Texte intégral
Henri Lauret.- Ernest-Antoine Seillière, bonjour.
Ernest-Antoine Seillière.- Bonjour.
Henri Lauret.- Alors, cette nuit, un accord, c'est l'actualité, cette nuit, un accord a été signé entre le patronat et les intermittents du spectacle, ça concerne, je crois, 75 000 personnes. Un accord que la CGT, évidemment, dénonce déjà : c'est la curée pour le spectacle, on va mettre à la casse 1/3 des artistes Bon, ça va faire du bruit dans le Landerneau, mais ça ne vous surprend pas. Le problème était évidemment financier, c'était le fameux régime spécifique de l'Unedic qui concerne les intermittents, qui avait enregistré, si je ne m'abuse, un déficit de plus de 820 millions d'euros l'année dernière.
Ernest-Antoine Seillière.- Oui. Donc, je crois que tout le monde, au cours de toutes ces dernières années, et encore plus ces derniers mois où la réforme commence à prendre corps a reconnu que le régime dit des intermittents du spectacle, qui est financé par l'ensemble des salariés des entreprises françaises puisqu'il fait partie du régime d'assurance chômage, était géré avec des excès et des abus, je dirais même des scandales, et qu'il fallait donc le recadrer. Et donc, avec la CFDT, la CFTC et la CGC, on est arrivé cette nuit à un accord, donc entre syndicat.
Henri Lauret.- Trois syndicats...
Ernest-Antoine Seillière : Et employeurs. Trois syndicats, ce que l'on appelle le syndicalisme réformateur. Et donc, on est arrivé à un accord qui, je dirais, n'est pas un accord qui bouleverse le régime mais qui commence à sérieusement, je dirais, le remettre dans la ligne de ce qu'il devrait être, c'est-à-dire en fait un régime qui permet à ceux qui, dans le spectacle, ont besoin d'assurance chômage, de la recevoir, mais qui évitera, je pense, en partie...
Henri Lauret.- Des abus...
Ernest-Antoine Seillière.- A ce que les gens vivent de l'assurance chômage au lieu de vivre de leur travail. Et c'est ça, si vous voulez, qui est un peu le scandale de ce régime, c'est qu'il y a énormément de gens qui en abusent et qui ne travaillent pratiquement plus mais vivent de la solidarité, en quelque sorte, des autres salariés de notre pays. On a donc commencé à recadrer tout ça. Le milieu du spectacle est habitué à ce qu'on ne touche pas à ses privilèges. On y touche, comme à d'autre. Et c'est cela qu'on appelle la réforme.
Henri Lauret.- Et cela, c'est l'air du temps, justement.
Ernest-Antoine Seillière.- Je pense, qu'en effet, quand on voit la réforme de la politique agricole commune, en Allemagne, la réforme du régime social et du régime fiscal, la réforme des retraites, la réforme du régime des intermittents du spectacle, nous sommes en train d'entrer dans une autre ère, qui est celle en effet de l'adaptation de toutes sortes de régimes qui ne sont plus compatibles avec ce que l'on appelle la compétitivité, à la fois européenne d'ailleurs et française.
Henri Lauret.- Alors, là, nous entrons dans le vif d'un autre sujet puisque tout-à-l'heure, à La Baule, Jean-Pierre Raffarin devrait annoncer des allégements ciblés de taxe professionnelle, un meilleur soutien à l'innovation je crois, à la recherche, des avantages fiscaux pour attirer, chez nous en France, des cadres internationaux qui, a priori, sont dissuadés par le niveau de nos impôts. Alors, est-ce que ça, c'est de la réforme, est-ce que c'est à la hauteur de vos espérances, vous qui écriviez en mai dernier : sans réformes, la France décline et puis sans réformes, les entreprises perdent du terrain.
