Déclaration de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, et entretiens avec les médias et la radio allemande "ARD", sur la construction européenne, notamment le rôle des relations franco-allemandes, la perspective d'une adhésion de la Turquie à l'Union européenne et l'enjeu d'une politique étrangère commune, Paris le 15 avril 2004.

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Circonstance : Réception en l'honneur des jeunes diplomates français et allemands, à Paris le 15 avril 2004

Média : ARD - Presse étrangère

Texte intégral

(Déclaration à Paris le 15 avril 2004) :
Je suis très heureux de vous accueillir et de vous saluer collectivement. Je vous souhaite la bienvenue et je le dis en particulier aux onze jeunes diplomates, issus des concours de la diplomatie de la République fédérale et également, naturellement, à ceux d'entre vous qui sont issus de l'École nationale de l'Administration, du concours d'Orient du ministère des Affaires étrangères ou des Instituts régionaux de l'administration et qui embrassent, si je puis dire, la carrière diplomatique qui est une des missions les plus exigeantes, beaucoup plus difficile qu'on ne le croit et qui exige souvent du courage et qui est en tout cas une des plus passionnantes. C'est peut-être le premier message que je voulais vous adresser au début de cet engagement de votre part.
Je suis très heureux que ce soit ensemble, Français et Allemand, que nous vous recevions ici. Pour moi, cette coopération franco-allemande dont je suis un des porteurs aujourd'hui, un des acteurs comme ministre français, est extrêmement importante. D'ailleurs, si vous deviez franchir cette porte - mais je peux peut-être la faire ouvrir -, peut-être que vous l'apprécierez mieux. Je ne l'avais pas posée exprès pour que vous la voyiez, mais, il y a dans mon bureau, vous la regarderez tout à l'heure, une photo que j'ai depuis que j'ai 15 ans, qui est la raison de mon engagement personnel dans l'action politique, c'est la poignée de main sur le perron de l'Élysée entre le chancelier fédéral Konrad Adenauer et le général de Gaulle. Je suis devenu, je le dis souvent parce que c'est vrai, le même jour et à cet âge-là, gaulliste et européen et je n'ai pas changé. Et cette photo m'accompagne, elle était à Bruxelles il y a quelques jours et est aujourd'hui au Quai d'Orsay comme la première raison d'un engagement dont je reste définitivement fier.
J'attacherai beaucoup de prix, naturellement avec M. Fischer et les autres responsables de la République fédérale d'Allemagne, à la qualité, à la sincérité de ce dialogue, de ce travail en commun. Nos deux ministères, Auswärtiges Amt et le ministère des Affaires étrangères, sont pilotes dans cette coopération mais elle ne se résume, elle ne se limite pas, s'agissant de nos administrations, à ce qui se passe entre ces deux ministères pilotes. J'observe avec attention que dans d'autres ministères, l'Économie, l'Agriculture, on pourrait multiplier la liste, des progrès ont été faits dans cette culture de travail en commun.
J'ai tenu, en arrivant ici il y a quelques jours, à ce qu'un jeune diplomate allemand, Christian Heldt soit affecté à mon cabinet, en même temps qu'il y sera au cabinet de Claudie Haigneré, ministre des Affaires européennes et c'est dans l'autre sens, parallèlement, le cas de Vincent Guérand qui travaille au ministère des Affaires étrangères de la République fédérale.
Je serai donc très attentif à cette qualité de travail qui passe naturellement par, au-delà des échanges, des stages, comme beaucoup d'entre vous vont en faire, en particulier pour les jeunes diplomates allemands qui sont ici auprès de nos différentes directions, qui passe aussi par l'apprentissage et la pratique de nos langues réciproques.
J'entendais, il y a quelques jours, qu'il y avait eu un débat au Bundestag sur la pratique de la langue allemande dans les institutions européennes. Comme commissaire européen pendant presque cinq ans, j'ai été également très attentif à ce que la langue française ne recule pas et je peux comprendre le souci allemand sur ce point.
Je dis souvent que la pratique de nos langues, même si elle est compliquée, est la preuve que l'Europe est unie, sans être uniforme. Et même si c'est compliqué, même si cela coûte cher d'avoir des interprètes, c'est tout de même mieux que de parler une seule langue, qui ne serait ni l'allemand, ni le français. Donc, je pense qu'au moment où nos compatriotes, d'un côté ou de l'autre du Rhin et partout en Europe, sont à la fois inquiets et intéressés par l'avenir du projet européen, il faut au moins les rassurer d'abord sur cette question-là, de notre identité, de nos racines, de nos cultures. Il ne s'agit pas de mélanger, ou d'effacer, ou d'ignorer. Le général de Gaulle, que j'ai cité tout à l'heure, avait écrit : "l'Europe ne doit pas broyer les peuples comme dans une purée de marrons". Je ne sais pas comment on dit "purée de marrons" en allemand, mais on devrait trouver une expression comparable. Prenons garde. Dans le respect de nos identités et au coeur de ces identités nationales, il y a naturellement notre langue. Dans le respect de ces identités, dans les échanges comme ceux dont vous êtes les témoins, les acteurs et la preuve, construisons cette Europe qui ne doit pas être uniforme, mais qui doit être unie.
