Texte intégral
Au terme de notre conseil national d'avril, je voudrais ce matin intervenir devant vous sur quatre points :
- la situation à la CFDT un an après la réforme des retraites ;
- les orientations du nouveau gouvernement ;
- l'emploi ;
- l'assurance maladie ;
- ma conclusion portera sur l'Europe.
1. Une CFDT dynamique, déterminée sur ses objectifs, vigilante sur les projets de réformes
Les trente sept interventions au Conseil national sur la situation générale et l'activité revendicative de la CFDT ont témoigné d'une CFDT dynamique, déterminée sur ses objectifs et vigilante sur les projets de réforme.
- Après la secousse des derniers mois, les militants sont fiers des mesures de justice sociale obtenues par la CFDT dans la réforme des retraites.
- D'ores et déjà, 100 000 personnes ayant commencé à travailler très tôt ont eu une réponse positive à leur demande de départ anticipé à la retraite, dont 38 000 personnes en sont déjà bénéficiaires. Cette mesure, rappelons-le, n'était pas inscrite dans la copie initiale du gouvernement. C'est l'obstination de la CFDT qui a fini par l'emporter. Mais il nous faut rester pugnaces pour qu'elle s'applique à tous. Et en particulier aux fonctionnaires.
- Les responsables CFDT du secteur public ont souligné la difficulté de valoriser des mesures dont l'application n'est pas encore effective. Il s'agit de la mise en place d'une caisse complémentaire et je viens de l'évoquer les carrières longues. Ils ont insisté sur l'impact négatif que cette absence de mise en uvre de ces mesures pour les fonctionnaires, a eu sur leurs élections professionnelles.
- L'inégalité de traitement faite aux fonctionnaires est injuste et inadmissible, et la CFDT ne relâchera pas sa pression sur le gouvernement tant que ses promesses et ses engagements n'auront pas été honorés.
- L'initiative lancée en octobre dernier de mener le débat dans la CFDT sur le fonctionnement de notre démocratie interne, sur la lisibilité et le sens de notre syndicalisme de transformation sociale, est portée par toutes les structures de la CFDT. Des centaines de débats ont déjà eu lieu et des milliers de militants et adhérents y ont pris part. Les membres du Bureau national, de la Commission exécutive et moi-même avons participé à plus de 100 débats dans toute la France et rencontré plus de 10 000 militants et adhérents.
- La nouvelle énergie que la CFDT puise dans ces échanges est un levier important pour renforcer et approfondir sa conception du syndicalisme de transformation sociale. Ces débats vont se poursuivre jusqu'à l'été et nous en tirerons ensemble les enseignements lors de notre Conseil national d'octobre prochain.
- Lucides sur les difficultés à surmonter, conscients de l'ampleur de la tâche, et déterminés sur la responsabilité qui est la leur, les responsables CFDT se sont montrés très critiques sur les annonces du Premier ministre, interrogatifs sur la capacité de ce gouvernement à réformer, et ont appelé la confédération à renforcer sa vigilance à l'égard des projets de réformes.
2. Le gouvernement persiste dans les mêmes erreurs
Après le " je vous ai compris " du président de la République, le nouveau gouvernement persiste dans les mêmes erreurs :
- attente de la relance économique par l'extérieur ;
- baisse des impôts au mépris des déficits publics et des besoins urgents de cohésion sociale ;
- allégements des charges des entreprises sans contrepartie ;
- efforts pesant toujours sur les mêmes : exemple de la dépendance (Apa) financée par un jour férié supprimé pour les salariés.
Deux ans de cette politique n'ont apporté aucun résultat positif ni pour la croissance ni pour l'emploi.
1/ Cette politique économique prive l'Etat des moyens nécessaires à une stratégie efficace en matière d'emploi et de traitement social du chômage.
2/ Cet entêtement dans l'erreur est à la fois incompréhensible et inadmissible pour les salariés. En outre, il n'est pas de nature à leur redonner confiance sur sa capacité à conduire de nouvelles réformes.
3/ Le gouvernement continue à ignorer les fonctionnaires: rien sur les salaires, les longues carrières, et le dialogue social.
3. La politique de l'emploi et le traitement social du chômage
Plus que jamais, l'emploi est la priorité de la CFDT. C'est d'abord sur ce terrain que nous voulons combattre les phénomènes d'exclusion et d'insécurité.
Pour nous, cette priorité ne date pas d'hier, ni des élections régionales.
