Déclaration de M. Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises au commerce et à l'artisanat, sur les modifications apportées à la loi de 1946 sur les conditions d'exercice de la coiffure à domicile et l'obligation de qualification dans l'entreprise, Toulouse le 4 mai 1998.

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Circonstance : Congrès de la fédération nationale de la coiffure, à Toulouse le 4 mai 1998

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais vous exprimer ma grande satisfaction d'être parmi vous et remercier votre Président de son invitation.
Certes, j'ai eu de nombreuses occasions, de rencontrer M. Pierre SEASSARI dans sa fonction de Président de l'APCM, mais c'est la première fois que je participe à votre congrès national.
Comme j'ai pu le constater lors de ma venue au Mondial Coiffure Beauté, votre secteur d'activité est au cur de l'artisanat.
Vos entreprises sont des espaces de beauté, de bien-être, en même temps que des lieux de convivialité et d'échanges qui concourent à la qualité de la vie. C'est une profession associée aux Métiers d'Art et de la Mode qui constitue un secteur économique important.
La France est riche de ses traditions et vos métiers font partie de cette culture et de ce savoir-faire que de nombreux pays envient.
C'est un formidable patrimoine de connaissances que notre pays a su acquérir à travers son histoire, et vos métiers contribuent à cet art de vivre qui est chargé d'avenir prometteur.
Je souhaitais participer à votre congrès parce que c'est pour moi l'occasion de poursuivre l'échange que j'ai engagé avec votre fédération dès les premiers jours.
Les sujets concernant votre profession sont nombreux et ceci apparaît logique puisque vous êtes un secteur emblématique de l'artisanat à plusieurs égards.
Les modifications apportées par la loi du 5 juillet 1996 à la loi de 1946 étaient nécessaires et attendues par votre profession depuis de nombreuses années.
Ceci, notamment depuis que l'arrêt Imbert, par les brèches qu'il avait ouvertes dans l'application de cette loi, avait sensiblement déréglementé votre profession dans le cas des salons multiples.
Cela était indispensable pour encadrer la coiffure à domicile dont le développement est important au cours des dernières années.
Il était aussi nécessaire, même si cela ne correspondait pas à une attente de votre profession et de votre organisation syndicale qu'une procédure de reconnaissance des diplômes nous permette d'être en conformité avec le droit communautaire.
Je sais que les dispositions introduites par la loi du 5 juillet 1996 sur les conditions d'exercice de la coiffure à domicile ne vous donnent pas entièrement satisfaction. Certains d'entre vous ont eu l'occasion de me faire part de leur désaccord.
Je voudrais sur ce point vous apporter des éléments de réponse. Il me semble et je pense que vous en conviendrez, que l'exercice de la coiffure à domicile est moins complexe que l'exercice de la coiffure en salon. La profession a beaucoup évolué au cours de ces dernières années. Dans le salon, le chef d'entreprise outre son métier de coiffeur, doit aussi savoir gérer son entreprise et communiquer.
Le responsable d'un salon doit simultanément effectuer son propre travail mais également contrôler les coiffeurs moins qualifiés qu'il encadre, voire un apprenti, tout en étant également disponible pour assurer le contact avec la clientèle.
Cette diversification et cette simultanéité des tâches nécessitent à mon sens une plus grande maîtrise du métier que traduit la différence de niveau de qualification requis.
Ce que je viens de dire ne signifie pas que je ne suis pas attentive à vos préoccupations. Je souhaite examiner, avec vous, la qualification requise pour l'exercice de la coiffure au domicile des particuliers.
Je n'ai pas d'idées préconçues dans ce domaine et peut-être pourrait-il être envisagé en liaison avec le ministère de l'éducation nationale d'engager une piste de réflexion afin de définir un niveau de qualification intermédiaire entre le CAP et le brevet de maîtrise ou le brevet professionnel.
Ce niveau pourrait peut être se concrétiser, si une telle idée était validée par vous mêmes, par la création d'une mention complémentaire "coiffure à domicile" comme il existe des mentions complémentaires pour la couleur ou la permanente. Il me semble que ceci aurait l'avantage de la clarté et le mérite de reconnaître la spécificité des différentes modalités d'exercice de votre métier.
Je vous invite donc à réfléchir à cette proposition.
