Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les Députés,
Le gouvernement a tenu, dans un ordre du jour pourtant particulièrement dense, à soumettre à votre Assemblée le présent projet de loi relatif aux établissements d'hospitalisation et à l'équipement sanitaire.
Le Premier Ministre a d'ailleurs clairement confirmé cette volonté à l'occasion de son déplacement aux Hospices Civils de Lyon le 7 mars dernier.
Cette volonté correspond à une double préoccupation :
- donner à nos établissements d'hospitalisation la stabilité dont ils ont besoin pour exercer leurs missions,
- créer ainsi le terrain qui permettra à ces établissements d'aborder dans de bonnes conditions les mutations inévitables qui transformeront en profondeur l'hôpital dans les prochaines années.
La situation actuelle des établissements hospitaliers est en effet tout à fait particulière et justifie l'urgence du présent projet de loi.
Le 3 janvier 1984, a été promulguée une loi relative à l'organisation des hôpitaux. Cette loi, qui entendait constituer une refonte globale de l'organisation des hôpitaux, souffre d'un défaut essentiel et rédhibitoire : elle est inappliquée parce qu'elle s'est révélée inapplicable.
Il est essentiel en effet de bien comprendre, avant d'aborder le présent projet de loi, la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui.
Les établissements vivent actuellement et depuis plus de trois ans dans une sorte de "no man's land" juridique et organisationnel, qui n'offre guère de précédents dans toute l'histoire administrative.
Des malades sont hospitalisés dans des services, dont la liste est d'ailleurs toujours affichée dans le hall des hôpitaux, alors que les services ont théoriquement disparu depuis le 3 janvier 1984.
Des médecins "exercent les fonctions de chefs de service", alors que ce titre n'a plus d'existence juridique.
Des départements se sont créés et continuent de se créer, selon des modalités et dans des conditions qui ne sont pas celles prévues par la loi du 3 janvier 1984.
On pourrait ainsi multiplier les exemples qui, tous, illustrent le vide juridique sans équivalent dans lequel se trouvent aujourd'hui nos établissements hospitaliers.
Je précise immédiatement que l'absence d'application de la loi du 3 janvier 1984 n'est pas la conséquence du changement de majorité intervenu le 16 mars 1986.
Le gouvernement précédent a eu en effet plus de deux ans pour entreprendre d'appliquer cette réforme. Il a lui-même choisi, non sans une certaine sagesse, de suspendre l'application d'un texte inapplicable, mais n'a pas osé tirer les conséquences de cet échec, plongeant ainsi les établissements dans la situation de vide juridique et organisationnel que je décrivais tout à l'heure.
Or il n'est pas envisageable de laisser sans risques dans une telle confusion des établissements dont dépend la santé de chacun d'entre nous et dont les dépenses atteignent aujourd'hui près de 150 milliards de francs.
S'il est nécessaire, pour comprendre le présent projet de loi, de bien mesurer la situation actuelle de nos hôpitaux, il convient également de bien comprendre les raisons de l'échec de la loi du 3 janvier 1984.
Je crois que la raison de cet échec tient en quelques mots : dilution des responsabilités, uniformisation et rigidité.
Dilution des responsabilités tout d'abord. Dans un secteur aussi sensible et aussi délicat que celui de l'exercice de la médecine, où les questions de responsabilités ne cessent de se poser, il n'était pas envisageable de diluer à l'excès cette nécessaire responsabilité.
Dans toute organisation, il est impératif qu'il se trouve quelqu'un pour prendre les décisions essentielles et assumer le bon fonctionnement de la structure qui lui est confiée.
Le présent projet de loi se propose donc d'articuler l'organisation médicale des hôpitaux autour du service, qui a l'immense mérite d'être une structure connue et reconnue de tous, et qui permet à chacun d'exercer ses responsabilités dans un cadre clairement défini.
Cet échec, alors qu'encore une fois le département est une bonne chose, tient avant tout à la volonté, exprimée par la loi de 1984, d'imposer le département alors que celui-ci repose avant tout sur la notion de collaboration et de complémentarité.
Là aussi, comme dans l'ensemble des autres dispositions du texte, le gouvernement s'efforce au contraire d'apporter une réponse souple et pragmatique aux problèmes d'organisation des hôpitaux.