La CFDT porte cette exigence depuis longtemps et l'a remise en avant dès 2002 alors que le chômage repartait à la hausse.
Sourd à nos alertes répétées, le gouvernement n'a pas pris la mesure de la gravité de la situation de l'emploi et des effets d'exclusion qu'elle entraîne.
Pire, obstiné à réduire le budget de l'emploi, il a retiré le filet de sécurité de l'allocation de solidarité spécifique (l'ASS) tentant de renvoyer à la seule solidarité des salariés, la responsabilité de l'accompagnement social du chômage.
Ce désengagement de l'État n'est pas pour nous surprendre : il est la suite logique de la politique libérale affichée par ce gouvernement. Ce qui est plus surprenant, c'est que cette politique de désengagement rencontre le soutien objectif de ceux qui attendent tout de l'Unedic, qu'il s'agisse d'assumer seul la politique culturelle à travers l'indemnisation des intermittents du spectacle ou de se substituer totalement à la solidarité nationale concernant l'indemnisation des chômeurs de longue durée. Il serait temps de distinguer plus nettement ce qui revient à la solidarité entre les salariés et ce qui revient à la solidarité nationale : le salariat ne peut pas et ne doit pas tout payer.
Alors certes les dossiers de l'emploi sont ouverts :
- le président de la République a annoncé une loi de mobilisation sur l'emploi ;
- des rapports ont été remis (Marimbert et de Virville) sur cette question.
Mais nous ne connaissons rien des intentions du gouvernement, ni de la suite qui sera donnée aux 44 propositions du Medef dont plusieurs concernent la négociation sur l'emploi.
C'est dans ce contexte d'incertitudes et de surenchère patronale que se tiendra cet après-midi une nouvelle séance de négociation sur l'emploi et les restructurations. Il est évident que cette séance ne saurait être la dernière.
La protection et le développement de l'emploi ne peuvent pas s'accommoder des déclarations patronales qui visent à réduire systématiquement les procédures et protections du code du travail.
Dans un contexte économique très difficile, où les restructurations, les plans sociaux et les licenciements restent nombreux, les salariés attendent un meilleur traitement des problèmes économiques dans l'entreprise, et encore plus lorsqu'il y a restructuration et plan social !
La CFDT rappelle au patronat ses exigences en la matière :
- une meilleure anticipation des mutations ;
- une réelle adaptation des emplois en amont des restructurations ;
- des plans de sauvegarde de l'emploi renforcés ;
- la réduction des inégalités de traitement, selon que l'on travaille dans une grande entreprise, dans une PME ou dans une TPE.
Mais, au-delà, nous demandons que la responsabilité des entreprises soit accrue dans les efforts de reclassement des salariés.
Pour la CFDT, la question du reclassement est centrale. C'est d'ailleurs ce qui nous a amené à proposer la création d'un contrat de reclassement personnalisé, ouvert, en particulier, aux salariés qui rencontrent des difficultés importantes. Un contrat adapté à la situation professionnelle de chaque cas, et pouvant aller jusqu'à 12 mois. Il doit être directement à la charge des entreprises, ou assumé dans le cadre d'une mutualisation des moyens pour les petites entreprises.
Nous sommes engagés dans une discussion difficile. Nous gardons la volonté d'aboutir. Mais pour la CFDT, les choses sont claires :
- ou le Medef recule sur ses prétentions et le gouvernement clarifie ses intentions et nous entrons dans une négociation privilégiant la protection et le développement de l'emploi ;
- ou bien, rien n'est clarifié par le gouvernement et le Medef persiste dans son attitude et il n'y a pas accord ou s'il y a accord ce sera sans la signature de la CFDT.
4. L' Assurance maladie
Avec le changement de gouvernement, le calendrier précédemment établi risque de subir quelques modifications.
Nous attendons donc un premier schéma de réforme dès ce mois-ci, pour mener une discussion approfondie dans les deux ou trois mois qui viennent. Prendre le temps nécessaire à la concertation avec l'ensemble des différents acteurs est, sur la forme, une donnée importante.
Mais au-delà de la forme, nous attendons des engagements du gouvernement sur le contenu.
Entre 1945 et aujourd'hui, notre système d'assurance maladie a profondément évolué. Lors de la création de la Sécurité sociale, il assurait principalement un revenu de remplacement au salarié en cas de maladie nécessitant une interruption de travail. Au fil des années, avec les progrès de la médecine, l'évolution de la société, notre système a contribué à l'amélioration de l'état sanitaire de la population, en permettant, par la prise en charge des frais, l'accès aux soins à tous et il s'est affirmé comme un pilier de notre contrat social.
