Texte intégral
Q - La désindustrialisation correspond-elle pour vous à une réalité ?
(...)
Q - Il y a bien des usines qui ferment ?
R - C'est vrai, mais il faut tenir compte du phénomène de mondialisation, qui a mis en concurrence tous les acteurs et du processus de "création-destruction" inhérent au développement économique. Ce n'est pas sans difficulté pour les hommes et les femmes qui perdent leur emploi ou pour les régions qui voient disparaître des métiers historiques. Mais comment imaginer que le portefeuille industriel d'un pays reste gelé, dés lors que les règles du jeu changent ? Il y a des métiers industriels qui ont été délocalisés vers des pays à bas salaires : cela s'appelle la spécialisation internationale du commerce. Prenez l'exemple de la sidérurgie : ce type de métier doit, pour assurer sa survie en Europe, se concentrer au maximum sur le savoir, et localiser sa production là où les coûts, qu'il s'agisse des salaires ou des matières premières, sont les plus avantageux. C'est ce phénomène qui explique la croissance chinoise.
Il suppose a contrario que l'Europe se mobilise sur l'innovation, la recherche et la formation professionnelle. Il faut que les personnels en charge de la production dans nos pays apportent une valeur ajoutée que ne sont pas encore capables d'apporter les travailleurs des pays à bas salaires. C'est un jeu gagnant-gagnant à la condition que l'Occident prenne davantage conscience que le système économique dans lequel nous sommes nécessite un renouvellement permanent de l'offre dans nos pays.
Q - Le mouvement de délocalisation est-il inexorable ?
R - Tout dépend du potentiel inventif qu'on est capable d'avoir et de l'environnement que l'on est capable d'offrir aux entreprises. La France attire déjà beaucoup d'investisseurs étrangers et nous voulons consolider ce mouvement en renforçant l'attractivité du site France. La priorité est de mettre l'accent sur renouvellement de l'offre et la recherche-développement. Si nous savons faire ça, il n'y a aucune raison pour que l'activité industrielle soit condamnée à se concentrer en Chine. Il y a, de toute façon, des limites physiques aux délocalisations. Dès lors que le produit ne supporte pas facilement le transport, la proximité avec le client final continue de primer. Pour diminuer le handicap de coûts de la concurrence des pays à bas salaires, nous devons continuer à baisser les charges qui pèsent sur la production.
C'est ce que nous faisons en poursuivant la baisse des charges sur les bas salaires et en supprimant la part salariale dans la taxe professionnelle. Nous le faisons aussi en réduisant les formalités et les contraintes qui pèsent sur les entreprises. Nous le faisons, enfin, avec l'ouverture à la concurrence dans le secteur de l'énergie en Europe, qui va permettre une baisse des prix pour les industriels.
Q - Vous parlez de recherche-développement. L'Europe n'accumule-t-elle pas un retard trop considérable face aux Etats-Unis ?
R - On ne peut pas dire que la recherche publique soit, en Europe ou en France, décalée en volume par rapport à l'effort fait aux Etats-Unis. En revanche, notre recherche publique pourrait sans doute, par un meilleur management, devenir plus productive et se rapprocher du marché. S'agissant de la recherche privée, vous avez raison : il faut aider nos industries à considérer la recherche comme un investissement et non pas un coût. C'est un point culturel : il n'y a pas assez de prises de conscience dans le tissu de nos moyennes entreprises, que le renouvellement de leur offre est ce qui leur permet de rester compétitives et de résister à des concurrents ayant des coûts de production moindres. Le gouvernement favorise la recherche-développement au sein des entreprises. C'est le sens de notre plan sur l'innovation et des réflexions que nous menons pour muscler le crédit impôt recherche.
Q - Pour rester sur les incitations fiscales, faut-il un régime spécifique pour attirer les talents étrangers ?
R - Il faut en tout cas à tout prix éviter de créer une fiscalité négative dissuadant l'investissement de la matière grise en Europe. Dans ce domaine, nous ne sommes pas en compétition avec la Chine, mais avec les Etats-Unis et entre nous, Européens. Prenez l'exemple du centre de recherche de Motorola à Detroit, qui emploie principalement des Indiens formés en Californie : c'est un vrai défi pour l'Inde qui perd sa matière grise, mais cela démontre aussi que notre intérêt européen est d'attirer nous aussi la matière grise des autres. L'autre manière pour nous de résister à la globalisation, c'est de disposer d'un personnel qualifié, d'où l'urgence de réformer notre système de formation professionnelle. C'est un sujet qui est actuellement entre les mains des partenaires sociaux et auquel le gouvernement sera particulièrement attentif
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 juin 2003)
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Q - Il y a bien des usines qui ferment ?