Je souhaiterais maintenant vous résumer le contenu du présent projet de loi, avec ses principales dispositions. Compte tenu du vote des dispositions relatives à l'activité libérale à l'occasion de la loi du 27 janvier 1987 portant diverses mesures d'ordre social, ce projet comporte en réalité quatre titres :
- Le premier concerne l'organisation des établissements hospitaliers publics avec notamment le problème de l'organisation des structures médicales à l'intérieur de l'hôpital.
- Le second comporte des dispositions relatives aux établissements d'hospitalisation privés.
- Le troisième porte sur les procédures d'équipement sanitaire.
- Le quatrième, enfin, introduit des dispositions relatives à l'homologation des matériels et produits à usage médical.
J'aborderai tout d'abord le titre premier, qui se divise lui-même en quatre points principaux : le service, le pôle d'activité, le département, et la commission médicale d'établissement.
Le service tout d'abord. Le projet de loi fait du service la base de l'organisation hospitalière. Chaque service sera placé sous la responsabilité d'un chef de service.
Le projet ne se contente pas toutefois de rétablir la situation qui existait avant 1984. En effet, les chefs de service ne seront plus nommés à vie comme cela était le cas sous le régime de l'ordonnance de 1958.
Ils seront dorénavant nommés par le Ministre de la Santé pour une durée de cinq ans. Ce mandat pourra être renouvelé, au vu d'un rapport d'activité présenté par le chef de service.
Bien entendu, la procédure de nomination, comme celle de la reconduction, prévoiront une large consultation des instances hospitalières, notamment du conseil d'administration et de la commission médicale d'établissement.
Je tiens à préciser que cette mesure n'a en aucun cas pour objet de procéder à un renouvellement quinquénal de l'ensemble des chefs de service, puisque le texte prévoit explicitement le renouvellement du mandat, sans limiter le nombre de mandats possibles.
L'article 7 du projet de loi prévoit d'ailleurs la nomination automatique, pour un premier mandat de 5 ans, de tous les chefs de service nommés avant le 31 décembre 1984 et n'ayant pas fait l'objet d'une mutation depuis cette date.
Je vous précise également qu'une disposition similaire, avec mandat de 5 ans, est prévue, pour les directeurs des grands établissements, dans le nouveau statut des directeurs d'hôpitaux, actuellement en cours de préparation.
Le deuxième point concerne la création des pôles d'activité. En effet, l'instauration du service comme base de l'organisation hospitalière ne doit pas pour autant interdire aux jeunes médecins d'accéder à des responsabilités véritables au sein des hôpitaux.
C'est pourquoi le projet de loi prévoit la création des pôles d'activité. Ceux-ci seront des structures facultatives et volontaires à l'intérieur du service.
Un pôle d'activité pourra par exemple regrouper un ensemble de lits au sein du service. Il pourra également être créé autour de la mise en oeuvre d'une technique médicale particulière.
Ces pôles d'activité permettront de confier de véritables responsabilités à de jeunes médecins non chefs de service. Leurs légitimes aspirations ne pouvaient jusqu'à présent trouver satisfaction que dans la parcellisation des services, facteur de surcoût de fonctionnement.
La création de ces pôles d'activité tient compte également de la spécialisation croissante des activités au sein d'un même service. Elle permet enfin d'adapter l'organisation hospitalière en fonction des besoins réels et des spécificités de chaque établissement ou service.
Je tiens à préciser par ailleurs que la création de ces pôles d'activité ne constitue en aucune façon une remise en cause de la responsabilité médicale et thérapeutique de chaque médecin. Celle-ci demeure bien entendu pleine et entière, quel que soit le type d'organisation retenu.
Le troisième point de ce titre premier concerne les départements. Je ne peux que répéter sur ce point ce que j'indiquais tout à l'heure : le gouvernement souhaite le développement des départements, qui constituent une structure bien adaptée à l'évolution des hôpitaux.
Le projet de loi maintient donc le principe de la création des départements. En revanche, il en fait disparaître le caractère rigide, uniforme et politisé, avec l'élection du chef de département, qui prévalait dans la réforme de 1984.
Le projet de loi fait du département une structure souple, facultative et volontaire, régie par un règlement intérieur arrêté par le conseil d'administration.
Le département aura à sa tête un médecin coordonnateur dont les modalités de désignation seront librement définies par le règlement intérieur. Ce médecin sera assisté par un représentant du personnel soignant, médico-technique, ou des sages-femmes, ainsi que par un représentant du personnel administratif.
Ce département, qui repose sur une libre association des services et sur une démarche volontaire, doit permettre de responsabiliser véritablement l'ensemble des partenaires concernés. Il doit également permettre d'associer le personnel non-médical à la coordination et aux activités du département.
