Déclaration de M. François Fillon, conseiller politique du RPR, sur le quinquennat, le projet politique du RPR en vue des échéances électorales, la propostion de réguler la mondialisation et la critique de l'action de la gauche, Nice le 2 septembre 2000.

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Circonstance : Université d'été du RPR à Nice (Alpes-maritimes), du 1er au 3 septembre 2000

Texte intégral

Chères amies et chers compagnons,
J'aime ce rendez-vous annuel des universités d'été. Il y a toujours un parfum d'audace et de vérité qui nous oblige à élever nos exigences. L'année dernière, c'est aux universités de Lyon, en vous écoutant, que j'ai décidé de concourir à la présidence du RPR.
Dans cette campagne interne j'ai beaucoup appris et beaucoup reçu des militants et des très nombreux jeunes qui m'ont apporté leur soutien. Je tenais aujourd'hui à les remercier - à vous remercier !
Depuis cette élection, je me suis donné pour objectif d'épauler fidèlement Michèle Alliot-Marie dans sa tâche qu'elle assume avec pragmatisme et caractère.
Cette tâche n'est pas facile : d'une part, le gouvernement surfe prudemment sur sa popularité, et, l'opposition pour sa part s'emploie encore trop souvent à poser des embûches sur sa propre route. En ce domaine, ce qui se passe à Paris dépasse l'entendement. Si la raison ne l'emportait pas rapidement, nous serons dans le devoir de trancher sans faiblesse cette situation qui devient irrespirable pour tous les Français.
Je dois vous avouer une chose.
Plus le temps passe et moins je me sens disposé aux calculs et aux petites querelles qui nous ont fait perdre !
En fait, plus le temps passe et moins j'ai l'intention de le perdre dans l'opposition !
Nous devons maintenant consacrer toute notre énergie à développer nos chances de victoire.
Cette victoire est possible. Mais attention, elle obéit à des conditions précises, et, disons-le, particulièrement exigeantes.
Car il est inutile d'escompter un miraculeux zapping électoral dont les électeurs sont parfois coutumiers et il est vain de miser sur la faute de l'adversaire. Chacun doit en être convaincu : il n'y aura pas de victoire par défaut. Il va falloir aller la chercher, il va falloir aller la chercher très loin, en nous dépassant, et en commençant par le référendum du 24 septembre.
Les conditions de la victoire : eh bien, parlons-en !
La première condition est méthodologique : c'est l'organisation de l'opposition qui doit être conçue comme une coalition multiple où chaque sensibilité, des centristes aux souverainistes, doit trouver sa place. Cette coalition doit s'imposer à l'occasion des élections municipales et devrait être symbolisée par une charte nationale fixant nos principales valeurs. Les électeurs attendent de la droite républicaine qu'elle présente un visage non pas unique mais responsable. Cela est à notre portée.
Cette condition élémentaire étant posée reste le plus difficile.
Parce qu'il ne peut y avoir de victoire politique en l'absence de domination " idéologique ", la seconde condition qui décidera ou non de notre victoire est intellectuelle. Il nous reste, soyons francs, un long chemin à parcourir pour renouveler notre pensée et à fortiori notre image.
Pour dominer le débat, deux objectifs doivent, selon moi, être poursuivis.
A/ Le premier - c'est une question d'attitude - consiste à voir large et loin.
Pour redonner à la politique ses lettres de noblesse, il faut prendre de la hauteur. Par delà notre horizon national, regardons le monde qui bouge.
La civilisation occidentale est en train de vivre une triple mutation dont nous devons nous emparer politiquement :
Une mutation économique avec la globalisation qui modifie les mécanismes de production et de distribution et qui place la question de la condition humaine dans une nouvelle dimension matérielle et spirituelle.
Nous devons proposer une régulation de la mondialisation dans ses deux secteurs les plus saillants :
- celui économique et monétaire, avec une refonte de l'architecture des grandes institutions internationales de plus en plus contestées et une stabilisation des fluctuations monétaires avec la création de zones cibles autour des trois principales monnaies (l'euro, le dollar et le yen). L'objectif étant de canaliser le capitalisme mondialisé en définissant un nouveau partenariat de développement avec les pays du tiers monde dont la dette totale est, je le rappelle, inférieure d'un tiers à celle des ménages américains.
