Texte intégral
R. Elkrief-. Bonjour Luc Ferry. "Jules revient, Luc vaut rien." C'est ce qu'on lit, ce qu'on voit dans les manifestations. "La dérive de Luc Ferry", c'est la Une de Libération. Comment le vivez-vous ?
- "Je crois que je me retrouve dans un cas de figure qui est assez classique au ministère de l'Education nationale, et c'est ça qui me désole. Parce que d'un côté, en gros, quand on regarde les choses de l'extérieur, on voit des syndicats qui sont arc-bouté contre les réformes, en particulier contre la décentralisation, et surtout, je dirais, contre les retraites. Et puis de l'autre côté, un ministre qui est évidemment accusé d'être maladroit, de ne pas savoir gérer le dialogue social, de manquer de sens politique. L'image qu'on donne globalement, elle est désastreuse, parce qu'on donne à nouveau l'image de l'immobilisme, l'image d'un système qui est incapable de se réformer, alors qu'il a besoin de le faire. Il est évident que si les enseignants sont aujourd'hui malheureux - je crois que beaucoup d'entre eux sont malheureux, je les comprends tout-à-fait, je suis moi-même enseignant -, s'ils sont malheureux..."
Vous êtes malheureux, là aujourd'hui ?
- "J'ai été aussi, comme eux, dans des situations qui étaient difficiles, puisque j'étais professeur aux Mureaux quand j'ai commencé, puis à Mantes-la-Jolie, donc dans des lycées qui n'étaient pas faciles non plus. Mais cela ne s'est pas arrangé depuis le temps où j'étais jeune professeur. Et je crois qu'il faut avoir le courage de dire que, en effet, un certain nombre de professeurs vont faire leurs cours le matin en ayant peur, il faut le reconnaître. Je ne dis pas que c'est la majorité, mais cela existe. Et puis il y a aussi un certain nombre d'enseignants, qui à la limite, font plus d'éducation que d'enseignement ; ce n'est pas la même chose. [...] J'aimerais justement ouvrir une table ronde sur ce métier d'enseignant.."
Je reviens quand même un instant à vous, parce que vous venez de la société civile, vous avez été parachuté en politique. Vous êtes en politique aujourd'hui, et vous êtes au coeur des critiques. On vous critique beaucoup. Cela doit être dur quand même...
- "C'est évidemment toujours difficile à vivre mais je ne suis pas le premier ministre de l'Education nationale à être critiqué ; je crois qu'il y en a eu d'autres. Et le problème devant lequel on se trouve, c'est toujours le même, c'est très simple : ou bien on retire les réformes pour acheter la paix sociale, ou bien on essaie d'ouvrir le dialogue avec les syndicats, non pas pour retirer les réformes, mais pour essayer de les améliorer. C'est ce que je voudrais leur proposer de faire. Mais moi, je ne proposerai pas de retirer les réformes à nouveau, parce que d'abord, je crois que sur les retraites, il est évident - tout le monde le sait - que si on veut sauver le régime des retraites par répartition, il faut faire cette réforme. Maintenant, un certain nombre d'aménagements sont possibles, un certain nombre d'aménagements sont prévus d'ailleurs en direction spécifique des profs, par exemple concernant les cessations progressives d'activité, le rachat d'années d'études, un certain nombre de possibilités aussi de changer de métier en cours de carrière. Donc nous allons leur proposer un certain nombre de choses intéressantes. Mais je ne crois pas que la solution ce soit, une nouvelle fois, d'avoir un ministre de l'Education nationale qui cale et qui dise : après tout, je m'en vais, parce que ce système est impossible à réformer."
"Je m'en vais", c'est-à-dire que vous pensez parfois à démissionner ?
- "Non, moi je n'y pense pas. Quand on fait ce qu'on a à faire... Je préfère, à la limite, un jour quitter ce métier, en me disant : "j'ai fait ce que j'avais à faire, et c'est ce qui fallait faire", plutôt que de renoncer tout de suite en disant : "voilà, on va acheter la paix civile, en retirant toutes les réformes, dont on sait très bien qu'on doit les faire." C'est évident qu'on doit les faire ! Mais maintenant, il reste évidemment des marges de discussions, et il est évident que si les syndicats ont des bonnes idées pour améliorer soit la décentralisation, soit la réforme des retraites, évidemment on va les examiner avec eux. Mais je me situe dans cette optique : s'il y a des idées meilleures, on les prend; s'il s'agit de retirer des réformes, en tout cas, ce n'est pas moi qui le ferai !"