Le quatrième et dernier point concerne la commission médicale d'établissement. Les commissions médicales consultatives s'appelleront désormais commissions médicales d'établissement.
Il ne s'agit pas là d'un simple changement de nom, mais de la reconnaissance du rôle essentiel que doivent jouer ces instances dans l'évolution des hôpitaux.
A côté des pouvoirs consultatifs qui leur étaient reconnus par la loi de 1970 et qui sont bien entendu maintenus, les C.M.E. auront à délibérer sur les orientations médicales à mettre en oeuvre au sein des établissements. Il s'agira notamment pour elles d'opérer des choix entre différentes thérapeutiques possibles.
Je tiens à préciser que ce nouveau rôle dévolu aux C.M.E. ne porte en aucun cas atteinte aux pouvoirs des conseils d'administration et des directeurs. Ces pouvoirs sont d'ailleurs explicitement visés dans la rédaction de l'article concerné. Le texte précise également que ce pouvoir délibératif s'exercera dans la limite des crédits budgétaires alloués.
Les questions relatives à l'organisation médicale des établissements hospitaliers publics constituent, vous le voyez, l'un des éléments essentiels du texte soumis à votre commission.
Elles ne doivent pas pour autant masquer les autres dispositions qui figurent dans ce texte et qui apportent également des améliorations importantes.
Le second titre du projet de loi comporte ainsi deux dispositions relatives aux établissements d'hospitalisation privés.
La première disposition, particulièrement attendue par les établissements privés, concerne les regroupements.
Actuellement, nous nous trouvons devant une dualité tout à fait paradoxale : d'un côté, le rachat de clinique est totalement libre et rien n'empêche quiconque de posséder plusieurs établissements.
En revanche, les regroupements sont rendus quasiment impossibles, alors que ces regroupements peuvent être facteurs d'économies de gestion et d'économies d'échelle.
Une telle situation est particulièrement dommageable, à l'heure où des investisseurs étrangers commencent à s'intéresser de très près aux cliniques françaises, fragilisées par cette interdiction des regroupements.
C'est pourquoi le projet de loi autorise les établissements privés à se regrouper, à condition bien entendu que ce regroupement ne crée pas de lits supplémentaires.
Ce regroupement sera accordé de plein droit lorsque la carte sanitaire est déficitaire. Il sera assorti d'une réduction du nombre des lits regroupés dans le cas des secteurs excédentaires.
Il convient de préciser que cette réduction du nombre de lits, dans le cas des secteurs excédentaires, constitue le strict parallèle des réductions du nombre de lits qui sont systématiquement effectuées à l'occasion des restructurations d'établissements hospitaliers publics.
Les modalités de cette réduction seront définies par un décret qui fera l'objet d'une large concertation avec les représentants de l'hospitalisation privée.
La seconde mesure concerne les affectations des lits entre les différentes disciplines.
Le projet de loi prévoit d'autoriser les changements d'affectation, avec une procédure simplifiée, dans les mêmes conditions que pour les regroupements.
Le titre suivant comporte diverses dispositions relatives à l'équipement et à la planification sanitaires. Je vous en citerai les principales.
Tout d'abord, la procédure d'examen des projets d'équipement et des programmes d'établissement sera désormais harmonisée pour le secteur public comme pour le secteur privé.
Dorénavant, ces dossiers seront examinés par les commissions régionales et par la commission nationale de l'hospitalisation, qu'ils émanent d'un établissement public ou d'un établissement privé.
Je vous rappelle que, jusqu'à présent, bien que ces commissions comportent des représentants de l'hospitalisation publique, elles examinaient uniquement les projets du secteur prive.
Cette mesure d'harmonisation permettra également aux commissions régionales et à la commission nationale d'avoir une vue globale de l'ensemble des opérations d'équipement.
Je vous précise d'ailleurs que ce système fonctionne depuis plusieurs années, à titre expérimental, dans la région Ile-de-France, avec des résultats très satisfaisants.
Dans ce titre figure également une disposition harmonisant le délai maximum de mise en oeuvre d'une autorisation d'équipement, pour le secteur public et pour le secteur privé.
Je vous rappelle que ce délai maximum de mise en oeuvre d'une autorisation est actuellement de six ans pour le secteur public et de deux ans pour le secteur privé. Ce délai de six ans pour le secteur public était d'ailleurs dénué de tout fondement économique et financier.
