Point de presse de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, sur l'accord des 6 pays membres du Groupe de contact sur un projet de résolution préconisant des représailles contre le régime de Belgrade et la préparation par l'OTAN d'un plan d'intervention contre des objectifs serbes au Kosovo, et sur la décision irakienne de mettre fin à sa coopération avec l'UNSCOM, New York le 22 septembre 1998.

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Circonstance : 53ème assemblée générale de l'ONU à New York du 21 septembre au 2 octobre 1998

Texte intégral

Q - Sur le Kossovo.
R - Ce qui est important, c'est que tous les pays concernés sont réunis à New York. Il y a eu un travail intense sur le Kossovo et ce qu'on appelle la communauté internationale va, je crois, montrer sa cohésion et sa détermination à obtenir vraiment une solution au Kossovo. J'ai bon espoir que l'on avance sur deux ou trois points dans les vingt-quatre ou quarante-huit heures qui viennent, sur lesquels nous étions un peu bloqués depuis plusieurs semaines.
Q - Lesquels par exemple ?
R - La résolution. Cela fait plusieurs semaines que les Occidentaux, en tous cas les Européens, estiment qu'il faut une résolution qui monte d'un cran, nettement, qui comporte une référence au chapitre sept, quelle que soit la forme. Cela fait des semaines que les Russes font des déclarations préventives et dissuasives pour dire qu'ils n'en veulent pas et cela fait des semaines que les Américains nous disaient que dans ces conditions-là, ils ne pouvaient pas aller au vote parce qu'ils ne pouvaient pas s'exposer à un blocage qui ferait apparaître une division et donc une impuissance.
Cela fait des semaines que nous travaillons très activement, nous les Français, avec les Anglais, à l'origine au projet. En fait, c'est devenu très vite un projet franco-britannique. Nous travaillons pour convaincre les Etats-Unis qu'il fallait ce texte pour des raisons de légalité internationale, et pour convaincre les Russes qu'ils ne peuvent pas se laisser mettre de côté dans cette affaire. Les Russes, depuis des années, ont essayé de jouer un rôle utile dans l'affaire de la Bosnie. Cela n'a pas de sens pour les Russes de se mettre en dehors de cette démarche. Ils n'ont pas du tout intérêt à apparaître comme un protecteur de Milosevic lequel est un des facteurs de blocage par rapport à la solution. On a beaucoup travaillé pendant l'été là-dessus.
Nous sommes arrivés à un texte. Il y a une évolution sensible ces derniers jours du côté des Américains et des Russes. On arrive à un texte qui devrait être voté demain si tout va bien - il faut toujours être prudent tant que les votes n'ont pas eu lieu. Il va marquer une escalade nette dans la détermination. Autre chose très importante, il va montrer que les Russes ne sont pas en train de se détacher et que les Occidentaux continuent à penser qu'il faut agir tous ensemble, avec les Russes aussi. C'est un signal pour Milosevic et pour les Kossovars. C'est très important.
J'ai bon espoir que, dans la foulée, je ne sais pas encore quand, l'on puisse tenir un Groupe de contact au niveau ministériel pour envisager la suite, pour vérifier la cohésion des pays participants. Je ne peux pas vous en dire plus parce que ce n'est pas encore bouclé, mais j'ai l'espoir qu'on puisse tenir, ici, à New York, ces jours-ci, un Groupe de contact au niveau ministériel. Je crois que c'est très important, c'est très positif.
On sait qu'on n'est pas encore au bout de nos peines aussi bien en ce qui concerne les pressions sur Milosevic, l'endiguement du côté de l'UCK, et puis l'accord lui-même. On sait bien qu'il y a du travail à faire. Nous sommes en train de surmonter deux ou trois difficultés qui nous ont un peu gênés ces dernières semaines.
Q - Est-ce qu'on peut juxtaposer cette initiative avec ce que doit faire l'OTAN ?
