à proposer des solutions. Mais il est déjà trop tard pour que vous proposiez des solutions, ça veut bien dire que le 21 avril dernier, vous n'aviez même pas les solutions entre les mains. Nous avons, nous, engagé le temps de l'action aujourd'hui, nous avons légiféré, nous nous sommes engagés dans la réforme du code de procédure pénale, nous avons mis en action, en leur apportant la considération qu'ils méritent et la motivation, donc qui leur a fait si défaut, à cause du mépris dont ils ont fait l'objet de la part du gouvernement de gauche, nos policiers, nos gendarmes, qui sont aujourd'hui de nouveau fiers de porter leur tenue, d'agir au nom de l'autorité de l'Etat, de la République, pour cette politique de rupture que nous engageons. Je serais très heureux d'entendre les fameuses solutions dont vous parlez, puisque vous ne parlez finalement toujours que de diagnostics, de vieux slogans, de vieilles incantations, mais face à l'action que nous menons, j'attends toujours vos solutions.
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur LE PEN.
JEAN-MARIE LE PEN
Puis-je me permettre de rappeler à Monsieur ESTROSI qu'au pouvoir il n'y avait pas que Monsieur JOSPIN, ce pauvre Monsieur JOSPIN ? Pendant sept ans, il y avait un homme qui était président de la République, avec des pouvoirs considérables, qui aurait pu attirer l'attention de l'opinion, qui a d'ailleurs eu un gouvernement, un gouvernement qui lui était favorable pendant deux ans, tellement favorable qu'il l'a dissous par amour de la difficulté et pour permettre à JOSPIN d'arriver au pouvoir. Or cet homme-là qui est Jacques CHIRAC, votre héros du 5 mai de l'an dernier, n'a rien dit, ni rien fait. Il aurait pu dire et faire. Il aurait pu faire ce que nous avons essayé, nous, de faire, d'avertir les Français des dangers immenses qu'ils couraient, et qui sont toujours présents, et qui s'aggravent, Monsieur ESTROSI. Ça n'est pas parce que vous arrêtez de temps en temps quelques gipsies dans l'Ouest parisien, ça n'est pas parce que vous faites la chasse aux mendiants ou que vous interdisez à tels Romanichels de s'installer dans une petite ville, que vous réglez le problème de l'insécurité dans notre pays, car vous savez que le problème de l'insécurité est directement l'enfant du problème de l'immigration. Vous savez très bien, comme moi, quel est le rôle de l'immigration dans la montée de l'insécurité dans notre pays. Vous n'oserez pas parler, bien sûr, du rôle qu'y joue le désastreux enseignement dans notre pays. 1,3 million de fonctionnaires qui seront en grève demain, et je crois d'ailleurs jusqu'à la semaine prochaine, pourquoi pas plus longtemps ? Alors que vous avez été au pouvoir quinze ans sur trente. La droite a été au pouvoir quinze ans sur trente. Vous avez oublié tout cela et vous êtes venu vêtu de probité candide et de lin blanc nous dire : on a tout compris et maintenant on est en train de mettre en place des solutions qui vont être mirobolantes. Je n'y crois pas. Je vous le dis franchement, je n'y crois pas. Je crois que vos chiffres sont bidons. Je crois que la baisse de votre... la baisse de l'insécurité, vous la mesurez plutôt dans le 16e arrondissement et à Neuilly que dans les banlieues, ou pratiquement vos policiers ne mettent pas les pieds.
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur ESTROSI est à Nice, lui. Il est à Nice. Il est à Nice, lui, il n'est pas à Neuilly, Monsieur ESTROSI.
CHRISTIAN ESTROSI
Non, bien au contraire, bien au contraire...
JEAN-MARIE LE PEN
Il est à Nice, oui, je sais qu'il est à Nice.
CHRISTIAN ESTROSI
Bien au contraire, nous nous sommes lancés à la reconquête des banlieues. Bien entendu, nous avons d'abord répondu à la préoccupation majeure...
JEAN-MARIE LE PEN
Oui, vous avez fait les mosquées !
CHRISTIAN ESTROSI
Des plus modestes, des plus démunis. Et Monsieur LE PEN, vous savez très bien que c'est la cohabitation qui était paralysante, et c'est pour ça que les Français ont voulu se débarrasser de la cohabitation, en donnant les moyens à Jacques CHIRAC...
JEAN-MARIE LE PEN
Ils auraient mieux fait de se débarrasser du président.
CHRISTIAN ESTROSI
Avoir un gouvernement qui lui permette d'agir. Mais une fois de plus, je vois que vous vous lancez dans cet amalgame entre immigration et insécurité, et c'est là que tout nous sépare, Monsieur LE PEN. Je suis pour une France tolérante et ouverte. Et c'est parce que vous essayez en permanence de faire de la surenchère sur la sécurité, d'un côté, aujourd'hui sur l'immigration, vous disiez que vous réagissiez sur l'immigration parce qu'elle était au coeur de l'actualité. Pourquoi elle est au coeur de l'actualité ? Parce que dans ce domaine aussi nous avons agi sans tabous, sans complexes, avec la fermeté nécessaire, mais l'humanisme aussi. Nous avons choisi la voie de l'équilibre. Lorsque Monsieur SARKOZY propose aujourd'hui de mettre les empreintes digitales sur les visas touristiques, vous savez très bien qu'aujourd'hui la préoccupation c'est que tous les clandestins qui rentrent en France rentrent de manière légale et se mettent ensuite en situation illégale. Avec le fichier central d'empreintes digitales sur les visas touristiques, nous réussirons, avec le rallongement des délais de rétention, de régler ce problème. Nous en avons raccompagné, malgré tout, près de 7.000 lors du premier trimestre de cette année, alors qu'il en rentre 30.000 par an, nous avons déjà organisé par des vols groupés avec nos partenaires européens, parce qu'il faut aussi regarder cette vision de manière européenne, ça n'est pas en mettant des frontières de barbelés, en reconstruisant la ligne Maginot, comme vous le proposez aujourd'hui, que nous réussirons à enrayer le problème, mais au contraire engager une politique de coopération avec l'ensemble de nos partenaires européens, en mutualisant les moyens des polices européennes comme nous sommes en train de le faire avec Nicolas SARKOZY, que nous réglerons ce problème, voilà.
OLIVIER MAZEROLLE
Merci, Monsieur SARKOZY. Alors Monsieur LE PEN, un dernier mot.
JEAN-MARIE LE PEN
Oui, ce que n'a pas dit Monsieur ESTROSI, un chiffre : le consulat d'Alger a donné l'an dernier 550.000... 5.000, oui, c'est ça, 550.000 visas touristiques. Or Monsieur SARKOZY reconnaît lui-même que 80 % de ces gens-là ne rentrent pas dans leur pays. Et pour ce qui est de Bamako, 37.500.
OLIVIER MAZEROLLE
Non, pas 80 %. Non, non, il a dit que 8 0% de l'immigration clandestine provenait de l'extrapolation de visas touristiques, il n'a pas dit que 80 % des gens qui prennent des visas touristiques restaient en France. Allez, merci Monsieur ESTROSI, vous étiez en direct avec nous de Nice, vous retrouverez JEAN-MARIE LE PEN lors des élections régionales l'année prochaine. Dernier chapitre de notre émission, Monsieur LE PEN : promesses ou réalité ? Nous sommes allés dans le Nord de la France, à Lens précisément, où s'est présentée votre fille, Marine, et puis son mari et d'autres candidats du Front national dans les différentes circonscriptions. Reportage Farida SETITI et Marie-Pierre CASSIGNARD.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors Monsieur LE PEN, on a entendu cette dame exprimer, et un autre monsieur d'ailleurs, exprimer leur désespoir...
JEAN-MARIE LE PEN
Très émouvant.
OLIVIER MAZEROLLE
Je voudrais simplement vous faire part d'un texte qui date de 1979, c'est ancien, ça fait 24 ans, mais que j'ai tiré d'un livre paru à cette époque, dont un des chapitres était consacré au Front national, et vous disiez : " En privilégiant, en favorisant par trop tous les faibles dans tous les domaines, on affaiblit le corps social en général, on fait exactement l'inverse de ce que font les éleveurs de chiens et de chevaux. " Que pourrait penser cette dame si elle lisait ce texte aujourd'hui ?
JEAN-MARIE LE PEN
Oui, quand vous sortez les citations de leur contexte, évidemment, on peut leur faire dire n'importe quoi, et c'était un sujet bien précis, et ça n'était strictement pas un sujet social, et par conséquent...
OLIVIER MAZEROLLE
" Corps social en général ", " on affaiblit le corps social en général ". Vous n'avez rien à dire, très bien. ALAIN DUHAMEL, le sondage ISPOS.
JEAN-MARIE LE PEN
Les bras m'en tombent...
ALAIN DUHAMEL
Monsieur LE PEN, parmi les mesures phares que le Front national propose, il y en a un certain nombre qu'on a testées auprès des Français, et ce qui en ressort c'est d'abord de la méfiance ou de l'absence de crédit. Alors par exemple, vous voulez supprimer l'impôt sur le revenu, il y a 71 % des gens qui considèrent que ça n'est pas possible tel quel. Alors...
JEAN-MARIE LE PEN
Oui, il y a déjà 50 % de ces gens-là qui ne payent pas l'impôt sur le revenu, déjà, alors évidemment, ça ne les intéresse pas beaucoup.
ALAIN DUHAMEL
Ma question, Monsieur LE PEN. Ma question, c'est : quand on voit la difficulté que Jacques CHIRAC, qui avait promis de baisser en cinq ans l'impôt sur le revenu de 30 %, éprouve à dépasser la baisse des 5 %...
JEAN-MARIE LE PEN
1 %, en réalité.
ALAIN DUHAMEL
Eprouve à dépasser la baisse des 5 % l'année dernière, comment est-ce que vous, vous arriveriez à le supprimer complètement ?
JEAN-MARIE LE PEN
Parce que si CHIRAC ne peut pas le faire, moi je ne peux pas le faire, pensez-vous ? Moi je crois...
ALAIN DUHAMEL
Je vous demande quel est le moyen que vous utiliseriez.
JEAN-MARIE LE PEN
Ecoutez, nous n'avons pas ici le temps d'exposer toute la politique économique et sociale que suivrait le Front national pour aboutir à cela. Mais en gros, si vous voulez, permettez-moi de dire...
ALAIN DUHAMEL
Non mais, vous pouvez nous donner un... voilà, voilà, voilà.
JEAN-MARIE LE PEN
Qu'avec un taux de prélèvements obligatoires qui est le plus élevé de toute l'Europe, en diminuant les impôts, nous aurions une capacité de redéveloppement de notre économie. Et nous avons estimé, nous, que l'impôt sur lequel il serait le plus efficace d'agir, c'est l'impôt sur le revenu, parce que c'est celui-là qui aurait un effet de levier. Ce n'est pas simplement pour que les revenus soient allégés, c'est pour que l'argent puisse s'investir. Or actuellement, tout le monde quitte la France à cause des taux fabuleux, des taux écrasants de la fiscalité française.
ALAIN DUHAMEL
Vous voudriez aussi, si j'ai bonne mémoire, si je me trompe vous me rectifierez sûrement, mais vous voudriez aussi supprimer l'impôt sur la fortune ?
JEAN-MARIE LE PEN
Et pourquoi pas ?
ALAIN DUHAMEL
Non, mais c'est une question, c'est une question.
JEAN-MARIE LE PEN
Et pourquoi pas, puisque je lis dans vos gazettes que cet impôt sur la fortune a fait sortir 1.200 milliards de francs de notre pays. Et on sait qu'il y a 300.000 Français à Londres, qu'il doit y en avoir 100.000 à Bruxelles, que les Français les plus performants, si on peut dire, en tous les cas les plus fortunés, s'en vont. Or la France a besoin de l'argent des Français. Elle n'a pas besoin seulement de l'entrée des immigrés, elle a besoin que ne sortent pas les Français qui y sont, car un clou chasse l'autre. Un proverbe économique a dit : la mauvaise monnaie chasse la bonne, on le sait.
ALAIN DUHAMEL
Alors il y a justement une autre des mesures phares que vous proposez, on en a parlé d'ailleurs plusieurs fois ce soir, qui est celle de la préférence nationale ; là aussi, il y a une majorité de Français qui ne croient pas que ce soit possible, 65 %. Mais la question est, la question est : vous savez très bien que tant que la France est dans l'Union européenne, votre préférence nationale ne peut pas être mise en place. Alors est-ce que, quand vous proposez la préférence nationale, vous proposez aussi qu'on sorte de l'Union européenne ?
JEAN-MARIE LE PEN
Tant que nous serons dans l'Union européenne, nous serons privés du pouvoir de réaliser les réformes essentielles nécessaires. Par conséquent, par une voie qui peut être diplomatique, qui peut être la rediscussion des traités, il faudra bien que la France retrouve sa capacité d'action, son indépendance, sa liberté d'agir, faute de quoi, ne serait-ce par exemple qu'avec la règle de 3 % de déficit budgétaire, elle sera paralysée puis punie par l'Europe.
ALAIN DUHAMEL
Est-ce que vous proposez qu'on en sorte, est-ce que vous proposez que par exemple on renonce à l'euro ? Après tout, vous étiez complètement contre. Alors est-ce que maintenant vous pensez qu'il faut se débarrasser de ce carcan, parce que les 3 % c'est directement lié à l'euro ?
JEAN-MARIE LE PEN
Absolument, absolument...
ALAIN DUHAMEL
Alors ?
JEAN-MARIE LE PEN
Et j'ai même dit à ce moment-là qu'avec l'euro le gouvernement français se condamnait à ne plus pouvoir agir sur le déficit budgétaire, et par conséquent, en cas de crise sociale, il n'y avait pour lui qu'une seule solution, c'était réduire les salaires.
ALAIN DUHAMEL
Alors on en sort ou on n'en sort pas ?
JEAN-MARIE LE PEN
Alors c'est la situation devant laquelle va se trouver Monsieur RAFFARIN, et je pense que cela doit lui causer un certain souci.
ALAIN DUHAMEL
On en sort ou on n'en sort pas, de l'euro ?
OLIVIER MAZEROLLE
On vous a demandé : on en sort ou on n'en sort pas, de l'euro ?
JEAN-MARIE LE PEN
Ecoutez, de l'euro, de l'Europe, je pense qu'il faut commencer par nous dégager, faute de quoi nous nous abandonnons à ce qui est aujourd'hui un protectorat américain, et nous vivons dans l'illusion que l'Europe va nous aider à nous sortir de nos difficultés, alors qu'elle contribue à nous y enfoncer. J'ajoute, et c'est facile à comprendre pour tout le monde, que l'élargissement de l'Europe à tous les pays, à beaucoup de pays qui n'ont pas le même niveau social que le nôtre, il est bien évident que le principe des vases communicants fera que ce qu'ils auront en plus, les Français l'auront en moins. Si les Français comprennent ça, nous serons majoritaires aux prochaines élections.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors d'autres aspects du programme du Front national avec Michaël DARMON, du service politique de FRANCE 2. Michael, allez-y.
MICHAËL DARMON
Bonsoir Monsieur LE PEN.
JEAN-MARIE LE PEN
Bonsoir.
MICHAËL DARMON
Alors vos électeurs attendent de vous également un projet de société. Abordons la question de l'avortement ; clairement, pensez-vous qu'il faut revenir sur la loi VEIL ?
JEAN-MARIE LE PEN
Clairement, pensez-vous que ce soit le sujet qui passionne actuellement la France ?
MICHAËL DARMON
Ça fait partie des sujets de société, on va en aborder d'autres...
JEAN-MARIE LE PEN
Non, mais sincèrement, est-ce que vous pensez que c'est aujourd'hui le sujet qui passionne la France ?
MICHAËL DARMON
Ça peut passionner en tous cas beaucoup de femmes, en France.
JEAN-MARIE LE PEN
Je n'en suis pas sûr. Il y a, je pense, beaucoup d'autres sujets qui intéressent les Français, que celui-là.
MICHAËL DARMON
Mais sur cette question...
JEAN-MARIE LE PEN
Ce que dit le Front national...
OLIVIER MAZEROLLE
Est-ce que par hasard ça vous embarrasserait de répondre ?
JEAN-MARIE LE PEN
Non, pourquoi...
OLIVIER MAZEROLLE
Non, non, je vous pose la question, parce que, comme dans le programme du Front national on dit qu'il faut supprimer la loi sur l'IVG, que Marine LE PEN dit : non, il ne faut pas y toucher...
JEAN-MARIE LE PEN
Vous savez que la loi sur l'IVG, qui d'ailleurs réservait l'avortement strictement à des cas extrêmement précis, n'a cessé d'être modifiée, et on peut dire adultérée, n'est-ce pas, pour aboutir somme toute, à travers les actions du planning familial, à ce que la loi continue de combattre, c'est-à-dire la propagande en faveur de l'avortement. Et bien évidemment, je suis contre l'avortement. Je souhaite qu'il y ait le plus de petits Français possible, mais personnellement, personnellement, je suis plus pour l'incitation que pour la répression, que je ne crois pas très efficace dans une Europe où il suffit de prendre sa voiture pour aller dans le pays d'à côté. Ce que je crois, c'est qu'il faut inciter les jeunes femmes françaises, les femmes françaises, à avoir des enfants, et pour cela il faut élaborer une politique familiale qui les assure que l'arrivée de l'enfant ne sera pas une charge supplémentaire, mais au contraire une chance supplémentaire, et que pour celles qui ne souhaitent pas garder leur enfant, elles le confient à la Nation, qui, elle, se chargera de les élever à leur place. Et voilà qui, me semble-t-il, réconciliera à la fois notre morale traditionnelle, notre morale chrétienne, que ne semblent pas toujours respecter d'ailleurs les églises du même métal, et la nécessité pour nous...
OLIVIER MAZEROLLE
Vous ne respectez pas non plus, Monsieur LE PEN toutes les valeurs chrétiennes.
JEAN-MARIE LE PEN
Pardon ?
OLIVIER MAZEROLLE
Vous ne les respectez pas constamment, non plus. Voilà, vous menez votre vie...
JEAN-MARIE LE PEN
Pourquoi, écoutez... par exemple, lesquelles ?
OLIVIER MAZEROLLE
Vous menez votre vie, Monsieur LE PEN.
JEAN-MARIE LE PEN
Par exemple, lesquelles, Monsieur ?
OLIVIER MAZEROLLE
Par exemple...
JEAN-MARIE LE PEN
Vous venez de dire quelque chose de très important, là. Vous venez de dire que moi je ne respecte pas les valeurs chrétiennes, alors dites-moi lesquelles.
OLIVIER MAZEROLLE
Pas toujours, dans votre vie quotidienne. Je ne sais pas, moi, vous avez divorcé, non ?
JEAN-MARIE LE PEN
Oui, et alors ?
OLIVIER MAZEROLLE
Les valeurs chrétiennes...
JEAN-MARIE LE PEN
Je n'ai pas été marié à l'église, Monsieur, sachez-le.
OLIVIER MAZEROLLE
Voilà, donc ça permet bien des choses, bravo !
JEAN-MARIE LE PEN
Je suis en quelque sorte, pour l'église, une espèce de jeune homme célibataire.
OLIVIER MAZEROLLE
Donc vous avez vécu en concubinage pendant des années, alors vous vous rendez compte, c'est encore pire !
JEAN-MARIE LE PEN
Ah bon ?
OLIVIER MAZEROLLE
Du point de vue des valeurs chrétiennes, j'entends bien.
JEAN-MARIE LE PEN
Vous croyez ça ? Vous croyez ça ?
MICHAËL DARMON
Pour revenir un peu sur ce dossier, quand même, on voudrait comprendre. D'un côté...
JEAN-MARIE LE PEN
C'est dérisoire.
MICHAËL DARMON
La nouvelle vice-présidente du Front national, Marine LE PEN, estime qu'il faut maintenir cette loi. De l'autre côté, Monsieur Bernard ANTHONY, membre du Front national, dans son association, vient d'inscrire une proposition de loi visant justement à interdire l'avortement. Alors vous, quel est votre arbitrage, au fond ?
JEAN-MARIE LE PEN
Mais je n'arbitre pas, cher Monsieur. Il y a un programme du Front national...