Au cours de cette évolution, ont surgi d'autres acteurs : les mutuelles, les institutions de prévoyances et les assureurs.
La réforme doit permettre de franchir une nouvelle étape :
- en recherchant un meilleur accès aux soins pour l'ensemble de la population (7 à 9 % ne sont toujours pas couverts par une complémentaire santé) ;
- en coordonnant les fonctions de remboursement assurées par les régimes obligatoires d'une part et les régimes complémentaires d'autre part.
Voilà les principes directeurs de nos propositions. Propositions qui visent à s'attaquer aux inégalités et non pas à ressusciter un système dans les formes et dans les conditions où il a été créé.
A - Notre premier objectif, est donc d'assurer une plus grande égalité dans l'accès aux soins. Cette égalité implique une garantie de soins permettant :
- une couverture intégrale des soins utiles et indispensables ;
- une organisation de l'offre de soins qui permette à chacun quelle que soit sa situation géographique et professionnelle d'y accéder ;
- une qualité des soins.
Une couverture complète pour chacun par une complémentaire pour tous grâce à une aide permettant à ceux qui n'en ont pas d'y accéder et un droit à la prévoyance pour tous.
C'est pourquoi, nous demandons à l'occasion de cette réforme, la généralisation de la prévoyance invalidité, incapacité, décès. Cette généralisation passe par la création d'un droit qui devra être mis en place par la négociation d'un accord interprofessionnel complétant la loi sur la mensualisation.
Pour garantir l'accès aux soins
Il s'agit d'avoir une action efficace sur l'organisation du système de soins et sur la lutte contre les inégalités. C'est en partie, du fait, de la non coordination entre les régimes obligatoires et les régimes complémentaires, que l'on a abouti à la création de la CMU. Le report de charge de la dépense sur les usagers, via le ticket modérateur et autres forfaits hospitaliers, a abouti à l'exclusion de nombreux citoyens de l'accès aux soins.
La coordination des deux financeurs est indispensable pour atteindre des objectifs de solidarité et de justice sociale.
B - Le 2ème objectif est le renforcement d'un système financé de manière solidaire.
Le Haut Conseil est unanime pour constater que les dépenses de santé continueront à croître du fait du vieillissement de la population et du progrès technique.
Dans ce cas, il y a 2 solutions :
- soit on fait reposer la charge des dépenses sur les personnes en aggravant les inégalités ;
- soit on augmente le financement collectif en cohérence avec le principe fondateur : chacun paie selon ses moyens et reçoit selon ses besoins.
C'est pourquoi, nous sommes favorables à une évolution de la CSG pour financer la Sécurité sociale.
Mais cette position nécessite un pilotage du système, notamment dans son organisation, car il n'est pas acceptable de faire appel à un financement collectif, sans s'engager dans une action résolue pour organiser l'offre de soins et mettre fin à une mauvaise organisation dans l'installation des médecins libéraux, dans la formation de ceux-ci générant du même coup des inégalités insupportables.
À cette contribution doit s'ajouter bien évidemment la participation des entreprises. Nous sommes pour le maintien des cotisations dites " part employeur " et nous proposons une contribution sur les bénéfices des entreprises (CSB). Celle-ci avait été créée pour alimenter entre autres taxes, le Forec. Comme vous le savez, ce fonds rassemblait l'essentiel des dépenses d'exonérations de cotisations sociales. Le gouvernement vient de dissoudre le fonds. Toutes les taxes servant à payer ces exonérations réintègrent donc le budget de l'État. Nous demandons que cette contribution sur les bénéfices revienne dans le giron de la protection sociale, au bénéfice de l'assurance maladie.
C - Pour avancer sur ces objectifs, il nous faut faire évoluer le système de pilotage ou de gouvernance de l'assurance maladie.
Le paritarisme dans la gestion de l'assurance maladie ne correspond plus à la réalité du système, ni aux objectifs que l'on veut lui donner. La fonction de couverture du risque sur laquelle s'est créée et développée l'assurance maladie ne peut plus être dissociée de l'organisation du système de soins. C'est l'un des constats du Haut Conseil approuvé par tous. Ce constat nous invite à repenser la place des partenaires sociaux qui ne peut plus être comparée avec celle qu'ils ont dans d'autres systèmes de protection sociale.
