Interview de M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, à "RTL" le 26 juin 2003 sur les orientations du budget 2004, sur le maintien de la baisse des impôts sur le revenu malgré la croissance économique faible et sur les perspective de dépense budgétaire.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


R. Elkrief-. Bonjour A. Lambert.
- " Bonjour. "
On parle aujourd'hui au Parlement des orientations du budget 2004. Un tout petit mot car c'est un urgent qui vient d'arriver : les Quinze ont trouvé un accord pour une réforme de la PAC. C'est une bonne nouvelle pour le ministre du Budget français ?
- " C'est une bonne nouvelle pour les Français et pour l'agriculture française. "
On suivra ce débat dès demain matin à ce micro, avec des intervenants de la FNSEA sans doute. Mais parlons du budget 2004. Vraiment, on se demande ce matin si vous et F. Mer vous ne seriez pas un peu magiciens, car vous avez en face de vous une équation tout à fait insoluble : la croissance la plus faible depuis 93, l'Europe qui exige toujours le retour à la barre des 3 % pour le déficit et J. Chirac qui promet un certain nombre de dépenses supplémentaires, comme par exemple la baisse de l'impôt continue ?
- " Il ne s'agit pas d'être magicien, il s'agit d'être responsable, d'affronter la difficulté, elle existe, mais de le faire avec méthode. Parlons des dépenses, par exemple, puisque la France souffre de trop de dépenses. Il faut choisir de les maîtriser. Cela n'a pas été fait. Nous avons décidé de le faire, nous nous y tenons. Nous nous y tenons depuis le début de l'année 2003. Nous nous sommes engagés vis-à-vis des Français de ne pas dépenser 1 euro de plus que ce quia été autorisé par le Parlement. Nous disons pour 2004, nous devons pouvoir ne pas dépasser 1 euro de plus. Cela veut dire que nous pouvons assurer le même service aux Français, plutôt même améliorer les services que nous leur rendons, en leur coûtant moins chers. "
Ce sont les dépenses de fonctionnement, c'est-à-dire la qualité du service public, et donc par exemple, la réduction du nombre de fonctionnaires, en ayant une meilleure productivité. C'est votre discours ?
- " C'est tout simplement constater que les fonctionnaires, comme tous les Français, réalisent des progrès par leur travail, et que ces progrès sont restitués pour partie aux Français, et d'ailleurs pour partie également pour ceux qui accomplissent ces progrès. Je voudrais simplement vous dire que si nous avions moins de dépenses, nous pourrions lever moins d'impôts. Dès lors que nous allons maîtriser nos dépenses et ce qui nous rend confiants dans l'avenir, c'est notre capacité à maîtriser nos dépenses, nous allons pouvoir en effet faire en sorte que la baisse des impôts se poursuive. La croissance néanmoins n'est pas au niveau que nous souhaitions, ce qui fait qu'elle nous donne des recettes fiscales qui sont inférieures de celles que nous pouvions souhaiter. Nous avons simplement dit que nous tenons les dépenses, que nous ne voulons pas, pour la réduction des déficits, relever les impôts, parce que ceci aurait pour effet de précipiter notre économie dans la récession. "
Alors, parlons de la continuation de la baisse des impôts. G. Carrez, qui est rapporteur UMP du Budget à l'Assemblée dit "Il ne faut pas de baisse générale de l'impôt sur le revenu". P. Méhaignerie, qui est président de la Commission des Finances dit "La baisse de l'impôt sur le revenu n'est pas obligatoire pour 2004"... C'est un peu contradictoire avec ce que dit le Président. On poursuit cette réduction de la baisse de l'impôt ?
- " Il n'y a pas de contradiction sur l'orientation à donner qui est la baisse des impôts, c'est une nécessité absolue puisque les impôts en France sont plus élevés qu'ailleurs. La question est de savoir comment on les baisse. Soit on baisse le taux de l'impôt sur le revenu, ce que nous avons fait en 2002 et en 2003, ou on fait des baisses qu'on appelle ciblées. On a déjà commencé d'ailleurs puisqu'il y a une loi, vous le savez, sur l'initiative économique, une loi pour promouvoir l'Outre-mer, une loi sur le mécénat, une loi pour soutenir... "
Donc, vous préférez les baisses ciblées à la baisse généralisée.
- " Ceci représente environ 800 millions d'euros déjà de baisse d'impôt. Ce sont des baisses ciblées qui visent à soutenir l'activité économique et l'emploi dans certains secteurs d'activités. Alors, l'autre question, c'est de savoir lorsque nous allons mieux connaître comment la croissance pourrait se placer en 2004, quel effort nous faisons sur le taux de l'impôt sur le revenu. "
Mais votre sentiment et votre envie, votre projet là-dessus ?
- " Mon idée, c'est que nous avons un niveau de dépenses en France qui est beaucoup trop élevé et que ce que les Français doivent attendre de leur Gouvernement comme de tout gouvernement d'ailleurs, c'est de faire aussi bien pour eux à moins cher et alors on pourra leur restituer les impôts, une partie des impôts qu'ils paient, dont je rappelle que c'est le fruit de leur travail. "
Donc, vous êtes favorable à une baisse du taux de l'impôt sur le revenu.
- " Je suis favorable à une baisse de l'impôt sur le revenu. "
Sur la croissance justement, il y a un débat. Les chiffres, on sait très bien que tous les gouvernements présentent des chiffres de prévision souvent un peu optimistes. Mais est-ce que ce n'est pas carrément irréaliste en l'occurrence. On prévoit donc 2,5 pour l'année 2004. Cette année, vous prévoyez 1,3 et l'INSEE est déjà à 0,8%. Est-ce qu'à un moment donné, on ne va pas être un peu sincère et clair, en disant : voilà, ça ne va pas, il n'y a pas de croissance ?
- " Il faut être sincère et clair d'abord en rappelant aux Français qu'il n'est au pouvoir de personne de rendre une prévision absolument sûre. Une prévision, c'est une prévision. Et donc, lorsqu'un gouvernement, quel qu'il soit, arrête une prévision sur laquelle il fonde son projet de loi de finances, il le fait par rapport à des travaux d'experts. Ces experts sont nombreux et on fait un consensus, c'est-à-dire qu'on fait une moyenne de leurs prévisions. Et lorsque les gouvernements se trompent, ça veut dire aussi que les expertises qui leur ont été données étaient elles-mêmes erronées. Alors, je crois qu'il faut essayer de choisir le consensus prudent qui est proposé par les économistes et essayer de cesser la controverse permanente qui dure 6 mois sur le taux de croissance qui a été choisi par le Gouvernement pour construire son budget. C'est ce que, avec F. Mer, nous voulons faire. Essayer de trouver un taux de croissance pour construire 2004 qui soit le consensus et qui évite toute controverse. "
Donc ça peut être la fourchette la plus basse des prévisions par exemple ?
- " Ça peut être, ça doit être ce qui est le consensus de l'ensemble des économistes. "
Dernière question sur le déficit puisque c'est ces 3 éléments de l'équation dont je vous parlais... donc la croissance, la baisse d'impôt, le déficit. Vous avez dit dans une interview : "Ce n'est pas l'arithmétique qui compte mais c'est la trajectoire". Vous avez promis à Bruxelles pour 2004 un retour au déficit à 2,9%, en-dessous de 3%. Mais vous dites que c'est la trajectoire pas l'arithmétique... ça veut dire que vous renoncez à ces 3% ? On ne respectera plus le pacte de stabilité ?
- " Non, non. Vraiment, notre projet, c'est de pouvoir en effet avoir un budget 2004 qui s'exécute, enfin qui revienne en-dessous de 3% de produit intérieur brut en déficit. Simplement, il n'est au pouvoir de personne de décider quelles seront nos recettes fiscales puisqu'elles sont directement liées à la croissance. Nous demeurons confiants. Simplement, les autorités européennes et nos partenaires européens observent notre gestion. Ils jugeront notre gestion différemment si, par exemple, nous ne tenions pas les dépenses et nous les laissions filer. Ils seraient sans pitié avec la France. Ils auraient d'ailleurs raison. Si, néanmoins, la situation ne s'améliorait pas autant que nous souhaitons... "