MICHAËL DARMON
Le président de votre mouvement.
JEAN-MARIE LE PEN
Moi je j'ai été candidat aux élections présidentielles, j'ai un programme, vous ne faites pas allusion à ce programme, vous faites allusion au programme du Front national. Le programme d'une grande formation politique est un compromis bien évidemment et il y a chez nous des gens qui sont pour la peine de mort, il y a des gens qui sont contre la peine de mort. Il y a une espèce de pacte national autour d'un certain nombre d'éléments de programme qui permettent de se substituer malheureusement au gouvernement navrant qui a conduit la France depuis des années. Et je ne vois pas en cela qu'il y ait difficulté particulière au Front national, mon dieu si il n'y avait qu'au Front national qu'il y avait des contradictions mais elles sont en chacun d'entre nous, monsieur DARMON, vous le savez bien.
MICHAEL DARMON
Monsieur LE PEN, sur le statut de la femme, je voudrais poser cette question. En 1984, vous déploriez la démagogie des politiques à l'égard des femmes, allant même jusqu'à dire, je vous cite, nous pensons que l'autorité qualifiant dans une famille est celle de l'homme, est-ce que vous partagez toujours cette idée ?
JEAN-MARIE LE PEN
Oui vous êtes obligé quand même pour venir un petit peu au devant de moi de remonter à 1984, depuis 1984 il a passé de l'eau sous les ponts voyez-vous, le Front national, la France, les problèmes français ont évolué, et par conséquent ne m'opposez pas des déclarations de 1928 au moment où je vagissais dans mes langes.
MICHAEL DARMON
Je vous demande simplement si vous partagez encore cette idée ou si vous avez...
JEAN-MARIE LE PEN
Je crois à l'autorité parentale de préférence à celle de l'homme, mais dans bien des cas à celle de la femme. J'ai été élevé par une veuve de guerre, n'est-ce pas et j'ai eu une femme, j'en ai même eu deux d'ailleurs et trois filles, c'est vous dire que je suis très admiratif de ce que sont les femmes, j'ai noté d'ailleurs que dans les grands événements tragiques de la guerre, il y avait beaucoup plus de journalistes femmes que de journalistes hommes, ce qui tente à prouver que dans la profession, on serait plutôt plus courageux quand on a une jupe que quand on a un pantalon.
MICHAEL DARMON
Justement alors quand vous parlez de votre fille Marine LE PEN, vous faites souvent la promotion du modèle d'une femme moderne qui travaille, donc de notre temps, est-ce que là vous ne craigniez pas, peut-être, de vous mettre en porte-à-faux avec une partie de votre électorat plutôt catholique traditionaliste qui ne partagerait pas totalement ces voeux ?
JEAN-MARIE LE PEN
Mais je ne me pose jamais ce genre de question.
MICHAEL DARMON
Je vous la pose.
JEAN-MARIE LE PEN
Je fais et je dis ce que je crois juste, en un moment donné je réponds aux questions que se posent les Français, j'essaie de les aider à sortir des difficultés dans lesquelles ils sont plongés et je ne fais pas de théories, je ne fais pas d'idéologie, et je me réfère à un certain nombre de grands principes d'action, en m'efforçant de m'y conformer et quelquefois je succombe aux tentations, hélas...
OLIVIER MAZEROLLE
Comme nous tous.
JEAN-MARIE LE PEN
Mea culpa, mea maxima culpa.
MICHAEL DARMON
Au fond quand même sur le Pacs, l'avortement, l'Islam, le rôle de la femme, on sent quand même parfois une tension au sein de votre parti sur ces sujets, est-ce que c'est ce que vous appelez le travail de désenclavement du Font national ?
JEAN-MARIE LE PEN
Ecoutez, il y a au Front national des opinions qui sont divergentes sur un certain nombre de sujets.
MICHAEL DARMON
Parce qu'on sent qu'il y a deux discours parfois.
JEAN-MARIE LE PEN
L'essentiel c'est que le mouvement marche d'un seul élan, tiré par les mêmes grands principes et par la volonté de résoudre un certain nombre de problèmes concrets qui se trouvent posés à notre peuple.
MICHAEL DARMON
On sent qu'il y a quand même, parfois, des principes antigonistes qui sont présentés sur ces questions là, par exemple les sociétés, certaines personnes dans votre parti ne pensent pas de la même manière.
JEAN-MARIE LE PEN
Non moi je crois, écoutez, beaucoup de ces problèmes de société sont des problèmes de conscience individuelle, des problèmes de conscience personnelle dans lesquels je m'interdis d'intervenir parce que Dieu sonde les reins et les coeurs et tel qui fait aujourd'hui la morale serait bien mari, craint en quelque sorte qu'on montre ce qui est la réalité de sa vie. Donc dans ce côté-là, ayons une certaine indulgence sans aller jusqu'à la tolérance de notre ami STROSI, allons au moins jusqu'à l'indulgence que nous devons avoir les uns pour les autres.
OLIVIER MAZEROLLE
Voilà eh bien soyons indulgents, alors nous allons voir si c'est le cas avec votre dernier interlocuteur de la soirée, Manuel VALLS, le député maire socialiste d'Evry. Bonsoir monsieur VALLS, vous êtes en direct avec monsieur LE PEN.
MANUEL VALLS
Oui moi j'ai été marqué profondément par le résultat de l'élection présidentielle le premier tour, le 21 avril. Mais j'ai la conviction qu'il n'y a pas de fatalité à la progression et à la présence de l'extrême droite au deuxième tour de l'élection présidentielle et parce que je crois aussi que la droite va échouer sur l'essentiel, c'est-à-dire sur la baisse du chômage et sur la réduction des inégalités. Il me semble que la gauche a une responsabilité essentielle et cette responsabilité, c'est évidemment de combattre le Front national comme je le fais ce soir mais surtout sur le terrain et de redonner de l'espoir, de donner une perspective à ces hommes, à ces femmes qui souffrent et qui ne croient plus en rien. Donc il nous faut reconquérir et c'est pour moi l'essentiel, le terrain perdu ; au fond le problème essentiel, l'enjeu pour nous ce n'est pas l'avenir de JEAN-MARIE LE PEN, c'est notre capacité à répondre à ceux qui souffrent. Maire d'Evry, député d'une circonscription populaire, et ceux qui souffrent dans cette circonscription m'ont aussi élu député. J'ai fait de la sécurité une priorité parce que je crois à une France sûre, nous devons combattre la violence, le crime, la délinquance, qui touchent évidemment les plus modestes et les plus faibles. Et nous avons besoin d'un Etat républicain, sans complaisance qui assure évidemment l'ordre public. Mais nous avons aussi d'abord besoin d'une France juste et généreuse et j'ai été surpris par la définition très courte que JEAN-MARIE LE PEN a donné de la France au début de cette émission, une France qui, au fond, donne envie, soit fière d'elle-même, qui réconcilie les Français avec eux-mêmes, et au fond, monsieur LE PEN, vous la divisez cette France, vous dressez les Français les uns contre les autres. Une France qui restaure aussi la promotion sociale par la formation, par l'augmentation des salaires par des retraites de haut niveau, or quand on lit votre programme, votre programme monsieur LE PEN, c'est un programme anti-social, il ne concerne pas les petits, il ne concerne pas les ouvriers, il concerne les plus riches. Une France qui redonne les moyens à l'école publique, à l'école de la République, à l'école laïque, cette école que vous n'aimez pas, que vous méprisez, que vous voulez détruire d'ailleurs quand on lit aussi votre programme, vous voulez détruire les services publics qui sont la cohésion sociale. Et puis une France de citoyens, une France de citoyens qui assume sa diversité et qui fasse toute sa place aux enfants, pour la plupart Français, nés de l'immigration, et vous faites en permanence cette confusion mentale entre l'immigration, entre les Français d'origine étrangère dont vous faites en permanence, et c'est une tradition évidemment de l'extrême droite, les boucs émissaires. Au fond, si nous parlions de la France, ma France évidemment ce n'est pas la vôtre, elle est petite, entourée de barbelés rabougris tristes et sans espoir et si je prends, monsieur LE PEN, une image, c'est une France en noir et blanc. Ma France, moi je la veux juste, je la veux généreuse, je la veux moderne, je la veux aussi en couleurs, c'est une autre France et moi ce que j'ai envie de vous dire, c'est que nous allons vous combattre et que la gauche est de retour sur le terrain pour redonner de l'espérance et c'est uniquement en redonnant de l'espérance, en offrant une perspective aux plus modestes, en retrouvant le message de la gauche, de la gauche populaire que, monsieur LE PEN, nous vous ferons reculer et nous vous battrons.
JEAN-MARIE LE PEN
Monsieur VALLS, moi je pensais que la République exigeait que l'opposition se détermine par rapport au gouvernement, au pouvoir. Je constate donc que vous anticipez la victoire du Front national puisque vous annoncez que le parti socialiste va se battre prioritairement contre le Front national et non pas contre le gouvernement de la droite. Il est vrai que vous avez des complicités puisque vous avez aidé beaucoup Jacques CHIRAC à obtenir 82 % des voix. Vous fûtes, naguère, le porte-parole de Lionel JOSPIN et du parti socialiste. Vous avez gardé cette habitude de tourner la manivelle du moulin à prières pour nous dire tout ce que vous serez disposé à faire dans les années qui viennent pour le bonheur des Françaises et des Français mais vous avez été au pouvoir pendant cinq ans et vous avez été jugé. Je vous accorde que votre candidat, qui est loin d'être méprisable à mes yeux, a été assassiné par ses propres amis, par sa majorité plurielle, on lui a présenté la facture de la majorité plurielle au premier tour et c'est ça qui l'a fait battre, et je l'ai beaucoup regretté, car j'aurais de loin préféré affronter les solutions proposées par la gauche, fut-elle marxiste, la gauche de JOSPIN au deuxième tour que de laisser CHIRAC, en effet, faire cavalier seul avec l'ensemble de l'établissement français, le patronat, les syndicats, l'église et tout le reste n'est-ce pas, contre LE PEN, le pelé, le galeux d'où venait tout le mal. Dieu merci quand LE PEN serait abattu, abattu avec 18 % quand même, il y a beaucoup de gens qui voudraient les faire sur leur nom seul et qui ne le font qu'avec beaucoup d'autres de leurs amis. Eh bien l'affaire serait réglée, moi je vous dis ça ne fait que commencer. Et vous avez raison monsieur VALLS d'anticiper, vous faites de bonnes choses à Evry, on le sait, vous êtes plutôt sur une bonne pente, qui sait vous allez peut-être connaître la même évolution que monsieur GALLO qui n'a pas peu contribué quand même avec son ami CHEVENEMENT à votre douleur du premier tour. Il a commencé par être communiste, après il a été socialiste, après il a été socialiste national avec CHEVENEMENT.
OLIVIER MAZEROLLE
Il était là vous pouviez lui dire ça tout à l'heure, il n'est plus là allez...
JEAN-MARIE LE PEN
Comment non, mais ce n'est pas insultant ça ? je dis que monsieur VALLS va suivre, il est encore très jeune monsieur VALLS et il va suivre l'évolution naturelle qui va le conduire par bon sens aux solutions nationales tôt ou tard.
MANUEL VALLS
Monsieur LE PEN, moi je réussis quelque chose à Evry, c'est de faire reculer à chaque élection le Front national.
JEAN-MARIE LE PEN
Il n'y a pas longtemps.
MANUEL VALLS
Et puis vous êtes au fond..., et puis vous vous êtes un moulin à paroles, vous vous nourrissez au fond des angoisses et des peurs de la société française, vous nourrissez aussi les échecs de ceux qui gouvernent et donc il nous appartient à nous parce que c'est dans le coeur de notre projet, de reconquérir cet électorat populaire qui ne sait pas très bien où il va et qui pousse un cri d'angoisse au fond en s'abstenant ou en votant pour vous. C'est notre message, c'est évidemment notre vocation que de réussir à rassembler de nouveau ces hommes et ces femmes, c'est quand la gauche a été au pouvoir qu'il y a eu des grandes réformes sociales. Toutes ces grandes réformes sociales, non seulement elles sont mises à mal par le gouvernement actuel et évidemment nous le combattons, mais toutes ces réformes sociales vous voulez toutes les détruire. Et au fond quand on regarde là encore votre programme, vous voulez détruire la retraite, allonger la durée du travail, faire travailler plus les gens, vous voulez supprimer l'impôt sur la grande fortune, mais ça doit être une réforme un peu personnelle.
JEAN-MARIE LE PEN
Vous avez escroqué les Français avec la retraite à 60 ans et avec les 35 heures, vous leurs avez vendu du vent et un vent empoisonné.
MANUEL VALLS
... et c'est nous qui pouvons leur adresser un message d'espoir, c'est nous...
JEAN-MARIE LE PEN
Vous avez escroqué les Français en leur faisant croire à la possibilité de la retraite à 60 ans alors que tout le monde savait que d'ores et déjà, le drame démographique, l'allongement de la vie, la réduction de nos capacités industrielles commerciales et agricoles nous acculaient à la faillite du système de répartition. Vous ne l'avez pas, vous l'avez caché aux Français non seulement ça mais vous avez ajouté à cela les 35 heures, qui étaient un cadeau fait aux cadres, au détriment des gens qui gagnaient mal leur vie et vous vous dites socialiste. Je peux vous dire, continuez dans cette voie là et vous pouvez être tranquille que la prochaine fois, vous ne serez pas au second tour non plus.
MANUEL VALLS
Monsieur LE PEN, ces ouvriers qu'on a vu dans les reportages, depuis le 21 avril et qui ont peut-être voté pour vous, qu'est-ce qu'ils demandaient, c'était de partir à la retraite à 60 ans, c'est que la pénibilité du travail puisse enfin leur permettre ensuite de vivre une retraite heureuse. Moi j'ai été aux côtés des salariés de DANONE, et de LU, il y en a dans le Pas de Calais, il y en a aussi à Evry, et ce qu'ils voulaient c'est que l'on applique les conquêtes sociales, non pas qu'on les détruise, et ce qu'il faut dire à tous ceux qui ont pu voter pour vous qui sont les miséreux de cette société, qui souffrent, qui ont des petits salaires, c'est qu'avec vous, jamais ils ne retrouveront la voie de l'espérance et c'est tout une nouvelle fois, le message de la gauche que de leur redonner un espoir et c'est la raison pour laquelle monsieur LE PEN, c'est la plus mauvaise nouvelle pour vous, la gauche est de retour pour vous combattre partout sur le terrain, dans les quartiers, dans les cages d'escaliers, et pour vous dire que votre message, votre projet c'est un mensonge.
JEAN-MARIE LE PEN
La vérité c'est qu'il manque dans les caisses sociales les 300 milliards par an que coûte l'immigration à la France depuis déjà 20 ans. Et c'est l'argent des Français, c'est l'argent des Français que, par démagogie, vous distribuez à des gens qui, la plupart du temps, entrent chez nous uniquement pour essayer de profiter des avantages sociaux de notre pays, je les comprends, mais moi par priorité monsieur, je défends les Français comme le faisait Léon BLUM il y a 50 ans maintenant, un peu plus de 50 ans même, en 1932, en établissant la loi de préférence nationale, la réserve faite aux travailleurs français...
MANUEL VALLS
Vous déformez l'histoire...
JEAN-MARIE LE PEN
Oui parfaitement aux travailleurs français du travail en France.
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur VALLS, dernière intervention.
MANUEL VALLS
Vous savez moi j'ai la fierté d'être dans une ville où il y a une université...
JEAN-MARIE LE PEN
Il n'y a pas longtemps que vous y êtes monsieur VALLS, vous étiez dans un autre département il y a quelques années à peine.
MANUEL VALLS
Vous savez monsieur LE PEN, vous étiez à Strasbourg, vous n'y êtes plus, vous êtes dans un beau château à Saint-Cloud et vous êtes candidat à Nice, donc vous êtes le pigeon voyageur électoral et vous ne réussissez jamais à gagner. Ce n'est pas là le problème, je suis fier d'être dans une ville où il y a la diversité et l'université d'Evry qui accueille 10 000 étudiants, et c'est là où on retrouve le mélange de toute cette jeunesse, pas des couches les plus riches de notre société, celles à qui, au fond, vous vous adressez, mais celles de ceux qui vivent dans nos quartiers, qu'ils soient Français, qu'ils soient fils d'immigrés mais qui représentent les élites de demain et qui aujourd'hui, grâce à l'université, effectivement, sur une ville populaire, peuvent apprendre et peuvent demain, au fond, être les cadres et les élites de ce pays. On a, au fond, évidemment, une vision totalement différente de la société, vous elle est tournée vers le passé, nous elle est tournée vers l'avenir.
JEAN-MARIE LE PEN
C'est ce que l'avenir dira ça monsieur VALLS.
OLIVIER MAZEROLLE
Bien merci monsieur VALLS. Monsieur LE PEN nous arrivons à la fin de l'émission, la dernière question, car il y en a toujours une, il paraît que vous avez annoncé que vous abandonneriez la présidence du Front national en 2006.
JEAN-MARIE LE PEN
Je n'ai pas du tout dit cela, j'ai dit que c'était dans le cadre des possibilités stratégiques de l'élection présidentielle de 2007. J'ai invité à se poser la question de savoir si il serait plus efficace d'être candidat, sans être président du mouvement, ou d'être président du mouvement et candidat comme je l'ai toujours été pourvu que Dieu nous prête vie car évidemment les uns et les autres, nous sommes dans cette situation là.
OLIVIER MAZEROLLE
Donc ce n'est pas la retraite à 78 ans alors ?
JEAN-MARIE LE PEN
Non mais vous savez, moi, je ne suis pas fonctionnaire, par conséquent je n'ai pas l'esprit de la retraite. Je pense que la France, la société française a raté sa révolution séniorale, c'est qu'on n'a pas compris que la vieillesse était repoussée à 80 ans maintenant et qu'on a laissé un espace de vie qu'on n'a pas voulu considérer comme étant une possibilité de travail, d'amélioration de sa vie, pourquoi ? Parce que la haine du travail est enseignée dans les écoles et je voudrais dire à VALLS que l'école laïque, je n'ai mis mes filles qu'à l'école laïque, par conséquent il est très mal renseigné.
OLIVIER MAZEROLLE
Merci monsieur LE PEN, fin de ces 100 minutes que nous avons passé avec vous. §
(source http://www.frontnational.com, le 9 mai 2003)
Bonsoir Monsieur LE PEN.
JEAN-MARIE LE PEN
Bonsoir.
OLIVIER MAZEROLLE
Et bonsoir à vous tous qui nous rejoignez sur ce plateau de " 100 minutes pour convaincre ". Monsieur LE PEN, le 21 avril 2002, beaucoup de Français ont été sous le choc, frappés de stupeur en apprenant votre qualification pour le deuxième tour de l'élection présidentielle. Quinze jours plus tard, vous étiez écrasé par Jacques CHIRAC, moins de 18 % des voix, avec tout de même 5.525.907 électeurs. Alors le 21 avril a-t-il été pour vous l'apogée, le maximum de ce que vous pouvez espérer ? Quels sont aujourd'hui vos projets, vos ambitions ? Que propose le Front national, et JEAN-MARIE LE PEN est-il inamovible ? Autant de questions que nous allons évoquer au cours de cette émission. Vous serez interrogé par les journalistes de FRANCE 2 et du NOUVEL OBSERVATEUR avec lequel nous sommes associés ce soir. Et vous aurez trois interlocuteurs, Max GALLO, écrivain et historien. Christian ESTROSI, député UMP des Alpes-Maritimes, et Manuel VALS, député maire socialiste d'Evry. Bonsoir Messieurs, à tout à l'heure. Alors Monsieur LE PEN, donc, tout d'abord une première question, si je vous demandais, comme ça, une image, pour définir la France, laquelle donneriez-vous ?
JEAN-MARIE LE PEN
Celle de l'hexagone avec sa petite Corse en bas, c'est l'image que je garde depuis mon enfance la plus tendre, et que je conserverais jusqu'à ma mort, sans doute.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors le 21 avril donc, vous étiez qualifié pour le deuxième tour de l'élection présidentielle avec presque 17 % des suffrages, et voilà comment vous vous adressiez à vos électeurs ?