Concrètement, on va parler de la décentralisation. Est-ce que vous seriez prêt - vous recevez les syndicats ce soir - à ne pas décentraliser, ou en tout cas à reporter la décentralisation des psychologues scolaires, des assistantes sociales, des infirmières ? C'est ce qu'on dit...
- "Tout est ouvert. On va ouvrir le dialogue avec les syndicats ce soir même."
Soyons précis, parce que d'une certaine façon ce qu'ils vous reprochent
- "Je ne peux pas être précis pour l'instant, puisque moi, je les écoute.."
Ce qu'ils vous reprochent, c'est peut-être d'être un peu flou, d'être un peu général, de ne pas assez leur affirmer quelque chose de clair. C'est le moment !
- "C'est le moment ce soir. Ce n'est peut-être pas le moment ce matin. J'en discuterai avec eux. Je suis désolé de vous décevoir."
Ils vous écoutent aussi...
- "Ils m'écoutent aussi, mais je pense qu'ils m'écouteront ce soir aussi. Donc ce que je voudrais, c'est ouvrir en effet une consultation avec eux sans tabous. Cela veut dire qu'on pourrait en effet évoquer les questions que vous évoquez maintenant. Mais je voudrais aussi qu'on parle du fond, c'est-à-dire du métier d'enseignant. Je vous disais tout à l'heure qu'un certain nombre d'enseignants ont peur quand ils vont dans leurs classes, qu'un certain nombre d'enseignants font plus d'éducation que d'enseignement, alors que leur vocation, c'était de transmettre les savoirs. Mais ils ont aussi des problèmes très difficiles à gérer : l'hétérogénéité des classes, les incivilités, la violence. Il faut aussi parler de cela. Et ne cachons pas, encore une fois, les vrais problèmes qui sont ceux que j'évoque maintenant, derrière des faux problèmes qui sont par exemple la réforme des retraites. Je ne dis pas que la réforme des retraites n'est pas une difficulté pour les enseignants, parce qu'au fond, ça les prend de plein fouet dans la logique qui est la leur de quitter plus tôt le métier. [...] On ne peut pas faire de démagogie sur ces sujets."
Par exemple, qu'est-ce que vous répondez à ceux qui disent qu'ils seront à 70 ans encore en train de courir après les gamins avec leur canne, et que c'est insensé ?
- "Evidemment c'est faux. Le principe de la retraite entre 60 et 65 ans n'est pas remis en cause. Et comme je le disais tout à l'heure, il y a toute une série d'avantages en direction des enseignants qui existent. Il est évident que si on a des enfants, ça comptera toujours pour une année. Et donc on pourra aussi prendre des cessations d'activité. Cela veut dire prendre des mi-temps, qui seront mieux payés que des mi-temps, et avoir des cotisations à taux plein. Donc il y a toutes sortes d'aménagements qu'on peut mettre en place et évidemment, l'image du professeur de 70 ans qui court après ses élèves dans un fauteuil roulant, c'est fait pour affoler les familles, mais ce n'est pas vrai ! C'est simplement faux. De même que par exemple, on ne supprimera pas les conseillers d'orientation psychologues. On ne fera pas payer la médecine scolaire."
Mais vous les décentraliserez ?
- "On verra ce soir avec les collègues syndiqués, si on a une négociation sur le sujet. Pourquoi pas ? On peut réfléchir, on peut avoir d'autres montages. L'essentiel, c'est que les conseillers d'orientation psychologues soient à la disposition des régions. Pourquoi est-ce essentiel ? Parce qu'il faut que les régions puissent créer un service public régional de l'information et de l'orientation. Maintenant, sous quelle forme ? On peut en effet en discuter. Voilà un sujet en effet sur lequel on peut parler."
Vous parliez des familles qui sont affolées. Evidemment, elles sont affolées aussi par la menace de boycott des examens. Cela s'est un petit peu multiplié hier dans certaines régions. Est-ce que vous allez sanctionner les professeurs qui boycottent, qui font des piquets de grève devant les établissements ? Est-ce que vous allez requérir des agents ?