Ernest-Antoine Seillière.- Oui, je crois, si vous voulez, que le seul mot qui me vient à l'esprit en entendant que le Premier ministre, en plus de ça, dans sa région, aujourd'hui, va annoncer des mesures pour l'attractivité de notre territoire, c'est "enfin". Enfin, le gouvernement, un gouvernement, se met en face de la réalité de, notre pays, qui a des atouts énormes sur lesquels j'insiste, parce qu'il ne faut pas croire que le MEDEF n'est pas confiant, d'ailleurs il ne se donnerait pas le mal qu'il se donne s'il doutait de la capacité des entreprises françaises et de notre pays à l'emporter dans la compétition. Mais pour cela, il faut corriger un certain nombre de travers, et le travers lourd, dont en effet le régime qui fait qu'on ne veut plus venir en France quand on a du talent, de l'expertise, de la capacité d'apporter à notre pays croissance et emploi. Les équipes internationales, les experts internationaux venus d'ailleurs ne veulent plus venir parce que le régime des charges, le régime d'ailleurs de l'encadrement du travail dans notre pays est devenu tel qu'il...
Henri Lauret.- c'est un ensemble de choses en vérité...
Ernest-Antoine Seillière.- C'est un ensemble de choses. Encore une fois, j'y reviens, nos atouts sont très forts. Et en corrigeant les excès et les travers, on arrivera à rétablir, nous reprenons espoir.
Henri Lauret.- Alors, quels sont les excès et les travers qui vous paraissent prioritaires, enfin prioritairement réformables ?
Ernest-Antoine Seillière.- Je crois qu'on peut dire qu'il y a trois choses qui dissuadent actuellement l'investisseur à venir dans notre pays. Il y en a encore bien sûr, mais comme on le sait, il y en a beaucoup moins qui quittent notre pays actuellement et le différentiel est négatif. Ces trois choses sont quoi ? C'est d'abord, bien entendu, tout l'encadrement du travail qui rend celui-ci très très peu, comme on, dit flexible. C'est les 35 heures mais également l'ensemble des réglementations qui très étroitement brident le travail en entreprise et ne sont plus compatibles avec la souplesse nécessaire. Deuxièmement, c'est la difficulté...
Henri Lauret.- Pardonnez-moi, qu'est-ce qu'il faut faire, qu'est-ce que le gouvernement peut faire de plus ? Il a légèrement assoupli les 35 heures...
Ernest-Antoine Seillière.- Oui mais il a à l'esprit de faire une réforme du Code du Travail, sur laquelle il commence à travailler et qui va, je pense, rendre à la négociation et enlever à la législation et à la réglementation, une quantité de règles, ce qui permettra aux partenaires sociaux, très près du terrain, de s'adapter de façon à ce que le projet d'entreprise puisse se développer.
Henri Lauret.- Et crisper un peu plus le climat social ?
Ernest-Antoine Seillière.- Non, je ne pense pas. Je pense que le climat social est au contraire en train de se mettre à la réforme, même s'il y a évidemment beaucoup de difficultés à prendre ce chemin. Mais je pense que nous y sommes et que les choses vont donc pouvoir s'ouvrir un peu à cet égard et que l'on va rattraper les retards. Deuxièmement, dans le même esprit, d'ailleurs, c'est la très grande difficulté qu'on a à adapter les entreprises, à les restructurer en cas de nécessité qui dissuade en effet beaucoup de gens de venir travailler chez nous en disant : si nous avons une difficulté de marché, de produit, on ne pourra pas en tirer les conclusions en ce qui concerne...
Henri Lauret.- C'est le droit du licenciement, notamment...
Ernest-Antoine Seillière.- Tout ce qui touche à la procédure surtout, éternelle, judiciaire, souvent pénale, qui dissuade franchement les gens, et ça je pense que tout le monde le reconnaît. Ce sont donc ces deux éléments là au principal, et troisièmement, bien entendu, c'est le niveau de la taxation et des charges qui rend souvent, et notamment pour les cadres, le travail en France beaucoup plus cher qu'ailleurs et qui donc, empêche les gens de venir. Voilà, si vous voulez, les trois domaines dans lesquels les assouplissements et tous les signaux donnés, c'est la volonté de reconnaître le problème et de le traiter, va changer les choses.
