Texte intégral
Messieurs les Présidents,
Mes chers collègues,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Permettez-moi tout d'abord de vous dire le regret qui est le mien de ne pas être parmi vous aujourd'hui, pour cette passionnante rencontre consacrée à la réforme de la taxe professionnelle.
Ce regret est d'autant plus sincère que je me faisais un plaisir de venir vous retrouver cet après midi pour clôturer vos travaux mais l'actualité politique en a décidé autrement puisqu'a lieu, aujourd'hui, au Sénat, un débat sur la déclaration de politique générale du gouvernement.
D'emblée, je voudrais saluer et féliciter Jean-Marie BOCKEL, Président de l'Association des Maires de Grandes Villes de France, d'avoir pris l'heureuse initiative de cette rencontre quelques mois après l'annonce faite, par le Président de la République, de supprimer la taxe professionnelle. En effet, cette décision, qui a pu surprendre, a suscité de nombreuses interrogations et une légitime inquiétude de la part des élus locaux.
Je tiens à vous exprimer, cher Jean-Marie BOCKEL, toute ma gratitude pour avoir réuni, en un même lieu, parlementaires, experts et praticiens autour d'une question essentielle : " faut-il maintenir un impôt économique local ? ", avec pour seule et unique ambition, celle d'engager une réflexion d'ensemble sur un sujet aussi complexe qu'essentiel.
Je ne sais si ce lieu est propice aux " alchimies ", en tout cas je crois savoir que l'objectif est atteint. J'en veux pour preuve cette déclaration commune des sept associations de maires. A l'évidence, vous avez fait là uvre utile !
Mes chers amis, en tant que Président du Sénat, assemblée parlementaire à part entière et, c'est un plus, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, je voudrais vous faire part des réflexions qui sont les miennes face à cette chronique d'une " mort " annoncée, celle de la taxe professionnelle.
Je ne pratiquerai pas la langue de bois. Ma réponse à la question, qui va servir de " fil rouge " à votre journée, est sans appel et ne souffre d'aucune contestation : oui, il faut maintenir un impôt local économique, un nouvel impôt local économique mieux accepté que la taxe professionnelle dont la mort était inéluctable dès la suppression de la part salariale de son assiette.
Mes récentes rencontres avec les élus locaux n'ont d'ailleurs que renforcé ma certitude.
Vous le savez, depuis mon élection à la Présidence du Sénat, en 1998, j'ai souhaité, que la Haute Assemblée fasse pleinement vivre son bonus constitutionnel en allant à la rencontre des élus locaux afin de recueillir leurs doléances et leurs propositions en matière de décentralisation.
Ce véritable tour de France m'a tout dernièrement conduit à Lyon, à l'occasion des États généraux des élus locaux de Rhône-Alpes consacrés à la " République des territoires ".
Ainsi, à la question " faut il maintenir un lien fiscal entre entreprises et territoires ? ", 87 % des élus locaux, ayant participé à la consultation que j'ai lancé auprès d'eux, ont répondu positivement.
Ce chiffre éloquent se passe, tout simplement, de commentaires.
Certes, pour les entreprises, la suppression de la taxe professionnelle s'apparenterait à la disparition d'une contrainte et d'un frein à l'investissement. A cet égard, j'espère que cette mesure produira les effets attendus en matière de relance économique et de soutien à l'emploi.
Pour les collectivités locales, c'est la perte d'une recette qui représente près de la moitié de leurs ressources fiscales.
Je ne reviendrai pas sur la nécessaire neutralité financière de la franchise de taxe professionnelle pendant 18 mois.
Le gouvernement a entendu l'appel des élus locaux et s'est engagé à compenser, intégralement, la perte de ressources en assimilant cette franchise à un dégrèvement.
Mais l'épineuse question de son remplacement se pose toujours avec force et vigueur. En l'occurrence, deux solutions peuvent être envisagées : une dotation ou un nouvel impôt.
L'hypothèse d'une dotation de compensation viderait de sa substance le principe de l'autonomie fiscale dont l'encre de son inscription dans la Constitution est à peine sèche.
Il transformerait les élus locaux en gestionnaires passifs, déresponsabilisés et démotivés de dotations à la merci de Bercy.
C'est pourquoi, la taxe professionnelle doit être remplacée par un autre impôt local dont les collectivités territoriales maîtriseraient le taux.
Il ne s'agit pas de restaurer la patente ou l'octroi, mais tout simplement de réfléchir, sereinement et sans tabou, à un nouvel impôt sur l'activité économique.