Le nouveau délai de mise en oeuvre d'une autorisation, identique pour les établissements publics et les établissements privés, sera désormais de trois ans.
Enfin, le dernier titre de ce projet de loi concerne l'homologation des produits et appareils à usage préventif, diagnostique ou thérapeutique.
Jusqu'à présent, seuls les établissements publics étaient tenus d'utiliser des matériels homologués, alors que l'utilisation des matériels ou équipements était libre dans les autres établissements, ce qui pouvait se révéler difficilement compatible avec le souci de préserver les malades de tout risque d'accident.
Désormais, seuls les matériels homologués pourront être utilisés, dans les établissements privés comme dans les établissements publics.
Il faut savoir en effet que la plupart des pays développés ont adopté des réglementations très strictes en la matière et qu'il existait un risque potentiel de voir les constructeurs étrangers venir tester leurs nouveaux matériels sur les malades des cliniques françaises.
Bien entendu, la procédure d'homologation, qui sera définie par décret, associera les représentants des établissements et ceux des constructeurs.
Voici, très brièvement résumées, les principales dispositions figurant dans le projet de texte qui vous est soumis.
Je souhaiterais maintenant, avant de passer aux questions, bien situer ce projet de loi dans la politique hospitalière du gouvernement.
J'ai insisté à plusieurs reprises sur l'absolue nécessité de ce projet, qui seul permettra de sortir du vide juridique actuel.
L'importance de ce texte ne doit cependant pas dissimuler pour autant qu'il s'agit non pas d'une fin en soi, mais d'un simple préalable nécessaire.
Ce texte est un préalable nécessaire car les hôpitaux ont besoin de retrouver des structures stables, souples, bien définies et reconnues par tous.
Ce retour à la stabilité est indispensable pour que nos hôpitaux puissent aborder dans les meilleures conditions possibles les mutations, voire les bouleversements, qui ne manqueront pas d'apparaître dans les prochaines années.
Je n'en citerai que quelques exemples :
- en l'an 2000, près de la moitié des actes de chirurgie seront des actes de remplacement, avec notamment les transplantations d'organes.
- Dans les prochaines années également, la part de la chirurgie ambulatoire ne cessera de croître, transformant ainsi radicalement la conception traditionnelle de l'hôpital.
- L'évolution démographique, dont nous connaissons le caractère inéluctable à moyen terme, posera avec une acuité toujours croissante le problème des personnes âgées.
Je pourrais ainsi multiplier les exemples de ces évolutions qui bouleverseront le paysage hospitalier.
A l'intérieur même de l'hôpital, les problèmes budgétaires, les problèmes de gestion, d'informatisation ou d'organisation du travail constitueront des priorités.
Le gouvernement a déjà entrepris d'apporter à ces questions les premiers éléments de réponse :
- un effort particulier a été fait en faveur des transplantations d'organes,
- les mécanismes de l'investissement hospitalier ont été considérablement assouplis,
- des études sont également en cours pour supprimer les rigidités ou les effets pervers engendrés par le budget global, tout en en conservant le principe général,
- la carte sanitaire des équipements lourds sera très prochainement assouplie, tandis que sera créée une véritable carte sanitaire du moyen séjour.
Par ailleurs, vous n'ignorez pas que vous aurez à examiner au cours de cette session, dans le cadre du projet de loi portant diverses mesures d'ordre social, des dispositions réformant le troisième cycle des études médicales.
Parallèlement, le gouvernement prendra dans 1es prochaines semaines des textes réglementaires relatifs au clinicat dans les C.H.U. et à l'assistanat dans les hôpitaux généraux. Ces textes seront applicables dès la rentrée 1987.
Mais toutes ces réformes, qui sont indispensables pour que les hôpitaux puissent aborder dans de bonnes conditions les mutations en profondeur que j'évoquais tout à l'heure, ne peuvent se faire que sur un terrain stable.
Une absence de structures bien définies, une dilution des responsabilités, un flottement dans la définition du rôle de chacun à l'intérieur de l'hôpital ne pourraient conduire qu'à l'échec de ces réformes, pourtant indispensables pour permettre à nos hôpitaux d'aborder le XXIème siècle.
Voilà pourquoi, afin de lever ce préalable et en dépit d'un lourd programme de travail, le Premier Ministre a tenu à vous soumettre le texte que je vous ai présenté aujourd'hui.
Souhaitant maintenant répondre à vos questions, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, je vous remercie de votre attention...