- celui de l'écologie planétaire, secteur sur lequel notre silence politique devient coupable tant l'étendue de la problématique et les attentes de l'opinion publique sont, sur ce sujet, à la fois fortes et brouillées. Notre politique énergétique est interpellée par la décision allemande de renoncer progressivement au nucléaire : à nous de réfléchir, d'expliquer, d'arbitrer entre les mérites et les risques de cette politique. Le réchauffement climatique se confirme, les conférences de Rio et Kyoto ont fixé des
objectifs plus ou moins clairs : à nous d'y travailler et d'imposer le rythme du débat politique qui surgira avec la mise en place du marché des permis à polluer. La reconquête du territoire français est en train de s'amorcer et entre le monde urbain et rural un nouvel équilibre semble s'affirmer : à nous d'imaginer une nouvelle utilisation de l'espace national pour valoriser une certaine qualité de la vie. Sur ces grands sujets, nous n'avons pas le droit de laisser le champ libre à nos adversaires politiques et en particulier aux verts qui dissimulent de plus en plus mal leur vision
marxiste de la société sous un discours environnementaliste provocateur et inefficace La seconde mutation est d'ordre technologique et scientifique avec l'émergence de la société de l'information, les biotechnologies et les sciences du vivant. Nous devons formuler une définition éthique du progrès. Entre l'homme, les sciences et les technologies, un mariage est à réinventer car le positivisme du XIXème siècle est épuisé. Dans cet esprit, si la société de l'information se développe en France (ce dont je me réjouis !) reste à formuler une pédagogie de son exploitation. Si notre objectif doit être un ordinateur par élève connecté sur le web (c'est celui que je me suis fixé dans la Région des Pays de la Loire), notre souci doit être de dire au nom de quelle conception du progrès culturel et social !
Enfin, notre civilisation est soumise à une mutation politique, qui, après la fin des idéologies, voit l'apparition d'une nouvelle relation entre le citoyen et les pouvoirs qu'ils soient locaux, européens ou même mondiaux. Entre ces différents pouvoirs, la médiation nationale reste pertinente mais doit être réinventée à travers ce que j'appelle le patriotisme éclairé, c'est à dire un patriotisme généreux et aventurier. Un patriotisme qui doit notamment s'investir dans la conduite de l'Union européenne. Cette Union qui doit être clarifiée (c'est l'objectif d'une charte européenne fixant les droits et les devoirs de chacun, et replaçant les fonctionnaires de la Commission à leur place), cette Union qui doit être assouplie (c'est la géométrie variable, seule en mesure d'assurer le succès de l'élargissement), cette Union qui doit être enfin et surtout démocratisée ( 'est ici le rôle des parlements et de l'exécutif européen qui doit être affermi). Le débat qui s'ouvre sur les institutions européennes ne doit donc pas nous faire peur. Car le pire qui puisse arriver pour la souveraineté nationale c'est le statu quo technocratique, ça n'est pas l'audace politique !
Voilà, mes chers compagnons, le spectacle large et complexe qui est en train de se livrer sous nos yeux ! En définitive, deux mondes, l'ancien et le nouveau, se chevauchent et se disputent l'avenir de la condition humaine.
C'est dans ce magma historique que nous devons tenter de fixer un cap pour la France. Ce doit être cela le nouveau gaullisme !
Incarner une certaine hauteur de vue : voilà le premier objectif du défi intellectuel que nous devons relever.
B/ Le second objectif : c'est le projet politique stricto sensu.
Sa philosophie générale doit symboliser le passage d'une société crispée vers une société en mouvement et en confiance qui aborde le siècle avec lucidité et fierté. Nous devons, nous gaullistes, être les passeurs stimulants de cette transition.
Depuis vingt-cinq ans, les Français vivent - à cause de la crise - avec la peur au ventre. Cette crispation est légitime. Elle s'est confondue avec les travers d'une politique économique et sociale malthusienne où le choix des acquis à conserver l'a emporté sur le choix des acquis à rénover et à conquérir.
Avec la reprise économique, nous pouvons nouer avec nos compatriotes un pacte de confiance pour moderniser la France. Il devra s'appuyer sur une méthode de gouvernement inspirée par un réformisme évolutif et participatif.
Moderniser la France, c'est moderniser tout d'abord son architecture politique, car on ne change pas la France sans opérer ce qui fait plus où moins bien battre son coeur. Actuellement, nos institutions sont dépourvues de deux qualités majeures en période de mutation : l'efficacité et la lisibilité pour gouverner, la responsabilité et la représentativité pour délibérer. C'est pourquoi, je suggère de réactualiser notre république :
L'efficacité pour gouverner, c'est d'abord mettre un terme à la pratique répétée de la cohabitation. Le quinquennat, parce qu'il permet de réduire les risques de cohabitation, même s'il ne les supprime pas, s'inscrit dans une logique de clarification démocratique qui est l'une des sources de l'efficacité politique. C'est pourquoi, le référendum du 24 septembre doit vous mobiliser.
