Déclaration de M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, sur le télétravail, notamment dans l'administration, l'amélioration des relations entre l'usager et l'administration et la modernisation du fonctionnement de l'Etat, Serre-Chevalier le 3 avril 1998.

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Intervenant(s) : 
  • Émile Zuccarelli - Ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation

Circonstance : 3ème festival européen du télétravail et des téléactivités à Serre-Chevalier le 3 avril 1998

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,

Lorsque les organisateurs du Festival européen de télétravail et des téléactivités m'ont proposé de parrainer la troisième édition de leur manifestation, j'ai accepté avec grand plaisir. J'y voyais, en effet, un lieu de réflexion privilégié et utile pour avancer sur le sujet du télétravail au sein de l'administration.
Hélas, mon emploi du temps ne me permet pas d'être parmi vous aujourd'hui à Serre-Chevalier comme je l'avais prévu, je le regrette. J'ai cependant tenu à m'adresser à vous, à me téléadresser à vous devrais-je dire. C'est une illustration, en quelque sorte, du thème qui nous rassemble.
Monsieur Suzzarelli chef de mission au Commissariat à la réforme de l'État, spécialiste reconnu, et Monsieur Baquiast que j'ai personnellement chargé d'une mission sur l'impact des nouvelles technologies sur la modernisation de l'administration participent au festival et sauront à la fois être à votre écoute et participer à vos débats. Je leur ai demandé de me faire part, dès leur retour, de vos travaux dont il sera tenu compte, soyez en assurés.
Comme vous le savez, le Gouvernement souhaite faire entrer rapidement la France dans la société de l'information. Depuis le discours du Premier ministre à Hourtin, de nombreuses initiatives ont été prises. Elles sont récapitulées dans le programme d'action du Gouvernement publié le 16 janvier dernier. Ce document n'est lui-même qu'une étape et chaque administration doit à la fois avancer dans la voie tracée mais aussi préciser et affiner ses actions.

Pour ce qui concerne mon département ministériel, les nouvelles technologies de l'information et de la communication auront un double impact :

  • elles permettront d'améliorer les relations entre l'usager et l'administration ;
  • elles seront un levier de la modernisation du fonctionnement de l'État.

Le télétravail se trouve au coeur de cette problématique. Il peut, en effet, permettre d'améliorer la qualité du service rendu, tout en satisfaisant certaines aspirations du personnel. Il est un instrument d'aménagement du territoire car, il peut renforcer la présence du service public sur le territoire, notamment, grâce à un meilleur maillage des maisons ou points de services publics et à leur accès direct à des bases de données.
Séduisant sur le papier, le télétravail mis en oeuvre dans la fonction publique comme dans le secteur privé depuis une dizaine d'années, peine pourtant à se développer.
Le Gouvernement a exprimé son souhait d'accélérer le mouvement. Le 5 novembre dernier, dans une communication au Conseil des Ministres, j'ai annoncé que " lorsque la nature des tâches le permettra, il sera proposé aux fonctionnaires, sur la base du volontariat, la mise en oeuvre de programmes de télétravail ".
Le programme d'actions du Gouvernement prévoit, quant à lui, qu'un appel à projets, pour développer le télétravail dans l'administration, sera lancé. C'est chose faite. Cet appel à projets est clos depuis le 31 mars. Il est encore trop tôt pour porter un jugement sur les propositions qui ont été transmises.
Il est, de plus, prévu qu'une charte du travail à distance dans l'administration sera élaborée avant la fin du premier semestre 1998.
A l'heure actuelle, d'après une étude récente menée auprès des services de l'État et de ceux des collectivités locales, moins de 5 % de ces administrations pratiquent le télétravail.
C'est peu et sans commune mesure avec les opportunités qui s'ouvrent dans ce domaine.
En revanche, et c'est encourageant, la plupart des expérimentations conduites ont été menées avec succès.
Citons les pionniers. Pour ce qui est de l'administration, ce sont le rectorat d'Aquitaine, l'office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers (ONILAIT), le ministère de l'agriculture et de la pêche, le ministère de la justice, le CNRS ou le ministère des anciens combattants.
Le secteur public au sens large lui aussi s'ouvre au télétravail citons EDF, la caisse primaire d'assurance maladie de Loire Atlantique, la mutualité sociale agricole du Bas-Rhin, l'AFNOR, la SNCF, La Poste ou France Telecom.
On peut regretter que les différentes expérimentations menées soient restées peu connues. Il faut les valoriser, d'autant qu'elles sont réussies, et peuvent -doivent- créer un effet d'entraînement.
L'étude menée a aussi permis de dégager les avantages perçus par les praticiens du travail à distance. Ces derniers soulignent tout d'abord l'amélioration de la qualité du service public offert aux citoyens, notamment en termes de réactivité, de réduction des délais de traitement des dossiers et de responsabilisation des acteurs.
Ils notent, ensuite, une augmentation de la productivité et une modification des relations professionnelles et hiérarchiques. Les relations traditionnelles basées sur le temps se déplacent vers une notion de résultat, de relations hiérarchiques plus dynamiques et motivantes. Le travail à distance facilite, en outre, la mise en place de moyens visant à plus d'efficacité tels que la réflexion sur les processus de production, l'économie de moyens et la maîtrise des coûts. Il facilite également l'aménagement du temps de travail.
Enfin, et ce n'est pas la moindre des vertus du système, on note une amélioration des conditions de vie des agents, tant au plan professionnel que personnel. Cela résulte de la souplesse des horaires et du transfert du temps passé dans les transports vers des activités sociales et familiales.
On note que des demandes d'extension sont faites par les personnels.
Bien entendu, d'autres points, plus négatifs, ont été relevés par l'étude. En dehors de la trop faible communication autour des expériences, déjà mentionnée, il a été relevé que les hiérarchies administratives se seraient montrées parfois timides.
La modernisation du service public a pourtant fait l'objet de lois ou circulaires qui manifestement n'ont pas été suivies de l'effet escompté. Il faut poursuivre et amplifier le travail de conviction. La simple impulsion du haut vers le bas de la pyramide hiérarchique ne suffit pas.