OLIVIER MAZEROLLE
Rentré dans l'espérance, on se dit que vous allez faire des propositions aux Français pour essayer d'augmenter au maximum possible le nombre de suffrages se portant sur votre nom, le 1er mai, surprise, on redécouvre l'opposant, celui qui dénigre ses adversaires lors de votre grand discours d'entre les deux tours.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors il n'y a pas eu de tremblement de terre, Monsieur LE PEN, mais, dans le fond, est-ce que vous êtes seulement un homme d'opposition, quelqu'un qui ne veut pas du pouvoir ; qu'est-ce qui s'est passé entre ces deux tours ?
JEAN-MARIE LE PEN
Je suis dans l'opposition quand mes adversaires sont au pouvoir
OLIVIER MAZEROLLE
Oui, mais vous n'avez pas...
JEAN-MARIE LE PEN
Et bien sûr, j'espère un jour les mettre dans l'opposition, parce que je serais au pouvoir.
OLIVIER MAZEROLLE
Vous n'avez pas commis d'erreur entre les deux tours ?
JEAN-MARIE LE PEN
Je n'ai pas cette impression, vous sortez cette intervention de son contexte, parce qu'elle intervient en plein milieu d'une campagne inouïe, on peut le dire, absolument abominable de dénigrement, d'agressions diverses, de manifestations, de calomnies, qu'on n'avait jamais vus en France.
OLIVIER MAZEROLLE
Il n'y a quand même pas 82 % de personnes sous influence en France ?
JEAN-MARIE LE PEN
Non, écoutez, il y a tout de même un certain nombre de gens qui ont dû se laisser piéger et qui auront l'occasion, sans doute, d'en revenir dans les mois et les années qui viennent, c'est toute la grâce que je leur souhaite.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors autre chose, Monsieur LE PEN, vous êtes depuis très longtemps dans la vie politique française, puisque vous avez été en son temps le benjamin de l'Assemblée nationale, c'était dans les années 50.
JEAN-MARIE LE PEN
J'ai l'impression de l'être toujours.
OLIVIER MAZEROLLE
Dans les années 50 alors, et pourtant, il y a des moments où on se dit : mais, est-ce qu'on connaît JEAN-MARIE LE PEN ? Ainsi madame Yann PIAT, qui a été députée du Front national, qui a été votre filleule, dans un livre, a parlé de vous, elle a dit, il y a du Mister Hyde et du Docteur Jekyll en JEAN-MARIE LE PEN. Alors je vous propose deux photos pour illustrer cette affirmation, une première photo, on vous voit très souriant, et ce que dit Yann PIAT pourrait correspondre à cette photo, il peut répandre autour de lui des trésors de chaleur humaine s'il se sent bien perçu, aimé et admiré. Et puis, il y a une autre photo, que vous allez évidemment moins aimer, c'est celle où on voit agresser...
JEAN-MARIE LE PEN
Non !
OLIVIER MAZEROLLE
Attendez, bon, on vous voit en tout cas, là, agresser...
JEAN-MARIE LE PEN
Crier mon indignation !
OLIVIER MAZEROLLE
Une députée socialiste...
JEAN-MARIE LE PEN
Non, elle ne l'est pas encore !
OLIVIER MAZEROLLE
Attendez, une députée... bon, enfin, d'accord, elle va le devenir, et Yann PIAT écrit, et ça pourrait illustrer cette photo, s'il est tendu, elle parle de vous, stressé, contrarié, il se révulse comme une hydre, crache des torrents de flammes et de venin, prend plaisir à infliger de cuisantes blessures. Alors, où est JEAN-MARIE LE PEN ? C'est l'homme qui sourit, grand-père, encore séducteur, ou bien l'homme qui veut être violent ?
JEAN-MARIE LE PEN
Me permettrais-je de vous citer la devise que peut-être je ferais mettre un jour sur ma tombe, qui est celle que Pompé fait graver sur la sienne : " Doux à ses amis, dur à ses ennemis. "
OLIVIER MAZEROLLE
Au point de vouloir frapper ?
JEAN-MARIE LE PEN
Non, ça dépend, si on me frappe, je frappe. C'est sûr. Or, là, dans cette manifestation, les gens qui sont venus contre-manifester, m'ont accueilli aux cris de : " Pour LE PEN, une balle, le FN, une rafale ! " Et je criais mon indignation, car cette bouche ouverte est en train de dire : " On en a marre, on en a marre d'être agressé, assailli, insulté chaque fois que nous prétendons jouir de nos droits de citoyen, librement. "
OLIVIER MAZEROLLE
Alors on ne va pas rouvrir la polémique, mais vous avez été condamné à la suite de cet épisode pour violences et injures...
JEAN-MARIE LE PEN
Une belle arnaque politico-judiciairo-médiatique, on peut le dire.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors je voulais simplement présenter ces deux photos pour savoir qui était JEAN-MARIE LE PEN...
JEAN-MARIE LE PEN
C'est Jean qui rit et Jean qui pleure...
OLIVIER MAZEROLLE
Et nous allons maintenant passer au premier chapitre : la France selon JEAN-MARIE LE PEN. Alors d'où vient le Front national ? Quelles sont ses valeurs ? Quelle est son idéologie ? Récit de Michael DARMON.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors préférence nationale inscrite en lettres tricolores dans la Constitution, avez-vous dit, le 1er mai dernier, oui ?
JEAN-MARIE LE PEN
Me permettez-vous un mot sur le reportage de Monsieur DARMON, ce qu'il ne dit pas quand j'enterre monsieur DUPRAT. C'est que monsieur DUPRAT a été assassiné, tué par une bombe, piégé dans sa voiture, qui a d'ailleurs arraché aussi une jambe de sa femme. Il faudrait être complet pour comprendre un peu les choses...
OLIVIER MAZEROLLE
Enfin, il n'empêche qu'il a développé les thèses indiquées dans ce reportage...
JEAN-MARIE LE PEN
Semble-t-il, il en est mort.
OLIVIER MAZEROLLE
Je ne sais pas s'il en est mort, mais en tout cas, les thèses révisionnistes...
JEAN-MARIE LE PEN
Je ne sais pas...
OLIVIER MAZEROLLE
Notamment sur les génocides juifs sont effectivement des thèses défendues par monsieur DUPRAT...
JEAN-MARIE LE PEN
Sans doute, c'était son...
OLIVIER MAZEROLLE
Et donc vous l'avez salué en tant que camarade...
JEAN-MARIE LE PEN
Bien sûr...
OLIVIER MAZEROLLE
Alors, sur la préférence.
JEAN-MARIE LE PEN
Mort, assassiné.
OLIVIER MAZEROLLE
Sur la préférence nationale, qui est le pivot de votre programme, Jean-Baptiste PREDALI, chef du service politique de FRANCE 2, a des questions à vous poser.
JEAN-MARIE LE PEN
Bonjour Monsieur PREDALI.
JEAN-BAPTISTE PREDALI
Monsieur LE PEN, on vient de voir dans cette rétrospective que depuis trente ans, vous avez installé le thème de l'immigration au centre de votre discours. Alors, il y a une question que l'on peut se poser, finalement, est-ce que l'immigration, ça n'a pas été comme la clef, pour vous, pour revenir dans le jeu politique, vous y installer durablement d'ailleurs, est-ce que ce n'est pas en d'autres termes, un peu votre fonds de commerce ?
JEAN-MARIE LE PEN
Oui, tout à l'heure, nous allons parler, m'a-t-on dit, d'idéologie du Front national, mais vous pourrez constater que le Front national émerge en 1983 aux élections municipales où je serai élu conseiller du 20ème, avec une affiche extrêmement concrète : immigration, insécurité, chômage, fiscalisme, dénatalité, corruption politique, ras-le-bol ! Voilà, c'est ce que nous disons, autrement dit, nous sommes partis d'événements existants, nous interprétons la réaction des Français qui, semble-t-il, ne sont pas sur ces terrains-là défendus par la droite officielle et la gauche officielle parlementaires, et nous recueillons, là, il est vrai, déjà, un certain écho. Et pourquoi aurais-je cessé de crier notre indignation devant l'absence de politique capable de résoudre ces problèmes, puisque, aussi bien, ils n'ont fait que croître et prospérer depuis ces années-là.
JEAN-BAPTISTE PREDALI
Mais lorsqu'on suit votre discours, vos discours tout au long de ces années, on s'aperçoit qu'il y a des moments où vous ne mentionnez pas ce thème de l'immigration, je prends par exemple votre déclaration du 21 avril, déclaration très solennelle, le thème n'est pas mentionné. Et puis, là, votre discours du 1er mai, il y a quelques jours, vous avez parlé, à nouveau, assez longuement de l'immigration. Je veux dire, simplement pour comprendre, à quel moment vous décidez de mettre l'accent sur ce thème ou pas ?
JEAN-MARIE LE PEN
Ce n'est pas une obsession, la preuve, c'est que je parle de l'immigration quand l'actualité la rend plus perceptible à l'opinion, et cela, vous êtes beaucoup mieux placé que moi pour le faire, par conséquent, je suis en quelque sorte tenu par l'environnement médiatique que de la vie politique française, puisque nous ne sommes pas représentés à l'Assemblée nationale, malgré nos millions de voix.
JEAN-BAPTISTE PREDALI
Mais pourquoi l'an dernier, ce n'était pas un thème qui vous paraissait devoir être évoqué de manière insistante, et puis, cette année, ça redevient ce thème-là, pourquoi, je cherche à comprendre ?
JEAN-MARIE LE PEN
Non, c'est un discours de cinq ou dix minutes qui clôt en quelque sorte la soirée du premier tour des élections, je m'adresse à la France, je lui parle avec mon coeur, avec mes tripes, si on peut dire, et je ne décline pas les différents sujets qui sont des sujets préoccupants, on ne cesse de me faire le reproche de ne parler que de ça, alors, on ne peut pas à la fois me reprocher d'en parler toujours ou de n'en parler que dans certaines circonstances.
JEAN-BAPTISTE PREDALI
Le 30 avril dernier, le ministre de l'Intérieur a présenté un projet de loi, justement, ayant trait à l'immigration, est-ce qu'il y a au moins une mesure, avec laquelle vous soyez d'accord ?
JEAN-MARIE LE PEN
A dire vrai, je tiens Monsieur le Ministre de l'Intérieur pour un illusionniste, il est d'ailleurs de l'école de son Premier ministre, c'est-à-dire, ce sont des hommes qui pensent que la communication doit l'emporter sur la solution des problèmes, il n'est pas important de réussir, l'important, c'est de paraître, c'est de faire savoir ; or, les mesures prises par monsieur SARKOZY souffrent d'une carence essentielle, c'est qu'elles ne s'attachent, quand elles le font, qu'à un certain nombre de conséquences, et jamais à l'essentiel, c'est-à-dire jamais aux causes des problèmes.
JEAN-BAPTISTE PREDALI
Alors, je voudrais simplement vous demander votre opinion, le délai de rétention des étrangers en situation irrégulière, porté de 12 à 32 jours, vous êtes pour ou vous êtes contre ?
JEAN-MARIE LE PEN
A condition, bien sûr, de les attraper, parce qu'on ne peut retenir que ceux que l'on a en quelque sorte fait prisonnier, si j'ose dire, ou arrêté...
JEAN-BAPTISTE PREDALI
Mais sur le sens de la mesure, vous êtes plutôt favorable ?
JEAN-MARIE LE PEN
Mais pourquoi pas, c'est une mesure, tout ce que fait monsieur SARKOZY n'est pas haïssable, et on pourrait même dire, s'il était encore plus jeune, qu'il y met tout de même de la bonne volonté et qu'il va finir par apprendre, mais il est ministre de l'Intérieur, ce n'est pas la première fois qu'il est ministre, et par conséquent, on peut être un peu plus sévère à son égard qu'on ne peut l'être à l'égard de...
OLIVIER MAZEROLLE
Mais qu'est-ce que vous feriez en plus ?
JEAN-MARIE LE PEN
Oh, beaucoup d'autres choses, mais je ne le ferais pas dans le cadre d'un ministère de l'Intérieur, car il faut évidemment une politique alternative des politiques qui ont été suivies.
OLIVIER MAZEROLLE
Mais par exemple, quelles mesures prendriez-vous ?
JEAN-MARIE LE PEN
Pour l'immigration ?
OLIVIER MAZEROLLE
Oui.
JEAN-MARIE LE PEN
Vous voulez que je vous en donne quelques-unes ?
OLIVIER MAZEROLLE
Oui.
JEAN-MARIE LE PEN
La première serait de couper les pompes aspirantes, c'est-à-dire de cesser de fournir aux immigrés qui viennent dans notre pays les mêmes avantages sociaux, quelquefois même plus d'avantages sociaux qu'à nos propres compatriotes, car c'est cela qui constitue la pompe aspirante. On vient du monde entier en France, parce qu'on sait qu'en venant en France, on gagnera sans travailler plus de cent fois plus qu'en travaillant chez soi. La deuxième, c'est la réforme du code de la nationalité. Il est essentiel qu'il y ait une différence entre les Français et les étrangers en France, faute de quoi évidemment, personne ne s'y retrouve, et les Français ont le sentiment de ne plus être chez eux, il faut en particulier que soit supprimé le droit du sol, qui fait que l'on devienne Français simplement parce qu'on y est né, alors qu'on doit, à mon avis, la nationalité s'hérite ou se mérite, soit par la filiation d'un des deux parents, soit par la demande et l'acceptation de la naturalisation.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors puisque vous en venez à ce sujet, je vous propose d'écouter quelqu'un que nous avons rencontré, il y a quelques jours, qui a été un grand champion français, un athlète dans les années 60, qui a fait résonner la Marseillaise bien souvent dans tous les stades du monde entier, ses parents étaient polonais, il s'appelle Michel JAZY, il voudrait parler.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors avec le droit du sang, Michel JAZY ne serait pas français, Monsieur LE PEN ?
JEAN-MARIE LE PEN
Oui, mais je vois que Monsieur JAZY est mal informé, je lui conseille d'ailleurs, puisqu'il habite le Nord, de rencontrer notre secrétaire départemental, monsieur SLABOLEPSZY, qui est exactement de la même origine que lui. Par conséquent...
OLIVIER MAZEROLLE
Oui, mais droit du sang, il ne serait pas français, ses parents étaient Polonais ?
JEAN-MARIE LE PEN
Il aurait demandé à être Français, on lui a offert une option, n'est-ce pas, dans le cadre de la loi de cette époque...
OLIVIER MAZEROLLE
Non, elle était automatique, sa nationalité, à partir du moment où il faisait ce choix, elle était automatique...
JEAN-MARIE LE PEN
Dans le cadre de la législation de cette époque, les mêmes problèmes ne se posaient pas, n'est-ce pas, les immigrants polonais ne posaient pas le problème que posent aujourd'hui les millions d'immigrés du tiers-monde qui ne sont d'ailleurs que l'avant-garde de dizaines de millions d'autres.
JEAN-BAPTISTE PREDALI
Mais par immigrés, vous entendez essentiellement, vous, les Maghrébins, en gros ?
JEAN-MARIE LE PEN
Pardon ?
JEAN-BAPTISTE PREDALI
Par immigrés, vous entendez essentiellement les Maghrébins ?
JEAN-MARIE LE PEN
Non, non, non, non, Monsieur, l'immigration dans notre pays est planétaire, savez-vous que les Chinois étaient 125.000, il y a cinq ans, à Paris, ils sont 250.000, on pense que dans cinq ans, ils seront 500.000. Par conséquent, ce n'est pas seulement les Maghrébins, il y a l'Afrique noire, il y a l'Amérique du sud, il y a tout le continent asiatique, les Pakistanais, les Hindous, les Indonésiens, les Vietnamiens, et les Chinois avec leur milliard et demi d'habitants...
JEAN-BAPTISTE PREDALI
Dans ce cadre-là, est-ce qu'on peut fermer des frontières, vous dites : c'est planétaire, qu'est-ce qu'on peut faire ?
JEAN-MARIE LE PEN
Je le crois, oui, c'est un problème de volonté politique, et je vous ai dit, il faut arrêter les pompes aspirantes, donc dans ces cas-là, les gens qui sauront qu'en venant chez nous, ils n'auront ni hôpital, ni école, ni travail, ni...
OLIVIER MAZEROLLE
Mais ils travaillent, Monsieur LE PEN, justement, parce qu'on les fait venir...
JEAN-MARIE LE PEN
Mais non, mais qui les fait venir ?
OLIVIER MAZEROLLE
Un certain nombre de personnes, il y a du travail au noir, on les fait travailler...
JEAN-MARIE LE PEN
S'il y a des gens qui les font venir pour travailler, et j'ai proposé dans ce domaine, qu'ils soient frappés d'un impôt qui servirait d'ailleurs au rapatriement d'autres immigrés. C'est vrai que le patronat et le gouvernement on fait venir, dans les années 70, des immigrés dans notre pays, pour travailler. Et monsieur POMPIDOU ne s'est pas caché de dire...
OLIVIER MAZEROLLE
Vous êtes sûr que parmi vos électeurs, il n'y a pas des personnes, par exemple dans le Midi de la France, qui font venir des immigrés pour travailler, au noir, par exemple ?
JEAN-MARIE LE PEN
Attendez, attendez, ne se sont pas cachés de dire qu'ils importaient de la main d'oeuvre immigrée pour faire pression sur les salaires des travailleurs manuels français. Or, moi, j'étais de ceux, avec mes camarades, qui souhaitions justement que les travailleurs manuels français voient revaloriser leur situation, et ils ne pouvaient le faire que dans le cadre d'un marché
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur LE PEN, je réitère ma question, aujourd'hui, je réitère ma question, aujourd'hui, croyez-vous qu'il n'y a pas...
JEAN-MARIE LE PEN
Vous n'avez pas perdu vos mauvaises habitudes...
OLIVIER MAZEROLLE
Dans les départements où l'on vote massivement Front national des personnes qui font venir des travailleurs immigrés, clandestinement ?
JEAN-MARIE LE PEN
Mais vous seriez beaucoup plus surpris de savoir combien d'immigrés devenus français votent pour moi, et qui savent mieux que quiconque, et qui sont sur le terrain, qu'il est absolument mortel, suicidaire, de laisser entrer par centaines de milliers, voire par millions les gens qui entrent chez nous...
OLIVIER MAZEROLLE
Par millions...
JEAN-BAPTISTE PREDALI
Je voudrais vous interroger sur une déclaration que vous avez faite au MONDE, datée du 19 avril, c'est dans une interview, je prends une réponse, une de vos réponses : " Le jour où nous aurons, en France, non plus cinq millions, mais 25 millions de musulmans, ce sont eux qui commanderont. " D'abord, la France est vraiment si menacée que ça ? Et deuxième question, on ne peut pas être musulman et citoyen français, c'est incompatible ?
JEAN-MARIE LE PEN
Cher Monsieur, gouverner, c'est prévoir, et nos gouvernants font la démonstration aujourd'hui que depuis trente ans, ils n'ont rien vu, rien prévu, et rien fait, et que nous nous trouvons dans une situation dramatique dont je vous dis et dont je répète, qu'elle n'est que le début du commencement d'un courant migratoire, qui vient d'un monde qui est passé, en l'espace de 70 ans, de deux milliards d'habitants à sept milliards, et qui passera dans les quinze ou vingt ans qui viennent, à neuf milliards.
JEAN-BAPTISTE PREDALI
La France ne peut pas assimiler quelqu'un d'étranger ?
JEAN-MARIE LE PEN
Elle ne peut plus le faire, elle ne peut plus le faire, parce qu'elle le fait au détriment de ses nationaux. Chaque fois qu'on fait entrer quelqu'un, soit, comme assisté, soit comme travailleur, il est bien évident que dans un pays où il y a trois millions ou quatre millions de chômeurs, il prend la place d'un travailleur français, et que s'il ne travaille pas, ce qui est le cas de beaucoup d'entre eux, lui et sa famille vivra, disons-le franchement, aux crochets des travailleurs français et des citoyens français. C'est cette situation que, personnellement, je n'accepte pas dans son injustice, et que n'acceptent pas tout de même des millions de gens qui ont voté pour moi.