Vous arrivez dans la carrière diplomatique, à un moment extrêmement passionnant et grave de la construction européenne : au moment de cette réunification, avec l'accueil de dix, douze et sans doute plus de nouvelles nations, à un moment où nous sommes interpellés de l'intérieur et de l'extérieur par beaucoup de défis, ceux que nous nous sommes donnés à nous-mêmes, au premier rang desquels l'élargissement, la préservation de notre modèle social, économique et culturel, la gouvernance économique, ou avec les progrès à faire avec l'euro, mais aussi des défis extérieurs qui nous sont imposés par la société mondiale telle qu'elle est.
Au premier rang de ces défis, ces questions que nous nous sommes posées en tant qu'homme politique ou diplomate : qu'est-ce qu'on veut faire ensemble, au-delà de ce que nous avons déjà fait qui est considérable ? Est-ce qu'on veut être un grand marché organisé, une puissance régionale ? Est-ce que l'on veut être plus que cela ? Moi, j'ai l'ambition que nous soyons plus qu'une puissance régionale, que nous soyons à la table des grandes puissances qui vont organiser les affaires du monde autrement qu'elles ne le sont aujourd'hui. Comme aucun d'entre nous n'est capable d'être tout seul à cette table, ce n'est qu'ensemble qu'on y sera ou alors nous n'y serons pas. Donc, l'ambition à laquelle je vais travailler, sous l'autorité du président de la République française, c'est patiemment, dans le respect de nos alliances, dans le respect des autres puissances, à condition qu'elles nous respectent, de faire que l'Europe devienne cette puissance, capable de porter un message et de participer à une autre organisation du monde. C'est une ambition, c'est un objectif. Il faut des outils si on a l'objectif et si on a l'ambition.
J'ai beaucoup travaillé à ces outils depuis cinq ans avec le ministre fédéral, avec d'autres encore, et naturellement sous l'autorité de nos chefs de gouvernement, chefs d'État, le président d'un côté, le chancelier de l'autre. Et d'une manière ou d'une autre, dès l'instant où vous êtes diplomate, vous allez devoir utiliser ces outils. S'agissant de la défense, puisque j'ai eu la chance de présider le groupe sur la défense de la Convention européenne, ou s'agissant de la politique étrangère, il y a, dans cette future Constitution européenne que nous voulons voir aboutir le plus vite possible, les outils qui seront à votre disposition, si les hommes politiques de nos pays le veulent, pour construire cette puissance politique européenne, pour donner à cette Union européenne qui est essentiellement économique aujourd'hui, la dimension politique qui lui manque et dont elle a besoin pour jouer ce rôle dans le monde, mais aussi pour consolider tout ce que nous avons fait depuis 50 ans.
Ma conviction, c'est que toute cette construction essentiellement économique, budgétaire, monétaire est fragile dans le monde d'aujourd'hui, si nous ne la complétons pas, si nous la consolidons pas, par une dimension politique avec une politique étrangère commune et une politique de défense commune ; puisque vous avez la chance d'être diplomates, j'espère que vous pourrez, d'une manière ou d'une autre, contribuer à ce que j'ai appelé un jour une "culture diplomatique commune" pour les Européens, non pas unique mais commune et qui nous a fait tant défaut dans les années ou dans les mois passés. C'est une des leçons que je tire de la division des Européens sur la crise irakienne et plus tragiquement encore de notre incapacité à empêcher, en Europe même, il y a une douzaine d'années à peine, une guerre moyenâgeuse dans les Balkans qui a provoqué la mort de plus de 200.000 citoyens. On a tiré quelques-uns leçons de cette crise avec la création du poste de Haut-Représentant, on en a tiré d'autres avec la proposition de création d'un ministre européen des Affaires étrangères, alors, ayant tiré ces leçons, ayant créé les outils, ayant créé ce lieu, que sera le ministère européen des Affaires étrangères, qui ne se substituera pas à nos ministères, mais s'y ajoutera et sera le lieu où se forgera ce que j'ai appelé la culture diplomatique, il faudra jouer un rôle et je vous encourage et je vous invite à avoir l'ambition de travailler dans cet endroit, y compris entre nos deux pays. Il y a beaucoup de choses à faire, à condition de ne pas le faire seulement entre nous Français et Allemands, et avec les autres.