Henri Lauret.- Mais lorsque le Premier ministre envisage un régime de faveur pour les impatriés puisque c'est la formule co nsacrée, est-ce que vous ne considérez pas que c'est aussi créer une condition de discrimination vis-à-vis des cadres français ? Comment est-ce qu'on va traiter cette question-là au sein de l'entreprise ?
Ernest-Antoine Seillière.- Ecoutez, un cadre français qui part avec une équipe en Angleterre, en Italie ou en Belgique et qui donc quitte notre pays, il n'y travaille plus avec tout ce que cela représente comme baisse de dépenses, comme baisse, je dirais, de niveau de travail et d'entraînement pour notre pays, c'est bien pire que d'avoir son homologue étranger qui vient dans notre pays. Et ceux qui disent : il n'a pas le même régime fiscal, je dirais : écoutez, très franchement, nous, nous ne sommes pas petits bras, nous ne sommes pas chauvins, nous sommes pas en train de comparer sans cesse nos avantages comme on le fait peut-être dans des milieux de Fonction publique, nous sommes attachés à un projet. Et un cadre français qui est sur un projet et qui voit arriver un collègue étranger qui va l'aider à faire réussir la conquête du marché qu'il envisage, il n'est pas...
Henri Lauret.- Oui mais à des conditions beaucoup plus favorables...
Ernest-Antoine Seillière.- Il n'est pas en train de se demander méticuleusement si sa feuille de paye est ceci ou cela. Encore une fois, vous savez, la mentalité dans le privé n'est pas la mentalité que génère hélas la Fonction publique, sans cesse en train de se comparer les avantages.
Henri Lauret.- Ce n'est pas systématique.
Ernest-Antoine Seillière.- C'est une question de mentalité. Je ne juge pas les hommes, mais le système n'est pas le même. Chez nous, on veut l'emporter dans l'entreprise. L'entreprise est faite pour cela. Et le concours de ceux qui peuvent aider au succès est apprécié de tous.
Henri Lauret.- Alors, il y a quelque chose qui intrigue parce que le fameux rapport de Ernst Young démontre que l'année dernière, la France a été le deuxième site mondial en matière d'investissements étrangers, plus de 48 milliards d'euros investis dans ce pays. Comment peut-on dire à la fois que ce chiffre est probablement authentique et qu'il y a un problème d'investissement en France.
Ernest-Antoine Seillière.- Vous connaissez Pagnol : quand je me regarde, je m'inquiète, quand je me compare, je me rassure. Il y a un certain nombre en effet de manières de se rassurer, c'est ou bien de dire que les instruments de mesure ne sont pas les bons ou bien de se comparer...
Henri Lauret.- Enfin, le thermomètre est bon là, non ?
Ernest-Antoine Seillière.- Attendez, je vous explique la mentalité générale autour de ce problème d'attractivité. Alors, le chiffre des investissements étrangers en France est un bon chiffre mais de quoi est-il fait ? Est-il fait, comme par exemple en Chine, ou en Pologne, ou en Slovaquie, ou en Tchéquie, d'industriels et de sociétés de services qui viennent créer des sites, créer des emplois, construire des usines, créer des salles dans lesquelles des gens rendent des services ? Ca c'est bien.
Henri Lauret.- Réponse ?
Ernest-Antoine Seillière.- Eh bien, écoutez, en réalité, nous n'obtenons pas du gouvernement qu'il ose nous donner le partage entre la création de sites nouveaux avec création d'emplois et le rachat par des étrangers d'entreprises françaises, d'immeubles français, la création de villas françaises, que sais-je, qui, bien entendu, ne sont pas créatrices d'emplois mais qui sont des rachats du patrimoine national par l'étranger...
Henri Lauret.- Le patrimoine fout le camp...
