Interview de M. Jacques Barrot, président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale, à RTL le 22 octobre 2003, sur le refus de l'UDF de voter la partie "recettes" du budget 2004 et sur les relations au sein de la majorité.

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Texte intégral

J.-M. Aphatie Bonjour J. Barrot. "Faire semblant de baisser les impôts d'un côté, pour augmenter le gas-oil de l'autre, c'est une manière de prendre les Français pour des gogos". Voilà ce qu'a dit F. Bayrou hier soir sur France 3. Un peu plus tôt il avait refusé de voter la partie "recettes" du Budget. "Prendre les Français pour des gogos" : vous lui répondez quoi, J. Barrot ?
- " Je luis réponds que nous avons suffisamment débattu. Il y a une stratégie économique d'abord. Si on baisse les impôts, c'est pour alléger le coût du travail, et donner un encouragement à ceux qui créent la richesse au jour le jour. Deuxièmement, il y a une stratégie sociale dans ce budget, puisque nous avons progressivement l'idée d'aller vers une politique d'insertion, qui remplacera une politique d'assistance. Il y a là un budget qui est construit sur un trépied, maîtrise la dépense publique - et je crois que là, F. Bayrou a bien affirmé qu'il était d'accord - encouragement au travail, investissement, parce qu'il y a dans le budget aussi - notamment dans cette première partie - un crédit "impôt Recherche" qui va relancer l'innovation et la Recherche. Donc si vous voulez, l'abstention des députés du groupe de F. Bayrou est pour moi un peu incompréhensible. D'autant plus que moi je suis comme beaucoup d'UDF d'origine, venu à l'UMP, que je partage des valeurs communes, et que je ne comprends pas ce qui me paraît aujourd'hui plus de l'ordre des prétextes que l'ordre de véritables raisons de cette abstention. "
Il y a le choix des mots : "prendre les Français pour des gogos". C'est méchant, c'est provocateur, est-ce que ça vous fait réagir ce matin ?
- " Je pense que beaucoup d'électeurs de F. Bayrou trouveront ces accusations excessives. Et l'excès ne qualifie pas celui qui commet ces excès. Je pense en plus que F. Bayrou oublie que nous sommes dans une Europe où la compétition est vive, où dans nos différents pays voisins, il y a de véritables majorités, qui portent la réforme et l'adaptation de nos vieux pays d'Europe, pour en faire une jeune Europe. Et je dis, au nom de l'idéal européen, F. Bayrou ne peut pas s'enliser, ou en tout cas enliser l'UDF, dans des querelles qui me paraissent d'un autre âge. "
Pour vous J. Barrot, quand on est partenaire de la majorité, ne pas voter les recettes demandées par le Gouvernement, c'est grave ou ce n'est pas grave ?
- " C'est un grave accroc au contrat majoritaire. Mais je pense que l'UDF n'en restera pas là. Nous n'allons pas refaire un scénario que nous avons connu... "
"L'UDF n'en restera pas là". Que voulez-vous dire ? Vous pensez que l'UDF au bout du compte votera le budget ?
- " Oui, je l'espère. "
En novembre...
- " Elle reviendra à des attitudes plus positives et plus constructives. "
Vous pensez qu'un groupe politique peut voter le budget, alors qu'il a refusé les recettes ? Vous le pensez vraiment ?
- " Il peut encore - c'est une abstention - il y a un délai de réflexion. Il peut encore revenir sur une position qui est un peu incompréhensible. Car l'abstention, J.-M. Aphatie, apparaît un peu comme une dérobade. Le pays traverse de graves difficultés. Est-ce que c'est le moment de s'abstenir ? S'abstenir, ça veut dire qu'on reste là sur la marge, n'est-ce pas? Et on prend une attitude de spectateur. Au moment où la France doit vraiment s'engager dans des réformes, dans une maîtrise de sa dépense publique, est-ce que c'est le moment de s'abstenir ? J'ajoute que c'est d'autant plus étonnant que beaucoup de députés UDF ont montré leur courage et leur sens de l'Etat en votant avec nous la retraite. Et puis nous n'avons cessé de dialoguer avec nos collègues députés au sein des commissions. Je ne peux pas laisser passer non plus la caricature d'une UMP hégémonique. Pourquoi moi, qui suis profondément UDF, je suis à l'UMP ? Parce que je pense qu'il faut le débat à l'intérieur, et puis une volonté majoritaire. "
Donc vous espérez un vote positif de l'UDF à la fin sur le budget. C'est votre attente maintenant...
- " En tout cas je pense que l'attitude d'abstention, quand la France traverse des difficultés, n'est pas une attitude constructive. "
Est-ce qu'il peut y avoir des conséquences politiques ? Est-ce que vous pouvez imaginer vous présenter aux élections régionales, avec l'UDF qui vous dit : "vous prenez les Français pour des gogos" ? Est-ce qu'une union politique demeure possible pour les élections régionales à venir ?
- " On ne peut pas bâtir toute une stratégie sur des humeurs. Ce matin, vous me voyez à la fois peiné, déçu... "
Mais calme.
- " ... Ne comprenant pas. Mais en même temps, gardant notre sang froid et désireux de voir si, au lieu d'aller en ordre dispersé à la bataille régionale, on peut encore intelligemment trouver un partenariat avec l'UDF. "
Mais si l'abstention était maintenue sur le budget, le partenariat politique serait compromis. C'est votre message ce matin.
- " Je pense que si l'UDF continue à persévérer dans une voie qui va finir par être une voie d'opposition, ce sera en effet très difficile de mêler nos électeurs. Mais je pense que les électeurs de l'UDF sont aussi les électeurs de l'UMP. "
C'est Le Canard Enchaîné qui rapporte cette information ce matin : le déplacement de Bernadette Chirac et J.-P. Raffarin à Rome ce week-end pour les cérémonies de béatification de Mère Teresa, aurait coûté 100 000 francs en frais d'hôtel. Il y avait 40 personnes, des conseillers de Matignon, des journalistes, des élus dont J.-C. Gaudin. Une réaction, au moment où les finances publiques ne sont pas très bonnes ? 100.000 euros de frais d'hôtel...
- " Cette critique est disproportionnée. Il y a eu un voyage à Rome tout à fait classique... "
Pas classique. En général, les autorités françaises se déplacent quand la personnalité béatifiée est française. Là, Mère Teresa était Albanaise, donc ce n'est pas tout à fait classique.
- " Mais vous oubliez quand même que, dans le même temps, le maire de Lyon, le maire de Marseille, et en particulier le maire de Lyon qui appartient à l'opposition, est à Rome, parce qu'il y a trois cardinaux français qui ont été nommés. C'est dans la tradition de nos relations avec le Saint Siège. "
Mais c'était les cérémonies de béatification. Ce n'était pas tout à fait l'ordination...
- " Oui mais c'était le moment pour la France aussi de manifester sa présence, qui est exprimée aujourd'hui par trois nouveaux cardinaux. "
A l'heure où la laïcité est défendue, ce n'est pas contradictoire selon vous ?
- " Il y a toujours eu dans ces cas-là, et en plus le symbole de Mère Teresa, vous me permettrez de le dire, est particulièrement parlant dans ce monde d'aujourd'hui. Et que le gouvernement français, à l'image des autres gouvernements de l'Europe - qui étaient présents aussi - franchement ... "
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 22 octobre 2003)