R - Cela forme un tout. Ce qui veut dire que l'OTAN achève de perfectionner un dispositif que nous lui avons demandé, il y a plusieurs semaines, de mettre au point. Vous savez que la France là aussi a joué un rôle au début des études en les demandant. La France a été l'un des tout premiers, avec les Etats-Unis, à demander que l'OTAN se mette à travailler. Avec la lourdeur de l'OTAN, nous sommes réintervenus de façon très nette pour qu'ils étudient un éventail d'options, pour que cela soit sérieux, parce que les seules options que l'OTAN avait étudiées étaient des options maximalistes qui ne correspondaient pas aux cas de figure dans lesquels on pouvait être. Finalement c'était inemployable. Nous sommes intervenus nettement. Dans les jours qui viennent, l'OTAN va achever le mécanisme de préparation disponible s'il y a une décision politique. Ce n'est pas l'OTAN qui prend la décision politique : ce sont les gouvernements concernés qui peuvent prendre une décision politique s'il y a lieu.
Voilà, je crois que nous sommes sur la bonne ligne.
Q - Vous avez rencontré vos homologues chinois et russe...
R - J'ai rencontré mon homologue chinois et j'ai conversé brièvement avec mon homologue russe. Un entretien bilatéral long avec lui est prévu vendredi. Je l'ai vu juste quand je sortais de chez Kofi Annan et je l'ai revu au déjeuner des Européens où l'on a parlé de la situation au Kossovo et, d'une façon plus générale, dans les Balkans.
Q - Je suis un peu perplexe. Cela a été une journée dense sur le Kossovo. Cela partait de partout, mais surtout ici. Ici on a eu M. Ivanov qui est monté à la tribune et qui a eu des phrases nettes de mise en garde en disant qu'une opération militaire de l'OTAN serait une très mauvaise chose et qu'elle aurait des répercussions sur la stabilité de la région, vraiment dissuadant de la position maximaliste. Pour le texte qui a été adopté, le représentant russe, à la question "est-ce que le texte prévoit un recours à la force", a répondu "non, rien dans texte ne prévoit un recours à la force". Le Chinois a dit qu'il était très réservé sur l'option militaire, qu'il s'agissait d'une affaire intérieure et sur la question d'un veto chinois a répondu "wait and see". Il y a beaucoup de signaux qui faussent notre analyse. Je voulais savoir où vous en étiez, vous ?
R - Prenez un peu de recul. Et vous verrez mieux. C'est vrai que tant qu'un vote n'a pas eu lieu, on n'a pas la réponse complète. Il faut essayer de voir la tendance. Il faut distinguer les discours et les positions de principe de ce que font finalement des pays dans des situations concrètes.
Je vous rappelle la tendance. La tendance est que depuis des semaines les Russes disent qu'il n'est pas question d'une résolution comportant le chapitre sept, quels que soient les termes. Et pour une série de raisons tenant à la situation à Moscou, tenant à notre travail diplomatique, tenant à notre argumentation, - notamment l'argumentation française - et consistant à dire aux Russes que s'ils tiennent au rôle central du Conseil de sécurité, il faut qu'ils soient logiques, il faut que les choses continuent à se passer là. A mon avis aussi, ils ne sont pas enchantés de la situation que leur crée Milosevic - ils ne sont pas engagés mécaniquement à cent pour cent derrière lui, bref, je ne sais pas quelle explication.
Le résultat c'est que les Russes, qui avaient dit cela depuis des semaines, aujourd'hui ont accepté un projet chapitre sept. On le savait depuis quelques jours parce qu'il y avait eu une communication téléphonique entre les présidents Chirac et Eltsine qui a amorcé cela. J'ai eu une longue conversation avec M. Primakov là-dessus alors qu'il était encore ministre des Affaires étrangères, cela remonte à quelque temps. Je crois qu'il faut lire la tendance. La tendance va dans le sens que les Russes semblent s'être convaincus qu'il valait mieux que l'inévitable renforcement de la menace se fasse à l'initiative du Conseil de sécurité, ce qui ne les empêche pas de rappeler leur position de principe. Quant aux Chinois, c'est pareil. Voila c'est pour remettre à leur place ces différents critères.
Pour moi, ce qui émerge c'est qu'on était dans une difficulté à propos de cette affaire de résolution. Je crois qu'on tient le bon bout. On détourne une difficulté méthodologique sur le Groupe de contact et je crois que les choses vont redémarrer. C'est bien car le signal envoyé aux protagonistes est clair.