Entre une pure étatisation, qui consisterait à donner à l'État toute la responsabilité, avec le risque certain de voir un report de la dépense sur les usagers ou les complémentaires, et une privatisation qui consisterait à mettre les assureurs en concurrence entre eux, nous proposons un système qui implique les différents acteurs.
Les partenaires sociaux doivent donc être impliqués avec d'autres, dans le cadre d'un conseil élargi. Par contre, leur implication dans la gestion directe doit fortement évoluer. Une délégation plus large à un exécutif opérationnel doit constituer un élément de cette évolution.
Les partenaires sociaux ont une responsabilité spécifique sur les questions de santé au travail et des éléments qui s'y rattachent en terme de réparation (ATMP, Prévoyance) mais les acteurs de l'entreprise ne peuvent s'exonérer de leur responsabilité globale, la santé forme un tout. Le Medef doit revenir dans la globalité du dossier sécu, s'il veut prendre toute sa place dans la commission ATMP.
Le rôle de l'État doit aussi progresser. Il doit définir les politiques de santé, les priorités et les orientations concernant le périmètre de remboursement. Son rôle dans l'organisation de l'offre de soins quelle qu'elle soit, pour que celle-ci réponde à l'équité devant l'accès aux soins, doit être réaffirmée. Dans ces conditions et dans le cadre d'une assurance maladie rénovée, celle-ci doit participer clairement à la mise en uvre des relations Ville - Hôpital.
Conclusion sur l'Europe
Je voudrais conclure sur l'Europe, l'année 2004 est une année fondamentale pour l'Europe qui va, avec l'élargissement, reprendre après 50 ans d'interruption son histoire commune.
C'est une bonne nouvelle, c'est une chance, il faut que ce soit aussi une réussite.
Nous sommes lucides sur les difficultés à surmonter mais ce que l'Europe a réussi au Sud, elle peut le réussir à l'Est, si elle s'en donne les moyens.
Et les discours craintifs, insistant sur les risques, occultent les perspectives positives dont l'élargissement est porteur, notamment :
- l'ancrage de ces nouveaux pays dans un espace de paix, de démocratie et de progrès. Par une dynamique de rattrapage dans plusieurs domaines : démocratie, administration, santé sécurité, environnement, etc. ;
- de nouveaux marchés pour les entreprises françaises et les autres membres de l'Union européenne ;
- une accélération du développement économique des pays entrants, facteur de cohésion économique et sociale dans toute l'Union.
L'autre évènement européen concerne les prochaines élections des députés européens.
Sur ce point, la CFDT est mobilisée mais inquiète.
Alors que l'Europe est fragilisée, avec,
- les divisions qu'elle a connues sur l'Irak ;
- la remise en cause du Pacte de stabilité et de croissance ;
- l'échec de l'adoption du projet de Constitution ;
- l'accentuation des délocalisations et des restructurations avec des conséquences importantes sur l'emploi, la place faite aux enjeux européens dans le débat public national n'est pas à la hauteur des défis.
Nous ne voyons pas encore venir le sursaut politique qui confirmerait que la France veut jouer pleinement son rôle dans l'avenir de l'Europe. Nous assistons au contraire à un comportement désinvolte de nos gouvernants au regard des règles du jeu qu'ils ont eux-mêmes contribué à élaborer. Notre calendrier national boude le calendrier européen. Les forces politiques s'orientent davantage pour faire des élections européennes, un nouvel enjeu franco-français, qu'un grand débat sur l'avenir et la réussite de l'Europe.
Ce déficit de débat public est dangereux pour la démocratie européenne et nationale, En ne donnant pas à voir, à comprendre et à espérer dans l'Europe, c'est le discours extrémiste, pessimiste et anti-européen qui insidieusement se renforce.
Ce déni d'Europe est irresponsable au moment où la France devrait être force d'entraînement dans la nécessaire consolidation des politiques européennes en matière fiscale et sociale, dans la recherche et le développement, dans les infrastructures, dans le domaine industriel pour faire échec au dumping social et créer des emplois durables.
C'est pourquoi, la CFDT et les syndicalistes européens de la CES se sont mobilisés les 2 et 3 avril pour l'Europe de l'emploi. L'emploi, notre priorité syndicale, ne relève pas seulement de solutions nationales, il passe par l'Europe, il appelle à une stratégie et un pilotage européens qu'il est urgent de mettre en uvre.