- "Requérir des agents s'il le faut, bien sûr ! Sanctionner s'il le faut, bien sûr ! Mais j'espère qu'on en n'arrivera pas là, pour la raison suivante : on a parfaitement le droit d'être en désaccord avec un gouvernement, d'être en désaccord avec un ministre. On a parfaitement le droit de faire la grève, de faire des manifestations, c'est un grand acquis républicain. On n'a pas le droit de prendre les élèves en otages, et ça, je ne l'accepterai pas. Quand vous voyez des élèves - comme on l'a vu dans ces images sur l'île de La Réunion -, des jeunes filles qui pleuraient parce que des piquets de grève les empêchaient d'entrer dans les centres d'examens, c'est inacceptable ! Je vais vous dire pourquoi c'est inacceptable : parce que ces élèves-là ont besoin de leurs examens, déjà pour aller travailler au mois de juillet, ou pour aller dans des stages, des stages linguistiques, ou pour s'inscrire après à l'université. On a le droit de faire la grève, on a le droit de manifester, on a le droit d'être en désaccord, mais on n'a pas le droit, encore une fois, de prendre les élèves et leurs familles en otages. Et cela, évidemment, je ne l'accepterai pas ! Je réunis ce matin les recteurs et les inspecteurs d'académies pour mettre en place avec eux, de façon tout à fait ferme - les parents peuvent être rassurés - les moyens de ne pas faire un report global des examens. Ce serait totalement inacceptable ! Et je ne l'accepterai pas, je le dis très clairement ! Et donc on dispose évidemment d'un certain nombre de moyens légaux...
Que vous utiliserez...
- "Evidemment. Je suis totalement ouvert au dialogue, mais pas sur ce point-là !"
Il y aura une sixième journée de grève jeudi. Il y a près de 2 000 établissements qui sont en grève reconductible ; il y a un climat dans l'Education. Je reviens quand même à cette question : vous vous remettez en question parfois ? Vous vous dites que vous pourriez retourner à vos chères études, après tout ?
- "Je ne suis pas fou. Evidemment qu'on se remet en question, évidemment qu'on se demande si on a fait une maladresse, si on a dit la petite phrase qu'il ne fallait pas dire. Mais honnêtement, j'ai sûrement fait des erreurs, je ne connais pas de ministres, ni d'ailleurs de journalistes qui ne fassent pas d'erreurs un jour ou l'autre. Mais je crois que le problème, il est classique, mais il n'est pas un problème de personne. Si je devais être remplacé par quelqu'un, je crois que cela ne changerait rien au fond du problème. Le fond du problème, c'est : est-ce qu'on peut réformer le système éducatif, oui ou non ? Et est-ce que, quand on fait une réforme, et qu'il y a des difficultés, on doit inévitablement la retirer pour acheter le dialogue social ? Je ne le crois pas, et en tout cas, ce n'est pas moi qui le ferai, parce que je vais vous dire une chose : c'est un très grand honneur d'être un ministre de la République ; moi, je le prends comme ça. Et donc quand on a cet honneur, on ne peut pas se permettre non plus de jouer simplement la démagogie."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 20 mai 2003)
- "Je crois que je me retrouve dans un cas de figure qui est assez classique au ministère de l'Education nationale, et c'est ça qui me désole. Parce que d'un côté, en gros, quand on regarde les choses de l'extérieur, on voit des syndicats qui sont arc-bouté contre les réformes, en particulier contre la décentralisation, et surtout, je dirais, contre les retraites. Et puis de l'autre côté, un ministre qui est évidemment accusé d'être maladroit, de ne pas savoir gérer le dialogue social, de manquer de sens politique. L'image qu'on donne globalement, elle est désastreuse, parce qu'on donne à nouveau l'image de l'immobilisme, l'image d'un système qui est incapable de se réformer, alors qu'il a besoin de le faire. Il est évident que si les enseignants sont aujourd'hui malheureux - je crois que beaucoup d'entre eux sont malheureux, je les comprends tout-à-fait, je suis moi-même enseignant -, s'ils sont malheureux..."
Vous êtes malheureux, là aujourd'hui ?
- "J'ai été aussi, comme eux, dans des situations qui étaient difficiles, puisque j'étais professeur aux Mureaux quand j'ai commencé, puis à Mantes-la-Jolie, donc dans des lycées qui n'étaient pas faciles non plus. Mais cela ne s'est pas arrangé depuis le temps où j'étais jeune professeur. Et je crois qu'il faut avoir le courage de dire que, en effet, un certain nombre de professeurs vont faire leurs cours le matin en ayant peur, il faut le reconnaître. Je ne dis pas que c'est la majorité, mais cela existe. Et puis il y a aussi un certain nombre d'enseignants, qui à la limite, font plus d'éducation que d'enseignement ; ce n'est pas la même chose. [...] J'aimerais justement ouvrir une table ronde sur ce métier d'enseignant.."
Je reviens quand même un instant à vous, parce que vous venez de la société civile, vous avez été parachuté en politique. Vous êtes en politique aujourd'hui, et vous êtes au coeur des critiques. On vous critique beaucoup. Cela doit être dur quand même...