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur LE PEN, le 1er mai dernier, alors qu'était, à quelques encablures de la réunion du Front national, dévoilée une plaque à la mémoire de Brahim BOUARRAM, un jeune arabe mort, noyé dans la Seine le 1er mai 95, où il avait été précipité par des skinheads, vous avez dit : " c'est celui qui... pardon, " chaque année, pour remercier les petits voyous qui permettent de diffamer le FN, on va inaugurer des ex-votos ", est-ce que ça veut dire que dans votre esprit, les voyous, ce sont... c'est celui qui s'est retrouvé dans la Seine noyé ou ceux qui... plutôt que ceux qui l'y ont précipité ?
JEAN-MARIE LE PEN
Vous me faites injure, Monsieur...
OLIVIER MAZEROLLE
Mais pas du tout, je vous pose la question.
JEAN-MARIE LE PEN
Vous me faites injure, car vous n'avez pas cité ma phrase, j'ai parlé la mort du malheureux marocain, jeté à l'eau, par des petits voyous. Il est bien évident que l'opération de monsieur DELANOË, qui d'ailleurs recommencerait celle qu'avait faite avant lui, monsieur MITTERRAND, l'année même de l'accident, et permettez-moi de vous faire une citation, elle sort d'un livre qui est à peine sorti des presses, c'est de monsieur Philippe BILGER, ça s'appelle : " Un avocat général s'est échappé ", c'est plus facile pour un avocat général de s'échapper que pour un détenu, sauf PERLETTO, bien entendu...
OLIVIER MAZEROLLE
Vous n'allez pas regretter que les criminels soient prison quand même ?
JEAN-MARIE LE PEN
Je vous lis sa dernière phrase : Bertrand DELANOË, c'est le procureur général de l'affaire BOUARRAM, vous savez, nouveau maire de Paris, ayant évoqué la possible édification d'une stèle à la mémoire de Brahim BOUARRAM, j'ai failli lui écrire pour lui exposer le contexte exact d'une affaire qui avait fortement ému l'opinion publique. A mon sens, une stèle, ce serait faire trop d'honneur, même à rebours, à FREMINET, qui n'était qu'un jeune homme limité, égaré. J'ai renoncé à cette lettre, il est difficile de convaincre qu'il y a plus besoin d'un symbole que de réalité...
OLIVIER MAZEROLLE
Même limité et égaré, est-ce qu'il méritait d'être...
JEAN-MARIE LE PEN
Je retire l'échelle, je n'en dirais pas plus...
OLIVIER MAZEROLLE
Même limité et égaré, méritait-il de périr noyé ?
JEAN-MARIE LE PEN
Pardon ?
OLIVIER MAZEROLLE
Même limité et égaré, méritait-il de..
JEAN-MARIE LE PEN
Mais qui a dit cela Monsieur ?
OLIVIER MAZEROLLE
Mais je ne sais pas, c'est ce que vous venez de dire, là...
JEAN-MARIE LE PEN
Mais qui a dit cela ? Mais qui a dit cela ?
OLIVIER MAZEROLLE
Je ne sais pas, enfin, écoutez, on ne va pas... simplement...
JEAN-MARIE LE PEN
Ça, c'est l'opinion de " l'avocat général " Philippe BILGER...
OLIVIER MAZEROLLE
Très bien, mais vous le lisez, donc...
JEAN-MARIE LE PEN
Et je la lis parce qu'elle a un rapport direct avec la cérémonie ou la pseudo cérémonie de monsieur DELANOË, qui veut exploiter des cadavres en attribuant la responsabilité de ce meurtre au Front national, qui n'avait strictement rien à voir dans cette affaire, qu'il a d'ailleurs très nettement condamné.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors, Monsieur LE PEN, je vous propose de regarder cette image qui, elle, a été prise à la manifestation du Front national du 1er mai, voilà, c'était un badge distribué par les jeunesses du Front national : " Tu niques la France, dégage ! " Est-ce que c'est une façon d'apaiser les esprits vis-à-vis de l'immigration ?
JEAN-MARIE LE PEN
C'est sûr que s'il y a des gens qui disent qu'ils niquent la France, il faut les dégager au plus tôt !
OLIVIER MAZEROLLE
Oui, non, mais enfin...
JEAN-MARIE LE PEN
Ah ça oui, ça sûrement !
OLIVIER MAZEROLLE
Ce badge, c'est un appel à l'apaisement des esprits ?
JEAN-MARIE LE PEN
Je ne sais pas, demandez ça au FNJ, le Front National de la Jeunesse, ils prendront leur responsabilité...
OLIVIER MAZEROLLE
La Jeunesse avec LE PEN, est-il indiqué.
JEAN-MARIE LE PEN
Mais oui, absolument, mais oui, il y en a quand même un petit peu...
OLIVIER MAZEROLLE
Vous ne les désapprouvez pas ?
JEAN-MARIE LE PEN
De vouloir dégager ceux qui niquent la France ?
OLIVIER MAZEROLLE
Ce badge, ce badge ?
JEAN-MARIE LE PEN
Oui !
OLIVIER MAZEROLLE
Ce badge, non, non, l'interpellation de ce badge ?
JEAN-MARIE LE PEN
Non, non, je ne désapprouve pas.
OLIVIER MAZEROLLE
Non, vous ne désapprouvez pas. Très bien. Merci. Maintenant, nous allons faire venir ALAIN DUHAMEL, qui a lu un sondage IPSOS, réalisé pour LE NOUVEL OBSERVATEUR et FRANCE 2, sur l'appréciation que les Français portent sur le Front national. Alain ?
ALAIN DUHAMEL
Bonsoir Monsieur LE PEN.
JEAN-MARIE LE PEN
Bonsoir Monsieur DUHAMEL.
ALAIN DUHAMEL
La première fois que je vous avais interrogé à la télévision, c'était à " L'heure de vérité "...
JEAN-MARIE LE PEN
Un souvenir inoubliable...
ALAIN DUHAMEL
Il y avait en tout cas à peu près vingt ans, je vous avais posé une question, je vous avais dit : est-ce que vous-même, vous vous considérez comme un démocrate, et vous m'aviez répondu : je préfère dire un républicain. Alors je voudrais savoir si vingt ans après, en gros, à la même question, vous faites la même réponse ?
JEAN-MARIE LE PEN
Je me considère comme un républicain et comme un démocrate. Et je dois dire que je suis un exemplaire rare dans le monde politique français, où on a la démocratie à la bouche, mais où on ne la pratique pas. Et j'en suis, si j'ose dire, avec mon mouvement, un vivant exemple puisque, ayant obtenu, depuis vingt ans, des millions de voix à chaque consultation électorale, nous sommes tenus à l'écart de l'Assemblée nationale, que le gouvernement de monsieur RAFFARIN a tenté de nous chasser des conseils régionaux aux prochaines élections, il n'a pas réussi grâce au Conseil constitutionnel, Dieu merci, et qu'encore actuellement, il essaie de nous empêcher de participer au référendum qui va avoir lieu sur la Corse.
ALAIN DUHAMEL
Alors le sondage qu'on a effectué montre, s'agissant de l'image du Front national, que les trois grands reproches qui reviennent, massivement, c'est : un parti raciste, un parti d'extrême droite, et un danger pour la démocratie.
JEAN-MARIE LE PEN
Parce que pour vous, vous qualifiez ces mots des reproches...
ALAIN DUHAMEL
Mais je suppose que vous ne les trouvez pas aimables !
JEAN-MARIE LE PEN
J'ai regardé dans votre sondage, vous ne vous êtes pas posé la question de savoir si en particulier, le grand nombre de gens, qui approuvaient que je sois raciste dans les sympathisants des Front national, c'était peut-être des gens qui l'étaient, ou des gens qui trouvaient que ça n'était pas une insulte.
ALAIN DUHAMEL
Non, mais si vous me permettez, je ne vous ai pas posé ma question...
JEAN-MARIE LE PEN
Alors je note cependant, parce que vous parlez des chiffres, 24 % des Français ne me considèrent pas raciste, 7 % de plus qu'il y a cinq ans...
ALAIN DUHAMEL
Est-ce que je peux vous poser ma question ?
JEAN-MARIE LE PEN
Ça, c'est un chiffre intéressant...
ALAIN DUHAMEL
Est-ce que je peux vous poser ma question ?
JEAN-MARIE LE PEN
Oui.
ALAIN DUHAMEL
Parce que ma question, c'était voilà ce qu'il y avait comme chiffres, les chiffres que je viens de vous donner sont des chiffres exacts, et ma question était : après toutes ces années, pendant lesquelles vous avez fait tant d'efforts, dans tant d'émissions et dans tant de campagnes électorales et dans tant de meetings, est-ce que le fait qu'une forte majorité, au moins les deux tiers, quelquefois plus des trois quarts, qualifient de cette façon votre parti, est-ce que ça n'est pas un gros échec ?
JEAN-MARIE LE PEN
Quand je vois que des gens aussi au courant des choses de la politique, que vous-même, penser des choses comme celle-là, on peut se dire que le citoyen moyen, bien évidemment, n'a pas beaucoup d'autre possibilité que de penser cela aussi...
ALAIN DUHAMEL
Non mais, est-ce que pour vous, c'est un échec ?
JEAN-MARIE LE PEN
Il y a eu une manifestation, tout à l'heure, là, devant vos stations...
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur LE PEN, on va prendre vos citations, parce que quand même, c'est intéressant...
ALAIN DUHAMEL
Non, mais est-ce que pour vous, c'est un échec ?
OLIVIER MAZEROLLE
Dans le reportage qu'on passait tout à l'heure, vous avez parlé de substances biologiques, vous avez parlé...
JEAN-MARIE LE PEN
Oh mon Dieu...
OLIVIER MAZEROLLE
A d'autres moments, d'inégalités des races...
JEAN-MARIE LE PEN
Je suis composé d'une substance biologique et j'en demande pardon à la pensée unique...
OLIVIER MAZEROLLE
Voilà, et quand on ajoute ça à l'inégalité des races, y a-t-il donc des connotations biologiques qui font qu'il existe une hiérarchique entre les différentes races ?
JEAN-MARIE LE PEN
Ce qu'il y a en tout cas de certain, c'est qu'il y a une police de la pensée dans notre pays et que... je crois que c'est BUKOWSKI qui a pu dire, il ne reste plus qu'un seul système communiste dans le monde... en Europe, c'est la France
OLIVIER MAZEROLLE
Non, mais attendez, pardon, je vous ai posé une question au sujet de vos déclarations, voilà, je ne sais pas ce que dit monsieur BUKOWSKI, mais simplement, vous-même, vous parlez de substances biologiques et d'inégalité des races, alors qu'est-ce que ça signifie ?
JEAN-MARIE LE PEN
Ecoutez, votre question...
OLIVIER MAZEROLLE
Y a-t-il une hiérarchique entre les hommes ?
JEAN-MARIE LE PEN
Me désarme, autrement dit, ce sont là des mots qu'il est interdit d'utiliser, parce qu'il y a des censeurs...
OLIVIER MAZEROLLE
Pas interdit puisque je vous pose la question.
JEAN-MARIE LE PEN
N'est-ce pas, comme dans le monde, dans RUEL (ph), il y a des censeurs qui pointent les mots, il a dit biologique, qu'est-ce que ça veut dire ?
OLIVIER MAZEROLLE
Donc vous préférez ne pas répondre à une question simple...
JEAN-MARIE LE PEN
Non, je n'y répondrai pas.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors Alain.
JEAN-MARIE LE PEN
Je voudrais plutôt répondre à Monsieur...
ALAIN DUHAMEL
Parce que je vous signale que vous ne m'avez toujours pas répondu...
JEAN-MARIE LE PEN
Non, non, mais parce que vous n'avez pas cité...
ALAIN DUHAMEL
Non, mais attendez, Monsieur LE PEN, Monsieur LE PEN...
JEAN-MARIE LE PEN
Vous n'avez pas cité ceux qui ont dit...
ALAIN DUHAMEL
Mais Monsieur LE PEN, vous ne savez pas ce que je vais vous poser comme question après, donc ne me citez pas les chiffres que je n'ai pas exprimés...
JEAN-MARIE LE PEN
Il y a un Français sur quatre qui pense que je ne suis pas raciste et ils y ont un certain mérite, compte tenu des calomnies qui, sur ce sujet, sont répandues depuis trente ans, sur moi-même et le Front national.
ALAIN DUHAMEL
Alors je reprends ma question, est-ce que les chiffres que je vous ai cités, qui sont dans le sondage, est-ce que pour, après tous les efforts que vous avez faits, ça n'est pas, quand même néanmoins, un gros échec ? Si vous trouvez que ça n'est pas un échec, on passe à la question d'après, moi ça m'est égal !
JEAN-MARIE LE PEN
Là, cher Monsieur DUHAMEL, laissez-moi dire une chose...
ALAIN DUHAMEL
Allez-y.
JEAN-MARIE LE PEN
On avait cru comprendre, au premier tour des élections, que les sondeurs étaient brusquement pris d'une crise de modestie, et s'excusaient de s'être trompés, et par conséquent, il ne fallait prendre leurs sondages qu'avec beaucoup de précautions. Alors permettez que je prenne aussi le vôtre avec aussi ces précautions, d'abord parce qu'il est fait par téléphone, relativement à Le PEN et au Front national, et que compte tenu du véritable terrorisme intellectuel qui règne quand il s'agit du Front national, on est prudent quand on répond. Et par conséquent, je suis tenté de penser que ces réponses sont très " minorisées ", d'autant qu'on sait bien qu'IPSOS est un organisme de sondages très convenable, très correct, mais enfin il sonde pour LE NOUVEL OBSERVATEUR, on fait toujours quand même une petite fleur à ceux qui vous...
OLIVIER MAZEROLLE
Et FRANCE 2, et FRANCE 2, et FRANCE 2 ?
JEAN-MARIE LE PEN
Et FRANCE 2, à ceux qui vous ont commandé le sondage. Ça n'est pas le Front national, voilà...
ALAIN DUHAMEL
Est-ce que je peux vous poser la question d'après ?
JEAN-MARIE LE PEN
Pardon ?
OLIVIER MAZEROLLE
Oui allez-y, parce que le chronomètre tourne...
ALAIN DUHAMEL
Oui, je peux...
JEAN-MARIE LE PEN
Interruption... c'est bien normal qu'on parle, non ?
ALAIN DUHAMEL
Alors il y a, dans le même sondage et vous concernant, vous cette fois-ci, vous JEAN-MARIE LE PEN, non pas l'image de votre parti, mais la vôtre, il y a 49 % de Français qui considèrent que vous êtes plus modéré que vous ne l'étiez auparavant.
JEAN-MARIE LE PEN
Oui, c'est vrai.
ALAIN DUHAMEL
Vous êtes d'accord sur le chiffre...
JEAN-MARIE LE PEN
Et il y en a...
ALAIN DUHAMEL
Vous me permettez de vous poser la question ?
JEAN-MARIE LE PEN
Répondre...
ALAIN DUHAMEL
La question est, est-ce que c'est quelque chose qui est pour vous une banalisation, ou est-ce que, au contraire, c'est le résultat d'une stratégie ? Est-ce que vous en êtes satisfait ? Est-ce que vous en êtes ennuyé ?
JEAN-MARIE LE PEN
Ecoutez, je m'efforce de présenter au pays et aux Français une image la plus proche possible de la réalité, ça n'est pas très facile, compte tenu du fait que nous avons peu de moyens de communication, et que vous savez comme moi...
OLIVIER MAZEROLLE
Oh, vous n'allez pas nous faire le coup, vous avez 100 minutes, ce soir ! Alors écoutez, allez...
JEAN-MARIE LE PEN
Ah non... écoutez, mais en 2000, 0.14 % du temps d'antenne politique sur l'ensemble des antennes...
OLIVIER MAZEROLLE
Allez dernière question, Alain, parce que...
JEAN-MARIE LE PEN
0.14 en 2001...
OLIVIER MAZEROLLE
La réalité...
JEAN-MARIE LE PEN
0.23 en 2002, on n'a pas encore les résultats, ils doivent être indicibles.
ALAIN DUHAMEL
Mais ce soir, 100 %.
JEAN-MARIE LE PEN
Voilà.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors, allez-y.
ALAIN DUHAMEL
Alors donc...
JEAN-MARIE LE PEN
Et donc bravo !
ALAIN DUHAMEL
Qu'est-ce que pour vous, dans votre image, le premier tour de l'élection présidentielle, le 21 avril, a changé ? Qu'est-ce que vous vous êtes dit qu'il y a aujourd'hui de différent ? Est-ce que vous sentez autre chose ? Est-ce que vous avez l'impression d'être regardé autrement ?
JEAN-MARIE LE PEN
Ah oui, tout à fait. D'ailleurs...
ALAIN DUHAMEL
Merci de me répondre, déjà, ça promet !
JEAN-MARIE LE PEN
Un certain nombre d'observateurs ont noté, il ne s'agit pas de moi, moi j'ai toujours la même attitude, aussi bien à l'égard du succès, qu'à l'égard de l'adversité. Mais les électeurs... comment dirais-je, les observateurs ont noté que désormais, il y avait un certain nombre d'électeurs Front national qui osaient le dire publiquement, ça leur a paru...
ALAIN DUHAMEL
Ils ont moins peur qu'avant...
JEAN-MARIE LE PEN
Etre une petite révolution dans le monde politique.
OLIVIER MAZEROLLE
Donc ça va mieux pour vous, alors.
JEAN-MARIE LE PEN
Comment ?
OLIVIER MAZEROLLE
Ça va mieux pour vous.
JEAN-MARIE LE PEN
Ça va mieux et puis, d'autant que vous n'avez pas tout dit sur le sondage...
OLIVIER MAZEROLLE
Attendez, on y reviendra plus tard...
ALAIN DUHAMEL
Avec vous, il faut reconnaître que c'est difficile de placer un mot.
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur Le PEN, on y reviendra...
JEAN-MARIE LE PEN
Non, non mais parce que...
OLIVIER MAZEROLLE
Attendez, attendez, on a plein d'autres questions...
ALAIN DUHAMEL
Le sondage, j'en parle encore...
OLIVIER MAZEROLLE
Faites confiance à ALAIN DUHAMEL, il est plein de questions.
JEAN-MARIE LE PEN
D'accord. Alors, je vais vous dire...
OLIVIER MAZEROLLE
Sur la réalité de la France...
JEAN-MARIE LE PEN
Ce qui a changé et qui est antinomique de ce pensent nos concurrents et adversaires, c'est que eux ont dit, qui annonçaient depuis des années et des années que le feu de paille du Front national allait finir par s'éteindre, suivez mon regard, Monsieur DUHAMEL...
ALAIN DUHAMEL
Oui...
JEAN-MARIE LE PEN
Eh bien...
OLIVIER MAZEROLLE
Je vous propose de débattre de la réalité de la France, vous avez un interlocuteur, Max GALLO, ça n'est pas rien Max GALLO...
JEAN-MARIE LE PEN
Ah non...
OLIVIER MAZEROLLE
Est un écrivain et un historien qui aime beaucoup la France, qui a consacré des livres, notamment à de GAULLE et à Napoléon, et bien d'autres encore. Max GALLO, bonsoir.
JEAN-MARIE LE PEN
Même à César.
OLIVIER MAZEROLLE
Et à César, récemment effectivement. Max GALLO, bonsoir. Vous avez des choses à dire à JEAN-MARIE LE PEN, j'imagine.
MAX GALLO
Bonsoir.
JEAN-MARIE LE PEN
Bonsoir.
