Déclaration de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur le rôle de la Commission de l'Océan indien pour promouvoir le développement économique régional, prendre en compte l'environnement et le développement durable de la région, prévenir les catastrophes naturelles et encourager la diversité culturelle et la formation, Saint-Denis-de-la-Réunion le 2 décembre 1999.

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Circonstance : 2ème sommet des Chefs d'Etat et de gouvernement de la Commission de l'Océan indien à Saint-Denis-de-la-Réunion les 2 et 3 décembre 1999-16ème session du Conseil des ministres, allocution d'ouverture le 2

Texte intégral

Madame et Messieurs les Ministres, chers collègues,
Monsieur le Président du Conseil régional,
Monsieur le Président du Conseil général,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Secrétaire général de la Commission de l'Océan Indien,
Mesdames, Messieurs les Elus,
Distingués invités,
Mesdames, Messieurs,
Je suis particulièrement heureux de vous accueillir sur cette terre à laquelle, bien au-delà de cette organisation, tant de liens vous unissent. Je me réjouis aussi de revoir nombre d'entre vous dix-huit mois après notre réunion de Maurice au terme d'une présidence française de la Commission de l'Océan Indien dont la durée aura été inhabituelle.
Ce 16ème Conseil des Ministres se tient, en effet, dans des circonstances particulières qui expliquent sa date reculée. Il prépare le IIème Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de notre organisation qui aura lieu demain, neuf ans après celui de Tananarive.
Si nos chefs d'Etat ont voulu se réunir près d'une décennie après leur rencontre à Madagascar, nous devons y voir là la réaffirmation d'un message : l'espace constitué par les pays de la COI est porteur d'espoirs, fruits d'une coopération dont l'amitié n'est jamais absente. Il constitue une réalité que nous devons sans cesse consolider, afin de répondre collectivement aux défis de demain. Il y a neuf ans, l'affrontement Est-Ouest, qui s'était aussi, dans une certaine mesure, étendu à l'Afrique, arrivait à son terme. Aujourd'hui, il nous faut relever un autre défi, celui créé par l'émergence d'un système économique planétaire fondé sur la croissance des échanges et des flux financiers.
Comme vous le savez, au moment où nous nous rencontrons, une réunion ministérielle sous l'égide de l'OMC tient ses travaux à Seattle pour élaborer de nouvelles règles en vue de guider le système commercial du XXIème siècle. Cette économie mondiale, nous voulons l'organiser, la maîtriser. Elle ne saurait se construire à n'importe quel prix, au détriment de la lutte contre la pauvreté et d'un développement partagé. La réunion de notre Conseil me paraît devoir s'inscrire dans ce contexte d'organisation du monde en zones économiques qui, chacune selon leurs identités, doivent se bâtir pour préserver leur harmonie sociale, leur environnement, leurs modes de développement économique, leur diversité et identité culturelles. Nous sommes conscients que d'autres regroupements régionaux ambitieux se développent au même moment au sein de l'Océan indien et sur le continent africain. Notre rôle est ainsi de réaffirmer la singularité et l'originalité de la COI, qui doivent lui permettre de trouver sa place au sein de ces organisations sous-régionales émergentes. Tel est le message qu'il nous faut à mon sens transmettre demain à nos chefs d'Etat.
En ce qui concerne la France, permettez-moi de saisir l'occasion de cette présidence pour affirmer avec force sa volonté de poursuivre son engagement auprès de la Commission de l'Océan Indien, d'approfondir le dialogue avec les Etats membres et de témoigner ainsi sa confiance dans l'avenir de notre ensemble. Je veux saluer à ce titre le rôle des élus de la Réunion, qui ont su apporter une contribution indispensable en ce sens.
Pour affirmer son identité, la COI, qui n'a que seize ans, doit se montrer performante et innovante. Elle peut le faire autour de quatre grands thèmes :
- promouvoir le développement économique régional,
- permettre une meilleure prise en compte de l'environnement et un développement durable de la région,
- lutter contre les fléaux, prévenir les catastrophes naturelles et améliorer la sécurité dans la zone,
- encourager la diversité culturelle et la formation.