- "C'est évidemment toujours difficile à vivre mais je ne suis pas le premier ministre de l'Education nationale à être critiqué ; je crois qu'il y en a eu d'autres. Et le problème devant lequel on se trouve, c'est toujours le même, c'est très simple : ou bien on retire les réformes pour acheter la paix sociale, ou bien on essaie d'ouvrir le dialogue avec les syndicats, non pas pour retirer les réformes, mais pour essayer de les améliorer. C'est ce que je voudrais leur proposer de faire. Mais moi, je ne proposerai pas de retirer les réformes à nouveau, parce que d'abord, je crois que sur les retraites, il est évident - tout le monde le sait - que si on veut sauver le régime des retraites par répartition, il faut faire cette réforme. Maintenant, un certain nombre d'aménagements sont possibles, un certain nombre d'aménagements sont prévus d'ailleurs en direction spécifique des profs, par exemple concernant les cessations progressives d'activité, le rachat d'années d'études, un certain nombre de possibilités aussi de changer de métier en cours de carrière. Donc nous allons leur proposer un certain nombre de choses intéressantes. Mais je ne crois pas que la solution ce soit, une nouvelle fois, d'avoir un ministre de l'Education nationale qui cale et qui dise : après tout, je m'en vais, parce que ce système est impossible à réformer."
"Je m'en vais", c'est-à-dire que vous pensez parfois à démissionner ?
- "Non, moi je n'y pense pas. Quand on fait ce qu'on a à faire... Je préfère, à la limite, un jour quitter ce métier, en me disant : "j'ai fait ce que j'avais à faire, et c'est ce qui fallait faire", plutôt que de renoncer tout de suite en disant : "voilà, on va acheter la paix civile, en retirant toutes les réformes, dont on sait très bien qu'on doit les faire." C'est évident qu'on doit les faire ! Mais maintenant, il reste évidemment des marges de discussions, et il est évident que si les syndicats ont des bonnes idées pour améliorer soit la décentralisation, soit la réforme des retraites, évidemment on va les examiner avec eux. Mais je me situe dans cette optique : s'il y a des idées meilleures, on les prend; s'il s'agit de retirer des réformes, en tout cas, ce n'est pas moi qui le ferai !"
Concrètement, on va parler de la décentralisation. Est-ce que vous seriez prêt - vous recevez les syndicats ce soir - à ne pas décentraliser, ou en tout cas à reporter la décentralisation des psychologues scolaires, des assistantes sociales, des infirmières ? C'est ce qu'on dit...
- "Tout est ouvert. On va ouvrir le dialogue avec les syndicats ce soir même."
Soyons précis, parce que d'une certaine façon ce qu'ils vous reprochent
- "Je ne peux pas être précis pour l'instant, puisque moi, je les écoute.."
Ce qu'ils vous reprochent, c'est peut-être d'être un peu flou, d'être un peu général, de ne pas assez leur affirmer quelque chose de clair. C'est le moment !
- "C'est le moment ce soir. Ce n'est peut-être pas le moment ce matin. J'en discuterai avec eux. Je suis désolé de vous décevoir."
Ils vous écoutent aussi...
- "Ils m'écoutent aussi, mais je pense qu'ils m'écouteront ce soir aussi. Donc ce que je voudrais, c'est ouvrir en effet une consultation avec eux sans tabous. Cela veut dire qu'on pourrait en effet évoquer les questions que vous évoquez maintenant. Mais je voudrais aussi qu'on parle du fond, c'est-à-dire du métier d'enseignant. Je vous disais tout à l'heure qu'un certain nombre d'enseignants ont peur quand ils vont dans leurs classes, qu'un certain nombre d'enseignants font plus d'éducation que d'enseignement, alors que leur vocation, c'était de transmettre les savoirs. Mais ils ont aussi des problèmes très difficiles à gérer : l'hétérogénéité des classes, les incivilités, la violence. Il faut aussi parler de cela. Et ne cachons pas, encore une fois, les vrais problèmes qui sont ceux que j'évoque maintenant, derrière des faux problèmes qui sont par exemple la réforme des retraites. Je ne dis pas que la réforme des retraites n'est pas une difficulté pour les enseignants, parce qu'au fond, ça les prend de plein fouet dans la logique qui est la leur de quitter plus tôt le métier. [...] On ne peut pas faire de démagogie sur ces sujets."
Par exemple, qu'est-ce que vous répondez à ceux qui disent qu'ils seront à 70 ans encore en train de courir après les gamins avec leur canne, et que c'est insensé ?
