Déclarations de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères,et interview à une télévision danoise, sur les projets de réforme des institutions européennes après l'élargissement, la préservation de la cohérence interne du système institutionnel et les enjeux de l'action extérieure de l'Union européenne, Bruxelles les 15 et 16 mai 2003.

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Circonstance : Session plénière de la Convention européenne relative aux institutions de l'Union et à son action extérieure, à Bruxelles (Belgique) les 15 et 16 mai 2003

Média : Télévision

Texte intégral

DEBAT SUR LES ARTICLES 14 A 23 DE LA CONSTITUTION, RELATIFS AUX INSTITUTIONS DE L'UNION, BRUXELLES le 15 MAI :
Monsieur le Président,
Chers Collègues,
Nous sommes aujourd'hui confrontés à une urgence internationale qui souligne bien le besoin de plus d'Europe : il y a une attente, un désir d'Europe. L'Europe élargie doit prendre la mesure, non seulement du changement que représente le passage de 15 à 25, mais aussi de la nécessité pour l'Union de décider et d'agir davantage à la mesure des enjeux. Il nous appartient à nous, Conventionnels, de trouver les réponses.
Les propositions du Praesidium nous encouragent à avancer dans cette voie. Nous voulons le faire tous ensemble, comme nous l'avons proposé hier avec l'Allemagne et comme nous y invite aujourd'hui le Bénélux.
A mes yeux, la dynamique institutionnelle à construire doit combiner efficacité, légitimité et équilibre entre les institutions.
L'efficacité tout d'abord : plusieurs projets d'articles constituent des avancées essentielles pour l'avenir de l'Union.
- Je pense en particulier à la création d'un président à plein temps pour le Conseil européen, comme le Parlement et la Commission en ont déjà un,
- je pense à celle d'un ministre européen des Affaires étrangères.
La légitimité ensuite : l'autorité politique des institutions doit être rehaussée ;
- ainsi, les modalités d'élection du président de la Commission doivent donner un plus grand rôle au Parlement européen ;
- par ailleurs, au Conseil, les ministres directement concernés par une négociation doivent continuer à participer activement aux travaux législatifs. Sur ce point, il nous faut encore approfondir et clarifier la proposition du Praesidium.
Enfin, l'équilibre : le projet du Praesidium vise à assurer un meilleur fonctionnement de l'équilibre institutionnel, qu'il s'agisse du Parlement européen, des modalités de vote au Conseil et de la composition et de l'organisation de la Commission.
- Et précisément, cette proposition renforce l'efficacité et la légitimité de chaque institution, notamment celles du président de la Commission européenne à diriger et à organiser son équipe.
- Il faut préserver la cohérence interne du système institutionnel. C'est une condition du succès de nos travaux.
Pour conclure, je souhaite insister sur l'importance que la Convention trouve un accord sur les institutions.
- Il est illusoire de penser que la conférence intergouvernementale parviendrait à réussir ce que la Convention aurait échoué à faire.
- C'est pourquoi, je voudrais lancer un appel à chacun et à chacune des membres de cette Convention, pour qu'ensemble nous acceptions de rechercher un consensus, comme nous y invite le Praesidium et comme beaucoup l'ont dit aujourd'hui.
Nous devons saisir cette occasion historique pour l'Europe, pour ses citoyens et pour chacun de nos Etats : ne laissons pas cette chance nous échapper.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 mai 2003)
ENTRETIEN AVEC UNE TELEVISION DANOISE, LE MAI :
Q - Monsieur le Ministre, parmi les petits pays, il y a une crainte que l'Europe de demain, une Europe forte devienne une Europe des grands pays. Comment peut-on surmonter cette inquiétude parmi les petits pays ?
R - La journée qui vient de se dérouler montre bien le souci de dépasser tous les clivages, les clivages entre l' "ancienne " et la "nouvelle" Europe, les clivages entre les petits et les grands Etats. Notre souci est d'abord d'affirmer une Europe forte, une Europe qui soit à la mesure du désordre du monde. Et on voit bien à quel point nous avons besoin de la détermination, de la résolution des Européens pour aider à régler les problèmes du monde : terrorisme, prolifération, crises régionales.
C'est pour cela que, dans le cadre de la Convention, aujourd'hui, il y a deux grands enjeux :