MAX GALLO
Bonsoir. Ecoutez, c'est à moi, JEAN-MARIE LE PEN, que je pense m'intéresser parce que nous venons d'entendre était passionnant dans la mesure où c'était une... in vivo, une description des talents de l'habileté politique et idéologique de JEAN-MARIE LE PEN. Donc je crois que tout a été dit sur l'homme JEAN-MARIE LE PEN, c'est un talent avec beaucoup d'efficacité, et je ne vais pas me lancer dans la course aux anathèmes. Moi, ce qui m'intéresse, c'est de savoir pourquoi 5.250.000 Français ont voté pour lui, et pourquoi, malgré tous les anathèmes, il continue à polariser l'attention à ce point. Alors moi, j'ai un diagnostic qui est celui-ci, je crois effectivement que la France traverse une crise nationale très profonde, qui n'est pas récente, qui s'explique par une série de guerres perdues, et d'abord le désastre de 40, mais aussi les guerres coloniales, avec tous les malheurs qu'elles ont entraînées pour l'ensemble de la population... enfin beaucoup de Français, et qu'elle s'explique aussi par le sentiment de désarroi, par le sentiment de désarroi par exemple provoqué par l'assassinat d'un préfet, ou bien par le fait, et il faut oser dire les choses, si on veut comprendre le phénomène JEAN-MARIE LE PEN, par le fait que le ministre de l'Intérieur est sifflé par une assemblée de jeunes filles en tchador, en France, ce qui est étonnant, ce qui, en tout cas, bouleverse les repères traditionnels. Et si on ne prend pas conscience de la souffrance, de l'insécurité sociale, des plans sociaux, du chômage, de la difficulté de l'école, autrement dit de la crise profonde de la nation, on ne comprend pas qu'il y a une crise nationale, et que si on ne répond pas à la crise nationale, Monsieur JEAN-MARIE LE PEN prospèrera. Et l'insulter ou le couvrir, ou dire ce qu'il est, ne servira à rien. Pour moi, JEAN-MARIE LE PEN n'est pas du tout la cause de la crise nationale, il en est un symptôme, mais il n'en est pas la solution, et c'est évidemment un opposant... c'est à l'opposant que je parle : il n'en est pas la solution, parce que son actualité, vous citez ses propos sur l'immigration, et d'ailleurs il vient de s'exprimer de manière très claire, conformément à ce qu'il dit, dégage la préférence nationale, etc, nous connaissons cela. Mais en réalité, ses propos sur l'immigration sont enracinés dans un discours symbolique. Il y a une phrase de JEAN-MARIE LE PEN, de 1991, dans une interview à ASPECTS DE LA FRANCE, dans laquelle il dit, " La politique, c'est toujours et plus que jamais une guerre du langage, une guerre du vocabulaire, une guerre de signes et une guerre de symboles ", je partage tout à fait ce sentiment-là. Et c'est pourquoi il faut aller aux symboles, mais les symboles de JEAN-MARIE LE PEN, il les pervertit, ou plutôt il les exprime tels qu'ils sont, c'est-à-dire les symboles de l'extrême droite. Quand il prend Jeanne d'Arc, je suis, moi aussi, un admirateur de Jeanne d'Arc, mais il en fait non pas le signe de l'unité nationale, mais un signe, au fond, de l'expression d'une partie de la communauté nationale, et cela va de pair avec, évidemment, le lien du sang. Quand il parle des étrangers, mais les étrangers c'est le discours de l'extrême droite classique. Il oublie simplement que, par exemple, s'il y a eu dans la résistance Honoré d'ESTIENNE d'ORVES, il y a eu aussi 20 et 3 étrangers et nos frères pourtant, qui mourraient, qui s'abattaient en criant " Vive la France ". Il y a donc chez lui, si vous voulez dans sa manière de traiter la crise nationale, en fait un approfondissement de cette crise. Mais on ne pourra pas le combattre, on ne pourra pas réduire son influence, simplement en déversant, je reprends ce mot, en déversant sur lui l'appellation de tortionnaire, de fasciste, etc. mais simplement, ça je tiens à le dire car c'est, je crois, la clé de son succès, simplement quand les élites politiques françaises se rendront compte qu'il y a une complémentarité entre, d'une part, leur silence sur le sens de l'histoire de France, sur le sens de la crise nationale, et d'autre part l'image qu'en donne JEAN-MARIE LE PEN. Au fond, ça intéresse beaucoup de gens en France que JEAN-MARIE LE PEN développe cette image caricaturale de la France, parce que ça leur permet de dire, " Vous voyez, la France, c'est JEAN-MARIE LE PEN. Donc débarrassons-nous de la France ".
OLIVIER MAZEROLLE
Alors monsieur...
MAX GALLO
Alors ça, c'est la clé qui fait... encore un mot, c'est la clé qui fait de JEAN-MARIE LE PEN, non pas quelqu'un de hors système, mais un complément de système.
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur GALLO, JEAN-MARIE LE PEN vous répond.
JEAN-MARIE LE PEN
Monsieur GALLO, je crois que vous nous connaissez très mal, et en particulier vous connaissez très mal la composition du Front national, la composition de sa direction. Tenez, il y a par exemple au bureau politique du Front national, deux personnes, Monsieur IORIO et Monsieur... un autre camarade de Nice qui sont comme vous, des enfants d'Italiens, et ils sont au bureau politique du Front national.
MAX GALLO
Je croyais ne pas avoir... je craignais que vous ne m'expulsiez du plateau, monsieur Le PEN.
JEAN-MARIE LE PEN
Mais non, pas du tout, pas du tout, pourquoi le ferais-je ? C'est justement... si vous saviez cela. Mais ils ne sont pas les seuls, n'est-ce pas, il n'y a pas que Messieurs CHENARD (phon) et IORIO. Il y a un homme d'origine arabe qui est arabe, qui s'appelle Farid SMAHI, il y a chez nous des noirs, il y a chez nous des Arabes, il y a chez nous des juifs et qui sont non seulement...
MAX GALLO
Mais c'est dans vos conceptions...
JEAN-MARIE LE PEN
Adhérents mais qui sont des représentants du Front, n'est-ce pas. Et par conséquent, nous n'avons pas...
MAX GALLO
Votre conception...
JEAN-MARIE LE PEN
Je vous crois de bonne foi, Monsieur GALLO. Je crois que vous vous trompez. Nous n'avons pas cette attitude-là, nous ne sommes pas aussi hostiles aux étrangers, et surtout pas aux étrangers devenus français et qui aiment la France. Mais nous sommes hostiles au phénomène de l'immigration, et même pas aux immigrés. J'ai toujours dit, vous ne devez pas vous en prendre aux immigrés, ils ne sont pas responsables de leur présence, seuls sont responsables les politiciens français de droite et de gauche.
MAX GALLO
Mais en fait, votre conception... votre discours sur l'immigration, c'est ce que j'ai essayé de dire, votre discours sur l'immigration, il s'enracine sur votre vision de la France. Quand on lit les articles que vous avez écrits, quand on voit la manière dont vous traitez les symboles, on voit bien que votre façon de voir la France, c'est une façon où vous excluez les étrangers...
JEAN-MARIE LE PEN
Mais non !
MAX GALLO
Vous prenez Clovis, par exemple, mais Clovis est un Germain. Vous prenez ZOLA, vous prenez GAMBETTA, vous prenez MAZARIN, la France, par sa situation géopolitique, ne peut être qu'une nation bâtie sur le droit du sol, elle ne peut être que cela, et elle est cela, et sa capacité à intégrer, sa capacité à nationaliser les étrangers est capitale, et il y a un point qui, en lisant vos textes, m'est apparu, de manière tout à fait aveuglante, c'est le peu d'emploi que vous faites du mot citoyen, pratiquement il est absent. Et il y a un mot, alors, qui disparaît totalement de votre vocabulaire, si j'en crois les textes que j'ai lus avec attention, il y a un mot qui n'existe pas dans votre vocabulaire, c'est le mot de laïcité. Le mot de laïcité, je ne crois pas que vous l'ayez écrit et prononcé. Je peux me tromper, mais je ne l'ai pas trouvé, parce que ce mot de laïcité, il est capital et il renvoie précisément à une spécificité française que vous niez. Vous avez la vision classique, et moi, je ne veux pas douter de votre sincérité, mais vous avez la vision classique de l'extrême droite, et le problème qui est posé, c'est celui-ci, comment cette vision classique, qui est dans la tradition française, de l'extrême droite, réussit-elle aujourd'hui à occuper un tel champ dans l'espace et cela...
OLIVIER MAZEROLLE
Alors Monsieur GALLO...
MAX GALLO
Est possible parce qu'il y a des missions, en fait, sur la question nationale.
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur GALLO, Monsieur Le PEN.
JEAN-MARIE LE PEN
Monsieur GALLO, êtes-vous prêt à me rencontrer ou à rencontrer mes amis et à débattre avec eux ? Avez-vous reçu la lettre que je vous avais...
MAX GALLO
Non, je ne crois pas...
JEAN-MARIE LE PEN
La lettre ouverte, c'était la lettre française ouverte, je vous ai écrit une lettre, à Max GALLO et vous ne l'avez pas...
MAX GALLO
Je ne l'ai pas lue... je regrette...
JEAN-MARIE LE PEN
Vous ne l'avez pas reçue parce que je pense que vous m'auriez répondu. Alors je vous enverrai le livre, vous verriez ce que je disais de vous. Je voudrais poser une question, trouvez-vous normal que le Front national, avec des millions d'électeurs, n'ait pas de représentation dans l'Assemblée nationale française ? Est-ce que c'est normal ?
MAX GALLO
Je ne le trouve pas normal, parce que je considère que dès lors que vous jouez, fut-ce en apparence, mais en tout cas dans le cadre légal, le jeu démocratique, je crois qu'on peut et doit débattre avec vous de manière démocratique, parce que vous participez au jeu démocratique, et je ne crois pas que nier la réalité, la réalité des représentations soit une bonne méthode en vie démocratique.
JEAN-MARIE LE PEN
Max GALLO, je suis en tous les cas, moi, prêt à débattre, en privé même, avec vous, pour que vous connaissiez...
MAX GALLO
Non, merci.
JEAN-MARIE LE PEN
Mieux le sujet que vous ne semblez le connaître, car j'ai peur que vous nous connaissiez à travers les médias et pas directement.
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur GALLO et Monsieur Le PEN, manifestement...
MAX GALLO
Non, je crois malheureusement avoir lu vos textes.
OLIVIER MAZEROLLE
Deux visions de l'histoire de France différentes, merci Max GALLO. Monsieur Le PEN, nous passons maintenant à un second chapitre, " Trente ans de présidence ", parce que le Front national a été créé en 1972, ça fait même 31 ans, d'ailleurs. C'est bon signe, ça, pour un parti que le président soit toujours le même depuis 31 ans ?
JEAN-MARIE LE PEN
Ce n'est pas mauvais, je crois, si j'en juge par un certain nombre d'autres institutions, il y a dans la vie politique des gens qui ont été, en quelque sorte...
OLIVIER MAZEROLLE
Au même poste, à la même fonction pendant 31 ans ?
JEAN-MARIE LE PEN
Oui, bien sûr.
OLIVIER MAZEROLLE
Ah, moi je n'en connais pas.
JEAN-MARIE LE PEN
Regardez le Pape, par exemple.
OLIVIER MAZEROLLE
Il n'a pas 31 ans.
JEAN-MARIE LE PEN
Il y aura bientôt.
OLIVIER MAZEROLLE
Et le Pape.
JEAN-MARIE LE PEN
C'est tout la grâce que je lui souhaite. Mais vous savez...
OLIVIER MAZEROLLE
Soumis à élection périodique.
JEAN-MARIE LE PEN
Mais je me soumets à une élection périodique. Je serais tenté de dire que ce n'est pas de ma faute si je suis réélu par acclamation à l'unanimité du congrès, je ne vais tout de même pas pleurer à cause de cela.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors nous allons voir...
JEAN-MARIE LE PEN
Confiance, que la confiance que j'ai dans le mouvement que je dirige, elle m'est rendue par les adhérents du Front national.
OLIVIER MAZEROLLE
Nous allons voir justement comment fonctionne le Front national, avec ce récit d'Alix BOULHAIGUET.
/// Reportage ///
OLIVIER MAZEROLLE
Préférence familiale.
JEAN-MARIE LE PEN
Non mais il se trouve que j'ai des filles, je ne vais pas les chasser parce qu'elles sont là. Elles sont toutes des militantes, depuis très longtemps. Marine est militante depuis 15 ans, je peux même dire qu'elle l'était avant, puisqu'elle avait 8 ans quand notre immeuble a explosé sur une bombe qu'on y avait mis pour nous tuer. Elle est un peu comme Obélix, tombée dedans, et c'est pour ça qu'elle a acquis, en quelque sorte, ce goût de la politique. Je ne vois pas pourquoi si elle a du talent... et si elle n'en avait pas, bien sûr que les journalistes ne lui demanderaient pas son avis, et elle n'aurait pas même la place qu'elle a, que vous estimez, vous, anormale, de 34ème sur 100 élus du comité central, ça n'est pas si mauvais que cela. Il faut savoir...
OLIVIER MAZEROLLE
Elle était...
JEAN-MARIE LE PEN
Il faut savoir, de temps en temps, se faire pardonner son talent aussi.
OLIVIER MAZEROLLE
Très bien. Alors Claude ASKOLOVITCH, du NOUVEL OBSERVATEUR, a des questions à vous poser sur vos perspectives d'avenir.
JEAN-MARIE LE PEN
Bonjour Monsieur ASKOLOVITCH.
CLAUDE ASKOLOVITCH
Monsieur Le PEN, on fête beaucoup un anniversaire, celui du 21 avril. J'ai envie de parler d'un autre anniversaire qu'on fête aujourd'hui, le 5 mai. Le 5 mai, il y a exactement un an, vous avez subi la défaite la plus humiliante qu'est jamais connue un finaliste de l'élection présidentielle.
JEAN-MARIE LE PEN
C'est votre sentiment, ça n'est pas le mien.
CLAUDE ASKOLOVITCH
J'allais vous demander à quoi sert un parti politique qui n'est pas destiné à gouverner ?
JEAN-MARIE LE PEN
Vous n'en savez rien, et vous serez peut-être surpris dans les années qui viennent, mais la politique, on le sait, c'est un art de surprise.
CLAUDE ASKOLOVITCH
Dans d'autres pays européens, il y a moins de surprises ; en Autriche, en Italie, aux Pays Bas, les partis d'extrême droite gouvernent, ils passent des compromis, ils en rabattent un peu de leurs prétentions...
JEAN-MARIE LE PEN
Même aux Pays-Bas, on les tue quand ils gouvernent, c'est vrai.
CLAUDE ASKOLOVITCH
Pim FORTUYN a été tué avant que son parti arrive au gouvernement. Mais là-bas, dans ces pays-là, les partis, vos partis frères, passent des compromis avec la droite modérée, ils en rabattent de leurs prétentions, ils passent des alliances. Vous êtes apparemment le seul, un des derniers, qui buttez sur l'obstacle, qui êtes rejeté systématiquement par l'électorat, par les sondés, même si ça ne vous plaît pas, et par les chefs de la droite française, notamment Jacques CHIRAC. Qu'est-ce qui explique cet obstacle ? Etes-vous moins fréquentable que l'Autrichien HAIDER ? Etes-vous plus extrémiste que l'italien FINI ?
JEAN-MARIE LE PEN
Sans doute que j'ai des convictions et que j'applique rigoureusement la stratégie du Front national depuis des années. Nous aimons mieux être élu que battu, c'est humain, mais nous préférons être battus sur nos idées qu'élus sur celles de nos adversaires. Et je ne suis pas, pour ma part, prêt à faire de compromis avec des appareils ou des responsables politiques, que je tiens pour insuffisants, impotents, voire pour d'autres criminels. Je crois que la proposition du Front national est une proposition alternative, et je regrette beaucoup que le 21 avril ait été faussé par la trahison de Monsieur MEGRET. Car ce qui eut du se produire, c'est que le candidat socialiste et moi arrivions en tête, et Jacques CHIRAC soit éliminé au premier tour. Au deuxième tour, nous aurions eu, à ce moment-là, une véritable alternative politique : la gauche marxiste d'un côté, la droite nationale populaire et sociale de l'autre. Là, il y aurait eu un vrai débat politique, mais il n'y a pas eu de débat politique, d'abord parce que la gauche s'est jetée au pied de Jacques CHIRAC, terrorisée par l'hypothèse que je pouvais arriver à la présidence de la République, ulcérée que son candidat ait été éjecté par le suffrage universel. Je peux vous dire qu'il y a quelqu'un au mois qui aurait bien aimé avoir autant que Le PEN, ce soir-là, c'était JOSPIN.
CLAUDE ASKOLOVITCH
Pour quelqu'un qui a une mémoire politique, ça fait des années que vous êtes dedans, vous zappez singulièrement certaines séquences, j'ai souvenir qu'en 1986-87 vous lanciez des appels à Jacques CHIRAC, ce même Jacques CHIRAC que vous détestez aujourd'hui, et à Raymond BARRE pour s'unir, pour empêcher François MITTERRAND, à l'époque, d'être réélu. J'ai le souvenir d'élection municipale de Dreux dans laquelle Jean-Pierre STIRBOIS, avec qui vous étiez très proche, s'était fait élire avec la droite. Au fond, ce que vous reprochez à CHIRAC, c'est de vous avoir fermé la porte.
JEAN-MARIE LE PEN
Non, pas du tout. C'est vrai que Jacques CHIRAC a une attitude d'ailleurs assez inexplicable, en tous les cas inexpliquée d'ostracisme contre le Front national. Et je suis frappé de voir que les reproches qui sont faits au Front national, qui justifient cette mise à l'écart, cette mise au banc du Front national n'est jamais été exprimée clairement, jamais on a dit...
CLAUDE ASKOLOVITCH
Donné l'explication...
JEAN-MARIE LE PEN
Nous ne voulons pas du Front national pour des raisons précises. Un assassin a droit au réquisitoire du Procureur général, il a droit à des avocats, il a droit à des témoins, il a droit à des juges. Le Front national n'a droit à rien, même pas à l'articulation des griefs qu'on lui reproche.
CLAUDE ASKOLOVITCH
Dans votre bouche, et dans la presse du Front national ou proche du Front national, il y a quelques années, on donnait une explication, on expliquait que Jacques CHIRAC était sous l'influence de puissances occultes, maçonniques et que c'était pour ça qu'il vous fermait la porte. Vous croyez toujours à cette explication ?
JEAN-MARIE LE PEN
Je fais des hypothèses, je me perds en conjecture, je me demande ce qui peut conduire un homme comme CHIRAC, si ce n'est la profonde affinité qu'il a toujours entretenu avec la gauche, on se souvient qu'il a été un jeune militant communiste, et qu'il n'a jamais raté une occasion de manifester sa sympathie, que ce soit au chef de la Chine communiste, tout récemment encore en l'invitant à son château, ou encore au chef du Vietnam communiste. En de nombreuses circonstances, Jacques CHIRAC a montré que si son c...ur penchait, il penchait plutôt à gauche, voire même à l'extrême gauche.
CLAUDE ASKOLOVITCH
Pourquoi lui avoir proposé votre aide en 86-87 ?
JEAN-MARIE LE PEN
Je ne lui ai pas proposé mon aide...
CLAUDE ASKOLOVITCH
Publiquement.
JEAN-MARIE LE PEN
Mais je vous assure que non...
CLAUDE ASKOLOVITCH
Publiquement !
JEAN-MARIE LE PEN
Puisque... mais pas du tout. Monsieur CHIRAC prend comme première mesure... comment dirais-je, le changement c'est la première mesure qu'il propose au gouvernement, il a une majorité, il a une majorité au Parlement, de quelques voix, on a racheté quelques indépendants vite fait, mais il a la majorité, il n'a pas besoin des voix du Front national. La première mesure qu'il prend, c'est la réforme électorale qui revient, en quelque sorte, au scrutin majoritaire, qui élimine donc le Front national, il a continué de le rester jusqu'à aujourd'hui. Et je lui dis en partant, " Morituri te salutant ", ça n'est pas un appel au secours, ni ça n'est pas... c'est un défi, ça n'est pas une proposition de soutien, je ne vois pas où vous avez pu voir une proposition de soutien.