Mesdames et messieurs les Députés,
Le gouvernement a tenu, dans un ordre du jour pourtant particulièrement dense, à soumettre à votre Assemblée le présent projet de loi relatif aux établissements d'hospitalisation et à l'équipement sanitaire.
Le Premier Ministre a d'ailleurs clairement confirmé cette volonté à l'occasion de son déplacement aux Hospices Civils de Lyon le 7 mars dernier.
Cette volonté correspond à une double préoccupation :
- donner à nos établissements d'hospitalisation la stabilité dont ils ont besoin pour exercer leurs missions,
- créer ainsi le terrain qui permettra à ces établissements d'aborder dans de bonnes conditions les mutations inévitables qui transformeront en profondeur l'hôpital dans les prochaines années.
La situation actuelle des établissements hospitaliers est en effet tout à fait particulière et justifie l'urgence du présent projet de loi.
Le 3 janvier 1984, a été promulguée une loi relative à l'organisation des hôpitaux. Cette loi, qui entendait constituer une refonte globale de l'organisation des hôpitaux, souffre d'un défaut essentiel et rédhibitoire : elle est inappliquée parce qu'elle s'est révélée inapplicable.
Il est essentiel en effet de bien comprendre, avant d'aborder le présent projet de loi, la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui.
Les établissements vivent actuellement et depuis plus de trois ans dans une sorte de "no man's land" juridique et organisationnel, qui n'offre guère de précédents dans toute l'histoire administrative.
Des malades sont hospitalisés dans des services, dont la liste est d'ailleurs toujours affichée dans le hall des hôpitaux, alors que les services ont théoriquement disparu depuis le 3 janvier 1984.
Des médecins "exercent les fonctions de chefs de service", alors que ce titre n'a plus d'existence juridique.
Des départements se sont créés et continuent de se créer, selon des modalités et dans des conditions qui ne sont pas celles prévues par la loi du 3 janvier 1984.
On pourrait ainsi multiplier les exemples qui, tous, illustrent le vide juridique sans équivalent dans lequel se trouvent aujourd'hui nos établissements hospitaliers.
Je précise immédiatement que l'absence d'application de la loi du 3 janvier 1984 n'est pas la conséquence du changement de majorité intervenu le 16 mars 1986.
Le gouvernement précédent a eu en effet plus de deux ans pour entreprendre d'appliquer cette réforme. Il a lui-même choisi, non sans une certaine sagesse, de suspendre l'application d'un texte inapplicable, mais n'a pas osé tirer les conséquences de cet échec, plongeant ainsi les établissements dans la situation de vide juridique et organisationnel que je décrivais tout à l'heure.
Or il n'est pas envisageable de laisser sans risques dans une telle confusion des établissements dont dépend la santé de chacun d'entre nous et dont les dépenses atteignent aujourd'hui près de 150 milliards de francs.
S'il est nécessaire, pour comprendre le présent projet de loi, de bien mesurer la situation actuelle de nos hôpitaux, il convient également de bien comprendre les raisons de l'échec de la loi du 3 janvier 1984.
Je crois que la raison de cet échec tient en quelques mots : dilution des responsabilités, uniformisation et rigidité.
Dilution des responsabilités tout d'abord. Dans un secteur aussi sensible et aussi délicat que celui de l'exercice de la médecine, où les questions de responsabilités ne cessent de se poser, il n'était pas envisageable de diluer à l'excès cette nécessaire responsabilité.
Dans toute organisation, il est impératif qu'il se trouve quelqu'un pour prendre les décisions essentielles et assumer le bon fonctionnement de la structure qui lui est confiée.
Le présent projet de loi se propose donc d'articuler l'organisation médicale des hôpitaux autour du service, qui a l'immense mérite d'être une structure connue et reconnue de tous, et qui permet à chacun d'exercer ses responsabilités dans un cadre clairement défini.
Cet échec, alors qu'encore une fois le département est une bonne chose, tient avant tout à la volonté, exprimée par la loi de 1984, d'imposer le département alors que celui-ci repose avant tout sur la notion de collaboration et de complémentarité.
Là aussi, comme dans l'ensemble des autres dispositions du texte, le gouvernement s'efforce au contraire d'apporter une réponse souple et pragmatique aux problèmes d'organisation des hôpitaux.