Je l'aborde pour ma part avec conviction et détermination.
Avec conviction, car je n'ai aucune hésitation sur les avantages escomptés du quinquennat. Je tourne sans états d'âmes la page du septennat, mais surtout des cohabitations à répétition qu'il induit presque mécaniquement. La cohabitation, c'est Florence au XVème siècle, les couteaux en moins et les sondages en plus. Elle a les apparences du consensus national, mais elle est en vérité une faille démocratique.
Aucun des arguments des septennalistes ne me convainc :
Quels sont-ils ?
1/ le premier est purement affectif : il est lié au souvenir du Général de Gaulle. Cet argument du coeur, que je comprends, ne m'ébranle pas pour autant. Pour le Général, rien ne fut jamais définitif et écrit pour toujours.
Les institutions sont des outils. Elles doivent être conformes aux objectifs politiques que nous nous fixons et doivent être adaptées à la culture et aux moeurs de la société qu'elles sont censées interpréter et commander.
2/ Le second argument est que le quinquennat bouleversera l'équilibre de nos institutions. Cet argument est plus que discutable. A mon sens, l'équilibre entre l'exécutif et le législatif demeurera comparable à celui qui prévaut actuellement. D'une certaine façon, la fin du cumul des mandats est plus porteuse de changement dans les relations entretenues entre l'Assemblée Nationale et le Gouvernement que le quinquennat.
3/ Le troisième argument avancé, c'est que la quasi-concomitance entre les élections présidentielles et législatives "enfermera" le candidat à l'élection suprême dans le "jeu" des partis. L'argument n'est pas à écarter d'un revers de la main, mais il me laisse cependant perplexe. Car, jusqu'à preuve du contraire, le Général de Gaulle fut en son temps le patron désigné ou subliminal de l'UNR puis de l'UDR, Giscard celui de l'UDF, Mitterrand celui du PS et Jacques Chirac celui du RPR-Septennat ou quinquennat, le candidat à la présidence est donc l'homme d'une stratégie partisane, pour ne pas dire d'un parti. Inutile sur ce sujet de nous raconter des histoires !
Ces trois arguments ne résistent pas, à mon sens, à l'épreuve du débat et de la raison.
Je m'engage aussi avec détermination parce que le Chef de l'Etat, en choisissant la voie référendaire, est à la hauteur de la tradition gaulliste.
Jacques Chirac a refusé que le débat se tienne dans le dos des citoyens.
Sa décision est fondée sur la confiance chaleureuse qu'il accorde aux Français. Elle l'honore et elle nous oblige à tenir notre rang. Pompidou avait initié le projet du quinquennat, Giscard l'avait éludé, Mitterrand l'avait enterré, Jacques Chirac, lui, le ressuscite, en offrant, au surplus, la parole au peuple.
L'histoire se souviendra de ceux qui ont calé et de celui qui a tranché !
Oui, le quinquennat participe, comme une première étape, à l'efficacité de la République que nous devons promouvoir.
Quant à la responsabilité, elle doit être incarnée par une double ambition :
Celle d'un renforcement des pouvoirs législatifs et de contrôles du parlement qui ne peut continuer à jouer le rôle de simple chambre d'enregistrement ; et celle d'une décentralisation approfondie et clarifiée permettant une "coagulation opérationnelle " des régions et des départements.
Jospin, lui, a choisi de recentraliser la France pour mieux la soumettre à son pouvoir et "d'autonomiser " la Corse pour mieux forger son "identité présidentielle ".
La contradiction n'a pas échappé aux Français qui restent perplexes sur le processus engagé dont ils pressentent les risques pour la République.
Nous ne sommes pas des intégristes de l'unité nationale, nous admettons la spécificité des territoires et nous voulons la paix en Corse.
Pour autant nous ne sommes pas décidés à laisser le gouvernement sortir des limites fixées par la constitution.
D'abord, la Corse est dans la république française et nul n'a le droit de triturer, en l'absence de mandat démocratique précis, le pacte national et social ; Ensuite, cette question, au même titre que la question basque,
bretonne, savoyarde ou alsacienne, n'est pas la propriété des seuls élus corses et du gouvernement : c'est l'affaire de tous les Français ; enfin, si la république mérite d'être ressourcée à travers une nouvelle étape de la décentralisation, elle ne doit pas être démembrée suivant la logique du particularisme. Dans cet esprit, il y a des limites qui ne peuvent être franchies.
