Déclaration de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, sur le projet de réforme des retraites, au Sénat le 15 mai 2003.

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Circonstance : Réponse à des questions posées par M. Jean-Marc Juilhard, sénateur UMP et M. Roland Muzeau, sénateur CRC, lors de la session des questions au gouvernement au Sénat le 15 mai 2003

Texte intégral

JEAN-MARC JUILHARD, UMP (PUY DE DOME) - Merci, Merci Monsieur le Président. Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, Mesdames et Messieurs les Ministres, mes chers collègues. Ma question concerne aussi les retraites et s'adresse à monsieur François FILLON, ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité. Monsieur le Ministre, dialogue, équité et solidarité ont guidé l'avant-projet de loi portant sur la réforme des retraites, que vous avez présenté la semaine dernière en Conseil des ministres. Cette réforme est d'autant plus difficile - et le Premier ministre vient de le rappeler, et comme il l'avait déjà expliqué - qu'elle n'a jamais été réalisée à ce jour. Le contexte économique, peu favorable, ne facilite pas votre tâche ; néanmoins, une grande partie de nos voisins européens ont mené à bien la réforme des retraites que nous devons également... et nous devons également le faire pour sauver les retraites et le pacte social. C'est une réforme complexe qui engendre de l'inquiétude chez les Français. L'essentiel, pour nous, est de ne pas les décevoir et de réaliser les réformes dont ce pays a besoin. Agir aujourd'hui, c'est sauver les acquis ; rester inactif, ce serait leur remise en cause. Je salue le travail que vous avez accompli depuis ces derniers mois. Les arguments sur l'absence de préparation ou de concertation ne peuvent vous être opposés que par ceux que la mauvaise foi caractérise. Pour ma part, je tiens à vous assurer du total soutien de notre groupe. Vous avez construit une réforme fondée sur l'idée d'un effort partagé. Je crois que votre volonté de laisser aux futures générations une garantie d'avenir est apparue clairement. Certes, il est difficile de parler de réformes en France. Le droit de grève est un droit essentiel, incontestable, que personne ne pense à remettre en cause pour peu qu'il s'effectue dans la légalité. Cependant, je souhaite exprimer mon soutien à tous les Français pris en otages, qui ont malgré tout continué...
JEAN-MARC JUILHARD - Tout à fait, très nombreux, qui ont continué à travailler. (Applaudissements). La mobilisation, syndicale a été importante...
CHRISTIAN PONCELET, PRESIDENT DU SENAT - Votre question ? Alors un peu de silence, s'il vous plaît...
JEAN-MARC JUILHARD - Dans votre logique de dialogue, vous avez reçu l'ensemble des partenaires sociaux hier soir pour une nouvelle réunion de concertation, et vous allez poursuivre, si j'ai bien compris. Vous vous êtes montré ouvert à certaines modifications et améliorations de votre texte. Aujourd'hui, Monsieur le Ministre, qu'en est-il exactement ?
FRANÇOIS FILLON, MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DU TRAVAIL ET DE LA SOLIDARITE - Monsieur le Président...
CHRISTIAN PONCELET - Monsieur COURRIERE, soyez assez aimable de comptabiliser tous les intervenants et pas un seul seulement, merci ! C'est monsieur François FILLON, ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, qui répond à monsieur JUILHARD.
FRANÇOIS FILLON - Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, le gouvernement a un devoir qui transcende les clivages politiques et les clivages entre les générations. Ce devoir, c'est de sauver les retraites. Et je voudrais avant tout vous dire, Monsieur le Sénateur, que nous ne nous arrêterons pas en chemin. Nous avons souhaité, néanmoins, poursuivre la concertation jusqu'au bout ; et comme vous l'avez indiqué, cette nuit, pendant plus de dix heures, avec l'ensemble des organisations syndicales et des organisations patronales, nous avons travaillé à l'amélioration du texte du gouvernement. Et... j'entends beaucoup de bruit de ce côté-ci de l'hémicycle, il est vrai qu'à ma connaissance, jamais, durant les cinq dernières années, le ministre du Travail n'a passé dix heures avec les organisations syndicales, dans un climat qui était un climat de sérénité et de franchise et de confiance, à améliorer le texte gouvernemental ! Plusieurs avancées ont été enregistrées. D'abord, nous avons accepté de monter à 85 % du SMIC la garantie sur les basses pensions. C'est une disposition qui n'a jamais existé dans le passé. Et ceux qui crient de ce côté-ci ont laissé pendant cinq ans le minimum contributif baisser en dessous du minimum vieillesse, et ce sont eux qui donnent des leçons au gouvernement ! Nous avons accepté d'étendre aux personnes ayant commencé à travailler à 16 ans la possibilité de partir, sous certaines conditions, en retraite anticipée. Nous avons accepté d'abaisser de 6 à 5 % la décote, qui sera mise en place progressivement dans le secteur public et dans le secteur privé ; pour le secteur privé, c'est une énorme avancée puisqu'on passera d'une décote de 10 % par an à une décote de 5 % par an. Nous avons décidé de créer un régime de retraite additionnel obligatoire pour les fonctionnaires, qui permettra d'intégrer une partie des primes des fonctionnaires dans, finalement, le calcul de leurs retraites. Nous avons pris des mesures spécifiques pour la Fonction publique hospitalière, et pour les enseignants en particulier, en ce qui concerne les rachats de trimestres. Chacun, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, peut mesurer l'importance et l'étendue de ces avancées. Elles sont sur la table des discussions. Je peux vous dire que, ce matin, de nombreux contacts ont eu lieu avec les organisations syndicales pour préciser un certain nombre de points. Et à cinq heures, à la demande de trois organisations syndicales, la CFDT, la CGC et la CFTC, nous allons nous remettre autour de la table de négociations, avec Jean-Paul DELEVOYE, pour chercher à préciser, à améliorer encore ces propositions. Monsieur le Président, le gouvernement ira jusqu'au bout du dialogue social, mais le gouvernement ne fuira pas ses responsabilités devant les générations futures.