Je souhaiterais maintenant vous résumer le contenu du présent projet de loi, avec ses principales dispositions. Compte tenu du vote des dispositions relatives à l'activité libérale à l'occasion de la loi du 27 janvier 1987 portant diverses mesures d'ordre social, ce projet comporte en réalité quatre titres :
- Le premier concerne l'organisation des établissements hospitaliers publics avec notamment le problème de l'organisation des structures médicales à l'intérieur de l'hôpital.
- Le second comporte des dispositions relatives aux établissements d'hospitalisation privés.
- Le troisième porte sur les procédures d'équipement sanitaire.
- Le quatrième, enfin, introduit des dispositions relatives à l'homologation des matériels et produits à usage médical.
J'aborderai tout d'abord le titre premier, qui se divise lui-même en quatre points principaux : le service, le pôle d'activité, le département, et la commission médicale d'établissement.
Le service tout d'abord. Le projet de loi fait du service la base de l'organisation hospitalière. Chaque service sera placé sous la responsabilité d'un chef de service.
Le projet ne se contente pas toutefois de rétablir la situation qui existait avant 1984. En effet, les chefs de service ne seront plus nommés à vie comme cela était le cas sous le régime de l'ordonnance de 1958.
Ils seront dorénavant nommés par le Ministre de la Santé pour une durée de cinq ans. Ce mandat pourra être renouvelé, au vu d'un rapport d'activité présenté par le chef de service.
Bien entendu, la procédure de nomination, comme celle de la reconduction, prévoiront une large consultation des instances hospitalières, notamment du conseil d'administration et de la commission médicale d'établissement.
Je tiens à préciser que cette mesure n'a en aucun cas pour objet de procéder à un renouvellement quinquénal de l'ensemble des chefs de service, puisque le texte prévoit explicitement le renouvellement du mandat, sans limiter le nombre de mandats possibles.
L'article 7 du projet de loi prévoit d'ailleurs la nomination automatique, pour un premier mandat de 5 ans, de tous les chefs de service nommés avant le 31 décembre 1984 et n'ayant pas fait l'objet d'une mutation depuis cette date.
Je vous précise également qu'une disposition similaire, avec mandat de 5 ans, est prévue, pour les directeurs des grands établissements, dans le nouveau statut des directeurs d'hôpitaux, actuellement en cours de préparation.
Le deuxième point concerne la création des pôles d'activité. En effet, l'instauration du service comme base de l'organisation hospitalière ne doit pas pour autant interdire aux jeunes médecins d'accéder à des responsabilités véritables au sein des hôpitaux.
C'est pourquoi le projet de loi prévoit la création des pôles d'activité. Ceux-ci seront des structures facultatives et volontaires à l'intérieur du service.
Un pôle d'activité pourra par exemple regrouper un ensemble de lits au sein du service. Il pourra également être créé autour de la mise en oeuvre d'une technique médicale particulière.
Ces pôles d'activité permettront de confier de véritables responsabilités à de jeunes médecins non chefs de service. Leurs légitimes aspirations ne pouvaient jusqu'à présent trouver satisfaction que dans la parcellisation des services, facteur de surcoût de fonctionnement.
La création de ces pôles d'activité tient compte également de la spécialisation croissante des activités au sein d'un même service. Elle permet enfin d'adapter l'organisation hospitalière en fonction des besoins réels et des spécificités de chaque établissement ou service.
Je tiens à préciser par ailleurs que la création de ces pôles d'activité ne constitue en aucune façon une remise en cause de la responsabilité médicale et thérapeutique de chaque médecin. Celle-ci demeure bien entendu pleine et entière, quel que soit le type d'organisation retenu.
Le troisième point de ce titre premier concerne les départements. Je ne peux que répéter sur ce point ce que j'indiquais tout à l'heure : le gouvernement souhaite le développement des départements, qui constituent une structure bien adaptée à l'évolution des hôpitaux.
Le projet de loi maintient donc le principe de la création des départements. En revanche, il en fait disparaître le caractère rigide, uniforme et politisé, avec l'élection du chef de département, qui prévalait dans la réforme de 1984.
Le projet de loi fait du département une structure souple, facultative et volontaire, régie par un règlement intérieur arrêté par le conseil d'administration.
Le département aura à sa tête un médecin coordonnateur dont les modalités de désignation seront librement définies par le règlement intérieur. Ce médecin sera assisté par un représentant du personnel soignant, médico-technique, ou des sages-femmes, ainsi que par un représentant du personnel administratif.
Ce département, qui repose sur une libre association des services et sur une démarche volontaire, doit permettre de responsabiliser véritablement l'ensemble des partenaires concernés. Il doit également permettre d'associer le personnel non-médical à la coordination et aux activités du département.