Mon dernier message sera, en tant que l'un des militants de la coopération franco-allemande, de vous dire une autre conviction. Dans l'Europe d'aujourd'hui, qui change de dimension, qui va être une Europe de 25 ou 27 nations et non plus six ou neuf ou douze, ce dialogue franco-allemand est en quelque sorte de plus en plus nécessaire et de moins en moins suffisant. Il faut le consolider et c'est tout à fait dans cet état d'esprit que se trouvent nos dirigeants, le président et le chancelier, mais il faut aussi l'ouvrir à d'autres pays, au sud, au nord, sur notre ouest, sur notre est, je pense par exemple à l'Espagne, il faut que ce dialogue ne soit pas singulier, il faut qu'il soit ouvert. Travaillons toujours ensemble, et ce sera votre tâche principale pour plusieurs d'entre vous mais n'oublions pas, très vite, de travailler avec les autres, de les écouter et de les associer.
Je voulais vous dire cela en m'excusant peut-être d'avoir débordé un peu du cadre qui était celui de ce propos d'introduction et vous dire qu'en ce qui me concerne, vous trouverez toujours au ministère français des Affaires étrangères un ministre, aussi longtemps que je serai ici, passionné et engagé sur ce dialogue franco-allemand. Au-delà des mots, j'attache beaucoup d'importance à ce que dans la pratique, dans les faits, dans le travail en commun, il y ait une réalité, une preuve de ce dialogue et de cette coopération. Je vous souhaite bon vent, bonne route dans votre carrière, dans votre mission - je préfère dire mission que carrière - et je suis très heureux de vous avoir accueillis aujourd'hui.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 avril 2004)
(Entretien avec les médias, à Paris le 15 avril 2004) :
Q - On a le sentiment que la position de la France sur l'adhésion a changé. Qu'en est-il ?
R - Je le dis et je le répète, la ligne de la France n'a pas changé. Nous souhaitons maintenir, continuer, consolider le dialogue qui a été noué depuis 40 ans avec ce grand pays, notre voisin. J'ai également dit la vérité sur l'état de la discussion et de ce dialogue. Il n'est pas question que la Turquie entre demain dans l'Union. Et ceux qui le disent, qui font croire cela, ne disent pas la vérité. Maintenant, il faut remettre ce dialogue dans sa perspective historique et d'avenir. Ce dialogue a été engagé il y a 40 ans, par les chefs d'État et de gouvernement des six pays fondateurs de la Communauté économique européenne, parmi lesquels le général de Gaulle et le chancelier fédéral Konrad Adenauer qui, eux, ne regardaient pas en arrière et qui voyaient l'importance de la Turquie, qui était, à l'époque, assez loin des frontières de la Communauté. La Grèce n'était pas membre de l'Union à cette époque, et la Communauté voyait bien l'intérêt, et de la Turquie et des pays européens, d'engager ce partenariat et ce dialogue. Je suis très soucieux qu'on se souvienne de cette histoire-là, qui date de 40 ans, et de la vision de ces hommes d'État : le général de Gaulle et le chancelier Adenauer notamment. Depuis l'époque dont je parle, le dialogue a été toujours maintenu. Personne, aucun président de la République française, aucun ministre ne l'a remis en cause. Et la Turquie s'est mise sur la route et s'est préparée dans la perspective d'une adhésion future. Voilà pour l'histoire, telle qu'elle est, et s'agissant de l'actualité, nous attendons, à l'automne, le rapport de la Commission européenne qui dira objectivement si et quand une négociation d'adhésion peut être ouverte, puisqu'il n'y a pas, pour l'instant, de négociation d'adhésion avec la Turquie. Nous en sommes là.
Q - Votre parti politique ?
R - Moi, je ne suis pas là pour dire autre chose que ce que pense le gouvernement français et c'est donc ce que je viens de faire. Nous sommes attentifs à ce que les partis politiques, notamment ceux de la majorité parlementaire, disent ou pensent. Nous avons un dialogue avec les partis et nous continuerons ce dialogue. Mais ce que disent les partis politiques est une chose. Nous avons, s'agissant de la Turquie, une histoire, des engagements, une parole : cela est la position du gouvernement français.
Q - L'option d'un partenariat privilégié, prôné par la droite en Allemagne, pourrait-il être l'option ?