Ce nouvel impôt devra, à mon sens, satisfaire un triple objectif : le maintien du lien entre les collectivités territoriales et leur environnement économique, la préservation de l'incitation à l'intercommunalité et le renforcement de la péréquation entre collectivités locales, principe désormais constitutionnel.
Nous avons bon espoir d'y parvenir car Monsieur le Premier ministre s'y est engagé à plusieurs reprises. Je ne doute pas que la " commission Fouquet " saura donner une " contenance " à ces objectifs.
Je puis aussi vous assurer que le Sénat, fidèle avocat des collectivités territoriales, prendra la part, qui est la sienne dans cette réflexion.
Je compte sur la mission d'information sénatoriale, instituée par la Commission des finances, pour apporter toute son expertise et explorer toutes les alternatives à la taxe professionnelle dans le respect du principe constitutionnel de l'autonomie fiscale.
S'il est un objectif que chacune de ces commissions devra garder en " ligne de mire ", c'est, à l'évidence, celui de préserver la dynamique de l'intercommunalité. La transformation de notre pays, glissant d'une " myriade municipale " vers un paysage intercommunal plus cohérent, plus efficace et respectueux des identités communales, est en marche. Nous ne devons pas stopper cet élan. Il s'agit là d'une " impérieuse nécessité ".
N'oublions pas que près des deux tiers des ressources de taxe professionnelle sont aujourd'hui prélevés au profit des structures intercommunales.
En tout état de cause, cette réflexion devrait, me semble-t-il, être étendue à l'ensemble de la fiscalité locale dont l'architecture actuelle n'est pas à la hauteur des enjeux de la décentralisation. Le constat est unanime pour reconnaître qu'elle est injuste, archaïque et obsolète.
Il nous appartient donc de mener une réflexion imaginative afin de doter les collectivités locales d'impôts dynamiques, équitables et modernes.
Cette exigence conditionne, à l'évidence, le succès de l'acte deux de la décentralisation.
Mesdames, messieurs, voilà les quelques mots, non exhaustifs, que je voulais prononcer en ouverture de vos débats. Débats dont je connais toute l'utilité, et qui contribueront, à n'en pas douter, à alimenter notre réflexion.
(Source http://www.senat.fr, le 15 avril 2004)
Mes chers collègues,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Permettez-moi tout d'abord de vous dire le regret qui est le mien de ne pas être parmi vous aujourd'hui, pour cette passionnante rencontre consacrée à la réforme de la taxe professionnelle.
Ce regret est d'autant plus sincère que je me faisais un plaisir de venir vous retrouver cet après midi pour clôturer vos travaux mais l'actualité politique en a décidé autrement puisqu'a lieu, aujourd'hui, au Sénat, un débat sur la déclaration de politique générale du gouvernement.
D'emblée, je voudrais saluer et féliciter Jean-Marie BOCKEL, Président de l'Association des Maires de Grandes Villes de France, d'avoir pris l'heureuse initiative de cette rencontre quelques mois après l'annonce faite, par le Président de la République, de supprimer la taxe professionnelle. En effet, cette décision, qui a pu surprendre, a suscité de nombreuses interrogations et une légitime inquiétude de la part des élus locaux.
Je tiens à vous exprimer, cher Jean-Marie BOCKEL, toute ma gratitude pour avoir réuni, en un même lieu, parlementaires, experts et praticiens autour d'une question essentielle : " faut-il maintenir un impôt économique local ? ", avec pour seule et unique ambition, celle d'engager une réflexion d'ensemble sur un sujet aussi complexe qu'essentiel.
Je ne sais si ce lieu est propice aux " alchimies ", en tout cas je crois savoir que l'objectif est atteint. J'en veux pour preuve cette déclaration commune des sept associations de maires. A l'évidence, vous avez fait là uvre utile !
Mes chers amis, en tant que Président du Sénat, assemblée parlementaire à part entière et, c'est un plus, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, je voudrais vous faire part des réflexions qui sont les miennes face à cette chronique d'une " mort " annoncée, celle de la taxe professionnelle.
Je ne pratiquerai pas la langue de bois. Ma réponse à la question, qui va servir de " fil rouge " à votre journée, est sans appel et ne souffre d'aucune contestation : oui, il faut maintenir un impôt local économique, un nouvel impôt local économique mieux accepté que la taxe professionnelle dont la mort était inéluctable dès la suppression de la part salariale de son assiette.
Mes récentes rencontres avec les élus locaux n'ont d'ailleurs que renforcé ma certitude.
