Texte intégral
P. Ganz La CGT tient son 47ème congrès à Montpellier, sur fond de guerre en Irak. Quel impact ce conflit a-t-il sur les travaux de votre confédération ?
- "Cela a forcément été une dimension présente dans nos discussions, notamment lors de la conférence internationale qui ouvrait nos travaux dimanche. Nous avons 150 invités syndicaux des différents continents, et ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a une unanimité syndicale à travers le monde. Nous l'avons vérifié à l'occasion de notre échange pour condamner la guerre déclenchée en Irak de manière unilatérale, sur la base des arguments qui ont été avancés et qui ne convainquent personne. En même temps, [il y a] une grande inquiétude parmi les syndicalistes sur ce que cette guerre peut avoir d'impact quant aux tensions, aux oppositions qu'elle pourrait générer entre populations de cultures, de confessions, de religions... Il y a là des choses très préoccupantes. C'est la raison pour laquelle, dans la journée, nous allons adopter un texte qui nous fait dire, pour ce qui nous concerne, que cette guerre doit cesser."
Au-delà de la condamnation de la guerre, est-ce que pour vous, syndicaliste, le maintien du régime de S. Hussein est possible ?
- "Bien évidemment non, et la plupart de nos amis qui étaient présents l'ont confirmé. Tous ceux - et vous voyez bien les dizaines de millions de personnes à travers le monde - qui ont exprimé leur désaccord et leurs craintes, leurs inquiétudes, ne sont pas pour autant, loin s'en faut, un soutien au régime dictatorial de S. Hussein. Je rappellerai que les syndicalistes, comme en beaucoup d'occasions, en pareille situation, ont été parmi les premières victimes de ce régime. Autre chose est de prétendre, comme c'est défendu par l'administration Bush, modifier une situation, pas simplement en Irak, mais dans l'ensemble de cette région, sous cette forme. Et Là, nous rejoignons de ce point de vue les positions, qui, à plusieurs reprises, ont été exprimées par la diplomatie française mais aussi d'autres gouvernements, quant à leur vision du monde et du règlement du conflit, et des tensions qui ne pouvaient pas se faire de manière unilatérale. Il faut que les Etats-Unis admettent que la résorption d'un certain nombre de crises ou le progrès de la démocratie sur plusieurs continents ne pourra pas passer par le recours aux armes, avec le prix à payer, notamment pour les populations."
Il y a de nombreuses manifestations, régulièrement en France, avec des lycéens, dans un certain nombres de villes de France, hier encore. Une autre manifestation plus nationale est prévue samedi. La CGT est présente dans ces cortèges anti-guerre ; qu'est-ce que vous pensez des incidents qui ont eu lieu samedi dernier en marge du cortège ? Est-ce que vous craignez que les tensions augmentent dans ces défilés ?
- "J'espère bien que dans notre pays, nous n'aurons pas de répercussions violentes de cette situation. Mais la manière dont l'administration Bush a décidé contre les opinions publiques, est justement à l'origine de tensions de ce type. Il faut les combattre résolument."
Mais quand dans un cortège, à Paris, des jeunes, vraisemblablement d'origine maghrébine, s'en prennent à des jeunes juifs - il n'y a pas de lien direct avec la décision de Bush - que fait la CGT, co-organisatrice de la manif ?
- "Nous étions moins présent à celle-ci, puisque nous étions déjà en réunion de congrès et donc, l'ensemble de notre présence militante n'était pas assuré. J'ai réaffirmé dans le rapport d'introduction à notre congrès combien nous étions engagés contre toute attitude raciste, xénophobe, cherchant à entretenir les clivages, les divisions ou les oppositions, entre cultures différentes. La première organisation syndicale de notre pays a le devoir de faire admettre le respect des différences. Tout comme nous sommes engagés, par exemple, contre la philosophie défendue au plan politique par l'extrême droite, nous sommes aussi opposés à toute attitude de violence qui aurait pour vocation d'exacerber les différences entre les différentes communautés présentes sur notre territoire."
Pour la CGT, quel impact le conflit va-t-il avoir sur l'économie française et sur la situation sociale ?
- "Il est évident - cela faisait partie des craintes exprimées par beaucoup de syndicalistes à notre conférence -, que pour nous, les répercussions économiques et sociales font partie des préoccupations du moment. Il n'est pas secret de reconnaître qu'en période de tensions ou de conflit, en règle général, les questions sociales ont tendances à être sacrifiées."
Y a-t-il un dossier qui vous inquiète particulièrement dans les jours ou semaines qui viennent ?