Q - Si cette résolution ne suffit pas pour faire plier Milosevic, est-ce que, pour vous, il serait impératif de revenir au Conseil de sécurité pour obtenir une nouvelle résolution pour autoriser l'utilisation de la force ?
R - Quand on franchit une étape, mon réflexe n'est pas de me mettre deux étapes après pour savoir ce qui se passe si ce qu'on fait ne marche pas. Ce n'est pas le problème qui est posé aujourd'hui. Je sais que c'est un progrès sensible. C'est un durcissement sensible. C'est un durcissement explicite et c'est une démarche cohérente. C'est très important pour le moment. Encore une fois, on est sur plusieurs terrains simultanés et dans cette affaire du Kossovo, on essaie de tenir tous les fils en même temps.
Q - Sur le refus par les Russes de l'embargo sur la JAT.
R - Je ne pense pas que la bonne approche consiste à se demander si on est déçu ou non par rapport à des progrès qu'on avait espérés. Il faut se demander "dans quelle situation étions-nous ?" et "a-t-on progressé ?". C'est très important d'avoir les Russes avec nous pour que le Groupe de contact garde son sens. Il s'agit de savoir quel est le prix à payer pour avoir les Russes avec nous. Si on fait des concessions sur tel ou tel point pour garder les Russes avec nous, la question est de savoir si ce sont des concessions graves ou des concessions mineures par rapport au progrès. La réponse essentielle dans cette affaire est que les Russes acceptent de venir sur une résolution qui comporte le chapitre sept, quels qu'en soient les termes, à la limite. Dans ce contexte cela me parait un progrès important, très important vis-à-vis des protagonistes et dans ce contexte le fait qu'ils ne s'associent pas à l'une des mesures sur laquelle par ailleurs les Européens ont progressé, me paraît moins important.
Cela dépend de l'axe que vous choisissez de prendre. Ce qui me semble émerger, c'est que c'est un progrès. C'est un compromis dynamique. Si on fait des compromis comme cela, c'est parce qu'on veut maintenir un élan, un mouvement.
Q - De toutes façons la France est contre la politique des sanctions.
R - Non, il y a des cas où on les accepte. Regardez notre interprétation légaliste sur l'Iraq. La France est contre la surenchère sur les sanctions. Elle est contre le fait de les mettre à toutes les sauces. Elle est contre les excès du Sénat américain qui veut placer 65 pour cent de la population mondiale sous sanctions. Mais nous ne sommes pas contre un usage ciblé, intelligent, a un moment donné, si c'est dans le cadre d'une approche politique qui joue sur tous les registres.
Q - On peut très bien imaginer que Milosevic est capable de lancer une initiative en disant on est prêts à s'asseoir avec vous à la tables de négociations...
R - Il l'a déjà dit, cela... Q - Le problème c'est quelle influence avez-vous sur les extrémistes kossovars ?
R - Le fait est qu'on n'a pas d'influence particulière parce qu'il n'y a pas d'interlocuteur. Il n'y a pas d'organisation que l'on puisse sanctionner. Et les pays voisins ne sont pas assez forts pour contrôler la situation ou contrôler les frontières, contrôler le trafic d'armes. Plus personne n'a les moyens d'empêcher Berisha. On ne peut pas empêcher complètement les politiciens autour de jouer de cette affaire. Plus cela va traîner, plus cela va s'envenimer et plus la tentation sera là. C'est, en effet, le point faible du dispositif. On le traite en maintenant l'autorité, la légitimité, de Rugova. Par des déclarations, par des contacts politiques, des émissaires nombreux vont au Kossovo. Nous l'aidons, nous le confortons.
Q - Tout votre édifice est à la merci d'une provocation de l'UCK, c'est le problème.
R - Vous m'expliquez ce que je passe ma vie à dire. Je sais bien. C'est comme si on disait dans un service hospitalier, "est-ce qu'il n'y a pas un risque que l'opération ne marche pas." Oui, mais nous faisons tout ce que nous pouvons dans les circonstances du moment. Il s'agit de savoir si on exploite bien les données qu'on a, les marges de manoeuvre qu'on a. Le fait qu'il y ait des risques, c'est vrai de tous les sujets. Et personne au monde n'a le pouvoir de régler les problèmes par magie en claquant des doigts.