En définitive, derrière le dossier Corse il y a une question simple : voulons-nous vivre séparé autour de nos particularismes ou voulons-nous vivre ensemble avec, et malgré, nos particularités ? J'estime qu'en transcendant les distinctions culturelles, sociales ou raciales, le projet républicain n'est pas, comme le prétend Jean-Guy Talamoni, un "archaïsme ", mais le symbole même de l'humanisme, un humanisme plus nécessaire et actuel que jamais.
La démission de Jean-Pierre Chevènement n'est pas une bonne nouvelle pour Lionel Jospin mais ce n'est pas non plus une bonne nouvelle pour la France.
Elle constitue en réalité une victoire pour les poseurs de bombes et les assassins et une défaite pour la République.
Qui peut s'en réjouir ?
Moderniser la France, c'est aussi et surtout oxygéner notre économie pour lui permettre de prendre durablement la vague de la croissance afin de réduire le chômage par deux. Grâce à la croissance mondiale, nous sommes en dessous de 10%, il faut maintenant passer en dessous de 5%. C'est faisable !
Pour cela, il faut un plan progressif de baisse des charges sociales sur les bas salaires ; une réduction planifiée des prélèvements obligatoires et en premier lieu de l'impôt sur le revenu qui doit être simplifié, limité à trois tranches et ne pas dépasser le taux de 50% qui décourage les Français de travailler, d'investir et d'innover ; il faut procéder à un bond qualitatif en matière de nouvelles technologies de l'information car elles constituent l'un des poumons de la compétitivité de demain ; il faut enfin donner un nouvel élan à la participation car l'avenir du capitalisme doit être partagé avec des citoyens responsabilisés et mobilisés et non craintifs et légitimement revendicatifs face aux fruits d'une croissance dont ils sont largement les auteurs. L'élargissement de la participation et l'approfondissement du dialogue entre les partenaires sociaux constituent les deux faces d'une économie stimulante car partagée et régulée de l'intérieur et non pas exclusivement par l'Etat. A cet égard, l'attitude hautaine et méprisante du gouvernement par rapport à la réforme de l'UNEDIC proposée par la CFDT, la CFTC et le MEDEF est à l'image d'une politique qui continue de se croire détentrice du monopole de l'avancée sociale. Je ne vois pas pourquoi les chômeurs devraient moins faire confiance au courage social de Nicole Notat plutôt qu'au conservatisme électoral de Martine Aubry, candidate à la mairie de Lille !
Moderniser la France, c'est enfin, mes chers compagnons, moderniser son pacte social. Ce pacte, pour les jeunes, se noue au sein du système éducatif dont nous devons avoir pour objectif d'en faire l'un des plus performants d'Europe. La vérité, c'est qu'actuellement l'inégalité règne suivant que l'on soit né à Passy ou à Grigny. L'immobilisme satisfait de Jack Lang accuse cette inégalité.
Ce pacte passe aussi par une modernisation de l'Etat. A bien des égards, l'Etat doit être restauré. En matière de sécurité et de justice il doit notamment se donner les moyens d'assurer la paix civique. Il y a en France une violence sourde qui s'accroît et qui crispe les relations sociales. Nous ne voulons pas d'une société qui, le soir venu, se barricade à quadruple tour derrière sa porte et qui voit le budget des ménages augmenter chaque année dans l'achat de systèmes de sécurité ! Ce pacte, c'est enfin notre système de solidarité sociale. Le système par répartition doit être maintenu. C'est pourquoi il doit être harmonisé entre les cotisants du service public et ceux du secteur privé ; il doit être enrichi par des dispositifs de capitalisation et ouvert au principe de la retraite à la carte. Dans cet esprit, nous devrions réfléchir à la mise en oeuvre de ce que j'appelle les "emplois seniors", qui seraient fondés sur le
volontariat et suivant des modalités professionnelles, salariales et fiscales adaptées. Une société harmonieuse, c'est une société qui marche sur ses deux jambes : celle de sa jeunesse et celle de ses anciens qui doivent être des acteurs respectés et sollicités.
Organiser une coalition de la droite républicaine ; prendre de la hauteur et développer un projet politique qui ait de l'allant.
Reste une troisième condition qui consiste à ne pas se tromper sur nos adversaires politiques et sur les Français eux-mêmes.
Je l'ai écrit il y a quelques mois dans un quotidien, je le redis aujourd'hui : nous ne battrons pas la majorité actuelle en faisant mine de croire et de faire croire aux électeurs qu'elle est de gauche. Cette majorité privatise à tour de bras contrairement à tous ses engagements électoraux et se réjouit de voir que le CAC 40 a augmenté de 100% depuis trois ans. Cette majorité n'est pas de gauche, elle est plus modestement et plus médiocrement social-démocrate.