Le quatrième et dernier point concerne la commission médicale d'établissement. Les commissions médicales consultatives s'appelleront désormais commissions médicales d'établissement.
Il ne s'agit pas là d'un simple changement de nom, mais de la reconnaissance du rôle essentiel que doivent jouer ces instances dans l'évolution des hôpitaux.
A côté des pouvoirs consultatifs qui leur étaient reconnus par la loi de 1970 et qui sont bien entendu maintenus, les C.M.E. auront à délibérer sur les orientations médicales à mettre en oeuvre au sein des établissements. Il s'agira notamment pour elles d'opérer des choix entre différentes thérapeutiques possibles.
Je tiens à préciser que ce nouveau rôle dévolu aux C.M.E. ne porte en aucun cas atteinte aux pouvoirs des conseils d'administration et des directeurs. Ces pouvoirs sont d'ailleurs explicitement visés dans la rédaction de l'article concerné. Le texte précise également que ce pouvoir délibératif s'exercera dans la limite des crédits budgétaires alloués.
Les questions relatives à l'organisation médicale des établissements hospitaliers publics constituent, vous le voyez, l'un des éléments essentiels du texte soumis à votre commission.
Elles ne doivent pas pour autant masquer les autres dispositions qui figurent dans ce texte et qui apportent également des améliorations importantes.
Le second titre du projet de loi comporte ainsi deux dispositions relatives aux établissements d'hospitalisation privés.
La première disposition, particulièrement attendue par les établissements privés, concerne les regroupements.
Actuellement, nous nous trouvons devant une dualité tout à fait paradoxale : d'un côté, le rachat de clinique est totalement libre et rien n'empêche quiconque de posséder plusieurs établissements.
En revanche, les regroupements sont rendus quasiment impossibles, alors que ces regroupements peuvent être facteurs d'économies de gestion et d'économies d'échelle.
Une telle situation est particulièrement dommageable, à l'heure où des investisseurs étrangers commencent à s'intéresser de très près aux cliniques françaises, fragilisées par cette interdiction des regroupements.
C'est pourquoi le projet de loi autorise les établissements privés à se regrouper, à condition bien entendu que ce regroupement ne crée pas de lits supplémentaires.
Ce regroupement sera accordé de plein droit lorsque la carte sanitaire est déficitaire. Il sera assorti d'une réduction du nombre des lits regroupés dans le cas des secteurs excédentaires.
Il convient de préciser que cette réduction du nombre de lits, dans le cas des secteurs excédentaires, constitue le strict parallèle des réductions du nombre de lits qui sont systématiquement effectuées à l'occasion des restructurations d'établissements hospitaliers publics.
Les modalités de cette réduction seront définies par un décret qui fera l'objet d'une large concertation avec les représentants de l'hospitalisation privée.
La seconde mesure concerne les affectations des lits entre les différentes disciplines.
Le projet de loi prévoit d'autoriser les changements d'affectation, avec une procédure simplifiée, dans les mêmes conditions que pour les regroupements.
Le titre suivant comporte diverses dispositions relatives à l'équipement et à la planification sanitaires. Je vous en citerai les principales.
Tout d'abord, la procédure d'examen des projets d'équipement et des programmes d'établissement sera désormais harmonisée pour le secteur public comme pour le secteur privé.
Dorénavant, ces dossiers seront examinés par les commissions régionales et par la commission nationale de l'hospitalisation, qu'ils émanent d'un établissement public ou d'un établissement privé.
Je vous rappelle que, jusqu'à présent, bien que ces commissions comportent des représentants de l'hospitalisation publique, elles examinaient uniquement les projets du secteur prive.
Cette mesure d'harmonisation permettra également aux commissions régionales et à la commission nationale d'avoir une vue globale de l'ensemble des opérations d'équipement.
Je vous précise d'ailleurs que ce système fonctionne depuis plusieurs années, à titre expérimental, dans la région Ile-de-France, avec des résultats très satisfaisants.
Dans ce titre figure également une disposition harmonisant le délai maximum de mise en oeuvre d'une autorisation d'équipement, pour le secteur public et pour le secteur privé.
Je vous rappelle que ce délai maximum de mise en oeuvre d'une autorisation est actuellement de six ans pour le secteur public et de deux ans pour le secteur privé. Ce délai de six ans pour le secteur public était d'ailleurs dénué de tout fondement économique et financier.