CLAUDE ASKOLOVITCH
Vous vous interrogez sur les raisons de votre diabolisation, ou de votre exclusion, j'ai peut-être un exemple, très récent, qui est dans l'actualité. On sort de la guerre en Irak, vous étiez contre cette guerre, comme Jacques CHIRAC d'ailleurs, et comme la plupart des dirigeants politiques français. Mais vous êtes le seul à avoir soutenu jusqu'au bout, mordicus, le régime de Saddam HUSSEIN. Le 31 mars dernier, dans un texte que vous avez publié, je l'ai retrouvé dans vos archives, vous expliquiez, je vous cite, que Saddam HUSSEIN était diabolisé, on se demande ce qu'en pensent les rescapés du régime qui s'expriment aujourd'hui dans la presse. Vous expliquez que l'Amérique, je vous cite encore, se préparait à découper le Moyen orient au gré des utopies maçonniques, c'est une étrange obsession. Et encore plus fort, vous vantez les mérites du kamikaze et vous parliez avec enthousiasme du souffle d'Allah qui soulève les dunes du désert et les jette sur les convois de l'assaillant. Le souffle d'Allah...
JEAN-MARIE LE PEN
Remettez cela dans son contexte, s'il vous plaît...
CLAUDE ASKOLOVITCH
Dans le contexte d'un texte...
JEAN-MARIE LE PEN
Parce que vous extrayez, comme ça, des morceaux de phrase que vous mêlez les unes aux autres, pour faire un petit cocktail détersif, ce n'est pas...
CLAUDE ASKOLOVITCH
Vanter les mérites des kamikazés et parler du souffle d'Allah, on vous ignorait cette sympathie exotique pour les terroristes islamiques.
JEAN-MARIE LE PEN
Qu'il y aurait des kamikazes, il y en aurait, il y en aurait, et il y en aura sans doute, et c'est probablement la guerre d'agression injuste, illégale, immorale faite par les Anglo-Américains qui sera responsable de cette nuée qui se lève, bien évidemment. Ça, c'est prévoir, ça n'est pas approuvé.
CLAUDE ASKOLOVITCH
Dans le même texte, vous faisiez de l'humour, vous baptisiez George BUSH et Tony BLAIR, je vous cite encore, " Rumsteck et Rosbif ". On parle de votre crédibilité et de votre culture de gouvernement, juste une question, si vous aviez été élu, il y a un an, exactement un an, est-ce que vous imaginez le président de la République française, le chef de l'Etat, baptiser le président des Etats-Unis et le Premier ministre britannique " Rumsteck et Rosbif " ?
JEAN-MARIE LE PEN
C'est justement parce que je n'ai pas été élu que je peux me permettre cette liberté.
CLAUDE ASKOLOVITCH
Donc le Caveau de la République plutôt que la présidence de la République ?
JEAN-MARIE LE PEN
Voilà, pourquoi pas.
CLAUDE ASKOLOVITCH
Deux dernières questions sur votre mouvement Monsieur Le PEN, pourquoi est-ce que votre mouvement, pourquoi est-ce que l'extrême droite ne s'est pas gérer ses conflits internes normalement ? Après tout, il peut y avoir des oppositions, on le voit au PS, ils ont un congrès. Pourquoi est-ce que chez vous, quand il y a des divergences, ça se termine mal, par une scission, c'est MEGRET, ou par des dissensions, des haines internes, comme on le voit aujourd'hui entre votre fille, Marine Le PEN, et vos barons, ceux qui dirigent le parti avec vous ?
JEAN-MARIE LE PEN
Mais vous avez vu ça où ? Vous avez quelquefois assisté aux congrès du Parti socialiste ? Vous avez assisté au dernier congrès du Parti communiste dans lequel Madame BUFFET a réglé ses comptes en excluant de son bureau politique tous ses adversaires ? Ce n'est pas comme ça au Front national, cela ne se passe pas... et puis, il n'y a pas une scission avec Bruno MEGRET, il y a eu un complot, une tentative de putsch, secrètement organisée pour s'emparer illégalement des leviers de commande du Front, ça n'a strictement rien à voir. D'ailleurs nous avons apporté la preuve démocratiquement que nous étions légitimes, puisque moi j'ai fait 18 % et MEGRET a fait 2 %, voilà.
CLAUDE ASKOLOVITCH
Aujourd'hui, à mots couverts, quand ils parlent avec les journalistes, parce qu'ils parlent avec des journalistes, les partisans de Marine Le PEN, comme les partisans de Bruno GOLNISCH parlent d'une scission possible, vous le savez...
JEAN-MARIE LE PEN
Ah non, je ne sais pas, je ne le sais pas...
CLAUDE ASKOLOVITCH
Vous ne le savez pas...
JEAN-MARIE LE PEN
Si vous avez entendu cela, c'est peut-être l'opinion de tel ou tel, mais ça n'est pas l'opinion du mouvement, telle qu'elle s'est démocratiquement exprimée. Dois-je vous rappeler que quand je lis, un commentaire assez étonnant d'ailleurs parce que je ne vois pas comment on peut lire une liste, un résultat électoral autrement que sèchement, n'est-ce pas, quand je lis cette liste, elle est soumise à l'approbation, approuvez-vous la composition du bureau politique ? Unanimité moins une voix. Approuvez-vous la constitution du bureau exécutif ? Unanimité. Il y a là 120 personnes qui constituent le... comment dirais-je, l'assemblée de notre mouvement, et par conséquent, qui pourrait s'exprimer.
OLIVIER MAZEROLLE
Dernière question ?
JEAN-MARIE LE PEN
Personne n'a exprimé le point de vue dont vous faites état, là.
CLAUDE ASKOLOVITCH
Toute dernière question qui vous renseignera peut-être également sur l'état d'esprit à l'intérieur de votre parti, c'est à ça que servent les journalistes. Beaucoup de vos dirigeants disent que Marine Le PEN, votre fille dont vous êtes très fier, que vous imposez à une vice-présidence contre l'avis de la plupart des autres dirigeants, que cette fille vous fait vieillir, qu'elle est la preuve vivante par ses 34 ans de votre ringardisation, de vos 75 ans, de vos 80 ans à la prochaine présidentielle.
JEAN-MARIE LE PEN
Ce sont des mauvaises langues qui disent cela, ne les écoutez pas, ils vont vous tromper. Non, non, je ne crois pas ça, du tout.
CLAUDE ASKOLOVITCH
Vous ne croyez pas que...
JEAN-MARIE LE PEN
Je crois que Marine...
CLAUDE ASKOLOVITCH
L'engouement dont bénéficie votre fille souligne votre propre rejet ?
JEAN-MARIE LE PEN
Marine a été nommée au bureau exécutif cinquième vice-présidente, parce qu'elle est représentative de toute une classe, de toute une catégorie d'adhérents, d'adhérentes, d'électrices, d'électeurs, qui sont des gens de moins de quarante ans, il y en a quelques-uns encore dans notre pays...
OLIVIER MAZEROLLE
Donc on aura appris qu'il y a des mauvaises langues au Front national.
JEAN-MARIE LE PEN
Sûrement, bien sûr.
OLIVIER MAZEROLLE
Maintenant, nous allons voir...
JEAN-MARIE LE PEN
Là où il y a de l'homme, il y a de " l'hommerie "...
OLIVIER MAZEROLLE
Merci, Claude ASKOLOVITCH. Nous allons voir maintenant comment ça se passe lorsque le Front national gagne des élections, ça s'est produit dans certaines municipalités, quatre municipalités dans le sud d'ailleurs, il y avait eu Vitrolles, Toulon, Orange et Marignane. Alors Arnaud BOUTET...
JEAN-MARIE LE PEN
Et d'autres.
OLIVIER MAZEROLLE
Et d'autres, mais je parle des...
JEAN-MARIE LE PEN
D'autres dont on ne parle pas.
OLIVIER MAZEROLLE
Quatre plus emblématiques, et donc Arnaud BOUTET est allé à Orange et à Toulon.
/// Reportage ///
OLIVIER MAZEROLLE
Voilà. Alors sur la préférence familiale qui s'exerce également dans les municipalités FN, ALAIN DUHAMEL, à partir du sondage, car on y revient, IPSOS / NOUVEL OBSERVATEUR / FRANCE 2, a des questions à vous poser, Monsieur Le PEN.
JEAN-MARIE LE PEN
Ce n'est pas le Front national qui a été battu à Toulon, c'est Jean-Marie Le CHEVALLIER...
OLIVIER MAZEROLLE
C'est vrai...
JEAN-MARIE LE PEN
Ce n'est pas tout à fait pareil...
OLIVIER MAZEROLLE
Qu'il avait quitté entre-temps.
JEAN-MARIE LE PEN
Ce n'est pas tout à fait pareil, car Jean-Marie Le CHEVALLIER avait trahi le Front national, et c'est la raison de son échec aux élections.
OLIVIER MAZEROLLE
Ça fait deux traîtres.
JEAN-MARIE LE PEN
Eh oui.
ALAIN DUHAMEL
Je peux poser ma question ?
JEAN-MARIE LE PEN
Mais sûrement.
ALAIN DUHAMEL
Merci. Dans le sondage, que vous avez raison de suivre, mais je ne vous donnerai pas de chiffres faux, en tout cas pas volontairement, il y a 89 % des Français qui connaissent votre fille Marine.
JEAN-MARIE LE PEN
Ah !
ALAIN DUHAMEL
Il y en a 61 % qui connaissent Bruno GOLLNISCH.
JEAN-MARIE LE PEN
Ah !
ALAIN DUHAMEL
Alors je voudrais savoir... oui, c'est comme ça, bon, je voudrais savoir si dans votre esprit, vous qui avez quand même l'expérience de candidatures présidentielles multiples, la capacité à attirer l'attention, à se faire connaître, à manifester du charisme, à intéresser, à créer quelque chose autour de soi, est-ce que c'est un élément déterminant pour choisir un ou une candidate ?
JEAN-MARIE LE PEN
Moi, je suis très heureux que les médias invitent Marine, je serais très heureux qu'ils invitent aussi Bruno GOLLNISCH, qu'ils invitent Karl LANG, qu'ils invitent les dirigeants de notre mouvement, et je me suis plaint, tout à l'heure, à juste titre, que ça n'était pas le cas, il y a beaucoup de débats, et nous sommes généralement pas invités, et dans ces débats, nos spécialistes sont des gens qui tiendraient très bien, MARTINEZ, ou tant d'autres, on l'a vu apparaître comme ça...
ALAIN DUHAMEL
Monsieur Le PEN...
JEAN-MARIE LE PEN
De temps en temps, mais très, trop rarement.
ALAIN DUHAMEL
Monsieur Le PEN, est-ce que vous voulez être assez gentil pour répondre à ma question, parce que ce que vous venez de dire, c'est sûrement très intéressant, mais ça n'avait rien à voir avec ma question, rien du tout ! Ma question...
JEAN-MARIE LE PEN
Me suis-je trompé ?
ALAIN DUHAMEL
Peut-être, vous étiez distrait. Ma question, c'était votre fille attire l'attention de 89 % des Français, Bruno GOLLNISCH de 61 %, vous qui avez été plusieurs fois candidat à l'élection présidentielle, qui connaissez bien le fonctionnement des campagnes, est-ce que vous considérez ou non que c'est un élément décisif pour le choix d'un candidat ou d'une candidate que d'être capable de provoquer cet intérêt et cette attention.
JEAN-MARIE LE PEN
Ce qui lui manque, ce sont des interlocuteurs. Alors prenons, ce soir...
ALAIN DUHAMEL
Comment...
JEAN-MARIE LE PEN
Emettons, ce soir, le voeu que beaucoup de gens permettent à Bruno GOLLNISCH de compenser le petit retard médiatique qu'il a dans les sondages.
ALAIN DUHAMEL
Si c'est ça, comment est-ce que vous expliquez que, à ce moment-là, selon vos critères, on a vu plus souvent votre fille que Bruno GOLLNISCH ?
JEAN-MARIE LE PEN
Ça, posez la question à vos collègues...
ALAIN DUHAMEL
Vous êtes un homme politique, vous êtes le président du Front national...
JEAN-MARIE LE PEN
Parce que je peux vous dire une chose, c'est que ni moi, ni mes services, ni les... n'ont poussé Marine à aucun moment, je peux vous le dire, et...
ALAIN DUHAMEL
Je ne vous dis pas le contraire.
JEAN-MARIE LE PEN
Et que... non, non, mais je le dis pour que ça soit clair, " Corum populo ", mais je constate qu'il n'y a pas, de la part des médias, cette appétence, provisoirement peut-être, il se trouve que Marine est à la mode, qu'on a besoin dans la politique française, c'est un petit courant d'air pur d'une jeune femme souriante, d'une jeune mère de famille, d'une jeune professionnelle, d'une jeune élue qui, je vous le rappelle quand même, a fait 35 % des voix au deuxième tour dans le pays minier du Pas-de-Calais.
ALAIN DUHAMEL
Comment, Monsieur Le PEN... comment est-ce que sera, un jour, je ne vois dis pas maintenant, un jour, comment est-ce que sera désigné votre successeur ?
JEAN-MARIE LE PEN
Normalement...
ALAIN DUHAMEL
Par quel système...
JEAN-MARIE LE PEN
Statutairement, c'est le congrès du Front national qui désignera mon successeur, mais comme il peut toujours y avoir un accident de parcours, j'ai bien précisé que s'il m'arrivait quoi que ce soit, qui me mette hors d'état de remplir ma fonction, je désignais Bruno GOLLNISCH pour être mon successeur, c'est clair, ça.
ALAIN DUHAMEL
Alors...
JEAN-MARIE LE PEN
Parce que j'ai pour lui la plus grande estime, la plus grand sympathie, et même la plus grande affection, voyez. Ce n'est pas mon fils, mais presque.
ALAIN DUHAMEL
Dans le même sondage, il y a 51 % des Français qui considèrent que vous-même, aujourd'hui, vous êtes usé.
JEAN-MARIE LE PEN
Ah bon ?
ALAIN DUHAMEL
Ah oui, ah oui. Alors je ne vous dis pas qu'ils ont raison, ou qu'ils ont tort... attendez, attendez ma question !
JEAN-MARIE LE PEN
Oui mais vous parlez tout le temps !
ALAIN DUHAMEL
Ah non, non, c'est vous qui... attendez la question... attendez la question ! La question est, si vous vous présentez comme tête de liste dans la région PACA, ce qui est théoriquement votre intention, et si vous êtes battu, est-ce que vous envisagerez, compte tenu du fait qu'un certain nombre de gens vous trouvent usé, de vous retirer, de céder la place à la génération d'après ?
JEAN-MARIE LE PEN
Non.
ALAIN DUHAMEL
Non.
JEAN-MARIE LE PEN
Voyez, ça jaillit. Ce que vous n'avez pas dit, quand même, c'est que, à la question estimez-vous que JEAN-MARIE LE PEN est usé, 42 % répondent non...
ALAIN DUHAMEL
Oui, je n'ai pas dit le contraire !
JEAN-MARIE LE PEN
42 %, ce n'est pas... mais vous ne le citez pas, ce n'est pas négligeable, et je connais un homme politique qui s'est exprimé sur un de ses concurrents dans cette forme-là, à qui ça n'a pas porté chance, c'est Monsieur... c'est le Premier ministre socialiste, Monsieur JOSPIN, qui avait trouvé que CHIRAC était usé...
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur Le PEN, nous allons...
JEAN-MARIE LE PEN
Jusqu'à la corde, qui a servi pour le pendre d'ailleurs !
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur Le PEN, puisque vous n'êtes pas usé, vous êtes en forme, ce soir...
JEAN-MARIE LE PEN
Toujours !
OLIVIER MAZEROLLE
Vous avez un autre interlocuteur, Monsieur Christian ESTROSI, qui est en direct avec nous de Nice, bonsoir Monsieur ESTROSI. Vous êtes député et conseiller général des Alpes-Maritimes, et c'est vous qui avez, comme on dit, rapporté la loi SARKOZY, la loi sur la sécurité à l'Assemblée nationale, et je crois que vous voulez parler de sécurité avec Monsieur Le PEN, un thème cher au Front national.
CHRISTIAN ESTROSI
Oui, Monsieur MAZEROLLE. Effectivement, la priorité a été au c...ur de la campagne présidentielle au printemps dernier, et je voudrais dire à JEAN-MARIE LE PEN, alors que Jacques CHIRAC a rassemblé 82 % des électeurs sur son nom, lui-même 18 %, que je respecte pleinement les 5 millions d'électeurs qui se sont prononcés en sa faveur. Ils l'ont sans doute fait d'ailleurs sur de vraies préoccupations évoquées par JEAN-MARIE LE PEN, et ça n'est pas parce que je ne partage pas les valeurs de Monsieur Le PEN, que pour autant j'appartiens à la catégorie de ceux qui dénoncent que l'on évoque ces vraies préoccupations, et qui longtemps, trop longtemps ont occulté ce débat qui finalement a contribué à la montée des extrémismes dans notre pays. Aujourd'hui, il se trouve que nous avons engagé une véritable politique de rupture avec le passé. Derrière Jacques CHIRAC, derrière Jean-Pierre RAFFARIN, avec Nicolas SARKOZY, le ministre de l'Intérieur, dont vous disiez, tout à l'heure, qu'il était un illusionniste, nous avons rompu avec un ensemble de tabous. Nous l'avons fait sans excès et sans outrance, et nous apportons dans chaque domaine de la société, qui ont contribué à la montée de la violence et de la délinquance depuis un certain nombre d'années, de véritables réponses. Ça n'est pas de l'illusionnisme, c'est une réalité. Ça n'est pas de l'illusionnisme, Monsieur LE PEN, lorsque nous apportons, par la loi d'orientation et de programmation, la création de 13.500 postes de gendarmes et de policiers dans notre pays. Nous ne sommes pas illusionnistes lorsque nous réformons notre code de procédure pénale pour apporter des réponses concrètes en matière de lutte contre les filières de proxénétisme, de mendicité agressive, de gens de voyage qui occupent sans droit ni titre les propriétés d'autrui, de lutte contre la délinquance des mineurs, avec la création de centres d'éducation fermés, de responsabilisation des parents qui manquent au devoir d'éducation des enfants. Alors Monsieur LE PEN, vous qui, finalement, avez profité - je le pense sincèrement - du laxisme de la gauche, d'un Monsieur JOSPIN, dont vous regrettiez, il y a quelques instants d'ailleurs, qu'il n'ait pas été présent au second tour, tout comme je peux le regretter moi-même, mais qui reconnaissait sa propre naïveté dans le domaine de la lutte contre la délinquance, je pense que c'est sur cette politique laxiste que, pendant un certain nombre d'années, vous avez fait votre miel. Alors simplement, Monsieur LE PEN, aujourd'hui, en matière d'illusionnisme, je vous appelle à un peu de sincérité. Allez, Monsieur LE PEN, en votre âme et conscience, sincèrement, est-ce qu'il y a matière à contester la politique du gouvernement ?
OLIVIER MAZEROLLE
Alors, Monsieur LE PEN ?
JEAN-MARIE LE PEN
Ah, qu'il est sympathique, le diable, quand il se fait ermite ! Parce que ce que vous venez de dire est plein de chaleur et de sentiment et va vous propulser, je pense, à l'intérieur de votre parti vers des postes plus importants que celui que vous n'occupez actuellement. Mais vous avouez vous-même qu'avant que vous ne trouviez votre chemin de Damas, avant le 21 avril, c'est-à-dire avant ce formidable coup de pied au derrière que le premier tour de JEAN-MARIE LE PEN a donné à la classe politicienne tout entière, vous étiez solidaire des politiques nulles qui étaient menées dans le pays, aussi bien dans le domaine de l'immigration, de l'insécurité, du chômage, du fiscalisme, de la corruption, faut-il que nous parlions de corruption, mais dans une région où nous avons été collègues nous-mêmes, tous les deux, où la corruption va même jusqu'à la mort d'une députée, l'assassinat d'une députée, l'assassinat d'un certain nombre de collaborateurs de personnalités politiques. On va juger Monsieur PERLETTO, qui va peut-être nous apprendre un certain nombre de choses. Alors vous avez découvert tout ça le 21 avril, je suis obligé de vous dire que vous m'en devez grâce, parce que c'est grâce à mon résultat que vous avez brusquement décidé de sortir, apparemment, c'est mon sentiment, de sortir de l'impuissance, de l'impotence, pour essayer de montrer que vous étiez capable de faire quelque chose. Mais je vous attends, la France vous attend, non pas semaine après semaine, vous attend l'année prochaine. Il va y avoir des élections, des élections régionales, qui vont sans doute nous opposer, Monsieur ESTROSI, ça ne sera pas la première fois, d'ailleurs...