- "Je crois que c'est déjà plus ou moins présent dans les propos gouvernementaux - et pas simplement en France, quitte à regarder plus en détail ce qui est justifié et ce qui ne l'est pas, quant à ce qui repose sur le contexte international. Ce n'est pas en période de tensions que l'on peut promouvoir le progrès social. C'est aussi une des raisons qui nous font dire que la guerre ne peut pas être un moyen utilisé de manière systématique et dans n'importe quelles conditions, vu les conséquences économiques et sociales qu'elle génère pour une économie de plus en plus internationalisée."
J. Chirac espérait hier une croissance soutenue dès que la situation internationale sera stabilisée ; pensez-vous également que la croissance et la consommation qui lui est liée peuvent reprendre dès que la guerre sera terminée ?
- "En tout cas, je ne vois pas d'action concrète, aussi bien des pouvoirs publics français que d'actions coordonnées au plan européen qui laisse entendre aujourd'hui que l'on peut attendre comme par miracle l'arrivée d'une croissance. Elle dépend aussi des actions économiques, financières décidées par les Etats. De ce point de vue, nous ne cachons pas de grandes critiques quant aux choix gouvernementaux actuels, en matière de fiscalité, d'investissements, la situation de l'emploi. Le chômage est omniprésent dans nos débats et vous comprenez bien pourquoi. Nous nous heurtons quotidiennement à l'annonce de plans de suppressions d'emplois, de restructurations sans qu'il y ait d'action concrète, sans que l'on s'intéresse aux véritables responsabilités, en particulier sur ce qui se passe à l'intérieur des grands groupes à l'échelle européenne. Donc, de ce point de vue, tout appel à une croissance plus importante à l'avenir me semble plus relever de l'incantation que du pronostic justifié par une action politique appropriée."
Le Gouvernement travaille sur la réforme des retraites ; est-ce que la CGT maintient le mot d'ordre d'une retraite après 37,5 années de cotisation en France, pour les salariés du public, comme du privé ? Certains de vos opposants ont noté que vous ne l'aviez pas évoquée à la tribune du congrès.
- "Nous n'avons pas fait de cette revendication notre revendication phare. Nous allons avoir un débat cet après-midi sur notre position concernant les retraites, notamment pour assurer notre grande mobilisation pour le prochain rendez-vous qui est le 3 avril, puisque, comme vous le savez, avec d'autres organisations syndicales, nous pensons qu'il y a de grands risques à s'en tenir à la philosophie qui se dessine au fil des propos gouvernementaux. Nous avons donc besoin d'une mobilisation importante dans le secteur privé et public dans la mesure où nos attentes sont rejetées les unes après les autres au gré des discussions que nous avons avec le ministère du Travail."
Cela veut dire que dans la négociation, vous pourriez accepter que la durée de cotisation ne soit pas la même pour tous ?
- "Nous avons dit qu'il fallait reconsidérer le mécanisme d'acquisition des droits à la retraite pour maintenir un droit au départ à la retraite à 60 ans, ce qui n'est plus garanti dans les propos gouvernementaux. Nous considérons que la mécanique d'acquisition des droits ne peut pas reposer sur le nombre d'annuités tel qu'il est calculé aujourd'hui. On commence à travailler de plus en plus tard, même si nous maintenions cette règle des 37,5 années, cela ne garantit pas la retraite à 60 ans, lorsque de plus en plus de jeunes commencent à travailler à 24 ou 25 ans. D'où notre proposition de discuter, par exemple, d'une reconnaissance et d'une prise en compte des années d'études. Il est juste et important pour le développement, que les jeunes accèdent à des formations initiales de plus en plus longues, cela participe à l'élévation générale du degré de connaissance ; il faut le reconnaître aussi pour l'acquisition des droits à la retraite."
Le contexte international va-t-il permettre une vraie mobilisation ou est-ce que les salariés vont être occupés par ailleurs ?