Ernest-Antoine Seillière.- Alors, si vous voulez, je crois que c'est cela qu'il faut regarder. Il y a une partie d'ailleurs de ces investissements-là qui n'est pas mauvaise. Quand nous achetons, nous, à l'étranger, une entreprise par exemple...
Henri Lauret.- J'allais vous le dire...
Ernest-Antoine Seillière.- Nous en sommes contents, parce que ça donne plus de force à l'entreprise française qui a trouvé une part de marché. Et donc, il y a des choses comme cela qui se font. Mais nous savons que quand ça s'opère, malheureusement, c'est pour faire des restructurations au profit d'autres sites internationaux et que donc, il y a avec le rachat d'une entreprise française souvent des pertes d'emplois qui se mettent en place peu à peu. Donc, nous disons, nous disons que la France est attractive parce que c'est un très grand marché dans lequel il y a énormément d'atouts - l'infrastructure, la qualité de la formation qui, en dépit de ce qu'on dit, est encore très forte, bien entendu la position géographique - mais que tout ceci malheureusement n'est pas forcément créateur d'emplois. Le rachat du patrimoine français par l'étranger est compté comme un investissement étranger en France et ça n'est pas créateur d'emplois.
Henri Lauret.- Alors, vous mot-clef aujourd'hui, c'est quoi ? C'est en avant Raffarin ?
Ernest-Antoine Seillière : Oui, bien entendu, en avant la réforme, bien sûr, et je crois que là, nous sommes sur cette piste-là, je pense qu'on s'y met progressivement, c'est indispensable et nous le disons tout-à-fait franchement et je le redis : sans la réforme, c'est vrai hélas que l'entreprise française ne pourra pas réussir et que la France déclinera. Avec la réforme, nous avons tout l'espoir.
Henri Lauret.- Et nous avons beaucoup de déficit malheureusement.
Ernest-Antoine Seillière.- Oh, ne terminez pas par une triste formule.
Henri Lauret.- Merci Ernest-Antoine Seillière.
(Source http://www.medef.fr, le 30 juin 2003)
Ernest-Antoine Seillière.- Bonjour.
Henri Lauret.- Alors, cette nuit, un accord, c'est l'actualité, cette nuit, un accord a été signé entre le patronat et les intermittents du spectacle, ça concerne, je crois, 75 000 personnes. Un accord que la CGT, évidemment, dénonce déjà : c'est la curée pour le spectacle, on va mettre à la casse 1/3 des artistes Bon, ça va faire du bruit dans le Landerneau, mais ça ne vous surprend pas. Le problème était évidemment financier, c'était le fameux régime spécifique de l'Unedic qui concerne les intermittents, qui avait enregistré, si je ne m'abuse, un déficit de plus de 820 millions d'euros l'année dernière.
Ernest-Antoine Seillière.- Oui. Donc, je crois que tout le monde, au cours de toutes ces dernières années, et encore plus ces derniers mois où la réforme commence à prendre corps a reconnu que le régime dit des intermittents du spectacle, qui est financé par l'ensemble des salariés des entreprises françaises puisqu'il fait partie du régime d'assurance chômage, était géré avec des excès et des abus, je dirais même des scandales, et qu'il fallait donc le recadrer. Et donc, avec la CFDT, la CFTC et la CGC, on est arrivé cette nuit à un accord, donc entre syndicat.
Henri Lauret.- Trois syndicats...
Ernest-Antoine Seillière : Et employeurs. Trois syndicats, ce que l'on appelle le syndicalisme réformateur. Et donc, on est arrivé à un accord qui, je dirais, n'est pas un accord qui bouleverse le régime mais qui commence à sérieusement, je dirais, le remettre dans la ligne de ce qu'il devrait être, c'est-à-dire en fait un régime qui permet à ceux qui, dans le spectacle, ont besoin d'assurance chômage, de la recevoir, mais qui évitera, je pense, en partie...
Henri Lauret.- Des abus...
