Texte intégral
R. Sicard.-.Vous êtes en ce moment même, en train de préparer le budget de l'année prochaine - on va en parler dans un instant - mais d'abord, une question d'actualité immédiate : avez-vous une idée de l'impact des grèves sur la croissance de l'économie ?
- "Sur la croissance, on n'a pas encore vraiment d'éléments. Ce que l'on constate, c'est qu'il y a des conséquences pour les familles, parce qu'elles ont des gênes, elles ont des préjudices, elles ont des fatigues. S'agissant de la croissance, le calcul est difficile à faire. L'Insee nous a indiqué que le 20 juin, nous aurions peut-être des informations. A ce jour, nous n'en avons pas. Néanmoins, les entreprises..."
Avez-vous une impression ?
- "Oui, les entreprises de transport nous donnent des informations : la SNCF, la RATP... La SNCF dit qu'elle peut perdre jusqu'à 250 à 260 millions d'euros, ce qui est beaucoup. S'agissant de la RATP, c'est environ 5 millions d'euros, et Air France, 40 millions d'euros. On voit bien là... d'abord, c'est une rupture de contrat moral, à l'endroit des usagers, qui payent ce service et qui ne leur est pas rendu. Par ailleurs, c'est un gaspillage, qui empêche de renouveler le matériel, qui empêche aussi de donner des améliorations salariales."
Un mot de la croissance : la dernière prévision officielle, c'était 1,3% pour cette année. Vous y croyez encore ?
- "C'est encore possible."
Vous ne pensez pas que l'on sera plutôt vers 1 % de croissance ?
- "Nous sommes en juin, cela veut dire que nous n'avons que la moitié de l'année de couru..."
Une année très difficile et pour partie à cause des grèves.
- "... Une année difficile. C'est vrai que le mois d'avril déjà, le mois de mai ne sera pas très bon. Néanmoins, tout le monde s'accorde à penser que le second semestre devrait être meilleur que le premier, ce qui veut dire que cette prévision corrigée à 1,3 est toujours possible."
Cela dit, quand vous aviez préparé le budget cette année, vous étiez à 2,5. Ca veut dire qu'en tout état de cause, on va avoir des déficits très importants. Vous avez une idée de ce déficit ?
- "Nous, nous avons une idée des moins-values fiscales qui sont liées à ce ralentissement de la croissance..."
C'est-à-dire les impôts qui ne sont pas rentrés ?
- "Voilà. Cela peut être de l'ordre d'environ 5 milliards d'euros, ce qui est naturellement trop. Mais cela nous invite à être très attentifs sur les dépenses, puisqu'un budget, comme le budget d'un ménage, ce sont des recettes pour l'Etat qui sont des impôts, ce sont des dépenses aussi. Et puis, c'est un solde qui est le déficit. Naturellement, nous devrions retrouver dans le déficit, les moins-values fiscales de 5 milliards, dont je vous ai parlé."
Et ce déficit, vous n'avez pas une idée du chiffre qu'il pourrait atteindre ?
- "Non, nous ne sommes quand même qu'au mois de juin, encore une fois. Et donc, vous donner les résultats de l'année 2003 toute entière serait déraisonnable."
Dans ces conditions, est-ce que les promesses de baisses d'impôts vont être tenues ?
- "Vous savez, la baisse d'impôts c'est une très bonne chose pour soutenir la consommation et donc pour soutenir la croissance, et pour soutenir l'emploi."
Mais dans l'immédiat, pour les déficits, ce n'est pas très bon. Bruxelles nous
surveille de très près.
- "Bruxelles ne critique pas les baisses d'impôts. Ce que Bruxelles dit, et à juste titre, c'est qu'il faut que ces baisses d'impôts soient gagées, soient fondées sur des réductions de des dépenses. Vous savez que je fais partie de ceux qui pensent qu'il faut d'ailleurs contenir les dépenses. Et, pour ma part, je suis tout à fait partisan, et le Gouvernement en a pris la décision, le Premier ministre l'a rappelé, de poursuivre la baisse d'impôts, à la condition naturellement, de la gager sur des réductions de dépenses à due concurrence."
J.-P. Raffarin a promis de nouvelles baisses d'impôts pour 2004. C'est quels impôts qui devraient baisser cette fois ?
