Déclaration de M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, sur les principaux aspects de la réforme portant sur les retraites de la fonction publique, Paris le 7 mai 2003.

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Circonstance : Point de presse, Paris le 7 mai 2003

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
En complément de la communication de mon collègue François FILLON, il me revient de vous présenter les principaux aspects de la réforme portant sur les retraites de la fonction publique.
1 Les aspects de la réforme concernant les fonctionnaires ont donné lieu à un dialogue intense avec les organisations syndicales : F. FILLON et moi-même avons reçu à deux reprises les Confédérations syndicales, en février et en avril. J'ai tenu pour ma part deux cycles de rencontres avec les fédérations de la fonction publique, j'ai écouté les représentants de la société civile et des syndicats à l'occasion de mes déplacements à l'invitation des CESR et mon directeur de cabinet a conduit plusieurs groupes de travail sur les différents aspects techniques de notre projet.
Ce dialogue n'est pas achevé : les conseils supérieurs des trois fonctions publiques seront consultés les 19 et 20 mai sur le projet de loi et j'ajoute, comme l'a indiqué le Premier ministre, que le Gouvernement écoutera jusqu'au dernier moment les partenaires sociaux qui ont une attitude constructive.
La réforme est nécessaire , à la fois pour des raisons d'équité et de garantie financière :
L'équité, parce que le financement de nos retraites repose essentiellement sur un grand principe de solidarité entre les générations et les français et qu'il est normal et nécessaire que cet effort soit également partagé et réparti.
Les traitements des fonctionnaires de l'Etat s'élèvent en 2003 à 60 milliards d'euros. Les pensions sont de 30 Milliards. Chaque année, il faudra dégager de 1,5 à 2 milliards d'euros supplémentaires pour verser les retraites des fonctionnaires de l'Etat. Il s'y ajoute évidemment la charge des retraites des agents des collectivités locales et des hôpitaux.
D'ici 2016, la moitié des fonctionnaires de l'Etat sera partie en retraite, et en 2020, les pensions des fonctionnaires de l'Etat pèseront autant que les traitements.
Voilà, mesdames et messieurs, pourquoi il est temps d'agir, voilà pourquoi le vrai recul social serait, de ne rien faire et de manquer de volonté.
3. Pour autant, il s'agit d'une réforme délicate qui exige de trouver le bon point d'équilibre : c'est la première fois que ce sujet est abordé dans la fonction publique depuis 1964, et les fonctionnaires sont fondamentalement attachés au particularisme de leur situation. Nous leur
disons que nous respectons leur situation particulière, et qu'il ne s'agit pas d'affaiblir le statut de la fonction publique, mais nous leur disons aussi que le régime de retraite des fonctions publiques doit aujourd'hui évoluer.
a) La réforme qui est présentée par le Gouvernement s'efforce de répondre au problème de la convergence et du financement des régimes, tout en respectant les particularités de la fonction publique :
Avant tout, la réforme des retraites sauvegarde les principes de base de notre fonction publique :
Le code des pensions continuera d'être fondé sur une fonction publique de carrière, régie par le principe statutaire. En conséquence ;
?- Première garantie : Le taux actuel de liquidation est maintenu :
pour un agent titulaire à temps complet, au plafond de la durée de cotisation (37,5 ans avant la réforme, 40 ans en 2008), la retraite sera toujours de 75% du traitement de référence, hors bonifications.
- deuxième garantie : la pension sera toujours calculée par rapport au traitement . Ce qui changera simplement, c'est que sera pris en compte le traitement moyen des trois dernières années.
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- Troisième garantie : La période minimale de 15 ans pour acquérir une pension et pour bénéficier du minimum de pension est maintenue.
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- - Enfin, quatrième garantie : S'agissant des personnels classés en service actif - c'est-à-dire ceux qui peuvent partir par anticipation en fonction de la pénibilité ou du danger de leur métier, policiers, postiers, infirmières, les règles statutaires demeurent identiques. Ils se voient simplement appliquer les mêmes règles d'allongement de la durée du travail et de décote que leurs collègues. Ils pourront comme avant décider de partir à 50 ans - pour un policier - ou à 55 ans - pour une infirmière.
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b) Quels sont les points de convergence ?
- Il s'agit d'abord de la durée de cotisation qui sera progressivement portée à 40 ans d'ici 2008. La valeur de l'annuité qui était de 2% passe à 1,875% sur la même période. Mais, et j'insiste, un fonctionnaire qui aura fait une carrière complète aura, comme avant la réforme, le même niveau de pension, soit 75% de son traitement de référence. Il lui faudra demain travailler 2 années et demi de plus pour y parvenir.
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- Deuxième élément de convergence : les pensions seront indexées sur les prix comme pour le régime général. Ceci favorisera les comparaisons et permettra de maintenir le pouvoir d'achat des pensions, tout en ouvrant enfin la voie à une politique salariale plus dynamique en faveur des fonctionnaires en activité.
