Interview de M. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, dans "Les Echos" du 18 avril 2003, sur la réforme des retraites, notamment le régime des retraites de la fonction publique et la pension minimale garantie.

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Média : Energies News - Les Echos - Les Echos

Texte intégral

Avez-vous été surpris des orientations de réforme des retraites de la fonction annoncées par Jean-Paul Delevoye ?
Ce qui nous a surpris, c'est que l'on nous propose de manière séparée une réforme pour la fonction publique, alors qu'il était bien entendu avec le Premier ministre qu'on devait avoir un projet couvrant à la fois le public et le privé. J'ai aujourd'hui le sentiment que l'on aura deux réformes. Au lieu de se donner des objectifs ambitieux et communs, on va, encore une fois, opposer les salariés du public et ceux du privé. On nous avait promis harmonisation et équité. On va avoir opposition et division. Le gouvernement a commis là une faute grave.
Allez-vous mobiliser ?
S'il doit y avoir une mobilisation, elle ne peut être que commune au public et au privé. Donc, c'est au regard de ce que va nous proposer François Fillon que nous déciderons de mobiliser, ou non.
Qu'attendez-vous de votre rencontre avec le ministre des Affaires sociales ?
Il faut que François Fillon nous présente aujourd'hui la réforme d'ensemble des retraites du public et du privé. Nous voulons rassembler tous les salariés sur un projet commun, pas les diviser. Cela passe par un texte précis, avec des propositions chiffrées, précises. Je vais vous en donner deux exemples. Il faut que le gouvernement nous dise de combien sera la pension minimale garantie que nous demandons. Nos revendications sont claires sur ce point : 100 % du SMIC pour un retraité qui gagnait le salaire minimum, 80 % pour une rémunération de 1.500 euros, 70 % pour 3.000 euros. Il faut, aussi, que le gouvernement nous dise très exactement quelles générations pourront partir à la retraite avant 60 ans, une fois acquises les quarante annuités. C'est à partir de ces éléments tangibles que l'on jugera.
Et si le gouvernement ne vous remet pas un texte ?
Cela voudra dire qu'après six mois de concertation et de dialogue, il n'est pas capable de promouvoir une réforme. Ce sera un échec et nous en tirerons les conséquences en organisant la mobilisation syndicale. Nous réagirons, également, si les orientations retenues ne vont pas dans le sens que nous souhaitons. Nous le ferons sur nos objectifs de réforme et, s'il le faut, nous l'assumerons tout seuls.
Dans vos revendications, il y a beaucoup de dépenses nouvelles mais peu d'économies. Or l'enjeu n'est-il pas d'assurer l'équilibre financier du système des retraites ?
Nous sommes soucieux d'assurer à la fois le niveau des retraites et la pérennité financière du système. C'est pourquoi nous sommes en désaccord avec le gouvernement, qui nous propose de l'équilibrer uniquement par une augmentation de la durée de cotisation. Il se prive d'une discussion sur d'autres recettes. Pour le moment, il en reste à une gestion financière du système à court terme. Or certains paramètres qui rendent la situation encore plus difficile, comme le niveau du chômage, sont susceptibles de changer. Il faudrait donc se laisser la possibilité de faire évoluer en conséquence le financement des retraites, y compris par de nouveaux prélèvements. En outre, rien ne dit que demain, on ne pourra pas basculer une partie du financement du chômage sur les retraites. Aujourd'hui, nous posons le problème de l'élargissement de l'assiette des cotisations, par exemple à la participation, à l'intéressement et aux stock-options.
Ensuite, on veut avoir un débat sur la CSG, en particulier pour financer les avantages familiaux. Un point de CSG, c'est tout de même 9 milliards d'euros. Nous disons qu'il ne faut pas se priver des marges de manuvre qui existent.
Que pensez-vous de la perspective d'allongement de la durée de cotisation à 42 ans en 2020 ?
On va refuser toute décision d'augmentation automatique de la durée de cotisation qui bloquerait le débat sur le montant et l'assiette des prélèvements. Nous souhaitons pouvoir rediscuter périodiquement des réformes, pour les adapter aux réalités économiques et sociales du moment. Aujourd'hui, nous manquons de visibilité, ne bloquons pas les choses : laissons toutes les portes ouvertes pour mieux financer les retraites.
(Source http://www.cfdt.fr, le 23 avril 2003)