Conférence de presse de M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur la croissance économique de la zone euro 11 et sur les objectifs de la politique économique française : réduction des déficits publics et des prélèvements obligatoires, soutien aux entreprises innovantes et formation de main-d'oeuvre qualifiée, Bruxelles, le 31 janvier 2000.

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Circonstance : Conseil des ministres de l'économie et des finances de l'Union européenne, à Bruxelles, le 31 janvier 2000

Texte intégral

Je voudrais vous rendre compte des travaux d'aujourd'hui.
Vous avez vu dans ces éléments de langage commun que les ministres des Finances des 11 pays de l'euro et la Banque centrale européenne sont associés puisque ce sont des éléments communs non seulement à l'euro 11 mais à la Banque centrale européenne. C'est bien la preuve que l'euro 11 a bien travaillé puisqu'il a ainsi défini une position complètement commune. Sur le fonds, pour paraphraser le communiqué, il est fait mention d'une croissance robuste qui est de plus en plus tirée par la demande intérieure. Je voudrai simplement insister sur un point : les échanges extérieurs de l'euro 11 considérés comme un tout représentent de 12, 1 à 12,2 % du PIB de la zone euro 11. C'est dire si l'on va de plus en plus vers un rôle moteur de la demande intérieure. L'influence de la parité de l'euro n'a pas l'importance que certains lui prêtent. Ce qui est capital c'est le fait que la consommation soit soutenue, que l'investissement des entreprises ait repris une forte vigueur. La mention de la stabilité interne des prix est importante aussi parce qu'elle reflète un diagnostic partagé, au-delà de la répercussion de la hausse des prix de pétrole, qui a été forte, mais qui est simplement revenu à son niveau de la fin de 1996, il y a une évolution salariale qui est tout à fait compatible avec l'évolution de la productivité donc il n'y a pas de tension salariales sur les prix.
Ce qui est important, c'est qu'au delà de l'affirmation habituelle que l'euro a un potentiel d'appréciation, il est explicité que les gouvernements vont y travailler sur 2 fronts :
Premièrement l'insistance qui est mise sur la consolidation budgétaire : cela signifie pour la France (et pas seulement pour la France) la maîtrise de la dépense publique qui doit croître beaucoup moins vite que la production intérieure brut. Pour la France, dans les perspectives transmises à Bruxelles, c'est 1,3 % pour la dépense publique (Etat plus Sécurité sociale plus collectivité locale) par rapport à une perspective de croissance qui est de 3 % avec une hypothèse de replis de la croissance à 2,5 %.
Deuxièmement : la poursuite de la réduction du déficit : pour la France nous arrivons entre 0,3 et 0,5 % en 2003 ce qui est très très proche de l'équilibre et coïncide parfaitement avec ce que l'Allemagne fait.
Troisième élément de la consolidation budgétaire : c'est la diminution des prélèvements obligatoires. Pour la France, environ 40 milliards de francs par an dès l'année 2000 et la même chose sur les trois années qui suivent avec comme priorité de faciliter le retour à l'emploi de ceux qui sont au chômage et vivent de revenus de solidarité et l'encouragement au travail et à l'initiative.
Et puis, deuxième champ de politique économique sur lequel les éléments de langage insistent clairement concerne les politiques structurelles : le processus de réforme structurelle. Qu'est ce que cela veut dire en concret ? Je citerai trois domaines pour ce qui concerne la France (mais seulement la France) :
1/ d'abord l'existence même de l'euro provoque des bouleversements structurels considérables car le marché de consommation, l'organisation de la production en sont affectés et vont en être bouleversés dans les années qui viennent d'autant plus que le commerce électronique va accroître l'homogénéité du marché européen.
2/ Tout ce qui touche à l'innovation : le fait que nous voulons relever le potentiel de croissance de la France, mais je dirais de l'ensemble de l'Europe. Pour la France je citerai trois décisions qui ont été prises et qui doivent être renforcées à l'avenir :
le développement du capital risque
b) la fiscalité favorable aux entreprises nouvelles
c) tout ce qui touche à la mobilité des chercheurs du secteur publique pour que leurs découvertes puissent être rapidement mises en pratique, en production même.
3/ Tout ce qui touche l'emploi.
a) l'effort sur l'éducation et sur la formation continue de façon à ce que au fur et à mesure que la croissance se poursuivra on ne bute pas sur des pénuries de main d'oeuvre qualifiée.
b) les mesures qui sont prises pour éviter ce que les spécialistes appellent les trappes de pauvreté, c'est à dire les mesures qui ont pour but d'aider ceux qui vivent de revenus de solidarité à passer à des revenus d'activité.
c) tout ce qui touche l'abaissement du coût de travail des travailleurs non-qualifiés ce qui passe en France par une politique ambitieuse en matière de réduction des cotisations sociales.
Donc voilà les commentaires que j'avais à faire sur ces éléments de langage qui sont très concis mais qui montrent véritablement que les 11 ministres de l'Economie et des Finances ainsi que la Banque centrale européenne, pensent que la croissance est robuste et que, pour celle-ci soit durable, il faut poursuivre des politiques macro-économiques que je vous ai décrites et accentuer des politiques structurelles.