Nos travaux s'articuleront autour de ces quatre thèmes qui doivent guider les politiques que nous menons ensemble et les projets que nous entreprenons.
1 - Tout d'abord le développement économique régional. Je constate avec grande satisfaction que la réflexion stratégique engagée en 1998 a, fort heureusement, porté ses fruits. Le Programme intégré de développement des échanges - le programme PRIDE - qui accusait jusqu'à lors une certaine lenteur s'est accéléré. Maurice et Madagascar ont déjà décidé un abaissement effectif de 80 % de leurs droits de douane et de 100 % à compter du 1er janvier 2000. Je suis persuadé que les Comores et les Seychelles parviendront, dans un bref délai, à atteindre cet objectif.
Quant à la Réunion, elle appartient au territoire communautaire et à, ce titre, est déjà ouverte sans droits de douane aux produits exportés par les Etats membres de la Commission de l'Océan indien. Il faut poursuivre et examiner maintenant comment aller plus loin en développant, en liaison avec l'Union européenne, des modalités de partenariat spécifiques dans le cadre permis aux régions ultrapériphériques depuis le Traité d'Amsterdam. Dans le cadre des futurs accords économiques régionaux Union européenne/ACP, les délais de mise en oeuvre de certaines mesures pourraient être accélérées pour les produits ou services originaires de la Réunion, tandis, qu'en parallèle, un effort serait fait à la Réunion pour alléger les contraintes qui entravent le commerce avec les pays de la zone.
Dans ce contexte encourageant, l'adoption d'un mémorandum sur l'intégration économique régionale marquera notre souci de vouloir poursuivre nos avancées sur ce dossier en vue d'élaborer un accord commercial régional complet.
Permettez-moi, de saluer l'engagement de l'Union européenne, à travers en particulier le Fonds européen de développement, à vous encourager sur la voie de l'intégration économique régionale. Il reflète le souci de l'Union européenne de renforcer ce type d'intégration dans les pays ACP. Telle est en effet l'approche que les Européens proposent à leurs partenaires ACP dans le cadre des négociations sur le renouvellement de la convention de Lomé. Dès la semaine prochaine, nous nous retrouverons à Bruxelles pour nous mettre d'accord sur une telle approche. La COI, qui peut jouer un rôle pionnier dans ce domaine, devrait être en mesure de convaincre ses partenaires et vous pourriez insister en ce sens.
Au delà du volet commercial, je mettrai l'accent sur deux secteurs porteur pour le développement économique régional.
Le tourisme d'abord. C'est une activité essentielle dans cette région qui accueille, annuellement, plus d'un million de visiteurs. Nous devons renforcer notre coopération dans un domaine où les complémentarités sont certaines. Au moment où le programme tourisme mis en oeuvre depuis 1994 s'achève, plusieurs décisions relatives à la pérennisation nous seront soumises. Deux principes nous guideront en vue de créer une structure plus durable : la contribution du secteur privé y est indispensable et les interventions se limiteront aux seuls domaines où l'action régionale permet des économies d'échelle.
Un autre activité fondamentale dans une zone océanique comme la nôtre est celle de la pêche et de la gestion des ressources halieutiques. Lier pêche et développement des pays les plus défavorisés est un sujet qui me préoccupe particulièrement et je compte d'ailleurs proposer aux Etats membres de l'Union européenne de l'inscrire comme l'un des sujets phare des ministres du Développement européen sous la présidence française. Au sein de la COI, nous aurons à nous prononcer sur la définition d'un projet régional de suivi, de contrôle et de surveillance des activités et des ressources. Nous devons en particulier nous soucier que cette activité puisse préserver le développement durable de nos économies.
2 - La pêche a été inscrite sous l'angle de son traitement économique, elle aurait pu l'être sous la forme d'une politique régionale de développement durable. Car le programme régional environnement qui s'achèvera en mars 2000 est centré essentiellement sur les ressources côtières et marines.