Ernest-Antoine Seillière.- A ce que les gens vivent de l'assurance chômage au lieu de vivre de leur travail. Et c'est ça, si vous voulez, qui est un peu le scandale de ce régime, c'est qu'il y a énormément de gens qui en abusent et qui ne travaillent pratiquement plus mais vivent de la solidarité, en quelque sorte, des autres salariés de notre pays. On a donc commencé à recadrer tout ça. Le milieu du spectacle est habitué à ce qu'on ne touche pas à ses privilèges. On y touche, comme à d'autre. Et c'est cela qu'on appelle la réforme.
Henri Lauret.- Et cela, c'est l'air du temps, justement.
Ernest-Antoine Seillière.- Je pense, qu'en effet, quand on voit la réforme de la politique agricole commune, en Allemagne, la réforme du régime social et du régime fiscal, la réforme des retraites, la réforme du régime des intermittents du spectacle, nous sommes en train d'entrer dans une autre ère, qui est celle en effet de l'adaptation de toutes sortes de régimes qui ne sont plus compatibles avec ce que l'on appelle la compétitivité, à la fois européenne d'ailleurs et française.
Henri Lauret.- Alors, là, nous entrons dans le vif d'un autre sujet puisque tout-à-l'heure, à La Baule, Jean-Pierre Raffarin devrait annoncer des allégements ciblés de taxe professionnelle, un meilleur soutien à l'innovation je crois, à la recherche, des avantages fiscaux pour attirer, chez nous en France, des cadres internationaux qui, a priori, sont dissuadés par le niveau de nos impôts. Alors, est-ce que ça, c'est de la réforme, est-ce que c'est à la hauteur de vos espérances, vous qui écriviez en mai dernier : sans réformes, la France décline et puis sans réformes, les entreprises perdent du terrain.
Ernest-Antoine Seillière.- Oui, je crois, si vous voulez, que le seul mot qui me vient à l'esprit en entendant que le Premier ministre, en plus de ça, dans sa région, aujourd'hui, va annoncer des mesures pour l'attractivité de notre territoire, c'est "enfin". Enfin, le gouvernement, un gouvernement, se met en face de la réalité de, notre pays, qui a des atouts énormes sur lesquels j'insiste, parce qu'il ne faut pas croire que le MEDEF n'est pas confiant, d'ailleurs il ne se donnerait pas le mal qu'il se donne s'il doutait de la capacité des entreprises françaises et de notre pays à l'emporter dans la compétition. Mais pour cela, il faut corriger un certain nombre de travers, et le travers lourd, dont en effet le régime qui fait qu'on ne veut plus venir en France quand on a du talent, de l'expertise, de la capacité d'apporter à notre pays croissance et emploi. Les équipes internationales, les experts internationaux venus d'ailleurs ne veulent plus venir parce que le régime des charges, le régime d'ailleurs de l'encadrement du travail dans notre pays est devenu tel qu'il...
Henri Lauret.- c'est un ensemble de choses en vérité...
Ernest-Antoine Seillière.- C'est un ensemble de choses. Encore une fois, j'y reviens, nos atouts sont très forts. Et en corrigeant les excès et les travers, on arrivera à rétablir, nous reprenons espoir.
Henri Lauret.- Alors, quels sont les excès et les travers qui vous paraissent prioritaires, enfin prioritairement réformables ?
Ernest-Antoine Seillière.- Je crois qu'on peut dire qu'il y a trois choses qui dissuadent actuellement l'investisseur à venir dans notre pays. Il y en a encore bien sûr, mais comme on le sait, il y en a beaucoup moins qui quittent notre pays actuellement et le différentiel est négatif. Ces trois choses sont quoi ? C'est d'abord, bien entendu, tout l'encadrement du travail qui rend celui-ci très très peu, comme on, dit flexible. C'est les 35 heures mais également l'ensemble des réglementations qui très étroitement brident le travail en entreprise et ne sont plus compatibles avec la souplesse nécessaire. Deuxièmement, c'est la difficulté...