- "Il a voulu dire que le programme fiscal du Gouvernement sera maintenu, c'est-à-dire que la baisse de l'impôt sur le revenu serait maintenue. A ce stade, nous ne sommes pas en mesure d'indiquer à quel niveau nous pourrons la maintenir. Il y a la baisse des charges qui, de toute façon, est une décision qui était prise et qui est nécessaire, vous le savez, pour réussir la convergence des Smic, puisque la loi des 35 heures avait eu pour effet de créer six Smic différents."
Vous êtes donc en train de préparer le budget, les ministres viennent vous voir en ce moment, et Le Figaro de ce matin explique que ces ministres ne sont pas très contents des baisses de bugdet que vous avez annoncées ?
- "Nous sommes, en France, sous la dictature du "toujours plus" en matière de dépenses, alors qu'il faut revenir à la sagesse. Ce qui compte, c'est de rendre le meilleur service possible aux Français, au moindre coût pour eux. Et nous devrions être fiers désormais de leur présenter des budgets sinon en réduction, en tout cas des budgets stabilité. Reconduire les crédits budgétaires de l'année précédente, c'est au fond, s'obliger à l'endroit des Français à faire aussi bien pour eux en leur coûtant moins cher. C'est une forme de fierté que je suis bien convaincu d'arriver à faire partager par tous mes collègues ministres."
Et pourtant, apparemment, les ministres qui viennent vous voir demandent plus d'argent ?
- "C'est culturel en France. Un bon budget serait un budget qui augmente. Ca, c'est une légende, c'est une idée du XX ème siècle, du siècle passé. L'idée moderne, du XXI ème siècle, c'est de faire mieux avec moins, en tout cas, pas avec plus. Et donc, ce que je souhaite, c'est que le budget 2004 soit vraiment l'empreinte de cette idée, de modernisation, de faire mieux pour les Français en leur coûtant moins. C'est ce qu'ils attendent de leur Gouvernement."
Est-ce que, malgré tout, il y aura des ministères qui seront privilégiés, qui, eux, ne verront pas leurs crédits baisser ?
- "Il y a des ministères qui sont prioritaires, il s'agissait de restaurer l'Etat dans ses prérogatives régaliennes, il s'agissait de la police, de la Justice, de la Défense. Ces ministères ont bénéficié de loi de programmation sur trois années, et naturellement, ce qui a été voté par le Parlement devra être respecté."
Et les ministères sacrifiés ?
- "Ah non, ce ne sont pas des ministères sacrifiés !"
Non, les autres.
- "Ce sont des ministères qui, au contraire, vont pouvoir tirer fierté avec leurs administrations, d'avoir su faire aussi bien avec un tout petit peu moins. Mais dites-moi, expliquez-moi, ou trouvez-moi un organe qui soit privé ou public, qui ne réalise pas des gains de productivité chaque année. Notre environnement technologique se développe, notre performance, notre savoir-faire s'améliore et ces progrès doivent être restitués aux Français. Bien gérer l'argent public, c'est faire au mieux avec l'argent qui est prélevé, mais c'est aussi bénéficier de tous les progrès qui sont accomplis dans le travail qui est mené par les administrations."
Pour que ce budget de l'année prochaine soit crédible, pour que les baisses d'impôts puissent être tenues, il vous faudrait combien de croissance l'année prochaine ?
- "Ce sera arrêté au cours de l'été. Nous souhaitons 2,5. L'autre jour..."
Comme l'année dernière.
- "L'année dernière, le consensus des instituts privés donnait 2,4, le 12 septembre. Nous avons arrêté 2,5. Evidemment, cela fait sourire, quelques mois après, lorsqu'on est à 1,3. Mais au moment où nous arrêtons nos prévisions de croissance, c'est au coeur de l'été. Au coeur de l'été prochain, c'est bientôt maintenant, nous arrêterons notre prévision de croissance sur la base d'ailleurs des moyennes qui nous serons données par les différents instituts et naturellement par nos propres appareils de prévision. Ce que nous pourrions souhaiter, c'est d'être autour de 2,5. Il est sorti par ailleurs une note, je crois que c'est de Golden's Sachs (phon.) qui a donné 3 %. C'est peut-être un petit peu optimiste mais en tout cas, cela montre que la croissance mondiale est en train de repartir et que la France devrait être au premier rang."
Un petit mot sur le Livret A : on annonce régulièrement que son taux va baisser. C'est d'actualité ?
- "Ecoutez, chacun mon sentiment sur ce sujet et je n'ai plus rien à ajouter."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 17 juin 2003)