C'est beaucoup moins " sexy ", c'est pourquoi cela doit être dit !
Lionel Jospin, François Hollande, ou mieux encore, Robert Hue, ne redoutent rien moins que de se l'entendre rappeler, car ils savent au fond d'eux-mêmes que c'est vrai ! Ils savent qu'entre ce qu'ils étaient, ce qu'ils font et ce qu'ils disent, le décalage grandit de jour en jour et le fossé se creuse avec le peuple.
Il faut taper là où ça fait mal, même si cela doit contrarier les bons vieux clivages qui rassurent la classe politique. Nous ne gagnerons pas en faisant dans le simplisme, nous gagnerons en faisant tomber le masque de la gauche. Derrière ce masque, les Français verront un vide idéologique abyssal et poseront du même coup un autre regard sur la droite républicaine qui, pour sa part, n'a jamais tenté de les emberlificoter avec les réalités de l'économie moderne. Aux yeux des classes moyennes et populaires nous devons, face à une majorité mensongère, devenir les interprètes francs et réalistes du changement.
Parce que la gauche est idéologiquement aux abois, elle s'efforce de donner le change sur les sujets de société en espérant ainsi ranimer les clivages que l'économie contemporaine ne lui permet plus d'instaurer. A l'automne, nous serons ainsi sollicités par les projets sur la pilule du lendemain et l'I.V.G. Sur ces sujets de société, soyons prudents, évitons les pièges, soyons à l'écoute des jeunes et surtout des femmes qui sont les premières concernées. Vous le savez mieux que d'autres, la société française a changé. Nos électeurs eux-mêmes ont changé. D'ailleurs, il n'est rien de plus difficile que de définir un profil type de l'électeur, et, plus précisément, de l'électeur de droite. Par tempérament, il est pragmatique. Il hume avec une certaine liberté l'air du temps et se forge personnellement et raisonnablement ses convictions. Il est sensible aux questions de sécurité, mais est attaché à la liberté individuelle et à la dignité humaine. Il condamne l'immigration clandestine, mais n'en demeure pas moins séduit par les vertus de l'intégration symbolisée par l'équipe de France de Zidane. Il est acquis aux mérites de l'initiative personnelle et de l'entreprise privée, mais n'en reste pas moins personnellement intéressé par les 35 heures et attaché au rôle régulateur de l'Etat. Il est attaché aux vertus de la famille mais connaît la réalité des nouvelles formes conjugales et observe avec une certaine tolérance l'évolution des moeurs. Il est plutôt pour l'énergie nucléaire, mais est de plus en plus attentif à la qualité de son environnement et à la santé de ses enfants.
Tout ceci pour dire que nous devons échapper aux clichés et stéréotypes qui réduisent notre marge de manoeuvre. Il faut nous dégager d'une image qui oscille entre le conservatisme social et l'économisme froid. Parce que nous devons élargir notre socle électoral, il y a des erreurs politiques que nous devons éviter mais il y a surtout des pistes politiques que nous devons explorer en innovant et en y mettant du coeur : sujets de société ; aménagement du temps de travail ; solidarité sociale ; environnement ; intégration républicaine (sujet sur lequel je souhaiterais que le parti gaulliste soit en pointe en tendant une main ambitieuse vers tous ces français d'origines étrangères qui peuvent aimer et servir le drapeau tricolore pourvu qu'on le mette entre leurs mains).
Voilà, mes chers compagnons, les conditions politiques qui me paraissent devoir être lucidement mesurées et débattues entre nous. Si nous les ignorons, nous serons battus, non pas parce que nous aurons démérité, mais parce que nous n'aurons pas changé. Car les mêmes causes produisent les mêmes effets. Si nous respectons ces conditions, nous pouvons en revanche remporter notre pari.
Je crois que vous êtes plus que d'autres en mesure de sentir et de délivrer ce message : pour gagner nous devons nous dépasser !
A Lyon vous étiez en proie au doute !
A Nice votre feuille de route est claire :
Prendre la tête de la bataille du référendum pour une démocratie plus directe et plus vivante.
Si vous remportez cette bataille alors que nombre de vos aînés estiment plus prudent de rester à l'abri, alors vous aurez gagné vous-mêmes votre place dans la bataille suivante, celle des municipales !
François Fillon
(Source http://www.rpr.fr, le 01 septembre 2000).