(source http://www.cfdt.fr, le 9 avril 2004)
- la situation à la CFDT un an après la réforme des retraites ;
- les orientations du nouveau gouvernement ;
- l'emploi ;
- l'assurance maladie ;
- ma conclusion portera sur l'Europe.
1. Une CFDT dynamique, déterminée sur ses objectifs, vigilante sur les projets de réformes
Les trente sept interventions au Conseil national sur la situation générale et l'activité revendicative de la CFDT ont témoigné d'une CFDT dynamique, déterminée sur ses objectifs et vigilante sur les projets de réforme.
- Après la secousse des derniers mois, les militants sont fiers des mesures de justice sociale obtenues par la CFDT dans la réforme des retraites.
- D'ores et déjà, 100 000 personnes ayant commencé à travailler très tôt ont eu une réponse positive à leur demande de départ anticipé à la retraite, dont 38 000 personnes en sont déjà bénéficiaires. Cette mesure, rappelons-le, n'était pas inscrite dans la copie initiale du gouvernement. C'est l'obstination de la CFDT qui a fini par l'emporter. Mais il nous faut rester pugnaces pour qu'elle s'applique à tous. Et en particulier aux fonctionnaires.
- Les responsables CFDT du secteur public ont souligné la difficulté de valoriser des mesures dont l'application n'est pas encore effective. Il s'agit de la mise en place d'une caisse complémentaire et je viens de l'évoquer les carrières longues. Ils ont insisté sur l'impact négatif que cette absence de mise en uvre de ces mesures pour les fonctionnaires, a eu sur leurs élections professionnelles.
- L'inégalité de traitement faite aux fonctionnaires est injuste et inadmissible, et la CFDT ne relâchera pas sa pression sur le gouvernement tant que ses promesses et ses engagements n'auront pas été honorés.
- L'initiative lancée en octobre dernier de mener le débat dans la CFDT sur le fonctionnement de notre démocratie interne, sur la lisibilité et le sens de notre syndicalisme de transformation sociale, est portée par toutes les structures de la CFDT. Des centaines de débats ont déjà eu lieu et des milliers de militants et adhérents y ont pris part. Les membres du Bureau national, de la Commission exécutive et moi-même avons participé à plus de 100 débats dans toute la France et rencontré plus de 10 000 militants et adhérents.
- La nouvelle énergie que la CFDT puise dans ces échanges est un levier important pour renforcer et approfondir sa conception du syndicalisme de transformation sociale. Ces débats vont se poursuivre jusqu'à l'été et nous en tirerons ensemble les enseignements lors de notre Conseil national d'octobre prochain.
- Lucides sur les difficultés à surmonter, conscients de l'ampleur de la tâche, et déterminés sur la responsabilité qui est la leur, les responsables CFDT se sont montrés très critiques sur les annonces du Premier ministre, interrogatifs sur la capacité de ce gouvernement à réformer, et ont appelé la confédération à renforcer sa vigilance à l'égard des projets de réformes.
2. Le gouvernement persiste dans les mêmes erreurs
Après le " je vous ai compris " du président de la République, le nouveau gouvernement persiste dans les mêmes erreurs :
- attente de la relance économique par l'extérieur ;
- baisse des impôts au mépris des déficits publics et des besoins urgents de cohésion sociale ;
- allégements des charges des entreprises sans contrepartie ;
- efforts pesant toujours sur les mêmes : exemple de la dépendance (Apa) financée par un jour férié supprimé pour les salariés.
Deux ans de cette politique n'ont apporté aucun résultat positif ni pour la croissance ni pour l'emploi.
1/ Cette politique économique prive l'Etat des moyens nécessaires à une stratégie efficace en matière d'emploi et de traitement social du chômage.
2/ Cet entêtement dans l'erreur est à la fois incompréhensible et inadmissible pour les salariés. En outre, il n'est pas de nature à leur redonner confiance sur sa capacité à conduire de nouvelles réformes.
3/ Le gouvernement continue à ignorer les fonctionnaires: rien sur les salaires, les longues carrières, et le dialogue social.
3. La politique de l'emploi et le traitement social du chômage
Plus que jamais, l'emploi est la priorité de la CFDT. C'est d'abord sur ce terrain que nous voulons combattre les phénomènes d'exclusion et d'insécurité.
Pour nous, cette priorité ne date pas d'hier, ni des élections régionales.