Henri Lauret.- Pardonnez-moi, qu'est-ce qu'il faut faire, qu'est-ce que le gouvernement peut faire de plus ? Il a légèrement assoupli les 35 heures...
Ernest-Antoine Seillière.- Oui mais il a à l'esprit de faire une réforme du Code du Travail, sur laquelle il commence à travailler et qui va, je pense, rendre à la négociation et enlever à la législation et à la réglementation, une quantité de règles, ce qui permettra aux partenaires sociaux, très près du terrain, de s'adapter de façon à ce que le projet d'entreprise puisse se développer.
Henri Lauret.- Et crisper un peu plus le climat social ?
Ernest-Antoine Seillière.- Non, je ne pense pas. Je pense que le climat social est au contraire en train de se mettre à la réforme, même s'il y a évidemment beaucoup de difficultés à prendre ce chemin. Mais je pense que nous y sommes et que les choses vont donc pouvoir s'ouvrir un peu à cet égard et que l'on va rattraper les retards. Deuxièmement, dans le même esprit, d'ailleurs, c'est la très grande difficulté qu'on a à adapter les entreprises, à les restructurer en cas de nécessité qui dissuade en effet beaucoup de gens de venir travailler chez nous en disant : si nous avons une difficulté de marché, de produit, on ne pourra pas en tirer les conclusions en ce qui concerne...
Henri Lauret.- C'est le droit du licenciement, notamment...
Ernest-Antoine Seillière.- Tout ce qui touche à la procédure surtout, éternelle, judiciaire, souvent pénale, qui dissuade franchement les gens, et ça je pense que tout le monde le reconnaît. Ce sont donc ces deux éléments là au principal, et troisièmement, bien entendu, c'est le niveau de la taxation et des charges qui rend souvent, et notamment pour les cadres, le travail en France beaucoup plus cher qu'ailleurs et qui donc, empêche les gens de venir. Voilà, si vous voulez, les trois domaines dans lesquels les assouplissements et tous les signaux donnés, c'est la volonté de reconnaître le problème et de le traiter, va changer les choses.
Henri Lauret.- Mais lorsque le Premier ministre envisage un régime de faveur pour les impatriés puisque c'est la formule co nsacrée, est-ce que vous ne considérez pas que c'est aussi créer une condition de discrimination vis-à-vis des cadres français ? Comment est-ce qu'on va traiter cette question-là au sein de l'entreprise ?
Ernest-Antoine Seillière.- Ecoutez, un cadre français qui part avec une équipe en Angleterre, en Italie ou en Belgique et qui donc quitte notre pays, il n'y travaille plus avec tout ce que cela représente comme baisse de dépenses, comme baisse, je dirais, de niveau de travail et d'entraînement pour notre pays, c'est bien pire que d'avoir son homologue étranger qui vient dans notre pays. Et ceux qui disent : il n'a pas le même régime fiscal, je dirais : écoutez, très franchement, nous, nous ne sommes pas petits bras, nous ne sommes pas chauvins, nous sommes pas en train de comparer sans cesse nos avantages comme on le fait peut-être dans des milieux de Fonction publique, nous sommes attachés à un projet. Et un cadre français qui est sur un projet et qui voit arriver un collègue étranger qui va l'aider à faire réussir la conquête du marché qu'il envisage, il n'est pas...
Henri Lauret.- Oui mais à des conditions beaucoup plus favorables...
Ernest-Antoine Seillière.- Il n'est pas en train de se demander méticuleusement si sa feuille de paye est ceci ou cela. Encore une fois, vous savez, la mentalité dans le privé n'est pas la mentalité que génère hélas la Fonction publique, sans cesse en train de se comparer les avantages.
Henri Lauret.- Ce n'est pas systématique.
Ernest-Antoine Seillière.- C'est une question de mentalité. Je ne juge pas les hommes, mais le système n'est pas le même. Chez nous, on veut l'emporter dans l'entreprise. L'entreprise est faite pour cela. Et le concours de ceux qui peuvent aider au succès est apprécié de tous.