- "Je pense que les salariés sont à la fois sensibles à la situation internationale et dans le même temps, confrontés quotidiennement, directement à des décisions immédiates s'agissant de leur pouvoir d'achat ou de leur emploi, ou de l'avenir des retraites. Vous comprenez bien que si le Gouvernement maintient son programme de débats à l'Assemblée nationale - dont il dit d'ailleurs que la loi pourrait être adoptée en juillet ; je vous avouerais que c'est un choix de calendrier quelque peu suspect...-, il nous reviendra aussi d'être présents et mobilisés quel que soit le contexte international. Si le Gouvernement doit prendre des décisions, nous souhaitons qu'il écoute aussi avant de conclure et d'arbitrer sur les choix qu'il retiendra."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 26 mars 2003)
- "Cela a forcément été une dimension présente dans nos discussions, notamment lors de la conférence internationale qui ouvrait nos travaux dimanche. Nous avons 150 invités syndicaux des différents continents, et ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a une unanimité syndicale à travers le monde. Nous l'avons vérifié à l'occasion de notre échange pour condamner la guerre déclenchée en Irak de manière unilatérale, sur la base des arguments qui ont été avancés et qui ne convainquent personne. En même temps, [il y a] une grande inquiétude parmi les syndicalistes sur ce que cette guerre peut avoir d'impact quant aux tensions, aux oppositions qu'elle pourrait générer entre populations de cultures, de confessions, de religions... Il y a là des choses très préoccupantes. C'est la raison pour laquelle, dans la journée, nous allons adopter un texte qui nous fait dire, pour ce qui nous concerne, que cette guerre doit cesser."
Au-delà de la condamnation de la guerre, est-ce que pour vous, syndicaliste, le maintien du régime de S. Hussein est possible ?
- "Bien évidemment non, et la plupart de nos amis qui étaient présents l'ont confirmé. Tous ceux - et vous voyez bien les dizaines de millions de personnes à travers le monde - qui ont exprimé leur désaccord et leurs craintes, leurs inquiétudes, ne sont pas pour autant, loin s'en faut, un soutien au régime dictatorial de S. Hussein. Je rappellerai que les syndicalistes, comme en beaucoup d'occasions, en pareille situation, ont été parmi les premières victimes de ce régime. Autre chose est de prétendre, comme c'est défendu par l'administration Bush, modifier une situation, pas simplement en Irak, mais dans l'ensemble de cette région, sous cette forme. Et Là, nous rejoignons de ce point de vue les positions, qui, à plusieurs reprises, ont été exprimées par la diplomatie française mais aussi d'autres gouvernements, quant à leur vision du monde et du règlement du conflit, et des tensions qui ne pouvaient pas se faire de manière unilatérale. Il faut que les Etats-Unis admettent que la résorption d'un certain nombre de crises ou le progrès de la démocratie sur plusieurs continents ne pourra pas passer par le recours aux armes, avec le prix à payer, notamment pour les populations."
Il y a de nombreuses manifestations, régulièrement en France, avec des lycéens, dans un certain nombres de villes de France, hier encore. Une autre manifestation plus nationale est prévue samedi. La CGT est présente dans ces cortèges anti-guerre ; qu'est-ce que vous pensez des incidents qui ont eu lieu samedi dernier en marge du cortège ? Est-ce que vous craignez que les tensions augmentent dans ces défilés ?
- "J'espère bien que dans notre pays, nous n'aurons pas de répercussions violentes de cette situation. Mais la manière dont l'administration Bush a décidé contre les opinions publiques, est justement à l'origine de tensions de ce type. Il faut les combattre résolument."
Mais quand dans un cortège, à Paris, des jeunes, vraisemblablement d'origine maghrébine, s'en prennent à des jeunes juifs - il n'y a pas de lien direct avec la décision de Bush - que fait la CGT, co-organisatrice de la manif ?
- "Nous étions moins présent à celle-ci, puisque nous étions déjà en réunion de congrès et donc, l'ensemble de notre présence militante n'était pas assuré. J'ai réaffirmé dans le rapport d'introduction à notre congrès combien nous étions engagés contre toute attitude raciste, xénophobe, cherchant à entretenir les clivages, les divisions ou les oppositions, entre cultures différentes. La première organisation syndicale de notre pays a le devoir de faire admettre le respect des différences. Tout comme nous sommes engagés, par exemple, contre la philosophie défendue au plan politique par l'extrême droite, nous sommes aussi opposés à toute attitude de violence qui aurait pour vocation d'exacerber les différences entre les différentes communautés présentes sur notre territoire."
Pour la CGT, quel impact le conflit va-t-il avoir sur l'économie française et sur la situation sociale ?
- "Il est évident - cela faisait partie des craintes exprimées par beaucoup de syndicalistes à notre conférence -, que pour nous, les répercussions économiques et sociales font partie des préoccupations du moment. Il n'est pas secret de reconnaître qu'en période de tensions ou de conflit, en règle général, les questions sociales ont tendances à être sacrifiées."
Y a-t-il un dossier qui vous inquiète particulièrement dans les jours ou semaines qui viennent ?