L'équilibre institutionnel, et nous pensons qu'il faut à la fois renforcer la Commission, le président de la Commission, le Conseil européen en donnant une présidence stable, une continuité, à l'action du Conseil européen par le biais d'un président qui puisse exercer sur une plus longue période ses responsabilités et, en même temps, renforcer le rôle du Parlement européen. Ce qui veut dire respecter l'esprit des origines mais renforcer les institutions parce que, dans la mesure où le défi de l'Europe est évidemment très important, il faut que chacun puisse assumer une part supplémentaire de responsabilité et être plus efficace, plus efficace et en même temps plus démocratique, ce qui veut dire que les procédures de nomination de chacun doivent prendre en compte le besoin des peuples européens d'être véritablement responsables du devenir de l'Europe.
Et en même temps, il faut plus de transparence, faire en sorte que l'Europe soit mieux comprise, mieux admise par l'ensemble des citoyens de l'Europe. Cela, c'est l'enjeu institutionnel.
A côté de cet enjeu, il y a bien sûr l'enjeu de l'action extérieure dont nous allons parler, là encore demain, à la Convention. Cette action extérieure, elle est très importante et notre conviction c'est qu'un président du Conseil européen, un ministre des Affaires étrangères de l'Europe permettront d'affirmer plus fortement à la fois le visage de l'Europe et en même temps la volonté européenne. Nous le voyons sur toutes les grandes questions d'aujourd'hui, l'Irak, le Proche-Orient, les Balkans, il y a une nécessité, il faut donc que l'Europe se donne les moyens de relever ces défis.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 mai 2003)
DEBAT SUR LES PROJETS D'ARTICLES RELATIFS A L'ACTION EXTERIEURE, A BRUXELLES LE MAI :
Monsieur le Président,
Chers Collègues,
Au moment d'aborder ce débat, nous avons tous en tête la crise irakienne.
Je voudrais vous dire ma conviction que le contexte international, loin de nous décourager, doit au contraire nous inciter à renforcer les moyens de l'unité des Européens autour d'une politique étrangère ambitieuse.
Les propositions du praesidium me semblent inspirées par cette même conviction et je m'en réjouis.
Sur l'action extérieure, notre objectif commun est de bâtir une politique européenne plus crédible et plus cohérente. Dans l'esprit des contributions franco-allemandes, je souhaite faire quatre remarques :
1. Tout d'abord, les objectifs et les principes de l'action extérieure de l'Union ne doivent pas être en deçà des traités actuels :
La loyauté et la solidarité entre les Etats membres ainsi que la sécurité de l'Union sont des principes essentiels et doivent être réaffirmés avec force dans la future constitution.
2. Ensuite, les moyens d'action de l'Union doivent garantir l'efficacité :
Pour cela, nous devons progresser vers la généralisation de la majorité qualifiée, si nous voulons que l'Union élargie soit en mesure de décider : les propositions du ministre européen des Affaires étrangères doivent donc être adoptées en principe à la majorité qualifiée.
3. En troisième lieu, l'action extérieure de l'Union doit être cohérente :
Pour cela, le ministre européen des Affaires étrangères doit disposer de tous les outils de l'action extérieure, ce qui implique qu'il soit aussi membre de la Commission. Mais il doit y avoir un statut spécial, correspondant à la spécificité de la politique étrangère.
4. Enfin, le respect de l'équilibre entre la compétence des Etats et la compétence de l'Union est essentiel et nous sommes nombreux à l'avoir souligné, en particulier pour les services culturels et audiovisuels :
Dans ces secteurs où la compétence, chacun en convient, appartient d'abord aux Etats membres, serait-il concevable que les politiques nationales soient remises en cause par le biais de la politique commerciale commune ? Dans ce domaine, la négociation d'accords doit donc continuer à relever, je veux le rappeler encore une fois après l'intervention de M. Vitorino, d'une compétence partagée.
En matière de sécurité et de défense, je salue le volontarisme du praesidium et souhaite faire trois observations :
1. Avec Joschka Fischer et Peter Hain, nous avons déposé des amendements identiques sur deux des thèmes les plus importants pour l'avenir de la défense européenne :
- l'extension des missions de la PESD à la lutte contre le terrorisme,
- l'élargissement du champ de la clause de sécurité et de solidarité au-delà de la seule menace terroriste.
2. Par ailleurs, je souhaite que l'agence européenne proposée par le praesidium :
- s'inscrive dans le cadre d'une véritable politique européenne des capacités,
- favorise le développement d'un marché européen de l'armement.
3. Enfin, avec mes partenaires participant au sommet du 29 avril sur la défense, nous avons souhaité introduire dans la future Constitution deux éléments importants :
- la création d'une Union européenne de sécurité et de défense ayant vocation à comprendre l'ensemble des Etats membres,
- la possibilité de recourir, sous certaines conditions, aux coopérations renforcées pour la défense.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 mai 2003)