Henri Lauret.- Alors, il y a quelque chose qui intrigue parce que le fameux rapport de Ernst Young démontre que l'année dernière, la France a été le deuxième site mondial en matière d'investissements étrangers, plus de 48 milliards d'euros investis dans ce pays. Comment peut-on dire à la fois que ce chiffre est probablement authentique et qu'il y a un problème d'investissement en France.
Ernest-Antoine Seillière.- Vous connaissez Pagnol : quand je me regarde, je m'inquiète, quand je me compare, je me rassure. Il y a un certain nombre en effet de manières de se rassurer, c'est ou bien de dire que les instruments de mesure ne sont pas les bons ou bien de se comparer...
Henri Lauret.- Enfin, le thermomètre est bon là, non ?
Ernest-Antoine Seillière.- Attendez, je vous explique la mentalité générale autour de ce problème d'attractivité. Alors, le chiffre des investissements étrangers en France est un bon chiffre mais de quoi est-il fait ? Est-il fait, comme par exemple en Chine, ou en Pologne, ou en Slovaquie, ou en Tchéquie, d'industriels et de sociétés de services qui viennent créer des sites, créer des emplois, construire des usines, créer des salles dans lesquelles des gens rendent des services ? Ca c'est bien.
Henri Lauret.- Réponse ?
Ernest-Antoine Seillière.- Eh bien, écoutez, en réalité, nous n'obtenons pas du gouvernement qu'il ose nous donner le partage entre la création de sites nouveaux avec création d'emplois et le rachat par des étrangers d'entreprises françaises, d'immeubles français, la création de villas françaises, que sais-je, qui, bien entendu, ne sont pas créatrices d'emplois mais qui sont des rachats du patrimoine national par l'étranger...
Henri Lauret.- Le patrimoine fout le camp...
Ernest-Antoine Seillière.- Alors, si vous voulez, je crois que c'est cela qu'il faut regarder. Il y a une partie d'ailleurs de ces investissements-là qui n'est pas mauvaise. Quand nous achetons, nous, à l'étranger, une entreprise par exemple...
Henri Lauret.- J'allais vous le dire...
Ernest-Antoine Seillière.- Nous en sommes contents, parce que ça donne plus de force à l'entreprise française qui a trouvé une part de marché. Et donc, il y a des choses comme cela qui se font. Mais nous savons que quand ça s'opère, malheureusement, c'est pour faire des restructurations au profit d'autres sites internationaux et que donc, il y a avec le rachat d'une entreprise française souvent des pertes d'emplois qui se mettent en place peu à peu. Donc, nous disons, nous disons que la France est attractive parce que c'est un très grand marché dans lequel il y a énormément d'atouts - l'infrastructure, la qualité de la formation qui, en dépit de ce qu'on dit, est encore très forte, bien entendu la position géographique - mais que tout ceci malheureusement n'est pas forcément créateur d'emplois. Le rachat du patrimoine français par l'étranger est compté comme un investissement étranger en France et ça n'est pas créateur d'emplois.
Henri Lauret.- Alors, vous mot-clef aujourd'hui, c'est quoi ? C'est en avant Raffarin ?
Ernest-Antoine Seillière : Oui, bien entendu, en avant la réforme, bien sûr, et je crois que là, nous sommes sur cette piste-là, je pense qu'on s'y met progressivement, c'est indispensable et nous le disons tout-à-fait franchement et je le redis : sans la réforme, c'est vrai hélas que l'entreprise française ne pourra pas réussir et que la France déclinera. Avec la réforme, nous avons tout l'espoir.
Henri Lauret.- Et nous avons beaucoup de déficit malheureusement.
Ernest-Antoine Seillière.- Oh, ne terminez pas par une triste formule.
Henri Lauret.- Merci Ernest-Antoine Seillière.
(Source http://www.medef.fr, le 30 juin 2003)