- "Je crois que c'est déjà plus ou moins présent dans les propos gouvernementaux - et pas simplement en France, quitte à regarder plus en détail ce qui est justifié et ce qui ne l'est pas, quant à ce qui repose sur le contexte international. Ce n'est pas en période de tensions que l'on peut promouvoir le progrès social. C'est aussi une des raisons qui nous font dire que la guerre ne peut pas être un moyen utilisé de manière systématique et dans n'importe quelles conditions, vu les conséquences économiques et sociales qu'elle génère pour une économie de plus en plus internationalisée."
J. Chirac espérait hier une croissance soutenue dès que la situation internationale sera stabilisée ; pensez-vous également que la croissance et la consommation qui lui est liée peuvent reprendre dès que la guerre sera terminée ?
- "En tout cas, je ne vois pas d'action concrète, aussi bien des pouvoirs publics français que d'actions coordonnées au plan européen qui laisse entendre aujourd'hui que l'on peut attendre comme par miracle l'arrivée d'une croissance. Elle dépend aussi des actions économiques, financières décidées par les Etats. De ce point de vue, nous ne cachons pas de grandes critiques quant aux choix gouvernementaux actuels, en matière de fiscalité, d'investissements, la situation de l'emploi. Le chômage est omniprésent dans nos débats et vous comprenez bien pourquoi. Nous nous heurtons quotidiennement à l'annonce de plans de suppressions d'emplois, de restructurations sans qu'il y ait d'action concrète, sans que l'on s'intéresse aux véritables responsabilités, en particulier sur ce qui se passe à l'intérieur des grands groupes à l'échelle européenne. Donc, de ce point de vue, tout appel à une croissance plus importante à l'avenir me semble plus relever de l'incantation que du pronostic justifié par une action politique appropriée."
Le Gouvernement travaille sur la réforme des retraites ; est-ce que la CGT maintient le mot d'ordre d'une retraite après 37,5 années de cotisation en France, pour les salariés du public, comme du privé ? Certains de vos opposants ont noté que vous ne l'aviez pas évoquée à la tribune du congrès.
- "Nous n'avons pas fait de cette revendication notre revendication phare. Nous allons avoir un débat cet après-midi sur notre position concernant les retraites, notamment pour assurer notre grande mobilisation pour le prochain rendez-vous qui est le 3 avril, puisque, comme vous le savez, avec d'autres organisations syndicales, nous pensons qu'il y a de grands risques à s'en tenir à la philosophie qui se dessine au fil des propos gouvernementaux. Nous avons donc besoin d'une mobilisation importante dans le secteur privé et public dans la mesure où nos attentes sont rejetées les unes après les autres au gré des discussions que nous avons avec le ministère du Travail."
Cela veut dire que dans la négociation, vous pourriez accepter que la durée de cotisation ne soit pas la même pour tous ?
- "Nous avons dit qu'il fallait reconsidérer le mécanisme d'acquisition des droits à la retraite pour maintenir un droit au départ à la retraite à 60 ans, ce qui n'est plus garanti dans les propos gouvernementaux. Nous considérons que la mécanique d'acquisition des droits ne peut pas reposer sur le nombre d'annuités tel qu'il est calculé aujourd'hui. On commence à travailler de plus en plus tard, même si nous maintenions cette règle des 37,5 années, cela ne garantit pas la retraite à 60 ans, lorsque de plus en plus de jeunes commencent à travailler à 24 ou 25 ans. D'où notre proposition de discuter, par exemple, d'une reconnaissance et d'une prise en compte des années d'études. Il est juste et important pour le développement, que les jeunes accèdent à des formations initiales de plus en plus longues, cela participe à l'élévation générale du degré de connaissance ; il faut le reconnaître aussi pour l'acquisition des droits à la retraite."
Le contexte international va-t-il permettre une vraie mobilisation ou est-ce que les salariés vont être occupés par ailleurs ?
- "Je pense que les salariés sont à la fois sensibles à la situation internationale et dans le même temps, confrontés quotidiennement, directement à des décisions immédiates s'agissant de leur pouvoir d'achat ou de leur emploi, ou de l'avenir des retraites. Vous comprenez bien que si le Gouvernement maintient son programme de débats à l'Assemblée nationale - dont il dit d'ailleurs que la loi pourrait être adoptée en juillet ; je vous avouerais que c'est un choix de calendrier quelque peu suspect...-, il nous reviendra aussi d'être présents et mobilisés quel que soit le contexte international. Si le Gouvernement doit prendre des décisions, nous souhaitons qu'il écoute aussi avant de conclure et d'arbitrer sur les choix qu'il retiendra."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 26 mars 2003)