Les leçons de ce programme sont connues : si la responsabilité première de l'élaboration des mesures de préservation de l'environnement appartient à l'Etat, une approche régionale doit permettre de mieux prendre en compte les obligations résultant des textes internationaux et régionaux en matière d'environnement. Nous devons au niveau régional faciliter l'information, renforcer les capacités de recherche, améliorer l'analyse d'informations et favoriser les échanges d'expérience. Cette politique nécessite un renforcement institutionnel et la création de réseaux de compétence. Nous pourrions également promouvoir la mise en place d'instruments de prévention incitatifs : les activités économiques doivent aussi générer elles-mêmes les moyens nécessaires à leur régulation.
Des premières actions ont déjà été engagées ; le réseau "Récifs" constitue ainsi un noeud du réseau mondial de surveillance des récifs et devrait élargir son partenariat à la Banque mondiale ; les problèmes d'ecotoxicologie marine ont trouvé un début de réponse régionale à travers le programme en cours. Le document d'orientation générale que nous allons examiner devrait permettre également le nécessaire renforcement institutionnel dans ce domaine sensible pour des Etats insulaires.
3 - La troisième préoccupation inscrite à notre ordre du jour concerne la sécurité, j'entends par là insister sur la lutte contre les fléaux naturels ou humains qui menacent les personnes et les échanges dans notre zone. Dans ce domaine, il nous faut pouvoir réprimer, certes, mais aussi secourir et mieux encore prévenir. Comme je vous l'avais annoncé lors du dernier Conseil, la France a pris plusieurs initiatives dans ce domaine sous sa présidence.
En matière de sécurité civile, la France soutiendra, à partir de la Réunion, les Etats de la COI dans leur lutte contre les catastrophes naturelles qui les menacent, afin qu'ils aient les moyens de réagir d'une façon coordonnée et solidaire. Une unité de la sécurité civile va être spécifiquement formée et positionnée à cet effet à la Réunion. Nous voulons également identifier, en particulier en termes de formation, les besoins nécessaires dans vos pays à la mise en place des premiers secours en attente de l'arrivée des moyens plus lourds et spécialisés.
Le secours en mer et la lutte contre la pollution maritime sont eux aussi des éléments essentiels de la sécurité, dans une zone océanique. Il nous semble, à ce titre, opportun de relancer ce dossier, qui jusqu'à présent n'a pu aboutir. Il faut au préalable que dans chaque pays les réglementations nationales soient conformes aux conventions existantes. Nous pourrons alors promouvoir la coopération régionale, qui dans le cadre des opérations de secours peut faire jouer des complémentarités d'autant plus essentielles que des vies humaines sont en jeu. Je ne peux que vous encourager dans ce sens.
La sécurité, c'est également la lutte contre la recrudescence épidémique qui touche certains de nos pays depuis quelques années: choléra, peste, paludisme, fièvre jaune, méningite et autres fièvres virales. Si les moyens de lutte nationaux sont jusqu'à présents limités, les interventions extérieures se font trop souvent dans le cadre de l'urgence. C'est pourquoi nous avons instruit un projet régional d'un montant de 5 millions de francs pour la lutte contre les épidémies émergentes et réémergentes. Le projet s'insérera dans le dispositif de surveillance de l'Organisation mondiale de la Santé et privilégiera les opérateurs locaux tels que l'Institut Pasteur de Madagascar et l'Institut de veille épidémiologique, basé à la Réunion. C'est là un nouveau champ d'action que nous ouvrons au sein de la COI.
S'agissant de la lutte contre la criminalité organisée et les grands trafics, nous sommes disposés à proposer un appui renforcé aux Etats membres, sous réserve qu'ils s'engagent dans une action continue et déterminée, pour s'opposer à ces fléaux du monde moderne. Le développement d'une économie frauduleuse constitue une menace à bien des égards et peut remettre en cause le processus de restructuration économique. Les modalités de cet appui seront discutées cet après-midi.