On continuera à progresser si on garde la cohésion. Je crois que c'est très important d'avoir aujourd'hui les Russes avec nous dans la résolution et cela sera pris comme tel.
Q - Vous donnez combien de temps à Milosevic et aux Kossovars à partir du moment où la résolution est votée ?
R - On ne fixe pas de temps. On maintient la pression. On souhaiterait une solution le plus vite possible. Si nous ne trouvons pas de solution, cela peut devenir déstabilisant pour l'Albanie, pour la Macédoine, le Monténégro... On ne peut pas fixer artificiellement une date. On va redoubler d'efforts. La clé, je vous le dis, c'est la cohésion, la cohésion qui, dans le cas de la Bosnie, n'a été réalisée qu'à partir de 1994. C'est à partir de 1994 que les pays concernés ont été en gros d'accord sur le type de solution qu'ils voulaient imposer. C'est à partir de ce moment-là que l'usage de la force a pris un sens parce que quand on veut employer la force c'est pour obliger les gens à faire à ne pas faire quelque chose. La position américaine sur la Bosnie a été incohérente pendant des années et les Européens ont été divisés entre eux sur cette affaire.
Je parlais du passé, je parlais de ce qui s'était passé à propos de la Bosnie. Je le rappelle toujours parce que c'est vrai, alors qu'un certain nombre de gens se sont spécialisés dans le fait de dénoncer l'incapacité européenne, ce qui est une vision extraordinairement partielle du sujet. Je le dis souvent pour rappeler qu'au moins, dans l'affaire du Kossovo, ce n'est pas le cas, il y a une vraie cohérence d'analyse entre les uns et les autres.
Q - Est-ce qu'une intervention pourrait avoir lieu sur la base de cette résolution sans un nouveau vote du Conseil de sécurité ?
R - C'est un point qui n'est pas tranché. Je ne peux pas dire plus. Nous entrons à partir de là dans un domaine d'interprétation tout à fait compliqué.
Q - Vous n'en faites pas un préalable ?
R - Non, je vous dis que je n'en suis pas là. Pour le moment il s'agit de maximiser la pression et de montrer à Milosevic qu'il ne faut pas compter sur le fait qu'on relâche notre effort, qu'on se décourage, qu'on se divise. C'est ce que cela veut dire. Il faut montrer aux gens de l'UCK que l'on n'est pas plus complaisants qu'au début à l'égard de leurs visées. Il faut montrer à Rugova qu'on ne le laisse pas tomber, au contraire. C'est ce que cela veut dire. Ce n'est pas dit par un pays comme cela, c'est dit par l'ensemble.
Q - Parfois on a peur que les Américains fassent quelque chose d'unilatéral, d'autres fois on a plutôt peur qu'ils se désintéressent de la situation...
R - Ce sont des états d'âme symétriques, un peu excessifs. Ce n'est pas mon langage. Les Etats-Unis sont ce qu'ils sont. Ils existent, ils ont une influence partout. Nous souhaitons que cette influence soit exercée utilement, qu'elle soit exercée en coopération avec nous chaque fois que cela correspond à des questions essentielles pour nous, que leur influence passe par les mécanismes qui garantissent la légalité internationale. A partir de là, on fait du mieux possible.
Même dans la situation actuelle, même lorsque la politique américaine est handicapée par le comportement du Congrès, depuis des années, il est clair que les Balkans, l'ex-Yougoslavie, le Kossovo, sont un élément important de la politique américaine. C'est très clair. J'ai vu Mme Albright deux fois aujourd'hui, je ne sens pas de baisse de régime.
Q - M. Westendorp, avant les élections, craignait que les Serbes utilisent la Republika Srpska comme une monnaie d'échange. Est-ce que c'est rentré dans la dimension de votre réflexion ce problème qui est: si on va trop loin avec Milosevic, il va nous reporter le couteau sur un autre flanc qui est celui de la Bosnie ou on a réussi à peu près à apaiser une situation.