OLIVIER MAZEROLLE
Vous ne serez pas les seuls, d'ailleurs, il y aura aussi les socialistes.
JEAN-MARIE LE PEN
Pas les seuls, mais je crois que vous n'aurez pas l'honneur de tenir la tête de liste. Je crois que c'est...
OLIVIER MAZEROLLE
Alors Monsieur ESTROSI vous répond sur la politique, sur ce que vous lui avez dit. Alors, Monsieur ESTROSI.
CHRISTIAN ESTROSI
Oui, Monsieur LE PEN, bien évidemment, vous essayez un peu de botter en touche, et je note que depuis un certain nombre de mois vous évitez ce débat même de la sécurité. Ça n'est pas le 21 avril que nous nous sommes réveillés. Pendant cinq ans, nous avons dû subir cette politique de gauche, et cette politique laxiste qui a amené la violence et la délinquance à monter de plus de 17 % dans notre pays. Il y a des résultats réels que nous enregistrons mois après mois. Nous voyons toutes les semaines de véritables réseaux qui sont démantelés, l'action des Groupements d'intervention régionaux, dans la région à laquelle vous faisiez référence, qui nous permet enfin de pénétrer dans les cités de non-droit pour démanteler tous ces réseaux d'économie souterraine. C'est ça, le temps de l'action dans lequel nous sommes rentrés avec le gouvernement de Jean-Pierre RAFFARIN et avec Nicolas SARKOZY. Alors je vous en prie, ne faites pas diversion, abordez le sujet. Je vous ai lu quelque part, où vous écriviez que le Front national avait toujours fait le bon diagnostic et qu'il était peut-être temps pour lui de commencer à proposer des solutions. Mais il est déjà trop tard pour que vous proposiez des solutions, ça veut bien dire que le 21 avril dernier, vous n'aviez même pas les solutions entre les mains. Nous avons, nous, engagé le temps de l'action aujourd'hui, nous avons légiféré, nous nous sommes engagés dans la réforme du code de procédure pénale, nous avons mis en action, en leur apportant la considération qu'ils méritent et la motivation, donc qui leur a fait si défaut, à cause du mépris dont ils ont fait l'objet de la part du gouvernement de gauche, nos policiers, nos gendarmes, qui sont aujourd'hui de nouveau fiers de porter leur tenue, d'agir au nom de l'autorité de l'Etat, de la République, pour cette politique de rupture que nous engageons. Je serais très heureux d'entendre les fameuses solutions dont vous parlez, puisque vous ne parlez finalement toujours que de diagnostics, de vieux slogans, de vieilles incantations, mais face à l'action que nous menons, j'attends toujours vos solutions.
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur LE PEN.
JEAN-MARIE LE PEN
Puis-je me permettre de rappeler à Monsieur ESTROSI qu'au pouvoir il n'y avait pas que Monsieur JOSPIN, ce pauvre Monsieur JOSPIN ? Pendant sept ans, il y avait un homme qui était président de la République, avec des pouvoirs considérables, qui aurait pu attirer l'attention de l'opinion, qui a d'ailleurs eu un gouvernement, un gouvernement qui lui était favorable pendant deux ans, tellement favorable qu'il l'a dissous par amour de la difficulté et pour permettre à JOSPIN d'arriver au pouvoir. Or cet homme-là qui est Jacques CHIRAC, votre héros du 5 mai de l'an dernier, n'a rien dit, ni rien fait. Il aurait pu dire et faire. Il aurait pu faire ce que nous avons essayé, nous, de faire, d'avertir les Français des dangers immenses qu'ils couraient, et qui sont toujours présents, et qui s'aggravent, Monsieur ESTROSI. Ça n'est pas parce que vous arrêtez de temps en temps quelques gipsies dans l'Ouest parisien, ça n'est pas parce que vous faites la chasse aux mendiants ou que vous interdisez à tels Romanichels de s'installer dans une petite ville, que vous réglez le problème de l'insécurité dans notre pays, car vous savez que le problème de l'insécurité est directement l'enfant du problème de l'immigration. Vous savez très bien, comme moi, quel est le rôle de l'immigration dans la montée de l'insécurité dans notre pays. Vous n'oserez pas parler, bien sûr, du rôle qu'y joue le désastreux enseignement dans notre pays. 1,3 million de fonctionnaires qui seront en grève demain, et je crois d'ailleurs jusqu'à la semaine prochaine, pourquoi pas plus longtemps ? Alors que vous avez été au pouvoir quinze ans sur trente. La droite a été au pouvoir quinze ans sur trente. Vous avez oublié tout cela et vous êtes venu vêtu de probité candide et de lin blanc nous dire : on a tout compris et maintenant on est en train de mettre en place des solutions qui vont être mirobolantes. Je n'y crois pas. Je vous le dis franchement, je n'y crois pas. Je crois que vos chiffres sont bidons. Je crois que la baisse de votre... la baisse de l'insécurité, vous la mesurez plutôt dans le 16e arrondissement et à Neuilly que dans les banlieues, ou pratiquement vos policiers ne mettent pas les pieds.
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur ESTROSI est à Nice, lui. Il est à Nice. Il est à Nice, lui, il n'est pas à Neuilly, Monsieur ESTROSI.
CHRISTIAN ESTROSI
Non, bien au contraire, bien au contraire...
JEAN-MARIE LE PEN
Il est à Nice, oui, je sais qu'il est à Nice.
CHRISTIAN ESTROSI
Bien au contraire, nous nous sommes lancés à la reconquête des banlieues. Bien entendu, nous avons d'abord répondu à la préoccupation majeure...
JEAN-MARIE LE PEN
Oui, vous avez fait les mosquées !
CHRISTIAN ESTROSI
Des plus modestes, des plus démunis. Et Monsieur LE PEN, vous savez très bien que c'est la cohabitation qui était paralysante, et c'est pour ça que les Français ont voulu se débarrasser de la cohabitation, en donnant les moyens à Jacques CHIRAC...
JEAN-MARIE LE PEN
Ils auraient mieux fait de se débarrasser du président.
CHRISTIAN ESTROSI
Avoir un gouvernement qui lui permette d'agir. Mais une fois de plus, je vois que vous vous lancez dans cet amalgame entre immigration et insécurité, et c'est là que tout nous sépare, Monsieur LE PEN. Je suis pour une France tolérante et ouverte. Et c'est parce que vous essayez en permanence de faire de la surenchère sur la sécurité, d'un côté, aujourd'hui sur l'immigration, vous disiez que vous réagissiez sur l'immigration parce qu'elle était au coeur de l'actualité. Pourquoi elle est au coeur de l'actualité ? Parce que dans ce domaine aussi nous avons agi sans tabous, sans complexes, avec la fermeté nécessaire, mais l'humanisme aussi. Nous avons choisi la voie de l'équilibre. Lorsque Monsieur SARKOZY propose aujourd'hui de mettre les empreintes digitales sur les visas touristiques, vous savez très bien qu'aujourd'hui la préoccupation c'est que tous les clandestins qui rentrent en France rentrent de manière légale et se mettent ensuite en situation illégale. Avec le fichier central d'empreintes digitales sur les visas touristiques, nous réussirons, avec le rallongement des délais de rétention, de régler ce problème. Nous en avons raccompagné, malgré tout, près de 7.000 lors du premier trimestre de cette année, alors qu'il en rentre 30.000 par an, nous avons déjà organisé par des vols groupés avec nos partenaires européens, parce qu'il faut aussi regarder cette vision de manière européenne, ça n'est pas en mettant des frontières de barbelés, en reconstruisant la ligne Maginot, comme vous le proposez aujourd'hui, que nous réussirons à enrayer le problème, mais au contraire engager une politique de coopération avec l'ensemble de nos partenaires européens, en mutualisant les moyens des polices européennes comme nous sommes en train de le faire avec Nicolas SARKOZY, que nous réglerons ce problème, voilà.
OLIVIER MAZEROLLE
Merci, Monsieur SARKOZY. Alors Monsieur LE PEN, un dernier mot.
JEAN-MARIE LE PEN
Oui, ce que n'a pas dit Monsieur ESTROSI, un chiffre : le consulat d'Alger a donné l'an dernier 550.000... 5.000, oui, c'est ça, 550.000 visas touristiques. Or Monsieur SARKOZY reconnaît lui-même que 80 % de ces gens-là ne rentrent pas dans leur pays. Et pour ce qui est de Bamako, 37.500.
OLIVIER MAZEROLLE
Non, pas 80 %. Non, non, il a dit que 8 0% de l'immigration clandestine provenait de l'extrapolation de visas touristiques, il n'a pas dit que 80 % des gens qui prennent des visas touristiques restaient en France. Allez, merci Monsieur ESTROSI, vous étiez en direct avec nous de Nice, vous retrouverez JEAN-MARIE LE PEN lors des élections régionales l'année prochaine. Dernier chapitre de notre émission, Monsieur LE PEN : promesses ou réalité ? Nous sommes allés dans le Nord de la France, à Lens précisément, où s'est présentée votre fille, Marine, et puis son mari et d'autres candidats du Front national dans les différentes circonscriptions. Reportage Farida SETITI et Marie-Pierre CASSIGNARD.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors Monsieur LE PEN, on a entendu cette dame exprimer, et un autre monsieur d'ailleurs, exprimer leur désespoir...
JEAN-MARIE LE PEN
Très émouvant.
OLIVIER MAZEROLLE
Je voudrais simplement vous faire part d'un texte qui date de 1979, c'est ancien, ça fait 24 ans, mais que j'ai tiré d'un livre paru à cette époque, dont un des chapitres était consacré au Front national, et vous disiez : " En privilégiant, en favorisant par trop tous les faibles dans tous les domaines, on affaiblit le corps social en général, on fait exactement l'inverse de ce que font les éleveurs de chiens et de chevaux. " Que pourrait penser cette dame si elle lisait ce texte aujourd'hui ?
JEAN-MARIE LE PEN
Oui, quand vous sortez les citations de leur contexte, évidemment, on peut leur faire dire n'importe quoi, et c'était un sujet bien précis, et ça n'était strictement pas un sujet social, et par conséquent...
OLIVIER MAZEROLLE
" Corps social en général ", " on affaiblit le corps social en général ". Vous n'avez rien à dire, très bien. ALAIN DUHAMEL, le sondage ISPOS.
JEAN-MARIE LE PEN
Les bras m'en tombent...
ALAIN DUHAMEL
Monsieur LE PEN, parmi les mesures phares que le Front national propose, il y en a un certain nombre qu'on a testées auprès des Français, et ce qui en ressort c'est d'abord de la méfiance ou de l'absence de crédit. Alors par exemple, vous voulez supprimer l'impôt sur le revenu, il y a 71 % des gens qui considèrent que ça n'est pas possible tel quel. Alors...
JEAN-MARIE LE PEN
Oui, il y a déjà 50 % de ces gens-là qui ne payent pas l'impôt sur le revenu, déjà, alors évidemment, ça ne les intéresse pas beaucoup.
ALAIN DUHAMEL
Ma question, Monsieur LE PEN. Ma question, c'est : quand on voit la difficulté que Jacques CHIRAC, qui avait promis de baisser en cinq ans l'impôt sur le revenu de 30 %, éprouve à dépasser la baisse des 5 %...
JEAN-MARIE LE PEN
1 %, en réalité.
ALAIN DUHAMEL
Eprouve à dépasser la baisse des 5 % l'année dernière, comment est-ce que vous, vous arriveriez à le supprimer complètement ?
JEAN-MARIE LE PEN
Parce que si CHIRAC ne peut pas le faire, moi je ne peux pas le faire, pensez-vous ? Moi je crois...
ALAIN DUHAMEL
Je vous demande quel est le moyen que vous utiliseriez.
JEAN-MARIE LE PEN
Ecoutez, nous n'avons pas ici le temps d'exposer toute la politique économique et sociale que suivrait le Front national pour aboutir à cela. Mais en gros, si vous voulez, permettez-moi de dire...
ALAIN DUHAMEL
Non mais, vous pouvez nous donner un... voilà, voilà, voilà.
JEAN-MARIE LE PEN
Qu'avec un taux de prélèvements obligatoires qui est le plus élevé de toute l'Europe, en diminuant les impôts, nous aurions une capacité de redéveloppement de notre économie. Et nous avons estimé, nous, que l'impôt sur lequel il serait le plus efficace d'agir, c'est l'impôt sur le revenu, parce que c'est celui-là qui aurait un effet de levier. Ce n'est pas simplement pour que les revenus soient allégés, c'est pour que l'argent puisse s'investir. Or actuellement, tout le monde quitte la France à cause des taux fabuleux, des taux écrasants de la fiscalité française.
ALAIN DUHAMEL
Vous voudriez aussi, si j'ai bonne mémoire, si je me trompe vous me rectifierez sûrement, mais vous voudriez aussi supprimer l'impôt sur la fortune ?
JEAN-MARIE LE PEN
Et pourquoi pas ?
ALAIN DUHAMEL
Non, mais c'est une question, c'est une question.
JEAN-MARIE LE PEN
Et pourquoi pas, puisque je lis dans vos gazettes que cet impôt sur la fortune a fait sortir 1.200 milliards de francs de notre pays. Et on sait qu'il y a 300.000 Français à Londres, qu'il doit y en avoir 100.000 à Bruxelles, que les Français les plus performants, si on peut dire, en tous les cas les plus fortunés, s'en vont. Or la France a besoin de l'argent des Français. Elle n'a pas besoin seulement de l'entrée des immigrés, elle a besoin que ne sortent pas les Français qui y sont, car un clou chasse l'autre. Un proverbe économique a dit : la mauvaise monnaie chasse la bonne, on le sait.
ALAIN DUHAMEL
Alors il y a justement une autre des mesures phares que vous proposez, on en a parlé d'ailleurs plusieurs fois ce soir, qui est celle de la préférence nationale ; là aussi, il y a une majorité de Français qui ne croient pas que ce soit possible, 65 %. Mais la question est, la question est : vous savez très bien que tant que la France est dans l'Union européenne, votre préférence nationale ne peut pas être mise en place. Alors est-ce que, quand vous proposez la préférence nationale, vous proposez aussi qu'on sorte de l'Union européenne ?
JEAN-MARIE LE PEN
Tant que nous serons dans l'Union européenne, nous serons privés du pouvoir de réaliser les réformes essentielles nécessaires. Par conséquent, par une voie qui peut être diplomatique, qui peut être la rediscussion des traités, il faudra bien que la France retrouve sa capacité d'action, son indépendance, sa liberté d'agir, faute de quoi, ne serait-ce par exemple qu'avec la règle de 3 % de déficit budgétaire, elle sera paralysée puis punie par l'Europe.
ALAIN DUHAMEL
Est-ce que vous proposez qu'on en sorte, est-ce que vous proposez que par exemple on renonce à l'euro ? Après tout, vous étiez complètement contre. Alors est-ce que maintenant vous pensez qu'il faut se débarrasser de ce carcan, parce que les 3 % c'est directement lié à l'euro ?
JEAN-MARIE LE PEN
Absolument, absolument...
ALAIN DUHAMEL
Alors ?
JEAN-MARIE LE PEN
Et j'ai même dit à ce moment-là qu'avec l'euro le gouvernement français se condamnait à ne plus pouvoir agir sur le déficit budgétaire, et par conséquent, en cas de crise sociale, il n'y avait pour lui qu'une seule solution, c'était réduire les salaires.
ALAIN DUHAMEL
Alors on en sort ou on n'en sort pas ?
JEAN-MARIE LE PEN
Alors c'est la situation devant laquelle va se trouver Monsieur RAFFARIN, et je pense que cela doit lui causer un certain souci.
ALAIN DUHAMEL
On en sort ou on n'en sort pas, de l'euro ?
OLIVIER MAZEROLLE
On vous a demandé : on en sort ou on n'en sort pas, de l'euro ?
JEAN-MARIE LE PEN
Ecoutez, de l'euro, de l'Europe, je pense qu'il faut commencer par nous dégager, faute de quoi nous nous abandonnons à ce qui est aujourd'hui un protectorat américain, et nous vivons dans l'illusion que l'Europe va nous aider à nous sortir de nos difficultés, alors qu'elle contribue à nous y enfoncer. J'ajoute, et c'est facile à comprendre pour tout le monde, que l'élargissement de l'Europe à tous les pays, à beaucoup de pays qui n'ont pas le même niveau social que le nôtre, il est bien évident que le principe des vases communicants fera que ce qu'ils auront en plus, les Français l'auront en moins. Si les Français comprennent ça, nous serons majoritaires aux prochaines élections.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors d'autres aspects du programme du Front national avec Michaël DARMON, du service politique de FRANCE 2. Michael, allez-y.
MICHAËL DARMON
Bonsoir Monsieur LE PEN.
JEAN-MARIE LE PEN
Bonsoir.
MICHAËL DARMON
Alors vos électeurs attendent de vous également un projet de société. Abordons la question de l'avortement ; clairement, pensez-vous qu'il faut revenir sur la loi VEIL ?
JEAN-MARIE LE PEN
Clairement, pensez-vous que ce soit le sujet qui passionne actuellement la France ?
MICHAËL DARMON
Ça fait partie des sujets de société, on va en aborder d'autres...
JEAN-MARIE LE PEN
Non, mais sincèrement, est-ce que vous pensez que c'est aujourd'hui le sujet qui passionne la France ?
MICHAËL DARMON
Ça peut passionner en tous cas beaucoup de femmes, en France.
JEAN-MARIE LE PEN
Je n'en suis pas sûr. Il y a, je pense, beaucoup d'autres sujets qui intéressent les Français, que celui-là.
MICHAËL DARMON
Mais sur cette question...
JEAN-MARIE LE PEN
Ce que dit le Front national...
OLIVIER MAZEROLLE
Est-ce que par hasard ça vous embarrasserait de répondre ?
JEAN-MARIE LE PEN
Non, pourquoi...
OLIVIER MAZEROLLE
Non, non, je vous pose la question, parce que, comme dans le programme du Front national on dit qu'il faut supprimer la loi sur l'IVG, que Marine LE PEN dit : non, il ne faut pas y toucher...
JEAN-MARIE LE PEN
Vous savez que la loi sur l'IVG, qui d'ailleurs réservait l'avortement strictement à des cas extrêmement précis, n'a cessé d'être modifiée, et on peut dire adultérée, n'est-ce pas, pour aboutir somme toute, à travers les actions du planning familial, à ce que la loi continue de combattre, c'est-à-dire la propagande en faveur de l'avortement. Et bien évidemment, je suis contre l'avortement. Je souhaite qu'il y ait le plus de petits Français possible, mais personnellement, personnellement, je suis plus pour l'incitation que pour la répression, que je ne crois pas très efficace dans une Europe où il suffit de prendre sa voiture pour aller dans le pays d'à côté. Ce que je crois, c'est qu'il faut inciter les jeunes femmes françaises, les femmes françaises, à avoir des enfants, et pour cela il faut élaborer une politique familiale qui les assure que l'arrivée de l'enfant ne sera pas une charge supplémentaire, mais au contraire une chance supplémentaire, et que pour celles qui ne souhaitent pas garder leur enfant, elles le confient à la Nation, qui, elle, se chargera de les élever à leur place. Et voilà qui, me semble-t-il, réconciliera à la fois notre morale traditionnelle, notre morale chrétienne, que ne semblent pas toujours respecter d'ailleurs les églises du même métal, et la nécessité pour nous...
OLIVIER MAZEROLLE
Vous ne respectez pas non plus, Monsieur LE PEN toutes les valeurs chrétiennes.
JEAN-MARIE LE PEN
Pardon ?
OLIVIER MAZEROLLE
Vous ne les respectez pas constamment, non plus. Voilà, vous menez votre vie...
JEAN-MARIE LE PEN
Pourquoi, écoutez... par exemple, lesquelles ?
OLIVIER MAZEROLLE
Vous menez votre vie, Monsieur LE PEN.
JEAN-MARIE LE PEN
Par exemple, lesquelles, Monsieur ?
OLIVIER MAZEROLLE
Par exemple...