La seconde modification essentielle apportée à la loi de 1946 concerne la reformalisation de l'obligation de qualification dans l'entreprise afin de mettre un terme aux dérives qui avaient été constatées, notamment dans les salons multiples.
Ceci afin de remédier à cette situation en imposant que toute entreprise de coiffure et chacun de ses établissements soient placés sous le contrôle effectif et permanent d'une personne qualifiée.
La loi s'est ainsi adaptée à l'évolution de votre profession ; il était nécessaire qu'elle prévoit des adaptations afin de permettre aux professionnels de se mettre en conformité. C'est dans cet esprit que le parlement a souhaité que la capacité professionnelle de certains coiffeurs non titulaires du brevet professionnel ou du brevet de maîtrise, puisse être validée pour exploiter personnellement un établissement unique.
Il ne s'agit pas là d'autoriser des personnes qui se seraient volontairement et délibérément placées en dehors du champ de la loi, à exploiter une entreprise de coiffure ; il s'agit de permettre à des professionnels qui ont acquis la maîtrise de leur métiers et qui n'ont pu obtenir leur diplôme de pouvoir concrétiser le projet de créer leur propre entreprise. Dans bien des cas d'ailleurs il s'agit de prendre en compte des situations sociales difficiles qui donnaient souvent lieu à dérogation dans le cadre des commissions consultatives de la coiffure.
Le dispositif actuel présente l'avantage de ne pas être précaire et limité dans le temps.
Il s'agit enfin de permettre aux personnes qui bien que non titulaires du diplôme, assuraient dans le cadre ouvert par la jurisprudence Imbert la gestion d'un salon de coiffure à titre salarié, de pouvoir le cas échéant racheter l'entreprise qu'elles dirigeaient jusqu'à présent.
La Commission Nationale de la Coiffure ainsi créée pour valider la capacité professionnelle de ces personnes s'est réunie depuis juillet 1997 et a examiné plus de 1100 dossiers et validé 313 d'entre eux.
Dans l'ensemble, les décisions prises par cette commission ont été assez consensuelles et s'il est vrai qu'au début la commission a validé près de 30 % des dossiers qui lui étaient soumis, il semblerait qu'elle ait alors fait le plein des bons dossiers et qu'elle ne valide plus maintenant qu'environ 20 % des dossiers examinés. Quoiqu'il en soit, le travail de cette commission me paraît très lourd, et en accord avec votre président, je souhaite la régionaliser.
Cela afin que les décisions puissent être plus rapides et mieux prendre en compte les spécificités locales d'un certain nombre de demandes. Cela va dans le sens de simplifier les circuits administratifs. Vous connaissez ma volonté de simplifier votre vie administrative et alléger votre fardeau. Cela s'est traduit par 37 mesures que j'ai présenté en décembre 1997.
Je sais que certains d'entre vous critiquent la procédure qui instaure une dérogation à l'obligation de qualification posée il y a plus de 50 ans par la loi de 1946. Je voudrais cependant insister sur le fait que ces possibilités de dérogation justifient à mes yeux une application et un contrôle d'autant plus strict de la loi.
Dès lors qu'il existe un système de repêchage pour les véritables professionnels, nous ne permettrons plus à ceux qui ne sont pas en règle d'exercer. La loi a renforcé à la fois les possibilités de contrôle dans les entreprises et le poids des sanctions.
Mais l'organisation de votre profession et la qualité des services qu'elle offre ne sauraient dépendre que d'un cadre législatif.
Je voudrais développer trois idées qui me paraissent importants à cet égard : la qualité des prestations, l'effort de formation par l'apprentissage et l'amélioration des conditions de transmission des entreprises.
S'agissant de la promotion de la qualité, je ne peux qu'encourager l'initiative que vous avez engagé qui permettra de bien identifier les entreprises aux yeux des consommateurs. Je suis convaincue que la promotion d'un tel engagement de qualité se diffusera largement dans votre profession car il répond aux attentes de votre clientèle et des consommateurs en général.
Mais qui dit contrat de qualité dit également professionnels compétents, bien formés et ceci à tous les postes dans l'entreprise. Ceci me permet d'insister une fois de plus sur l'importance de la formation par alternance, et de l'apprentissage en particulier.
Cette formation par l'apprentissage est tout à fait indispensable pour assurer des générations de repreneurs pour les entreprises artisanales.