R - Oui on l'a apaisée sans la régler. C'est plutôt un sujet de spéculation qu'un sujet pratique. Une fois qu'on a dit cela, qu'est-ce qu'on va conclure ? On va conclure que c'est une raison de plus de trouver une solution d'urgence au Kossovo. Tous les sujets d'inquiétude ou de préoccupation - comme on dit au Quai d'Orsay -, se ramènent en termes pratiques à des choix assez simples. En effet, le Kossovo, plus cela dure, plus cela risque d'envenimer à nouveau la région.
Q - Non, M. Westendorp disait, plus des sanctions seraient prises pour pousser Milosevic à céder sur le Kossovo, plus il pourrait se retourner en disant, mais moi aussi je peux vous déstabiliser en Bosnie.
R - Je ne crois pas qu'il fasse cela. Pourquoi le ferait-il ? Il a essayé de montrer, depuis Dayton qu'il était un partenaire et qu'il était, quoi qu'on pense de lui, un interlocuteur. D'ailleurs la diplomatie américaine le traite comme cela depuis le début. Qu'est-ce qu'il irait faire ? Rallumer la guerre ? Dans quel but ?
Q - L'échec de Mme Plavsic doit vous obliger à reconsidérer un peu tout ce que vous avez fait.
R - C'est regrettable de voir les plus nationalistes les plus fortement soutenus, dans chaque camp. Mais pour autant cela ne donne pas de solution de remplacement.
Q - Donc Il n'y avait pas d'erreur d'appréciation. Il fallait bien la soutenir parce qu'elle était plus modérée que les autres.
R - Je ne crois pas qu'il y ait eu une erreur d'appréciation. Il y a une tentative qui a été faite et qui n'a pas été couronnée de succès. On pourrait dire qu'il y avait eu erreur si on pouvait expliquer aujourd'hui l'autre politique qu'il fallait mener, qui n'a pas été menée et qui aurait donné des résultats meilleurs ou différents. Cela nous ramène à un constat de base sur ces accords. Ils ont ramené la paix civile dans la vie quotidienne et, jusqu'ici, ils n'ont pas réussi à obtenir la construction du type de Bosnie espérée, d'une Bosnie où trois communautés différentes construisent ensemble un nouvel Etat. Cela n'avance pas, c'est clair. Est-ce que donc cette déception dans ces élections nous indiquent une politique de substitution ? je ne crois pas. On ne va pas renoncer aux Accords de Dayton. On ne va pas renoncer à ce projet qui est un projet de cohabitation, de coopération. Il faut d'ailleurs voir ce que vont dire les différents chefs nationalistes. Il n'y a pas de solution de remplacement.
Q - Si ce n'est que le rêve d'une Bosnie pluriethnique est un rêve...
R - Non. Vous pouvez le dire, mais c'est du commentaire, de l'analyse externe.
Q - En Iraq, comment voyez-vous la suite des opérations ?
R - Il n'y a pas d'élément tout à fait nouveau sur l'Iraq. La situation est simple. Il y a une décision de l'Iraq de mettre fin à sa coopération avec l'UNSCOM.
On ne peut pas soutenir cette décision. On l'a dit au Conseil de sécurité, on l'a dit aux Iraquiens. Nous leur demandons de revenir sur leur décision. Nous avons voté un texte dans lequel il est envisagé que le Secrétaire général puisse procéder à une analyse d'ensemble de la situation pour dresser des perspectives d'avenir sur la façon de sortir petit à petit de cette situation, qui est déplorable. Mais le Secrétaire général ne peut travailler utilement dans ce sens, que s'il y a un signal du côté iraquien, montrant qu'ils sont prêts à revenir à la coopération à laquelle ils s'étaient engagés. Nous avions largement contribué à l'accord passé par Kofi Annan. C'était la meilleure base qu'on avait depuis des années pour travailler sur le sujet, essayer de dépasser les problèmes. Les Iraquiens sont sortis de l'accord. Ils ont placé le Secrétaire général lui-même dans une position très difficile.
Q - Cette revue globale... Est-ce que le Secrétaire général a beaucoup d'idées ?
