Point de presse de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, sur le bilan du séminaire franco-espagnol, la situation en Irak et dans les Territoires occupés, Paris le 3 juillet 2003.

Prononcé le

Circonstance : Séminaire franco-espagnol à Paris le 3 juillet 2003

Texte intégral

Q - Au sujet de la Convention : comment résoudre les différences d'approche sur la double majorité ?
R - M. de Villepin - Sur ce sujet comme sur les autres, parfois difficiles, que nous avons été amenés à évoquer, je crois que nous sommes désireux les uns et les autres de trouver une solution. Nous allons donc travailler et je crois que c'est l'esprit de la relation entre l'Espagne et la France. Nous réunir, dialoguer entre nos services, entre nous puisque nous serons amenés à représenter nos pays à la Conférence intergouvernementale. Je n'ai pas d'inquiétude sur le fait que nous parviendrons à trouver un accord à la pleine satisfaction de l'Espagne et de la France.
Q - Avez-vous évoqué la question de Batasuna ? Monsieur Perben, qu'en est-il de la situation des Moudjahidines du peuple ?
R - M. Perben - Simplement deux mots complémentaires par rapport à ce que vient de dire José-Maria Michavila. Je suis en tout point d'accord bien sûr avec ce qui vient d'être dit, mais je voulais rappeler que nous avons soutenu l'inscription de Batasuna sur la liste des organisations terroristes au niveau européen.
S'agissant maintenant des investigations sur le terrain, sur le territoire français, vous comprendrez que je ne vais pas transgresser le secret de l'instruction. Bien entendu, nous menons les investigations nécessaires pour protéger nos concitoyens, pour protéger les biens et les personnes, je n'en dis pas davantage.
Q - Hier, l'incident survenu au Parlement de Strasbourg provoqué par M. Berlusconi a provoqué une polémique en Europe. Le chancelier Schröder a demandé des excuses à M. Berlusconi. M. Pat Cox ce matin a réuni les groupes politiques au Parlement européen et la Commission se dit très inquiète. Je voulais avoir votre réaction à la suite de cet incident à partir du moment où les six mois qui viennent sont déterminants pour l'Europe ?
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R - M. de Villepin - Je partage bien évidemment ce que vient de dire Ana Palacio. Nous appartenons à la même famille européenne et il est donc essentiel que nous respections les règles essentielles de toute famille, le respect, la tolérance. Il y a bien sûr, ici ou là, de loin en loin, des moments plus difficiles, je crois qu'il faut se tourner résolument vers l'avenir, résolument vers l'action car on le voit bien, tous les peuples européens attendent de nous, de la présidence bien sûr, mais de chacun des Etats que nous réussissions à passer ce cap si important pour l'Europe qu'est l'élargissement d'un côté et l'approfondissement de nos institutions et de notre vie en commun de l'autre.
C'est dire que nous ne manquons pas de travail. Soyons donc attentifs, soyons vigilants. La vie de famille est parfois difficile mais nous devons être motivés par le bien commun des peuples européens. Pensons uniquement au bien commun des peuples européens et avançons résolument vers l'avenir.
Q - L'Espagne va présider le Conseil de sécurité et vous dites que vous avez des vues convergentes avec la France sur l'Irak et sur la feuille de route israélo-palestinienne.
Sur l'Irak, la 1483 est très ambiguë sur le rôle des Nations unies. Quel rôle voyez-vous pour cette organisation en Irak ? Est-il concevable que l'on pense à une force des Nations unies en Irak ? La France serait-elle prête à envoyer des soldats français au cas où les Américains vous le demandent comme ils l'ont fait à d'autres pays comme le Pakistan par exemple ?
Sur la feuille de route, les pressions américaines pour considérer le Hamas sur la liste des terroristes, l'Europe est-elle d'accord sur cela, l'Espagne est-elle d'accord avec la France ?
Enfin, nous sommes un peu étonnés, il y a quelques jours, les enquêteurs français disaient que Mme Radjavi venait d'un groupe terroriste en France, maintenant elle vient d'être libérée. Quel est votre commentaire ?
R - M. de Villepin - En deux mots, concernant la question palestinienne, la position française, vous la connaissez, c'est celle de la responsabilité, en particulier sur cette question difficile du terrorisme. Il n'est pas question d'avoir la moindre complaisance à l'égard de mouvements revendiquant le terrorisme dans la région. Nous en avons tiré ensemble, à l'échelon européen, les conclusions en décidant que la branche armée proche du Hamas devait être clairement dénoncée et donc mise sur les listes européennes d'organisations terroristes.