CHRISTIAN PONCELET - Et, cette fois, c'est monsieur Roland MUZEAU qui intervient pour le groupe communiste républicain et citoyen.
ROLAND MUZEAU, CRC, HAUTS-DE-SEINE - Monsieur le Premier Ministre, les salariés du public et du privé, les citoyens jeunes ou moins jeunes se sont mobilisés dans la grève et sont massivement descendus dans la rue ce mardi. Ils ont dit non au fatalisme en matière de retraite, non à votre projet, facteur de recul social pour les générations présentes et à venir. L'ampleur du mécontentement vous a contraint à quelques aménagements mais, dès le départ, le gouvernement annonçait, par la voix de son ministre des Affaires sociales, qu'il n'y avait pas d'alternative à la réforme. Les négociations de cette nuit ne pouvaient donc qu'échouer. La seule certitude que peuvent avoir, aujourd'hui, les Français, c'est que désormais ils devront travailler plus longtemps, bien au delà de 60 ans et avec des retraites réduites. Vous refusez toujours d'annuler les mesures BALLADUR dont les salariés retraités du privé font déjà les frais. La question centrale, celle du financement, n'est toujours pas abordée. Monsieur le Premier Ministre, vous devez entendre la colère, la déception, les insatisfactions exprimées et y répondre sauf à prendre la responsabilité de laisser s'installer une grave crise sociale dans notre pays. Les déclarations intempestives de vos ministres sur les prétendues grèves illégales, sur la prise en otage des non-grévistes, sont de véritables provocations. Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Premier Ministre, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen vous demandent de retirer ce projet, d'ouvrir de véritables négociations avec l'ensemble des organisations syndicales où seraient posés tous les paramètres, discutées toutes les solutions, y compris celle de consacrer une part plus importante des richesses produites et des revenus financiers au financement de notre système par répartition. C'est un choix politique, un choix de société mais il est vrai qu'il est à l'opposé de la vision ultra-libérale que vous défendez. Allez-vous, Monsieur le Premier Ministre, enfin accepter de mettre en discussion les propositions formulées par les organisations syndicales sans exclusive pour d'autres financements garantissant le droit à la retraite à 60 ans et le pouvoir d'achat des retraités du public et du privé ?
CHRISTIAN PONCELET - Merci, merci, monsieur MUZEAU. Vous avez respecté le temps qui vous est imparti, je tiens à le souligner. Que chacun suive cet exemple. C'est maintenant monsieur François FILLON, ministre des Affaires sociales, du travail et de la solidarité, qui répond à monsieur MUZEAU.
FRANÇOIS FILLON, MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DU TRAVAIL ET DE LA SOLIDARITE - Monsieur MUZEAU, le sujet que vous venez d'évoquer est un sujet difficile. Il y a, aujourd'hui, 10 millions de retraités dans notre pays, en 2040, il y en aura 20 millions et le nombre des actifs pour financer ces retraites sera plutôt moins important qu'aujourd'hui. C'est un problème qui se pose à tous les pays développés, et notamment à tous les pays européens, et l'ensemble des pays européens, 14 sur 15, ont choisi, notamment, d'allonger la durée de cotisation à la fois pour tenir compte de l'allongement de la durée de la vie, le temps que l'on passe aujourd'hui à la retraite est de plus en plus long, mais aussi pour faire en sorte que l'effort de financement des retraites soit plus équitable, mieux partagé et qu'il ne pèse pas seulement sur les jeunes actifs d'aujourd'hui. C'est le choix de tous les pays européens, c'est le choix que nous avons décidé de proposer aux Français et dont nous discutons, aujourd'hui, avec les partenaires sociaux qui, loin d'avoir rejeté ces propositions, souhaitent, sur tels ou tels aspects, en tout cas pour un certain nombre d'entre eux, les améliorer. Alors, nous avons ouvert un débat, j'y viens, nous avons ouvert un débat depuis trois mois dans le pays et j'ai d'ailleurs reçu les responsables du Parti communiste il y a trois mois pour recueillir leurs propositions sur les retraites et je suis au regret de dire qu'il n'y a aucune alternative aujourd'hui sur la table au projet du gouvernement. La seule alternative, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, que j'ai entendue, c'est la vague référence en rien chiffrée, en rien étudiée, d'affecter au financement des retraites des ressources financières dont personne ne dit quelles sont ces ressources financières et surtout quel serait leur impact sur l'économie française, sur la croissance et sur l'emploi et, enfin, dont personne ne dit quel serait l'impact sur la sécurité des retraites. Comment prétendre à la fois... On n'est pas obligé de pratiquer l'insulte, Monsieur le Sénateur, dans un débat qui devrait être un débat beaucoup plus digne et qui, dans la plupart des pays européens, est un débat qui a été un débat consensuel. La sécurité, la sécurité des retraites, quelle serait-elle si elle était simplement assise ou largement assise sur les bénéfices des entreprises, sur des sommes financières qui sont extraordinairement fluctuables, fluctuantes et qui sont extraordinairement mobiles ?...
CHRISTIAN PONCELET - Terminez, Monsieur le Ministre, terminez.
FRANÇOIS FILLON - Il n'y a, Monsieur le Président, en réalité, aucune alternative au projet que le gouvernement propose et, d'ailleurs, la meilleure preuve, c'est que l'abrogation de la réforme BALLADUR, que vous venez d'évoquer, vous auriez pu la faire pendant cinq ans, vous ne l'avez pas fait.
(source http://www.retraites.gouv.fr, le 21 mai 2003)