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- Ceci s'accompagne de la suppression des mécanismes d'indexation conduisant à des " carrières de retraités ", ce que les spécialistes appelaient le L15 " indiciaire " et le L16. La Cour des comptes a souligné dans son rapport la nocivité de ces mécanismes qui désorganisent la politique salariale et pèsent lourdement sur l'équilibre financier des régimes de pensions publiques. Toutefois, il est prévu?d'honorer la parole de l'Etat et de transposer dans les retraites les effets des plans catégoriels en cours qui seront intégralement respectés.
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Le but de la réforme est de garantir le niveau des pensions ; le moyen retenu est l'alignement des durées de cotisation.
- Pour y parvenir, nous proposons des mesures incitatives, soutenant la motivation des agents : des dispositifs seront mis en place pour permettre à ceux qui le souhaiteraient, en particulier les enseignants, d'accomplir un nouveau parcours professionnel. Ce dispositif de " deuxième carrière " en faveur des enseignants est prévu dans le projet de loi.
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- Dans le même esprit, les règles de la cessation progressive d'activité seront revues pour offrir aux agents qui le voudraient la possibilité d'alléger leur temps de travail en fin de carrière, afin d'atténuer le recul de la date de leur départ en retraite. Cette mesure devrait largement bénéficier aux femmes et aux enseignants.
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- Comme dans le régime général, des mesures orientant les choix personnels seront mises en place. Un système de décote et de sur cote sera ainsi institué.
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Je dois ici introduire une précision importante : la décote n'a pas pour vocation de faire baisser le niveau des pensions ; ce n'est qu'une mesure qui vise à inciter les agents à aller au bout de leur carrière. Autre précision importante ; la décote s'annule à la limite d'âge de chaque corps. Les pensions seront calculées au prorata du nombre d'années effectuées.
Pour permettre à l'ensemble des agents d'organiser à leur convenance leur départ à la retraite, la mise en place de la décote sera progressive.
- Elle sera mise en place de façon très étalée, d'ici 2020. Elle atteindra un premier taux de 3% en 2008 et sera portée par étapes à 6% par la suite dans un objectif de convergence avec le régime général.
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- Durant la période de transition, jusqu'à 2020, la décote s'annulera non pas à la limite d'âge, mais à un âge pivot qui est l'âge d'ouverture des droits augmenté d'un an , puis de 2 ans, de trois ans, etc jusqu'à?coïncider avec la limite d'âge en 2020. ( âge pivot). Vous avez dans le dossier de presse un tableau qui l'explique.
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Parallèlement, une surcote serait attribuée aux fonctionnaires qui resteraient en fonctions au-delà de 60 ans en ayant atteint leurs annuités au taux plein.
c) Trois dispositions favorables sont introduites pour permettre aux agents d'acquérir plus facilement leurs droits :
- premièrement, une durée d'assurance " tous régimes " est instituée : le nombre d'années comptant pour remplir la condition de 40 ans permettant de ne pas se voir appliquer la décote est apprécié sur l'ensemble de la carrière. Ainsi, les personnes qui ont eu des carrières successives dans plusieurs régimes ne seront pas pénalisées.
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- ensuite, les périodes de temps partiel compteront comme des périodes de temps plein pour la durée d'assurance : cela signifie que les agents qui prennent du temps partiel, en particulier les femmes mères de famille, ne seront pas pénalisées pour l'application de la décote.
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- enfin, une possibilité de rachat des années d'étude est offerte, pour la durée d'assurance dans la limite de trois ans.
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4. La réforme est l'occasion de corriger des écarts de situation au sein même de la fonction publique :
a) En premier lieu, la question des primes est posée :
b)
Il n'est pas envisageable de procéder par une intégration massive des primes, qui coûterait de 5 à 6 Milliards d'euros par an en 2020.
Cependant, le Gouvernement est soucieux d'avancer sur ce point très attendu par les fonctionnaires.
C'est pourquoi il est proposé de créer un nouveau régime, distinct du régime des pensions, assis sur une partie des primes, et ouvert à tous les agents. Les paramètres techniques de ce régime doivent encore être approfondis en concertation avec les partenaires sociaux.?De façon particulière, la question des primes des aides-soignantes fera l'objet d'un aménagement particulier, pour se conformer à un engagement précédent.
b) Ensuite, la réforme aménage les avantages familiaux , en particulier pour tirer les conséquences d'une évolution de la jurisprudence européenne sur l'égalité entre les hommes et les femmes :
- En premier lieu, la pension de réversion des hommes est alignée à la hausse sur celle des femmes.
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- Ensuite, les bonifications pour enfants sont étendues aux hommes à la condition qu'ils se soient arrêtés de travailler pour se consacrer à leurs enfants. Pour le futur, les avantages familiaux sont maintenus, et les conditions pour bénéficier des bonifications sont réaménagées pour valider la prise en compte des périodes d'arrêt de travail ou de temps partiel familial, cet avantage pouvant être porté à trois ans par enfant.
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- Le droit au départ après 15 ans de service des femmes ayant élevé trois enfants est conservé. Une discussion spécifique sera ouverte sur ce point.
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Voila, Mesdames et Messieurs, les principaux aspects de la réforme touchant les fonctionnaires. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
(Source http://www.fonction-publique.retraites.gouv.fr, le 18 juin 2003)