Vous voulez être jugés sur vos efforts finalement ?
- "... Nous voulons être jugés sur nos efforts, voilà... "
Dernière question. Il y a un climat social qui est un petit peu difficile. A Bercy, les syndicats on claqué la porte parce qu'ils pensent que vous avez une politique beaucoup plus sévère que d'autres ministres sur l'étalement des retenues de jours de grève. Vous ne voulez pas vraiment les étaler ? Vous voulez faire payer tout de suite les jours de grève ?
- " Pas du tout. Nous sommes respectueux encore une fois de l'argent des Français parce que ce n'est pas notre propre argent. C'est le fruit du travail des Français qui est prélevé et qui est utilisé pour payer les fonctionnaires. Nous ne pouvons pas rémunérer des services qui ne sont pas faits et la responsabilité d'un gréviste, c'est d'assurer en effet le non-paiement du temps qu'il n'a pas consacré au travail. Nous voulons sortir, je le dis très sincèrement, d'une culture dans laquelle la grève est quelque chose qui ne coûte rien. Nous avons prévenu les syndicats qu'il n'y aurait pas d'étalement... "

Pas d'indulgence...
- " Mais, nous avons indiqué aussi que si pour certains d'entre eux, il y avait des situations qui étaient vraiment très difficiles, nous pourrions, à titre exceptionnel répartir sur le mois de juillet, le mois d'août et le mois de septembre. Donc, vous voyez, nous sommes tout à fait ouverts. Simplement, il faut que chacun sache que lorsqu'on fait la grève, on choisit en effet d'avoir une retenue sur salaire. Mais c'est ce que tous les Français qui travaillent savent. "
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 27 juin 2003)