Aujourd'hui, le télétravail représente un réel enjeu tant pour l'État que pour les citoyens ou les fonctionnaires. Trois principes doivent nous guider :

  • la volonté d'améliorer la qualité du service public,
  • le développement du télétravail par une démarche pragmatique s'appuyant sur la promotion du succès d'expériences de terrain et l'amélioration des conditions de travail des agents,
  • l'affirmation de ce que l'apport du télétravail à la modernisation de l'État est avant tout méthodologique et en aucun cas uniquement technologique.

Il s'agit donc de préférer aux incitations venant du sommet une valorisation d'initiatives de terrains, aidées par un support méthodologique et une aide financière.
C'est bien la philosophie de notre appel à projets.
Le télétravail résulte avant tout d'une réflexion et d'une action sur l'organisation. Il ne s'agit donc pas de faire du télétravail par effet de mode ou pour copier d'autres, si je puis dire. Les considérations technologiques ne doivent être abordées qu'au niveau des moyens à mettre en oeuvre pour le réaliser. Elles ne sont pas au nombre des fins à poursuivre.
L'expérience déjà acquise permet d'identifier un certain nombre de conditions pour que la mise en oeuvre du télétravail réussisse.
Il faut, tout d'abord, qu'existe une volonté clairement affirmée par le directeur ou le chef de service concerné sur la base d'objectifs affichés. Je pense notamment à la satisfaction des usagers, l'amélioration de l'efficacité ou de l'image du service. C'est parce que cette impulsion est parfois absente que nous prévoyons de mettre prochainement en place des formations spécifiques afin de lever la réticence de l'encadrement intermédiaire et de le former à l'animation du travail à distance.
Il faut ensuite adopter une démarche de projet soutenue par une véritable réflexion stratégique, un dialogue social approfondi et une méthode pragmatique qui valorise l'amélioration des conditions de travail et assure la valorisation des succès.
L'adhésion du personnel doit être recherchée sur la base du volontariat, de la réversibilité et de la pendularité. Ce dernier concept est moins connu. Il s'agit de fixer un nombre de jour télétravaillé par semaine inférieur à 5, afin de permettre un retour d'au moins un jour par semaine sur le lieu de travail de rattachement. Ceci a bien entendu pour objet de ne pas rompre les liens avec la communauté de travail.
Enfin, il faut mettre en place une organisation rigoureuse avec comité de pilotage, cahier des charges et dispositifs d'évaluation. Le champ et la durée de l'expérimentation précédant le projet définitif doivent être limités. La transparence doit prévaloir dans la concertation et la circulation de l'information.
Le télétravail est un mode d'organisation du travail interne à l'administration comme à l'entreprise. Il peut concerner tous les niveaux d'agents, dans la plupart des domaines d'activité.
Il peut se pratiquer dans un télécentre, dans un bureau satellite de l'administration ou appartenant à un autre organisme, au domicile du télétravailleur ou dans tout autre lieu hors du service.
Je souligne que le travail à domicile n'est qu'une modalité parmi d'autres. On ne saurait confondre travail à domicile et télétravail.
Les premières expériences ont montré qu'il n'existait pas de graves difficultés d'ordre juridique ou statutaire.
Les représentants du personnel ne sont pas opposés aux expérimentations mais, et c'est bien normal, ils sont attachés à une concertation approfondie.
L'heure me parait venue pour une plus grande diffusion du télétravail dans l'administration. Monsieur Gilbert Santel, le tout nouveau directeur général de l'administration et de la fonction publique poursuivra et amplifiera les initiatives déjà engagées.
Je serai très attentif au contenu de vos échanges au cours de la table ronde de cet après-midi, mais aussi, de l'ensemble de vos travaux sur le télétravail car les expériences du secteur privé en France, comme à l'étranger, peuvent permettre au secteur public de gagner du temps.
En renouvelant mes félicitations aux organisateurs pour leur initiative et mes regrets de ne pouvoir être parmi vous, je vous souhaite bon courage pour ces deux journées de réflexion.

(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 17 septembre 2001)