La CFDT porte cette exigence depuis longtemps et l'a remise en avant dès 2002 alors que le chômage repartait à la hausse.
Sourd à nos alertes répétées, le gouvernement n'a pas pris la mesure de la gravité de la situation de l'emploi et des effets d'exclusion qu'elle entraîne.
Pire, obstiné à réduire le budget de l'emploi, il a retiré le filet de sécurité de l'allocation de solidarité spécifique (l'ASS) tentant de renvoyer à la seule solidarité des salariés, la responsabilité de l'accompagnement social du chômage.
Ce désengagement de l'État n'est pas pour nous surprendre : il est la suite logique de la politique libérale affichée par ce gouvernement. Ce qui est plus surprenant, c'est que cette politique de désengagement rencontre le soutien objectif de ceux qui attendent tout de l'Unedic, qu'il s'agisse d'assumer seul la politique culturelle à travers l'indemnisation des intermittents du spectacle ou de se substituer totalement à la solidarité nationale concernant l'indemnisation des chômeurs de longue durée. Il serait temps de distinguer plus nettement ce qui revient à la solidarité entre les salariés et ce qui revient à la solidarité nationale : le salariat ne peut pas et ne doit pas tout payer.
Alors certes les dossiers de l'emploi sont ouverts :
- le président de la République a annoncé une loi de mobilisation sur l'emploi ;
- des rapports ont été remis (Marimbert et de Virville) sur cette question.
Mais nous ne connaissons rien des intentions du gouvernement, ni de la suite qui sera donnée aux 44 propositions du Medef dont plusieurs concernent la négociation sur l'emploi.
C'est dans ce contexte d'incertitudes et de surenchère patronale que se tiendra cet après-midi une nouvelle séance de négociation sur l'emploi et les restructurations. Il est évident que cette séance ne saurait être la dernière.
La protection et le développement de l'emploi ne peuvent pas s'accommoder des déclarations patronales qui visent à réduire systématiquement les procédures et protections du code du travail.
Dans un contexte économique très difficile, où les restructurations, les plans sociaux et les licenciements restent nombreux, les salariés attendent un meilleur traitement des problèmes économiques dans l'entreprise, et encore plus lorsqu'il y a restructuration et plan social !
La CFDT rappelle au patronat ses exigences en la matière :
- une meilleure anticipation des mutations ;
- une réelle adaptation des emplois en amont des restructurations ;
- des plans de sauvegarde de l'emploi renforcés ;
- la réduction des inégalités de traitement, selon que l'on travaille dans une grande entreprise, dans une PME ou dans une TPE.
Mais, au-delà, nous demandons que la responsabilité des entreprises soit accrue dans les efforts de reclassement des salariés.
Pour la CFDT, la question du reclassement est centrale. C'est d'ailleurs ce qui nous a amené à proposer la création d'un contrat de reclassement personnalisé, ouvert, en particulier, aux salariés qui rencontrent des difficultés importantes. Un contrat adapté à la situation professionnelle de chaque cas, et pouvant aller jusqu'à 12 mois. Il doit être directement à la charge des entreprises, ou assumé dans le cadre d'une mutualisation des moyens pour les petites entreprises.
Nous sommes engagés dans une discussion difficile. Nous gardons la volonté d'aboutir. Mais pour la CFDT, les choses sont claires :
- ou le Medef recule sur ses prétentions et le gouvernement clarifie ses intentions et nous entrons dans une négociation privilégiant la protection et le développement de l'emploi ;
- ou bien, rien n'est clarifié par le gouvernement et le Medef persiste dans son attitude et il n'y a pas accord ou s'il y a accord ce sera sans la signature de la CFDT.
4. L' Assurance maladie
Avec le changement de gouvernement, le calendrier précédemment établi risque de subir quelques modifications.
Nous attendons donc un premier schéma de réforme dès ce mois-ci, pour mener une discussion approfondie dans les deux ou trois mois qui viennent. Prendre le temps nécessaire à la concertation avec l'ensemble des différents acteurs est, sur la forme, une donnée importante.
Mais au-delà de la forme, nous attendons des engagements du gouvernement sur le contenu.
Entre 1945 et aujourd'hui, notre système d'assurance maladie a profondément évolué. Lors de la création de la Sécurité sociale, il assurait principalement un revenu de remplacement au salarié en cas de maladie nécessitant une interruption de travail. Au fil des années, avec les progrès de la médecine, l'évolution de la société, notre système a contribué à l'amélioration de l'état sanitaire de la population, en permettant, par la prise en charge des frais, l'accès aux soins à tous et il s'est affirmé comme un pilier de notre contrat social.