Le deuxième impératif bien sûr, c'est de tout faire pour rassembler le peuple palestinien. C'est là une exigence forte, on ne peut faire la paix dans la région, on ne peut faire la paix entre Israël et les Palestiniens sans chercher à rassembler l'ensemble des parties prenantes.
Dans ce contexte, l'Europe - et je crois que c'est une décision responsable - a décidé de réfléchir aux sources de financement d'éventuels terroristes pour examiner les mesures qui devaient être prises. C'est un travail que nous faisons, les uns et les autres, dans chacun de nos pays et chacun d'entre nous. Evidemment, on tirera les conclusions, en liaison avec nos partenaires.
Concernant l'Irak et le cadre posé par la résolution 1483, vous savez que nous avons beaucoup travaillé pour obtenir cette résolution, votée à l'unanimité par le Conseil de sécurité. Elle pose, là encore, un certain nombre de principes. Elle pose en particulier, la responsabilité des forces de la coalition dans le domaine humanitaire, dans le domaine de la sécurité, c'est là l'impératif essentiel. Quant à l'idée d'un éventuel élargissement de cette force dans le cadre des Nations unies, tout ceci, vous le voyez bien, n'est pas, pour le moment d'actualité et nous aurons sans doute l'occasion d'en reparler.
R - Mme Alliot-Marie - Je dirai simplement, pour répondre à votre question, qu'aujourd'hui, nous ne sommes saisis d'aucune demande, la question ne se pose donc pas. S'il y avait une demande, nous l'examinerions en fonction de son intégration dans le cadre de la résolution 1483, en fonction des éléments qui nous seraient demandés et également en fonction des engagements qui aujourd'hui sont les nôtres, sur de nombreux théâtres d'opérations extérieures, de l'Afghanistan au Congo, en passant par la Côte d'Ivoire, les Balkans et quelques-autres.
R - M. Perben - S'agissant de la libération des Iraniennes et Iraniens, je voudrais vous rappeler qu'il ne s'agit pas d'une décision sur le fond. La décision de mettre un terme à leur détention porte simplement sur un considérant qui est de dire que les garanties de représentation de ces personnes sont considérées par le tribunal comme suffisantes. Il n'y a aucun jugement sur le fond de l'affaire.
Q - A propos de la Défense, pourriez-vous nous donner un peu plus de détails sur les sujets évoqués et notamment sur l'hélicoptère Tigre ? Où en êtes-vous dans ce domaine ?
R - Mme Alliot-Marie - Au cours de notre conversation, nous avons abordé trois types de sujets. D'abord, nous avons abordé les relations bilatérales dont nous avons constaté qu'elles étaient excellentes et qu'elles se déroulaient aussi bien au niveau des analyses communes, des contacts, des échanges et également des projets industriels dont nous venons de parler, sur l'armement proprement dit mais au-delà, sur des coopérations industrielles.
Ensuite, le thème de nos échanges a été celui de la construction de l'Europe de la Défense. Là aussi, nous avons constaté notre totale convergence de vues sur les échéances, sur les actions à mener en terme notamment de capacités, sur la création de l'Agence de Développement et d'acquisition des capacités et sur notre volonté commune de développer des relations régionales, qui nous permettent, en quelque sorte, d'anticiper, de développer des discussions que nous pouvons ensuite élargir à tous les autres. Nous avons donc déterminé un certain nombre de sujets pour travailler sur ces points.
Enfin, nous avons également échangé nos analyses sur les théâtres d'opérations extérieures qui dépassent la coopération européenne, notamment sur les théâtres où nous sommes ensemble, comme l'Afghanistan. Nous avons également évoqué, à la charnière entre les théâtres extérieurs et l'Europe, des théâtres tels que ceux des Balkans, la Macédoine, la future relève par l'Union européenne de l'OTAN en Bosnie au cours de l'année 2004. Ainsi, nous avons donc pu constater notre volonté commune de nous appuyer les uns et les autres pour essayer de créer des zones qui soient des zones de stabilité dans le monde qui en a bien besoin.