R - Je crois qu'il a pas mal d'idées sur la façon dont il pourrait analyser l'ensemble de la situation, distinguer les domaines dans lesquels l'essentiel a été accompli, les autres, les étapes qui pourraient être franchies. Je crois qu'il a pas mal d'idées, mais cela revient au même. On ne peut pas avancer dans le vide, s'il n'y a pas un signal de coopération des Iraquiens.
Q - Est-ce que vous avez eu des contacts de haut niveau avec des Iraquiens ?
R - On a une communication avec les Iraquiens. Depuis leur décision d'interrompre leur coopération avec l'UNSCOM, j'ai eu deux fois des contacts. Le président iraquien a reçu notre chargé d'affaires à Bagdad. Je devrais avoir un contact jeudi matin avec le ministre iraquien.
Q - Et ils sont réceptifs à votre argumentaire ?
R - Non, sinon ils n'auraient pas fait ce qu'ils ont fait. S'ils étaient réceptifs ils se comporteraient très différemment. On fait cela parce que nous estimons que nous devons le faire, que c'est notre rôle, que l'on est un des seuls pays occidental capable de leur dire des choses. Donc, on continue.
Q - On peut les comprendre aussi. Ils savaient très bien qu'en octobre la revue des sanctions n'aurait probablement pas lieu et que si elle avait lieu, ce serait comme d'habitude.
R - Ils ont accumulé aussi toute une série de comportements qui ont alimenté cela. Ils n'ont jamais créé la situation dans laquelle on pouvait dire, même nous, "ils ont rempli toutes les conditions, maintenant on peut lever l'embargo". Jamais. C'est dommage.
Q - Les Américains leur ont toujours dit qu'il n'y aurait jamais de levée de l'embargo. Souvent Richardson sortait du Conseil pour dire cela.
R - Cela dure depuis bien avant Richardson tout cela. Ils auraient pu créer, en deux ans après le vote des résolutions, ils auraient pu créer une situation dans laquelle il était clair pour tout le monde qu'ils voulaient jouer complètement le jeu. Cela n'a jamais été tout à fait le cas.
Q - Et du côté pakistanais vous attendez quelque chose ? R - Oui, enfin ils l'ont dit. Ils ont fait deux ou trois déclarations encourageantes là-dessus mais je n'ai pas d'élément nouveau depuis que je suis à New York.
Q - Pour le TNP, on n'est pas prêts à considérer que ce sont des pays nucléaires au même titre que les...
R - A Genève on a été clair là-dessus. On ne peut pas créer comme cela une filière d'admission au tour extérieur. D'ailleurs eux-mêmes sont assez conscients de la situation dans laquelle ils se sont mis. Ils ont fait quelques déclarations pour montrer qu'ils ne voulaient pas faire de surenchère dans cette voie.
Vous avez vu comment la France a réagi depuis le début. Nous avons marqué notre désaccord. Nous leur avons dit que ce n'était pas la bonne voie. Mais on n'a pas fait de surenchère, ni dans la condamnation, et surtout pas dans les sanctions. Nous cherchons plutôt à les convaincre en maintenant un dialogue actif avec ces deux pays. Dès qu'ils ont pu, les Etats-Unis sont revenus sur une ligne comparable à la nôtre.
On n'a jamais parlé de violation : nous avons dit que c'était une évolution qui allait à contre-courant de l'évolution mondiale. Ils n'ont pas violé un traité, ils ont violé un tabou, un tabou moderne, à grande échelle.
Voyons les questions sur lesquelles vous ne m'avez pas posé de question. Je suis allé à une réunion des amis du Cambodge. Je vois M. Netanyahou jeudi. Je vois les organisations juives new yorkaises.
Q - Et votre discours de demain ?
R - J'ai pris un axe réaliste et concret. La situation n'est pas enthousiasmante, le monde ne progresse pas vers l'harmonie... Qu'est-ce qu'on peut faire ? Je n'ai pas fait le tour d'horizon habituel... Je n'ai pas récité les sourates habituels sur le sujet. J'ai plutôt dit il y a une situation préoccupante, qu'est-ce qu'on fait ? ... Il y a une série de onze points.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 octobre 2001)