4 - Enfin, quatrième orientation pour nos actions, la culture et la formation. Les Etats de l'Océan Indien se singularisent par leur richesse d'origines, de langues, de cultures et de spiritualités héritées de l'Afrique, de l'Asie et de l'Europe. Ils ont aussi un dénominateur commun, la Francophonie. C'est précisément cette diversité qui fait vivre la culture indiaocéanique.
Notre préoccupation est bien de promouvoir le dialogue inter-culturel et d'adapter l'identité indiaocéanique aux évolutions de notre temps. Il s'agit notamment de faciliter les échanges d'expertises en matière de technologies nouvelles, d'assurer le partage et le libre accès à l'information et à la formation et de préserver le patrimoine.
Dans le respect de cette identité, et afin d'atteindre ces priorités identifiés, il nous faut encourager un élargissement de nos partenariats.
Je me félicite à ce titre que les agences de la francophonie, sous l'égide du président Boutros-Ghali, soient disposées à établir des liens étroits avec la COI. Deux secteurs ont déjà été identifiés. La formation, d'une part. L'Université de l'Océan Indien, cet université "sans mur", pourrait constituer le vecteur le plus important pour valoriser les compétences régionales. Nous devrons donc examiner dans le détail comment lui faire pleinement jouer ce rôle et articuler son programme avec ceux de l'Agence universitaire de la Francophonie. Les nouvelles technologies de l'information et de la communication, d'autre part. Nous pourrions envisager des possibilités de coopération entre la COI et le Fonds francophone des Inforoutes.
En outre, je me réjouis de la signature prochaine d'un accord de coopération avec un autre partenaire d'envergure, l'UNESCO. Elle devrait permettre de mettre en oeuvre plusieurs des projets régionaux identifiés lors du "Forum Unesco 2000" pour l'Océan indien qui s'est tenu il y a quelques mois à Maurice. Le représentant du directeur général de cet organisme nous en parlera.
Enfin, il nous faut saluer les nombreuses initiatives en cours visant à promouvoir la culture régionale. Elles méritent notre soutien. Je pense en particulier au projet d'organiser un festival de la COI associé à un marché des arts et de la scène qui pourrait se tenir à Madagascar en l'an 2000. Le projet de RFO de lancer une émission régionale en collaboration avec les chaînes nationales s'insère également dans cette démarche, tout comme la décision du Conseil général de La Réunion de poursuivre l'organisation d'un prix littéraire qui recueille un franc succès.
Chers Collègues,
Mesdames et Messieurs,
Je veux avant de conclure saluer nos partenaires, qui à travers leur présence aujourd'hui et demain témoignent de l'intérêt qu'ils accordent à notre organisation.
Je viens de citer l'OIF, les agence francophones et l'UNESCO ; le Secrétariat général des Nations unies, l'Organisation de l'unité africaine, l'Association de l'indian océan et la Banque mondiale ont pour leur part répondu positivement à l'invitation du président de la République. Je tiens enfin à souligner l'importance et la constance du soutien apportées à la COI par l'Union européenne qui finance la majorité de ses activités.
Cette réunion est pour nous l'occasion de convaincre à nouveau nos partenaires de notre volonté d'appuyer cette dynamique régionale et de donner à notre organisation une dimension moderne, une ambition nouvelle. C'est aussi dans cet esprit que nous examinerons les moyens de donner une dimension politique à notre organisation et de renforcer le dialogue à cet effet. Car sans stabilité institutionnelle, sans ouverture démocratique, sans transparence politique dans chaque pays de la COI, c'est l'image de l'organisation qui pâtit auprès de nos interlocuteurs, qu'ils soient partenaires ou investisseurs.
Avant de donner la parole au ministre seychellois des Affaires étrangères, M. Jérémie Bonnelame, qui est en tant qu'ancien Secrétaire général en quelque sorte un pilier de la COI, je veux enfin remercier son successeur M. Caabi el Yachroutu pour son action. Il a su poursuivre l'élan donné à cette organisation et l'orienter pour qu'elle affronte les défis de demain.
Je vous remercie de votre attention et déclare ouverte la XVIème session du Conseil des ministres de la COI.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 décembre 1999)