Q - L'Iran a refusé, malgré les divers appels, d'accepter la signature du protocole additionnel de l'AIEA qui permettrait des inspections surprises. Votre homologue britannique a suggéré, en filigrane, la possibilité de recours à des sanctions économiques pour contraindre l'Iran à signer ce protocole. J'aimerais connaître votre position, souscrivez-vous à cette approche et par quel moyen pensez-vous pouvoir amener l'Iran à signer ce protocole ?
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R - M. de Villepin - Vous me permettrez de partager l'inquiétude qu'a exprimé Ana Palacio. Il est évidemment très important dans le domaine de la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive que nous soyons très vigilants. C'est la responsabilité de la communauté internationale. Nous avons demandé, les uns et les autres, que l'Iran satisfasse pleinement aux engagements internationaux et en particulier, que l'Iran signe le protocole additionnel de l'AIEA dit "93+2". Nous souhaitons vivement que l'Iran satisfasse à cette exigence.
Dans le cadre de la concertation très étroite qui existe à l'échelle de l'Union européenne, c'est bien évidemment un sujet que nous aborderons. Vous savez que nous voulons développer un dialogue politique voire une coopération avec l'Iran. Les questions de non-prolifération font partie des sujets importants qui pèseront sur le développement de ce dialogue et de cette coopération. A nous d'essayer ensemble, avec les responsables iraniens, de trouver le bon moyen pour résoudre la difficulté actuelle qui, une fois de plus, mobilise chacun de nos Etats. Il faut que nous puissions rapidement trouver une réponse à ces inquiétudes de la communauté internationale.
Q - Concernant la Convention, je crois savoir que la France a quelques idées pour parvenir à une solution sur le problème de la double majorité que l'Espagne refuse. Pourrait-on en savoir un peu plus ? Et une question pour M. Perben : j'aimerais savoir s'il y a un projet de regroupement des prisonniers basques comme c'était le cas pour les prisonniers corses ?
R - M. de Villepin - Sur la Convention et la préparation de la Conférence intergouvernementale, vous dites qu'il y a des idées. C'est vrai. Il y a des idées, des pistes que nous explorons et sur lesquelles nous allons travailler au cours des prochaines semaines, convaincus qu'il est possible de prendre en compte les préoccupations des uns et des autres. Vous comprendrez que, dans ce domaine, nous ne puissions pas en dire davantage aujourd'hui mais je veux exprimer ma conviction et ma confiance sur le fait que nous pouvons, Espagnols et Français, avancer sereinement dans la recherche de ces solutions.
R - M. Perben - S'agissant des prisonniers basques détenus, je souhaite simplement rappeler les règles. Il appartient à l'administration pénitentiaire et au ministre de la Justice de décider de l'affectation des détenus. C'est la loi, c'est le règlement.
Comment se font ces affectations ? Selon un certain nombre de critères qui prennent en compte en particulier les questions de sécurité. S'agissant des détenus dont vous parlez, il est évident que c'est un point extrêmement important. Par ailleurs, comme cela a été le cas dans d'autres régions de France, nous tenons compte, dans la mesure du possible bien sûr, des contraintes en terme de rapprochement familial. Il y avait une situation particulière du fait du caractère insulaire de la Corse, qui ajoute, comme vous l'imaginez facilement, la nécessité d'un transport maritime ou aérien pour effectuer chacune des visites familiales. Cette situation évidemment ne se retrouve pas, de manière évidente dans d'autres régions de France. Par ailleurs, il est important de tenir compte aussi de l'existence des différents établissements pénitentiaires. Pour résumer clairement les choses, il appartient à l'administration pénitentiaire et au ministre que je suis, de décider des affectations, en particulier en fonction des critères de sécurité. C'est un point excessivement important, surtout compte tenu de la situation actuelle des prisons qui se caractérise par un surpeuplement et pose d'une manière particulièrement aiguë des problèmes de sécurité.
Q - Comment ont été évoquées les questions de transport, notamment le troisième axe ferroviaire, la taxe pour les camions sur les autoroutes françaises et le projet de route transpyrénéenne ?
