Déclaration de M. Patrick Braouezec, député PCF, pour tirer les leçons de l'échec du sommet de l'OMC à Cancun et pour s'inquiéter des conséquences de l'AGCS (Accord général sur le commerce des services), à Paris, Assemblée nationale, le 9 octobre 2003.

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M. Patrick Braouezec - Je n'étais pas à Cancùn, mais je connais les enjeux, et je crois que la mondialisation doit se penser autrement que ne le fait l'OMC.
En quoi et pour qui le sommet de Cancùn a-t-il été un échec ? Les medias nous disent que " les premières victimes sont les pays en développement, mal avisés d'écouter les ONG ". Est-ce à dire que le Premier ministre avait lui-même été mal avisé de recevoir plusieurs associations avant le sommet de Cancùn pour en évoquer avec elles les enjeux ? On peut s'interroger sur le rôle que jouent les medias dans la construction d'un discours uniformisateur, question qui n'est pas sans lien avec les conséquences de la mondialisation...
Si quelque chose a été gagné à Cancùn, c'est bien le fait que les voix des pays jusqu'ici ignorés ont été entendues, grâce au travail d'information et de mobilisation mené par les ONG. Est-ce être mal avisé que de refuser de faire appel au FMI, à la Banque mondiale pour des aides qui devraient servir à diversifier les économies de certains pays producteurs de coton ? Est-ce être mal avisé que de dénoncer l'accord cadre pour la libéralisation des services ? La Commission européenne était-elle bien intentionnée en refusant de divulguer la liste des services engagés dans la négociation ? Est-il anormal de s'alarmer des conséquences de l'AGCS (Accord général sur le commerce des services), qui fera qu'à terme aucun service public ou d'intérêt collectif ne pourra échapper à la " libéralisation ", laquelle signifie tout simplement la mise en concurrence avec le privé à l'échelle internationale ? Qui d'entre nous, élus, peut dire que dans son département, sa ville, il faut privilégier les intérêts privés au détriment de l'intérêt collectif ?
Il ne faudra pas attendre longtemps pour que de nombreux pays, riches ou pauvres, soient victimes de l'AGCS puisque n'importe quelle loi ou mesure pourra être contestée s'il est prouvé qu'elle compromet les avantages que les entreprises étrangères pourraient s'attendre à tirer de l'accord... " Vous votez des textes ", a déclaré le Premier ministre en réponse à une question d'actualité posée par Hervé Morin. Mais que se passera-t-il lorsque les lois que nous aurons votées seront contestées ou supprimées ?
Le Premier ministre pourra-t-il encore affirmer qu'il est important d'avoir une culture de l'évaluation ? Cette évaluation sera menée par l'OMC qui, dans l'article 3 de l'AGCS, impose à chaque Etat la transparence, afin de pouvoir déceler d'éventuels obstacles au commerce dans les lois adoptées. Si donc aujourd'hui les pays en développement estiment que le programme de libéralisation commerciale ne prend pas en considération leurs intérêts, demain nous serons à leurs côtés parce qu'il ne considérera que les intérêts économiques de quelques transnationales.
Le monde que l'on veut nous imposer remet en cause l'article premier de la Déclaration universelle des droits de l'homme mais aussi celui des deux pactes relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966. Plutôt que de revoir les règles de cette nébuleuse qu'est l'OMC, choisissons de prolonger ce qui s'est passé à Cancùn. C'est ce que nous ferons à Saint-Denis du 12 au 16 novembre prochain pendant le Forum social européen. Je souhaite que notre assemblée entende ce qui s'y dira et en tire toutes les conséquences (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et
républicains).
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 14/10/2003)