Le nouveau délai de mise en oeuvre d'une autorisation, identique pour les établissements publics et les établissements privés, sera désormais de trois ans.
Enfin, le dernier titre de ce projet de loi concerne l'homologation des produits et appareils à usage préventif, diagnostique ou thérapeutique.
Jusqu'à présent, seuls les établissements publics étaient tenus d'utiliser des matériels homologués, alors que l'utilisation des matériels ou équipements était libre dans les autres établissements, ce qui pouvait se révéler difficilement compatible avec le souci de préserver les malades de tout risque d'accident.
Désormais, seuls les matériels homologués pourront être utilisés, dans les établissements privés comme dans les établissements publics.
Il faut savoir en effet que la plupart des pays développés ont adopté des réglementations très strictes en la matière et qu'il existait un risque potentiel de voir les constructeurs étrangers venir tester leurs nouveaux matériels sur les malades des cliniques françaises.
Bien entendu, la procédure d'homologation, qui sera définie par décret, associera les représentants des établissements et ceux des constructeurs.
Voici, très brièvement résumées, les principales dispositions figurant dans le projet de texte qui vous est soumis.
Je souhaiterais maintenant, avant de passer aux questions, bien situer ce projet de loi dans la politique hospitalière du gouvernement.
J'ai insisté à plusieurs reprises sur l'absolue nécessité de ce projet, qui seul permettra de sortir du vide juridique actuel.
L'importance de ce texte ne doit cependant pas dissimuler pour autant qu'il s'agit non pas d'une fin en soi, mais d'un simple préalable nécessaire.
Ce texte est un préalable nécessaire car les hôpitaux ont besoin de retrouver des structures stables, souples, bien définies et reconnues par tous.
Ce retour à la stabilité est indispensable pour que nos hôpitaux puissent aborder dans les meilleures conditions possibles les mutations, voire les bouleversements, qui ne manqueront pas d'apparaître dans les prochaines années.
Je n'en citerai que quelques exemples :
- en l'an 2000, près de la moitié des actes de chirurgie seront des actes de remplacement, avec notamment les transplantations d'organes.
- Dans les prochaines années également, la part de la chirurgie ambulatoire ne cessera de croître, transformant ainsi radicalement la conception traditionnelle de l'hôpital.
- L'évolution démographique, dont nous connaissons le caractère inéluctable à moyen terme, posera avec une acuité toujours croissante le problème des personnes âgées.
Je pourrais ainsi multiplier les exemples de ces évolutions qui bouleverseront le paysage hospitalier.
A l'intérieur même de l'hôpital, les problèmes budgétaires, les problèmes de gestion, d'informatisation ou d'organisation du travail constitueront des priorités.
Le gouvernement a déjà entrepris d'apporter à ces questions les premiers éléments de réponse :
- un effort particulier a été fait en faveur des transplantations d'organes,
- les mécanismes de l'investissement hospitalier ont été considérablement assouplis,
- des études sont également en cours pour supprimer les rigidités ou les effets pervers engendrés par le budget global, tout en en conservant le principe général,
- la carte sanitaire des équipements lourds sera très prochainement assouplie, tandis que sera créée une véritable carte sanitaire du moyen séjour.
Par ailleurs, vous n'ignorez pas que vous aurez à examiner au cours de cette session, dans le cadre du projet de loi portant diverses mesures d'ordre social, des dispositions réformant le troisième cycle des études médicales.
Parallèlement, le gouvernement prendra dans 1es prochaines semaines des textes réglementaires relatifs au clinicat dans les C.H.U. et à l'assistanat dans les hôpitaux généraux. Ces textes seront applicables dès la rentrée 1987.
Mais toutes ces réformes, qui sont indispensables pour que les hôpitaux puissent aborder dans de bonnes conditions les mutations en profondeur que j'évoquais tout à l'heure, ne peuvent se faire que sur un terrain stable.
Une absence de structures bien définies, une dilution des responsabilités, un flottement dans la définition du rôle de chacun à l'intérieur de l'hôpital ne pourraient conduire qu'à l'échec de ces réformes, pourtant indispensables pour permettre à nos hôpitaux d'aborder le XXIème siècle.
Voilà pourquoi, afin de lever ce préalable et en dépit d'un lourd programme de travail, le Premier Ministre a tenu à vous soumettre le texte que je vous ai présenté aujourd'hui.
Souhaitant maintenant répondre à vos questions, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, je vous remercie de votre attention...