R - M. de Robien - L'état d'esprit est tout à fait positif entre nos deux délégations et entre Francisco Alvarez-Cascos et moi-même. En ce qui concerne les liaisons transpyrénéennes, nous avons évoqué avec satisfaction l'avancement de différents dossiers. Si celui de Perpignan-Figueras a pris quelque retard pour des mesures purement de procédure, nous avons bien décidé et acté aujourd'hui que l'appel d'offres devrait aboutir pour le 31 décembre 2003 au plus tard. Pour les liaisons à venir et la liaison supplémentaire, nous sommes l'un et l'autre d'accord sur le principe et nous avons décidé de mettre en place un groupe de travail pour voir dans quelle mesure on peut étudier les précisions de trafic, les fonctionnalités, la faisabilité financière et en déduire des familles de tracés. Nous sommes donc l'un et l'autre tout à fait conscients qu'il faudra, dans les années qui viennent, augmenter les liaisons transpyrénéennes et là-dessus, il n'y a pas du tout de questions qui fâchent.
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Q - Et concernant l'axe ferroviaire ?
R - L'axe ferroviaire y compris.
Q - Qu'en est-il des lignes à haute tension ?
R - Mme Fontaine - Les choses sont très simples. Nous en avons naturellement parlé avec José Folgado mais ce n'est pas du tout un sujet qui fâche. J'avais demandé qu'il y ait un débat public. Ce débat public s'est achevé le 27 juin. Aujourd'hui, nous allons donc poursuivre avec deux objectifs : le premier c'est bien entendu de respecter les engagements que la France a pris à l'égard de l'Espagne concernant le développement de cette ligne, et le second objectif, bien sûr, est de tenir compte de la sensibilité de l'opinion locale qui s'est notamment révélée à l'occasion du débat public.
J'ai demandé à RTE, c'est-à-dire à l'organisme chargé du réseau de transport et d'électricité, de proposer des nouvelles perspectives qui puissent concilier ces deux objectifs.
Q - Voulez-vous dire que le tracé serait revu ?
R - Le tracé sera revu mais les engagements seront respectés naturellement.
Q - Quels sont-ils ?
R - Porter la capacité à 2 800 mégawatts, à court terme et à 4 000 mégawatts à moyen terme. Ce sont les engagements que nous avons pris à l'égard de l'Espagne. Tout sera respecté.
Q - Mais M. de Villepin avait mentionné l'augmentation de 30 % de la capacité ?
R - Oui, d'une façon générale pour les autres interconnections électriques.
Q - Et vous êtes-vous mis d'accord sur une augmentation de 30 % ou est-ce autre chose ?
R - C'est une augmentation que nous avons d'ores et déjà constatée : le développement de nos interconnections électriques a augmenté de 30 %. Nous nous sommes mis d'accord, sans aucun problème pour la poursuite de ce développement.
Il y a le problème spécifique de cette ligne très haute tension Perpignan-Barcelone sur laquelle je viens de m'exprimer en vous confirmant que les engagements de la France à l'égard de l'Espagne seront respectés, dans le respect également de la sensibilité de l'opinion locale.
Q - Pensez-vous que les deux choses soient conciliables ?
R - Oh ! oui, c'est tout à fait conciliable, absolument et j'ai justement demandé à RTE de me faire des propositions qui iront dans ce sens.
Q - Et ils devraient vous les présenter quand ?
R - Dans les meilleurs délais bien sûr et ce sont des propositions qui devront concerner l'ensemble des Pyrénées.
Q - Cela veut-il dire que les tracés pourraient changer ?
R - Il n'y a pas à changer, il y a à arrêter le meilleur tracé, le tracé qui soit le plus efficace et qui permette, encore une fois, de concilier les soucis légitimes que peuvent avoir les habitants de la région concernée et en même temps, la nécessité, le besoin énergétique également des populations d'ailleurs. Et là je crois qu'il y a un vrai débat. En effet, les populations veulent une très bonne performance électrique et en même temps, elles ont une sensibilité écologique que je comprends parfaitement. Et je suis convaincue que nous trouverons les solutions qui permettront de concilier ces impératifs.
(...)
Q - Et quel est le dernier délai de construction ?
R - Mais il n'y a pas de délai, aucun texte ne fixe de délai. Nous sommes convenus avec José Folgado, encore une fois, d'aboutir le plus rapidement possible. Lorsqu'on a un bon projet, un projet nécessaire, il est évident que l'on souhaite que ce projet puisse être élaboré le plus rapidement possible, mais vous conviendrez que c'est aussi un projet qui doit tenir compte des sensibilités locales. Et c'est d'ailleurs la meilleure façon de faire en sorte que ce tracé puisse être arrêté dans les meilleures conditions
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 juillet 2003)