- "Evidemment c'est faux. Le principe de la retraite entre 60 et 65 ans n'est pas remis en cause. Et comme je le disais tout à l'heure, il y a toute une série d'avantages en direction des enseignants qui existent. Il est évident que si on a des enfants, ça comptera toujours pour une année. Et donc on pourra aussi prendre des cessations d'activité. Cela veut dire prendre des mi-temps, qui seront mieux payés que des mi-temps, et avoir des cotisations à taux plein. Donc il y a toutes sortes d'aménagements qu'on peut mettre en place et évidemment, l'image du professeur de 70 ans qui court après ses élèves dans un fauteuil roulant, c'est fait pour affoler les familles, mais ce n'est pas vrai ! C'est simplement faux. De même que par exemple, on ne supprimera pas les conseillers d'orientation psychologues. On ne fera pas payer la médecine scolaire."
Mais vous les décentraliserez ?
- "On verra ce soir avec les collègues syndiqués, si on a une négociation sur le sujet. Pourquoi pas ? On peut réfléchir, on peut avoir d'autres montages. L'essentiel, c'est que les conseillers d'orientation psychologues soient à la disposition des régions. Pourquoi est-ce essentiel ? Parce qu'il faut que les régions puissent créer un service public régional de l'information et de l'orientation. Maintenant, sous quelle forme ? On peut en effet en discuter. Voilà un sujet en effet sur lequel on peut parler."
Vous parliez des familles qui sont affolées. Evidemment, elles sont affolées aussi par la menace de boycott des examens. Cela s'est un petit peu multiplié hier dans certaines régions. Est-ce que vous allez sanctionner les professeurs qui boycottent, qui font des piquets de grève devant les établissements ? Est-ce que vous allez requérir des agents ?
- "Requérir des agents s'il le faut, bien sûr ! Sanctionner s'il le faut, bien sûr ! Mais j'espère qu'on en n'arrivera pas là, pour la raison suivante : on a parfaitement le droit d'être en désaccord avec un gouvernement, d'être en désaccord avec un ministre. On a parfaitement le droit de faire la grève, de faire des manifestations, c'est un grand acquis républicain. On n'a pas le droit de prendre les élèves en otages, et ça, je ne l'accepterai pas. Quand vous voyez des élèves - comme on l'a vu dans ces images sur l'île de La Réunion -, des jeunes filles qui pleuraient parce que des piquets de grève les empêchaient d'entrer dans les centres d'examens, c'est inacceptable ! Je vais vous dire pourquoi c'est inacceptable : parce que ces élèves-là ont besoin de leurs examens, déjà pour aller travailler au mois de juillet, ou pour aller dans des stages, des stages linguistiques, ou pour s'inscrire après à l'université. On a le droit de faire la grève, on a le droit de manifester, on a le droit d'être en désaccord, mais on n'a pas le droit, encore une fois, de prendre les élèves et leurs familles en otages. Et cela, évidemment, je ne l'accepterai pas ! Je réunis ce matin les recteurs et les inspecteurs d'académies pour mettre en place avec eux, de façon tout à fait ferme - les parents peuvent être rassurés - les moyens de ne pas faire un report global des examens. Ce serait totalement inacceptable ! Et je ne l'accepterai pas, je le dis très clairement ! Et donc on dispose évidemment d'un certain nombre de moyens légaux...
Que vous utiliserez...
- "Evidemment. Je suis totalement ouvert au dialogue, mais pas sur ce point-là !"
Il y aura une sixième journée de grève jeudi. Il y a près de 2 000 établissements qui sont en grève reconductible ; il y a un climat dans l'Education. Je reviens quand même à cette question : vous vous remettez en question parfois ? Vous vous dites que vous pourriez retourner à vos chères études, après tout ?
- "Je ne suis pas fou. Evidemment qu'on se remet en question, évidemment qu'on se demande si on a fait une maladresse, si on a dit la petite phrase qu'il ne fallait pas dire. Mais honnêtement, j'ai sûrement fait des erreurs, je ne connais pas de ministres, ni d'ailleurs de journalistes qui ne fassent pas d'erreurs un jour ou l'autre. Mais je crois que le problème, il est classique, mais il n'est pas un problème de personne. Si je devais être remplacé par quelqu'un, je crois que cela ne changerait rien au fond du problème. Le fond du problème, c'est : est-ce qu'on peut réformer le système éducatif, oui ou non ? Et est-ce que, quand on fait une réforme, et qu'il y a des difficultés, on doit inévitablement la retirer pour acheter le dialogue social ? Je ne le crois pas, et en tout cas, ce n'est pas moi qui le ferai, parce que je vais vous dire une chose : c'est un très grand honneur d'être un ministre de la République ; moi, je le prends comme ça. Et donc quand on a cet honneur, on ne peut pas se permettre non plus de jouer simplement la démagogie."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 20 mai 2003)