R - C'est vrai, mais il faut tenir compte du phénomène de mondialisation, qui a mis en concurrence tous les acteurs et du processus de "création-destruction" inhérent au développement économique. Ce n'est pas sans difficulté pour les hommes et les femmes qui perdent leur emploi ou pour les régions qui voient disparaître des métiers historiques. Mais comment imaginer que le portefeuille industriel d'un pays reste gelé, dés lors que les règles du jeu changent ? Il y a des métiers industriels qui ont été délocalisés vers des pays à bas salaires : cela s'appelle la spécialisation internationale du commerce. Prenez l'exemple de la sidérurgie : ce type de métier doit, pour assurer sa survie en Europe, se concentrer au maximum sur le savoir, et localiser sa production là où les coûts, qu'il s'agisse des salaires ou des matières premières, sont les plus avantageux. C'est ce phénomène qui explique la croissance chinoise.
Il suppose a contrario que l'Europe se mobilise sur l'innovation, la recherche et la formation professionnelle. Il faut que les personnels en charge de la production dans nos pays apportent une valeur ajoutée que ne sont pas encore capables d'apporter les travailleurs des pays à bas salaires. C'est un jeu gagnant-gagnant à la condition que l'Occident prenne davantage conscience que le système économique dans lequel nous sommes nécessite un renouvellement permanent de l'offre dans nos pays.
Q - Le mouvement de délocalisation est-il inexorable ?
R - Tout dépend du potentiel inventif qu'on est capable d'avoir et de l'environnement que l'on est capable d'offrir aux entreprises. La France attire déjà beaucoup d'investisseurs étrangers et nous voulons consolider ce mouvement en renforçant l'attractivité du site France. La priorité est de mettre l'accent sur renouvellement de l'offre et la recherche-développement. Si nous savons faire ça, il n'y a aucune raison pour que l'activité industrielle soit condamnée à se concentrer en Chine. Il y a, de toute façon, des limites physiques aux délocalisations. Dès lors que le produit ne supporte pas facilement le transport, la proximité avec le client final continue de primer. Pour diminuer le handicap de coûts de la concurrence des pays à bas salaires, nous devons continuer à baisser les charges qui pèsent sur la production.
C'est ce que nous faisons en poursuivant la baisse des charges sur les bas salaires et en supprimant la part salariale dans la taxe professionnelle. Nous le faisons aussi en réduisant les formalités et les contraintes qui pèsent sur les entreprises. Nous le faisons, enfin, avec l'ouverture à la concurrence dans le secteur de l'énergie en Europe, qui va permettre une baisse des prix pour les industriels.
Q - Vous parlez de recherche-développement. L'Europe n'accumule-t-elle pas un retard trop considérable face aux Etats-Unis ?
R - On ne peut pas dire que la recherche publique soit, en Europe ou en France, décalée en volume par rapport à l'effort fait aux Etats-Unis. En revanche, notre recherche publique pourrait sans doute, par un meilleur management, devenir plus productive et se rapprocher du marché. S'agissant de la recherche privée, vous avez raison : il faut aider nos industries à considérer la recherche comme un investissement et non pas un coût. C'est un point culturel : il n'y a pas assez de prises de conscience dans le tissu de nos moyennes entreprises, que le renouvellement de leur offre est ce qui leur permet de rester compétitives et de résister à des concurrents ayant des coûts de production moindres. Le gouvernement favorise la recherche-développement au sein des entreprises. C'est le sens de notre plan sur l'innovation et des réflexions que nous menons pour muscler le crédit impôt recherche.
Q - Pour rester sur les incitations fiscales, faut-il un régime spécifique pour attirer les talents étrangers ?
R - Il faut en tout cas à tout prix éviter de créer une fiscalité négative dissuadant l'investissement de la matière grise en Europe. Dans ce domaine, nous ne sommes pas en compétition avec la Chine, mais avec les Etats-Unis et entre nous, Européens. Prenez l'exemple du centre de recherche de Motorola à Detroit, qui emploie principalement des Indiens formés en Californie : c'est un vrai défi pour l'Inde qui perd sa matière grise, mais cela démontre aussi que notre intérêt européen est d'attirer nous aussi la matière grise des autres. L'autre manière pour nous de résister à la globalisation, c'est de disposer d'un personnel qualifié, d'où l'urgence de réformer notre système de formation professionnelle. C'est un sujet qui est actuellement entre les mains des partenaires sociaux et auquel le gouvernement sera particulièrement attentif
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 juin 2003)