Le résumé de tout ceci c'est la phrase très importante qui dit qu'une économie forte va de pair avec une monnaie forte.
Un mot sur le groupe de haut niveau sur la fiscalité. Nous en avons parlé avec un double souci : le premier c'est qu'il favorise la solution du problème notamment de fiscalité de l'épargne qui était bloqué à Helsinki d'ici le Conseil européen de Porto. Donc ce groupe de haut niveau doit trouver une solution d'ici la fin du semestre.
La présidence portugaise veut donner à ce groupe une stature politique. C'est le secrétaire d'état aux Finances du Portugal qui le présidera. Pour la France c'est Florence Parly, secrétaire d'Etat au Budget, qui en sera membre.
Q - 1/ Est-ce que vous considérez qu'une hausse des taux d'intérêts jeudi lors de la réunion des gouverneurs de la BCE serait la bienvenue ou cela serait-il une erreur ?
2/ Concernant les réformes structurelles, la France a deux réformes structurelles bloquées actuellement, parce que les lois ne sont pas passées sur la libéralisation du marché de l'énergie (gaz et électricité) : est-ce que par exemple cela ne serait pas donner un signe aux marchés financiers en les appliquant le plus rapidement possible ?
R - Sur la première question, je répéterais simplement que la Banque centrale est en plein accord avec les 11 ministres de l'euro 11 et je crois que le communiqué en la matière est explicite et je n'ai pas l'habitude de commenter et surtout d'anticiper les décisions d'une Banque centrale qui est indépendante.
En ce qui concerne les directives énergie (électricité et gaz). La directive électricité qui est dans la procédure parlementaire française, doit être normalement votée par le Parlement d'ici la fin du mois de février. Donc vous souhaitez que la France donne des signes et bien voici un qui est tout à fait clair.
Quant à la directive gaz, elle est en cours de discussion et nous n'attendons pas la fin du débat sur la directive électricité pour commencer l'examen de la directive gaz. Vous voyez que je vais tout à fait dans le sens de vos souhaits.
Je considère qu'une entreprise comme EDF ou GDF n'ont rien à craindre de la concurrence internationale ni sur son marché intérieur, ni sur les marchés étrangers.
Q - A propos du groupe de haut niveau, est-ce que les Britanniques ont annoncé leur représentant ?
R - J'ai annoncé le représentant français. Tout le monde n'a pas annoncé son représentant à ce stade. Ce qui est important c'est que le groupe de haut niveau va être réuni par la présidence portugaise d'ici la fin du mois de février. Donc la présidence portugaise a vraiment la volonté de ce que l'on débouche d'ici le Sommet de Porto.
Q - Sans remettre en cause l'indépendance de la Banque centrale, est-ce-que vous estimez que la croissance est actuellement suffisamment robuste et ne sera pas remise en cause par une éventuelle procédure ?
R - Vous pouvez prendre le problème sous tous les sens je vous ferais la même réponse.
Q - La fameuse preuve qu'une économie forte va de paire avec une monnaie forte. On peut la comprendre aussi d'une différente manière que la croissance n'est pas suffisamment forte aujourd'hui pour avoir une monnaie forte ?
R - Ce n'est pas à vous, qui êtes l'un des plus fin exégète des affaires européennes que je dirais une chose pareille : la croissance est forte et même qualifiée de robuste et la force de la croissance européenne, le dynamisme de l'économie européenne fait que tôt ou tard, et je préfère tôt, ceci se traduira dans la force de l'euro.
Q - En parfait accord avec M. Duisemberg mais il y a quand même une différence d'appréciation sur les chiffres de l'inflation. M. Duisemberg est beaucoup plus inquiet que vous sur ce plan là.
R - Nous avons au début de la réunion de l'euro 11 entendu le chef de la mission du FMI, M. Arthus, qui nous a parlé, et je crois que c'est important que la zone euro 11 soit l'objet d'un examen dit de l'article 4, pour vous qui êtes familier avec ces questions, par le FMI. M. Arthus nous a dit qu'il n'y avait pas, à son avis, de risque inflationniste pour les mois qui viennent. C'est à dire que le fait que le prix du pétrole ait monté d'un cran, s'est répercuté mécaniquement par une bosse dans la hausse des prix à la consommation mais ceci n'entraîne pas un enchaînement inflationniste par le jeu des salaires et des prix. Mon diagnostic sur ce point là est extrêmement clair pour la France et apparemment il l'est tout aussi pour les 11 pays de l'euro.
En ce qui concerne la France, la modération salariale est une réalité et elle est en partie le résultat des accords précédents sur les 35 heures. Il y a cette semaine un certain nombre de mouvements sociaux mais je crois que notre diagnostic central qui est celui que l'évolution des salaire est tout à fait compatible avec l'évolution des prix sous-jacents qui est nettement inférieur à 1% et l'évolution de la productivité, je ne change pas ce diagnostic.
Q - N'avez-vous pas l'impression que les marchés financiers sanctionnaient aussi l'absence apparente, en tous cas, de coordination des politiques économiques. Parce que l'euro 11 ne donne pas l'impression d'être un lieu où on coordonne. Chacun annonce de son côté ses baisses d'impôt. On a l'impression que cela ne fonctionne pas très bien !
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 février 2000).