Au cours de cette évolution, ont surgi d'autres acteurs : les mutuelles, les institutions de prévoyances et les assureurs.
La réforme doit permettre de franchir une nouvelle étape :
- en recherchant un meilleur accès aux soins pour l'ensemble de la population (7 à 9 % ne sont toujours pas couverts par une complémentaire santé) ;
- en coordonnant les fonctions de remboursement assurées par les régimes obligatoires d'une part et les régimes complémentaires d'autre part.
Voilà les principes directeurs de nos propositions. Propositions qui visent à s'attaquer aux inégalités et non pas à ressusciter un système dans les formes et dans les conditions où il a été créé.
A - Notre premier objectif, est donc d'assurer une plus grande égalité dans l'accès aux soins. Cette égalité implique une garantie de soins permettant :
- une couverture intégrale des soins utiles et indispensables ;
- une organisation de l'offre de soins qui permette à chacun quelle que soit sa situation géographique et professionnelle d'y accéder ;
- une qualité des soins.
Une couverture complète pour chacun par une complémentaire pour tous grâce à une aide permettant à ceux qui n'en ont pas d'y accéder et un droit à la prévoyance pour tous.
C'est pourquoi, nous demandons à l'occasion de cette réforme, la généralisation de la prévoyance invalidité, incapacité, décès. Cette généralisation passe par la création d'un droit qui devra être mis en place par la négociation d'un accord interprofessionnel complétant la loi sur la mensualisation.
Pour garantir l'accès aux soins
Il s'agit d'avoir une action efficace sur l'organisation du système de soins et sur la lutte contre les inégalités. C'est en partie, du fait, de la non coordination entre les régimes obligatoires et les régimes complémentaires, que l'on a abouti à la création de la CMU. Le report de charge de la dépense sur les usagers, via le ticket modérateur et autres forfaits hospitaliers, a abouti à l'exclusion de nombreux citoyens de l'accès aux soins.
La coordination des deux financeurs est indispensable pour atteindre des objectifs de solidarité et de justice sociale.
B - Le 2ème objectif est le renforcement d'un système financé de manière solidaire.
Le Haut Conseil est unanime pour constater que les dépenses de santé continueront à croître du fait du vieillissement de la population et du progrès technique.
Dans ce cas, il y a 2 solutions :
- soit on fait reposer la charge des dépenses sur les personnes en aggravant les inégalités ;
- soit on augmente le financement collectif en cohérence avec le principe fondateur : chacun paie selon ses moyens et reçoit selon ses besoins.
C'est pourquoi, nous sommes favorables à une évolution de la CSG pour financer la Sécurité sociale.
Mais cette position nécessite un pilotage du système, notamment dans son organisation, car il n'est pas acceptable de faire appel à un financement collectif, sans s'engager dans une action résolue pour organiser l'offre de soins et mettre fin à une mauvaise organisation dans l'installation des médecins libéraux, dans la formation de ceux-ci générant du même coup des inégalités insupportables.
À cette contribution doit s'ajouter bien évidemment la participation des entreprises. Nous sommes pour le maintien des cotisations dites " part employeur " et nous proposons une contribution sur les bénéfices des entreprises (CSB). Celle-ci avait été créée pour alimenter entre autres taxes, le Forec. Comme vous le savez, ce fonds rassemblait l'essentiel des dépenses d'exonérations de cotisations sociales. Le gouvernement vient de dissoudre le fonds. Toutes les taxes servant à payer ces exonérations réintègrent donc le budget de l'État. Nous demandons que cette contribution sur les bénéfices revienne dans le giron de la protection sociale, au bénéfice de l'assurance maladie.
C - Pour avancer sur ces objectifs, il nous faut faire évoluer le système de pilotage ou de gouvernance de l'assurance maladie.
Le paritarisme dans la gestion de l'assurance maladie ne correspond plus à la réalité du système, ni aux objectifs que l'on veut lui donner. La fonction de couverture du risque sur laquelle s'est créée et développée l'assurance maladie ne peut plus être dissociée de l'organisation du système de soins. C'est l'un des constats du Haut Conseil approuvé par tous. Ce constat nous invite à repenser la place des partenaires sociaux qui ne peut plus être comparée avec celle qu'ils ont dans d'autres systèmes de protection sociale.