Vous le savez, depuis mon élection à la Présidence du Sénat, en 1998, j'ai souhaité, que la Haute Assemblée fasse pleinement vivre son bonus constitutionnel en allant à la rencontre des élus locaux afin de recueillir leurs doléances et leurs propositions en matière de décentralisation.
Ce véritable tour de France m'a tout dernièrement conduit à Lyon, à l'occasion des États généraux des élus locaux de Rhône-Alpes consacrés à la " République des territoires ".
Ainsi, à la question " faut il maintenir un lien fiscal entre entreprises et territoires ? ", 87 % des élus locaux, ayant participé à la consultation que j'ai lancé auprès d'eux, ont répondu positivement.
Ce chiffre éloquent se passe, tout simplement, de commentaires.
Certes, pour les entreprises, la suppression de la taxe professionnelle s'apparenterait à la disparition d'une contrainte et d'un frein à l'investissement. A cet égard, j'espère que cette mesure produira les effets attendus en matière de relance économique et de soutien à l'emploi.
Pour les collectivités locales, c'est la perte d'une recette qui représente près de la moitié de leurs ressources fiscales.
Je ne reviendrai pas sur la nécessaire neutralité financière de la franchise de taxe professionnelle pendant 18 mois.
Le gouvernement a entendu l'appel des élus locaux et s'est engagé à compenser, intégralement, la perte de ressources en assimilant cette franchise à un dégrèvement.
Mais l'épineuse question de son remplacement se pose toujours avec force et vigueur. En l'occurrence, deux solutions peuvent être envisagées : une dotation ou un nouvel impôt.
L'hypothèse d'une dotation de compensation viderait de sa substance le principe de l'autonomie fiscale dont l'encre de son inscription dans la Constitution est à peine sèche.
Il transformerait les élus locaux en gestionnaires passifs, déresponsabilisés et démotivés de dotations à la merci de Bercy.
C'est pourquoi, la taxe professionnelle doit être remplacée par un autre impôt local dont les collectivités territoriales maîtriseraient le taux.
Il ne s'agit pas de restaurer la patente ou l'octroi, mais tout simplement de réfléchir, sereinement et sans tabou, à un nouvel impôt sur l'activité économique.
Ce nouvel impôt devra, à mon sens, satisfaire un triple objectif : le maintien du lien entre les collectivités territoriales et leur environnement économique, la préservation de l'incitation à l'intercommunalité et le renforcement de la péréquation entre collectivités locales, principe désormais constitutionnel.
Nous avons bon espoir d'y parvenir car Monsieur le Premier ministre s'y est engagé à plusieurs reprises. Je ne doute pas que la " commission Fouquet " saura donner une " contenance " à ces objectifs.
Je puis aussi vous assurer que le Sénat, fidèle avocat des collectivités territoriales, prendra la part, qui est la sienne dans cette réflexion.
Je compte sur la mission d'information sénatoriale, instituée par la Commission des finances, pour apporter toute son expertise et explorer toutes les alternatives à la taxe professionnelle dans le respect du principe constitutionnel de l'autonomie fiscale.
S'il est un objectif que chacune de ces commissions devra garder en " ligne de mire ", c'est, à l'évidence, celui de préserver la dynamique de l'intercommunalité. La transformation de notre pays, glissant d'une " myriade municipale " vers un paysage intercommunal plus cohérent, plus efficace et respectueux des identités communales, est en marche. Nous ne devons pas stopper cet élan. Il s'agit là d'une " impérieuse nécessité ".
N'oublions pas que près des deux tiers des ressources de taxe professionnelle sont aujourd'hui prélevés au profit des structures intercommunales.
En tout état de cause, cette réflexion devrait, me semble-t-il, être étendue à l'ensemble de la fiscalité locale dont l'architecture actuelle n'est pas à la hauteur des enjeux de la décentralisation. Le constat est unanime pour reconnaître qu'elle est injuste, archaïque et obsolète.
Il nous appartient donc de mener une réflexion imaginative afin de doter les collectivités locales d'impôts dynamiques, équitables et modernes.
Cette exigence conditionne, à l'évidence, le succès de l'acte deux de la décentralisation.
Mesdames, messieurs, voilà les quelques mots, non exhaustifs, que je voulais prononcer en ouverture de vos débats. Débats dont je connais toute l'utilité, et qui contribueront, à n'en pas douter, à alimenter notre réflexion.
(Source http://www.senat.fr, le 15 avril 2004)