Le "Fonds de Promotion et de Communication de l'Artisanat" que nous mettons en place avec les milieux professionnels doit permettre de repositionner l'artisanat et l'apprentissage dans toute la modernité de ses composantes actuelles.
Ma présence ici aujourd'hui est aussi pour moi l'occasion de rappeler le choix clairement fait par le gouvernement pour développer l'Artisanat.
Ce que vous avez entrepris montre à bien des égard que l'entreprise artisanale doit se moderniser pour répondre à la fois aux besoins de l'économie et aux besoins de la société. L'artisanat doit assurer une mutation d'envergure : démarche de qualité, nouvelle technologie et innovation, développement des services, conquête de nouveaux marchés ...
Pour cette raison, j'ai décidé en concertation avec les représentants des structures de l'Artisanat qu'il était nécessaire de proposer de nouvelles orientations destinées à accentuer le rôle économique et social de l'Artisanat et de la petite entreprise.
Ce programme cadre appelé "initiatives pour l'entreprise artisanale" fera l'objet d'une convention avec les représentants socioprofessionnels (APCM/UPA), sous l'égide du Premier Ministre, d'ici l'été prochain.
Ces "Initiatives pour l'Entreprise Artisanale" dont j'ai eu l'occasion d'évoquer les grandes orientations à plusieurs reprises, s'ordonnent autour de mesures concrètes, simples et fortes à la fois.
Cette réforme, que j'ai engagé en concertation avec vos représentants professionnels, et permettez moi de remercier à cette occasion votre Président, n'a pas pour but de remettre en cause les dispositifs liés au développement de l'artisanat, mais de leur redonner une vitalité en les articulant mieux entre eux. La question n'est pas d'additionner les mesures mais de les organiser. Cet ensemble d'initiatives devra être également à même de favoriser un dialogue constructif entre les partenaires d'un secteur économique essentiel pour la croissance et l'emploi.
C'est pour cette raison que j'ai également souhaité apporter à l'artisanat de nouvelles bases réglementaires qui étaient attendues depuis des années avec la parution de décrets importants :
qualification artisanale et répertoire des métiers
réforme des Fonds d'Assurance Formation
qualification professionnelle
Toute cette dynamique doit renforcer l'image de l'artisanat et de la petite entreprise.
Aussi je vous le dit très simplement, je ne crois pas que la meilleure façon de développer les affaires, de créer de la richesse, consiste à chercher à fuir la loi française par des artifices, c'est à dire des montages juridiques conçus dans l'unique objet de se soustraire à ses obligations.
Agir ainsi est une profonde erreur parce que les tentatives passées ont entraîné quelques commerçants et artisans perdus vers de graves désillusions financières. Je ne voudrais pas que d'autres renouvellent cette erreur. Le Gouvernement a de ce point de vue un devoir d'information à l'égard de tous.
Agir ainsi est une faute économique, parce que nous savons toutes et tous ici que l'économie ne peut séparer les charges pour les uns et les profits pour les autres.
Agir ainsi est une incompréhension de l'Europe, on ne peut rechercher d'un côté le moins disant fiscal ou social et de l'autre souhaiter les prestations publiques les plus élevées. On ne construira pas une Europe équilibrée sur un plan économique et social et harmonieuse sur un plan territorial avec des comportements irresponsables.
J'ai, vous le savez bien, une grande ambition pour vos métiers. Ils sont le support de la mémoire, le moyen de conserver et de transmettre. Ils sont également, l'un des vecteurs fondamentaux d'un développement local respectueux des spécificités territoriales.
La coiffure véhicule l'image de la créativité et de l'inventivité française. Votre secteur a toujours su opérer les ajustements indispensables.
C'est parce que vous êtes en pointe de l'artisanat que je suis heureuse d'avoir évoqué avec vous les nouveaux enjeux de votre secteur professionnel et de l'Artisanat plus globalement.
Ceux-ci reposent sur les caractéristiques suivantes :
création
dynamisme
innovation
passion
qualité
talent,
où l'homme sera toujours prioritaire sur les éléments économiques aussi importants soient-ils...
Soyez assurés de ma volonté de poursuivre et développer cette politique exigeante en faveur de l'Artisanat.
Je vous remercie de m'aider à construire cet avenir, votre avenir, notre avenir ensemble.
(Source http://www.pme-commerce-artisanat.gouv.fr, le 25 septembre 2001)