Déclaration de Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, sur les axes de la nouvelle loi d'orientation sur les personnes handicapées et l'évolution des mentalités à leur égard, Strasbourg le 19 mai 2003.

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Circonstance : Colloque sur la citoyenneté européenne à Strasbourg le 19 mai 2003

Texte intégral

L'année européenne des personnes handicapées a traduit la volonté des Etats-membres de promouvoir une société fondée sur l'intégration, sur l'égalité des chances et sur la participation des personnes handicapées, dans le cadre d'une démocratie plus humaine. Lors de son lancement, Anna Diamantopoulou, commissaire européen pour l'emploi et les affaires sociales, expliquait que les objectifs étaient de " développer les consciences, combattre les préjugés et les stéréotypes, renforcer l'idée d'une pleine participation citoyenne des personnes handicapées. " Le bilan permettra de constater que cette année est un premier jalon. Le principe de non-discrimination est désormais la ligne de force pour rapprocher nos politiques.
Ce chantier est prioritaire, comme la lutte contre le cancer et la sécurité routière. Je participe à ce dernier chantier, car 150 000 personnes sont blessées chaque année et deviennent souvent handicapées à vie. Réduire ce nombre est aussi important que de diminuer le nombre de tués.
Par ailleurs, le gouvernement a proposé l'augmentation de l'allocation pour les personnes handicapées et de l'ONDAM . Cela permettra de doubler le nombre de places nouvelles en CAT et en maisons d'accueil spécialisées, et d'augmenter le nombre de places en CESSAD . Les auxiliaires de vie seront plus de 5 000. L'Education nationale fait également un effort important avec le doublement du nombre d'auxiliaires de vie scolaire.
I. La loi d'orientation
La nouvelle loi d'orientation est la prochaine étape. Elle a pour objectif l'intégration pleine et entière des personnes handicapées. Elle comprend trois axes.
1- Une réorganisation institutionnelle
Une réorganisation institutionnelle permettra de réunir les services, les informations et les initiatives au sein des départements. Des sites pour la vie autonome existent, mais ils se limitent aux aides techniques. Ils doivent prendre également en compte les aides humaines.
Au niveau national, une agence d'Etat des personnes handicapées sera créée. Elle permettra d'harmoniser les aides techniques et d'assurer la recherche en matière de handicap.
2- L'accessibilité
Comme beaucoup de villes, Strasbourg réalise des efforts importants. Par exemple, les lignes rugueuses permettant de délimiter les pistes cyclables sur les trottoirs. C'est une initiative originale.
Concernant les transports, l'accessibilité progresse lentement, au rythme du renouvellement du matériel (bus, métro).
A propos du logement, le ministre de la Culture est d'accord pour qu'un module accessibilité soit obligatoire dans la formation des architectes. La prise en compte de l'accessibilité dès la construction ne coûte pas cher.
Enfin, concernant les lieux publics, je veille à améliorer l'accessibilité avec tous les intervenants.
a. L'école
L'accessibilité à l'école est essentielle, car elle permet aux enfants d'avoir une authentique formation professionnelle.
L'Education nationale a parfois des difficultés à s'adapter à certains élèves. Cela doit changer. Les réponses sont diverses : scolarisation en milieu ordinaire (dans des classes d'enfants valides, dans des CLIS ou dans des unités d'intégration), scolarisation dans des instituts médico-éducatifs ou à l'hôpital. L'enfant doit pouvoir s'épanouir au mieux dans la solution qu'il choisit.
Des enfants actuellement en institution pourraient se trouver en milieu ordinaire, libérant ainsi des places pour les plus lourdement handicapés, aujourd'hui à la charge de leur famille.
Le retard est important. 6 000 postes d'auxiliaires scolaires sont créés pour le combler. Les associations employant des auxiliaires de vie scolaire conserveront toujours un rôle.
b. L'entreprise
26 % des personnes handicapées sont au chômage. Or ce taux devrait être le même que pour les personnes valides.
Le travail en milieu ordinaire doit être privilégié. Si la formation initiale est meilleure, l'intégration y sera plus facile. Les chefs d'entreprise seront rassurés.
Le taux de 6 % d'embauche obligatoire n'est pas respecté : il atteint seulement 4 %. Je crois plus aux incitations, notamment fiscales, qu'aux sanctions. Les démarches doivent être simplifiées.
Les CAT sont irremplaçables. J'ai doublé le nombre de places nouvelles, mais les listes d'attente restent importantes. Dans le Bas-Rhin, 15 000 places manquent. L'ouverture vers le milieu ordinaire s'améliore grâce à la volonté des directeurs. Le travail à temps partiel permettra également d'accueillir davantage de personnes handicapées.
Les formules pour l'intégration professionnelle doivent être souples et diversifiées, car la personne handicapée a une moins bonne faculté d'adaptation.
c. La vie sociale
La personne handicapée doit également pouvoir choisir son mode de vie, en établissement ou à domicile. Le nombre d'auxiliaires de vie à domicile doit être augmenté.
Par ailleurs, la citoyenneté concerne non seulement le droit effectif de voter, mais aussi la participation à la vie publique. Après le combat pour une meilleure représentation des femmes, je mène celui pour les personnes handicapées.
Des réalisations extraordinaires existent et doivent être généralisées. Des personnes handicapées mentales s'épanouissent pleinement dans des troupes de théâtre.
3- Un financement permettant de mener une vie digne
Des moyens financiers sont nécessaires. La loi établit le droit à compensation car il est vrai que la société a le devoir de compenser le handicap. A l'heure du déjeuner, une personne malentendante m'a appris que son appareil auditif coûtait 30 000 euros. La société doit le lui rembourser. La solidarité nationale a le devoir d'assurer un revenu d'existence de base. Et par ailleurs, le travail de la personne handicapée doit être reconnu financièrement. Actuellement, elles n'ont pas toutes intérêt à travailler, sans quoi leur allocation s'en trouve réduite.
Tous ces éléments seront inscrits dans la nouvelle loi. Un guide des bonnes pratiques des entreprises sera bientôt publié.
II . L'évolution des mentalités
La loi ne sera effectivement appliquée que si les mentalités évoluent parallèlement - elles ont déjà énormément progressé. Aujourd'hui, les personnes handicapées peuvent vivre en toute lumière. Des régressions surviennent toutefois, comme le montre l'anecdote de Monsieur Nuss.
Notre société ne peut se passer du concours des personnes handicapées, ne serait-ce qu'économiquement. Par exemple, les personnes handicapées mentales réussissent très bien dans la restauration, où le personnel manque.
En CAT, dans une commune rurale, des autistes ont repris une boulangerie. Ils se lèvent la nuit et fabriquent seuls le pain. Le directeur du CAT a accepté de reprendre une épicerie dans une commune voisine. Ces autistes ne sont plus à la charge de la société. Ils sont devenus des agents de l'aménagement rural.
La volonté est fondamentale. Le gouvernement donne le ton, mais les associations, les directeurs d'établissement et tous les autres intéressés doivent agir. Nous pouvons tous faire beaucoup mieux. Il suffit d'avoir confiance en la potentialité des personnes handicapées et de les aider à s'épanouir, sans nier leur handicap.
(source http://www.handicap.gouv.fr, le 8 octobre 2003)