JEAN-MARIE LE PEN
Vous venez de dire quelque chose de très important, là. Vous venez de dire que moi je ne respecte pas les valeurs chrétiennes, alors dites-moi lesquelles.
OLIVIER MAZEROLLE
Pas toujours, dans votre vie quotidienne. Je ne sais pas, moi, vous avez divorcé, non ?
JEAN-MARIE LE PEN
Oui, et alors ?
OLIVIER MAZEROLLE
Les valeurs chrétiennes...
JEAN-MARIE LE PEN
Je n'ai pas été marié à l'église, Monsieur, sachez-le.
OLIVIER MAZEROLLE
Voilà, donc ça permet bien des choses, bravo !
JEAN-MARIE LE PEN
Je suis en quelque sorte, pour l'église, une espèce de jeune homme célibataire.
OLIVIER MAZEROLLE
Donc vous avez vécu en concubinage pendant des années, alors vous vous rendez compte, c'est encore pire !
JEAN-MARIE LE PEN
Ah bon ?
OLIVIER MAZEROLLE
Du point de vue des valeurs chrétiennes, j'entends bien.
JEAN-MARIE LE PEN
Vous croyez ça ? Vous croyez ça ?
MICHAËL DARMON
Pour revenir un peu sur ce dossier, quand même, on voudrait comprendre. D'un côté...
JEAN-MARIE LE PEN
C'est dérisoire.
MICHAËL DARMON
La nouvelle vice-présidente du Front national, Marine LE PEN, estime qu'il faut maintenir cette loi. De l'autre côté, Monsieur Bernard ANTHONY, membre du Front national, dans son association, vient d'inscrire une proposition de loi visant justement à interdire l'avortement. Alors vous, quel est votre arbitrage, au fond ?
JEAN-MARIE LE PEN
Mais je n'arbitre pas, cher Monsieur. Il y a un programme du Front national...
MICHAËL DARMON
Le président de votre mouvement.
JEAN-MARIE LE PEN
Moi je j'ai été candidat aux élections présidentielles, j'ai un programme, vous ne faites pas allusion à ce programme, vous faites allusion au programme du Front national. Le programme d'une grande formation politique est un compromis bien évidemment et il y a chez nous des gens qui sont pour la peine de mort, il y a des gens qui sont contre la peine de mort. Il y a une espèce de pacte national autour d'un certain nombre d'éléments de programme qui permettent de se substituer malheureusement au gouvernement navrant qui a conduit la France depuis des années. Et je ne vois pas en cela qu'il y ait difficulté particulière au Front national, mon dieu si il n'y avait qu'au Front national qu'il y avait des contradictions mais elles sont en chacun d'entre nous, monsieur DARMON, vous le savez bien.
MICHAEL DARMON
Monsieur LE PEN, sur le statut de la femme, je voudrais poser cette question. En 1984, vous déploriez la démagogie des politiques à l'égard des femmes, allant même jusqu'à dire, je vous cite, nous pensons que l'autorité qualifiant dans une famille est celle de l'homme, est-ce que vous partagez toujours cette idée ?
JEAN-MARIE LE PEN
Oui vous êtes obligé quand même pour venir un petit peu au devant de moi de remonter à 1984, depuis 1984 il a passé de l'eau sous les ponts voyez-vous, le Front national, la France, les problèmes français ont évolué, et par conséquent ne m'opposez pas des déclarations de 1928 au moment où je vagissais dans mes langes.
MICHAEL DARMON
Je vous demande simplement si vous partagez encore cette idée ou si vous avez...
JEAN-MARIE LE PEN
Je crois à l'autorité parentale de préférence à celle de l'homme, mais dans bien des cas à celle de la femme. J'ai été élevé par une veuve de guerre, n'est-ce pas et j'ai eu une femme, j'en ai même eu deux d'ailleurs et trois filles, c'est vous dire que je suis très admiratif de ce que sont les femmes, j'ai noté d'ailleurs que dans les grands événements tragiques de la guerre, il y avait beaucoup plus de journalistes femmes que de journalistes hommes, ce qui tente à prouver que dans la profession, on serait plutôt plus courageux quand on a une jupe que quand on a un pantalon.
MICHAEL DARMON
Justement alors quand vous parlez de votre fille Marine LE PEN, vous faites souvent la promotion du modèle d'une femme moderne qui travaille, donc de notre temps, est-ce que là vous ne craigniez pas, peut-être, de vous mettre en porte-à-faux avec une partie de votre électorat plutôt catholique traditionaliste qui ne partagerait pas totalement ces voeux ?
JEAN-MARIE LE PEN
Mais je ne me pose jamais ce genre de question.
MICHAEL DARMON
Je vous la pose.
JEAN-MARIE LE PEN
Je fais et je dis ce que je crois juste, en un moment donné je réponds aux questions que se posent les Français, j'essaie de les aider à sortir des difficultés dans lesquelles ils sont plongés et je ne fais pas de théories, je ne fais pas d'idéologie, et je me réfère à un certain nombre de grands principes d'action, en m'efforçant de m'y conformer et quelquefois je succombe aux tentations, hélas...
OLIVIER MAZEROLLE
Comme nous tous.
JEAN-MARIE LE PEN
Mea culpa, mea maxima culpa.
MICHAEL DARMON
Au fond quand même sur le Pacs, l'avortement, l'Islam, le rôle de la femme, on sent quand même parfois une tension au sein de votre parti sur ces sujets, est-ce que c'est ce que vous appelez le travail de désenclavement du Font national ?
JEAN-MARIE LE PEN
Ecoutez, il y a au Front national des opinions qui sont divergentes sur un certain nombre de sujets.
MICHAEL DARMON
Parce qu'on sent qu'il y a deux discours parfois.
JEAN-MARIE LE PEN
L'essentiel c'est que le mouvement marche d'un seul élan, tiré par les mêmes grands principes et par la volonté de résoudre un certain nombre de problèmes concrets qui se trouvent posés à notre peuple.
MICHAEL DARMON
On sent qu'il y a quand même, parfois, des principes antigonistes qui sont présentés sur ces questions là, par exemple les sociétés, certaines personnes dans votre parti ne pensent pas de la même manière.
JEAN-MARIE LE PEN
Non moi je crois, écoutez, beaucoup de ces problèmes de société sont des problèmes de conscience individuelle, des problèmes de conscience personnelle dans lesquels je m'interdis d'intervenir parce que Dieu sonde les reins et les coeurs et tel qui fait aujourd'hui la morale serait bien mari, craint en quelque sorte qu'on montre ce qui est la réalité de sa vie. Donc dans ce côté-là, ayons une certaine indulgence sans aller jusqu'à la tolérance de notre ami STROSI, allons au moins jusqu'à l'indulgence que nous devons avoir les uns pour les autres.
OLIVIER MAZEROLLE
Voilà eh bien soyons indulgents, alors nous allons voir si c'est le cas avec votre dernier interlocuteur de la soirée, Manuel VALLS, le député maire socialiste d'Evry. Bonsoir monsieur VALLS, vous êtes en direct avec monsieur LE PEN.
MANUEL VALLS
Oui moi j'ai été marqué profondément par le résultat de l'élection présidentielle le premier tour, le 21 avril. Mais j'ai la conviction qu'il n'y a pas de fatalité à la progression et à la présence de l'extrême droite au deuxième tour de l'élection présidentielle et parce que je crois aussi que la droite va échouer sur l'essentiel, c'est-à-dire sur la baisse du chômage et sur la réduction des inégalités. Il me semble que la gauche a une responsabilité essentielle et cette responsabilité, c'est évidemment de combattre le Front national comme je le fais ce soir mais surtout sur le terrain et de redonner de l'espoir, de donner une perspective à ces hommes, à ces femmes qui souffrent et qui ne croient plus en rien. Donc il nous faut reconquérir et c'est pour moi l'essentiel, le terrain perdu ; au fond le problème essentiel, l'enjeu pour nous ce n'est pas l'avenir de JEAN-MARIE LE PEN, c'est notre capacité à répondre à ceux qui souffrent. Maire d'Evry, député d'une circonscription populaire, et ceux qui souffrent dans cette circonscription m'ont aussi élu député. J'ai fait de la sécurité une priorité parce que je crois à une France sûre, nous devons combattre la violence, le crime, la délinquance, qui touchent évidemment les plus modestes et les plus faibles. Et nous avons besoin d'un Etat républicain, sans complaisance qui assure évidemment l'ordre public. Mais nous avons aussi d'abord besoin d'une France juste et généreuse et j'ai été surpris par la définition très courte que JEAN-MARIE LE PEN a donné de la France au début de cette émission, une France qui, au fond, donne envie, soit fière d'elle-même, qui réconcilie les Français avec eux-mêmes, et au fond, monsieur LE PEN, vous la divisez cette France, vous dressez les Français les uns contre les autres. Une France qui restaure aussi la promotion sociale par la formation, par l'augmentation des salaires par des retraites de haut niveau, or quand on lit votre programme, votre programme monsieur LE PEN, c'est un programme anti-social, il ne concerne pas les petits, il ne concerne pas les ouvriers, il concerne les plus riches. Une France qui redonne les moyens à l'école publique, à l'école de la République, à l'école laïque, cette école que vous n'aimez pas, que vous méprisez, que vous voulez détruire d'ailleurs quand on lit aussi votre programme, vous voulez détruire les services publics qui sont la cohésion sociale. Et puis une France de citoyens, une France de citoyens qui assume sa diversité et qui fasse toute sa place aux enfants, pour la plupart Français, nés de l'immigration, et vous faites en permanence cette confusion mentale entre l'immigration, entre les Français d'origine étrangère dont vous faites en permanence, et c'est une tradition évidemment de l'extrême droite, les boucs émissaires. Au fond, si nous parlions de la France, ma France évidemment ce n'est pas la vôtre, elle est petite, entourée de barbelés rabougris tristes et sans espoir et si je prends, monsieur LE PEN, une image, c'est une France en noir et blanc. Ma France, moi je la veux juste, je la veux généreuse, je la veux moderne, je la veux aussi en couleurs, c'est une autre France et moi ce que j'ai envie de vous dire, c'est que nous allons vous combattre et que la gauche est de retour sur le terrain pour redonner de l'espérance et c'est uniquement en redonnant de l'espérance, en offrant une perspective aux plus modestes, en retrouvant le message de la gauche, de la gauche populaire que, monsieur LE PEN, nous vous ferons reculer et nous vous battrons.
JEAN-MARIE LE PEN
Monsieur VALLS, moi je pensais que la République exigeait que l'opposition se détermine par rapport au gouvernement, au pouvoir. Je constate donc que vous anticipez la victoire du Front national puisque vous annoncez que le parti socialiste va se battre prioritairement contre le Front national et non pas contre le gouvernement de la droite. Il est vrai que vous avez des complicités puisque vous avez aidé beaucoup Jacques CHIRAC à obtenir 82 % des voix. Vous fûtes, naguère, le porte-parole de Lionel JOSPIN et du parti socialiste. Vous avez gardé cette habitude de tourner la manivelle du moulin à prières pour nous dire tout ce que vous serez disposé à faire dans les années qui viennent pour le bonheur des Françaises et des Français mais vous avez été au pouvoir pendant cinq ans et vous avez été jugé. Je vous accorde que votre candidat, qui est loin d'être méprisable à mes yeux, a été assassiné par ses propres amis, par sa majorité plurielle, on lui a présenté la facture de la majorité plurielle au premier tour et c'est ça qui l'a fait battre, et je l'ai beaucoup regretté, car j'aurais de loin préféré affronter les solutions proposées par la gauche, fut-elle marxiste, la gauche de JOSPIN au deuxième tour que de laisser CHIRAC, en effet, faire cavalier seul avec l'ensemble de l'établissement français, le patronat, les syndicats, l'église et tout le reste n'est-ce pas, contre LE PEN, le pelé, le galeux d'où venait tout le mal. Dieu merci quand LE PEN serait abattu, abattu avec 18 % quand même, il y a beaucoup de gens qui voudraient les faire sur leur nom seul et qui ne le font qu'avec beaucoup d'autres de leurs amis. Eh bien l'affaire serait réglée, moi je vous dis ça ne fait que commencer. Et vous avez raison monsieur VALLS d'anticiper, vous faites de bonnes choses à Evry, on le sait, vous êtes plutôt sur une bonne pente, qui sait vous allez peut-être connaître la même évolution que monsieur GALLO qui n'a pas peu contribué quand même avec son ami CHEVENEMENT à votre douleur du premier tour. Il a commencé par être communiste, après il a été socialiste, après il a été socialiste national avec CHEVENEMENT.
OLIVIER MAZEROLLE
Il était là vous pouviez lui dire ça tout à l'heure, il n'est plus là allez...
JEAN-MARIE LE PEN
Comment non, mais ce n'est pas insultant ça ? je dis que monsieur VALLS va suivre, il est encore très jeune monsieur VALLS et il va suivre l'évolution naturelle qui va le conduire par bon sens aux solutions nationales tôt ou tard.
MANUEL VALLS
Monsieur LE PEN, moi je réussis quelque chose à Evry, c'est de faire reculer à chaque élection le Front national.
JEAN-MARIE LE PEN
Il n'y a pas longtemps.
MANUEL VALLS
Et puis vous êtes au fond..., et puis vous vous êtes un moulin à paroles, vous vous nourrissez au fond des angoisses et des peurs de la société française, vous nourrissez aussi les échecs de ceux qui gouvernent et donc il nous appartient à nous parce que c'est dans le coeur de notre projet, de reconquérir cet électorat populaire qui ne sait pas très bien où il va et qui pousse un cri d'angoisse au fond en s'abstenant ou en votant pour vous. C'est notre message, c'est évidemment notre vocation que de réussir à rassembler de nouveau ces hommes et ces femmes, c'est quand la gauche a été au pouvoir qu'il y a eu des grandes réformes sociales. Toutes ces grandes réformes sociales, non seulement elles sont mises à mal par le gouvernement actuel et évidemment nous le combattons, mais toutes ces réformes sociales vous voulez toutes les détruire. Et au fond quand on regarde là encore votre programme, vous voulez détruire la retraite, allonger la durée du travail, faire travailler plus les gens, vous voulez supprimer l'impôt sur la grande fortune, mais ça doit être une réforme un peu personnelle.
JEAN-MARIE LE PEN
Vous avez escroqué les Français avec la retraite à 60 ans et avec les 35 heures, vous leurs avez vendu du vent et un vent empoisonné.
MANUEL VALLS
... et c'est nous qui pouvons leur adresser un message d'espoir, c'est nous...
JEAN-MARIE LE PEN
Vous avez escroqué les Français en leur faisant croire à la possibilité de la retraite à 60 ans alors que tout le monde savait que d'ores et déjà, le drame démographique, l'allongement de la vie, la réduction de nos capacités industrielles commerciales et agricoles nous acculaient à la faillite du système de répartition. Vous ne l'avez pas, vous l'avez caché aux Français non seulement ça mais vous avez ajouté à cela les 35 heures, qui étaient un cadeau fait aux cadres, au détriment des gens qui gagnaient mal leur vie et vous vous dites socialiste. Je peux vous dire, continuez dans cette voie là et vous pouvez être tranquille que la prochaine fois, vous ne serez pas au second tour non plus.
MANUEL VALLS
Monsieur LE PEN, ces ouvriers qu'on a vu dans les reportages, depuis le 21 avril et qui ont peut-être voté pour vous, qu'est-ce qu'ils demandaient, c'était de partir à la retraite à 60 ans, c'est que la pénibilité du travail puisse enfin leur permettre ensuite de vivre une retraite heureuse. Moi j'ai été aux côtés des salariés de DANONE, et de LU, il y en a dans le Pas de Calais, il y en a aussi à Evry, et ce qu'ils voulaient c'est que l'on applique les conquêtes sociales, non pas qu'on les détruise, et ce qu'il faut dire à tous ceux qui ont pu voter pour vous qui sont les miséreux de cette société, qui souffrent, qui ont des petits salaires, c'est qu'avec vous, jamais ils ne retrouveront la voie de l'espérance et c'est tout une nouvelle fois, le message de la gauche que de leur redonner un espoir et c'est la raison pour laquelle monsieur LE PEN, c'est la plus mauvaise nouvelle pour vous, la gauche est de retour pour vous combattre partout sur le terrain, dans les quartiers, dans les cages d'escaliers, et pour vous dire que votre message, votre projet c'est un mensonge.
JEAN-MARIE LE PEN
La vérité c'est qu'il manque dans les caisses sociales les 300 milliards par an que coûte l'immigration à la France depuis déjà 20 ans. Et c'est l'argent des Français, c'est l'argent des Français que, par démagogie, vous distribuez à des gens qui, la plupart du temps, entrent chez nous uniquement pour essayer de profiter des avantages sociaux de notre pays, je les comprends, mais moi par priorité monsieur, je défends les Français comme le faisait Léon BLUM il y a 50 ans maintenant, un peu plus de 50 ans même, en 1932, en établissant la loi de préférence nationale, la réserve faite aux travailleurs français...
MANUEL VALLS
Vous déformez l'histoire...
JEAN-MARIE LE PEN
Oui parfaitement aux travailleurs français du travail en France.
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur VALLS, dernière intervention.
MANUEL VALLS
Vous savez moi j'ai la fierté d'être dans une ville où il y a une université...
JEAN-MARIE LE PEN
Il n'y a pas longtemps que vous y êtes monsieur VALLS, vous étiez dans un autre département il y a quelques années à peine.
MANUEL VALLS
Vous savez monsieur LE PEN, vous étiez à Strasbourg, vous n'y êtes plus, vous êtes dans un beau château à Saint-Cloud et vous êtes candidat à Nice, donc vous êtes le pigeon voyageur électoral et vous ne réussissez jamais à gagner. Ce n'est pas là le problème, je suis fier d'être dans une ville où il y a la diversité et l'université d'Evry qui accueille 10 000 étudiants, et c'est là où on retrouve le mélange de toute cette jeunesse, pas des couches les plus riches de notre société, celles à qui, au fond, vous vous adressez, mais celles de ceux qui vivent dans nos quartiers, qu'ils soient Français, qu'ils soient fils d'immigrés mais qui représentent les élites de demain et qui aujourd'hui, grâce à l'université, effectivement, sur une ville populaire, peuvent apprendre et peuvent demain, au fond, être les cadres et les élites de ce pays. On a, au fond, évidemment, une vision totalement différente de la société, vous elle est tournée vers le passé, nous elle est tournée vers l'avenir.
JEAN-MARIE LE PEN
C'est ce que l'avenir dira ça monsieur VALLS.
OLIVIER MAZEROLLE
Bien merci monsieur VALLS. Monsieur LE PEN nous arrivons à la fin de l'émission, la dernière question, car il y en a toujours une, il paraît que vous avez annoncé que vous abandonneriez la présidence du Front national en 2006.
JEAN-MARIE LE PEN
Je n'ai pas du tout dit cela, j'ai dit que c'était dans le cadre des possibilités stratégiques de l'élection présidentielle de 2007. J'ai invité à se poser la question de savoir si il serait plus efficace d'être candidat, sans être président du mouvement, ou d'être président du mouvement et candidat comme je l'ai toujours été pourvu que Dieu nous prête vie car évidemment les uns et les autres, nous sommes dans cette situation là.
OLIVIER MAZEROLLE
Donc ce n'est pas la retraite à 78 ans alors ?
JEAN-MARIE LE PEN
Non mais vous savez, moi, je ne suis pas fonctionnaire, par conséquent je n'ai pas l'esprit de la retraite. Je pense que la France, la société française a raté sa révolution séniorale, c'est qu'on n'a pas compris que la vieillesse était repoussée à 80 ans maintenant et qu'on a laissé un espace de vie qu'on n'a pas voulu considérer comme étant une possibilité de travail, d'amélioration de sa vie, pourquoi ? Parce que la haine du travail est enseignée dans les écoles et je voudrais dire à VALLS que l'école laïque, je n'ai mis mes filles qu'à l'école laïque, par conséquent il est très mal renseigné.
OLIVIER MAZEROLLE
Merci monsieur LE PEN, fin de ces 100 minutes que nous avons passé avec vous. §
(source http://www.frontnational.com, le 9 mai 2003)