Entre une pure étatisation, qui consisterait à donner à l'État toute la responsabilité, avec le risque certain de voir un report de la dépense sur les usagers ou les complémentaires, et une privatisation qui consisterait à mettre les assureurs en concurrence entre eux, nous proposons un système qui implique les différents acteurs.
Les partenaires sociaux doivent donc être impliqués avec d'autres, dans le cadre d'un conseil élargi. Par contre, leur implication dans la gestion directe doit fortement évoluer. Une délégation plus large à un exécutif opérationnel doit constituer un élément de cette évolution.
Les partenaires sociaux ont une responsabilité spécifique sur les questions de santé au travail et des éléments qui s'y rattachent en terme de réparation (ATMP, Prévoyance) mais les acteurs de l'entreprise ne peuvent s'exonérer de leur responsabilité globale, la santé forme un tout. Le Medef doit revenir dans la globalité du dossier sécu, s'il veut prendre toute sa place dans la commission ATMP.
Le rôle de l'État doit aussi progresser. Il doit définir les politiques de santé, les priorités et les orientations concernant le périmètre de remboursement. Son rôle dans l'organisation de l'offre de soins quelle qu'elle soit, pour que celle-ci réponde à l'équité devant l'accès aux soins, doit être réaffirmée. Dans ces conditions et dans le cadre d'une assurance maladie rénovée, celle-ci doit participer clairement à la mise en uvre des relations Ville - Hôpital.
Conclusion sur l'Europe
Je voudrais conclure sur l'Europe, l'année 2004 est une année fondamentale pour l'Europe qui va, avec l'élargissement, reprendre après 50 ans d'interruption son histoire commune.
C'est une bonne nouvelle, c'est une chance, il faut que ce soit aussi une réussite.
Nous sommes lucides sur les difficultés à surmonter mais ce que l'Europe a réussi au Sud, elle peut le réussir à l'Est, si elle s'en donne les moyens.
Et les discours craintifs, insistant sur les risques, occultent les perspectives positives dont l'élargissement est porteur, notamment :
- l'ancrage de ces nouveaux pays dans un espace de paix, de démocratie et de progrès. Par une dynamique de rattrapage dans plusieurs domaines : démocratie, administration, santé sécurité, environnement, etc. ;
- de nouveaux marchés pour les entreprises françaises et les autres membres de l'Union européenne ;
- une accélération du développement économique des pays entrants, facteur de cohésion économique et sociale dans toute l'Union.
L'autre évènement européen concerne les prochaines élections des députés européens.
Sur ce point, la CFDT est mobilisée mais inquiète.
Alors que l'Europe est fragilisée, avec,
- les divisions qu'elle a connues sur l'Irak ;
- la remise en cause du Pacte de stabilité et de croissance ;
- l'échec de l'adoption du projet de Constitution ;
- l'accentuation des délocalisations et des restructurations avec des conséquences importantes sur l'emploi, la place faite aux enjeux européens dans le débat public national n'est pas à la hauteur des défis.
Nous ne voyons pas encore venir le sursaut politique qui confirmerait que la France veut jouer pleinement son rôle dans l'avenir de l'Europe. Nous assistons au contraire à un comportement désinvolte de nos gouvernants au regard des règles du jeu qu'ils ont eux-mêmes contribué à élaborer. Notre calendrier national boude le calendrier européen. Les forces politiques s'orientent davantage pour faire des élections européennes, un nouvel enjeu franco-français, qu'un grand débat sur l'avenir et la réussite de l'Europe.
Ce déficit de débat public est dangereux pour la démocratie européenne et nationale, En ne donnant pas à voir, à comprendre et à espérer dans l'Europe, c'est le discours extrémiste, pessimiste et anti-européen qui insidieusement se renforce.
Ce déni d'Europe est irresponsable au moment où la France devrait être force d'entraînement dans la nécessaire consolidation des politiques européennes en matière fiscale et sociale, dans la recherche et le développement, dans les infrastructures, dans le domaine industriel pour faire échec au dumping social et créer des emplois durables.
C'est pourquoi, la CFDT et les syndicalistes européens de la CES se sont mobilisés les 2 et 3 avril pour l'Europe de l'emploi. L'emploi, notre priorité syndicale, ne relève pas seulement de solutions nationales, il passe par l'Europe, il appelle à une stratégie et un pilotage européens qu'il est urgent de mettre en uvre.
(source http://www.cfdt.fr, le 9 avril 2004)