R - Je n'irai pas au-delà aujourd'hui dans l'explication ou la prévision de ce qui va se passer avec la Turquie. Nous attendons de voir le contenu et les perspectives qu'ouvrira le rapport de la Commission européenne comme c'est son rôle. Chaque chose en son temps. Et je pense qu'il est important, quand on parle de ce sujet, de se souvenir de l'histoire, des paroles données et des engagements pris et de dire aussi la vérité. Il n'est pas question d'une adhésion de la Turquie à court terme aujourd'hui, cela est la vérité. La question est de savoir si, à partir de l'automne, on engagera, on commencera ou pas, une négociation d'adhésion avec ce pays. Voilà ce dont il est question.
Q - Est-ce que l'on peut revenir à l'Europe. Elle est en train de s'élargir, vous l'avez dit. Est-ce que l'on peut facilement définir une politique commune en matière de politique étrangère ?
R - Pas facilement. Rien n'est facile quand on est aussi nombreux et qu'on a des histoires, des amitiés, des traditions, des cultures différentes. Donc, il faut, bien sûr, avoir la volonté. Quand on est dans l'Union, on a la volonté d'être ensemble et d'agir ensemble. Il faut avoir des outils au service de cette volonté. C'est là l'intérêt d'avoir, bientôt je l'espère, un ministère européen des Affaires étrangères, qui sera le lieu où se forgeront une culture diplomatique commune, une analyse géopolitique commune. Comment parvient-on, quand on a beaucoup de différences, beaucoup d'histoires différentes, à adopter une position commune lorsqu'il y a une urgence, une crise, une difficulté ? Ce n'est pas dans l'improvisation, mais c'est parce qu'on a préalablement fait des analyses communes, une étude de la géopolitique ensemble. Donc, il faut des lieux pour cela. C'est pourquoi, je crois beaucoup à ce ministère qui s'ajoutera à ce que font nos différents ministères nationaux qu'il ne remplacera pas.
Q - Qu'attendez-vous du rapport de la Commission sur la Turquie ?
R - Ne me demandez pas de faire, comme ministre français, le travail de la Commission européenne avant qu'elle ne l'ait fait. Je voudrais qu'on respecte les délais, qu'on dise les choses, dans leur perspective historique et d'avenir. Pour l'instant, nous attendons le rapport de la Commission qui va nous dire si c'est réaliste. C'est à elle de nous le dire, c'est son rôle, celui que lui confèrent les Traités.
Q - (Sur le rôle du Parlement européen dans le processus d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne)
R - Nous verrons bien. Si vous cherchez des réponses à toutes les questions sans respecter les délais, les procédures, les étapes, vous rendrez la situation plus difficile. Prenons les choses une à une. Rappelons-nous l'histoire. Voyons la géographie. Regardons où se trouve l'intérêt en terme de stabilité, de sécurité, et de la Turquie et de l'Union européenne, et puis respectons les procédures et les délais. Voilà ce que je dirai, en pensant à la fois au Parlement européen - nous verrons bien ce qu'il sera avec les élections européennes -, aux Parlements nationaux, aux partis politiques et au gouvernement. Ce que je sais, c'est que c'est une question extrêmement importante, pour nous tous et qu'il faut éviter les simplifications pour l'aborder d'une bonne manière.
Q - On peut poser une question sur l'Irak ? La question des otages. Est-ce que vous voyez depuis les dernières semaines, des divisions à l'intérieur de l'Europe sur l'Irak ?
R - Nous allons évaluer la situation, entre Européens, dans les jours qui viennent, puisque je vais rencontrer tous mes collègues ministres des Affaires étrangères européens en Irlande demain et après-demain. Mais, ce que nous voyons sur le terrain, c'est une spirale de violence, d'instabilité, qui touche la population civile, les Irakiens, les étrangers, et qui n'épargne pas les lieux symboliques de l'Islam. Ceci est à la fois très inquiétant et très grave. Et ce que je veux simplement dire, en rappelant une position très forte exprimée par le président de la République et le gouvernement français depuis le début de cette crise, c'est que la bonne réponse, la vraie réponse pour nous, n'est pas une réponse militaire, c'est une réponse politique. Et notre souci, notre objectif principal, c'est que les Irakiens gouvernent l'Irak. Voilà pourquoi nous soutenons l'idée d'une conférence où toutes les forces politiques irakiennes se retrouveraient pour déterminer et vérifier les conditions, la sincérité de ce transfert de souveraineté absolument indispensable. Et dans le cadre de cette conférence, on peut imaginer aussi que les pays de la région qui sont très concernés et mobilisés, ainsi que les autres pays de la communauté internationale soient là pour soutenir et encourager ce dialogue politique entre les forces politiques d'Irak.
Q - On a l'impression dans ce que vous dites que vous êtes dans la continuité de votre prédécesseur. Est-ce qu'il y a un élément dans votre style, qui vous fera vous démarquer ?
R - Je n'ai aucun problème pour continuer. J'en ai d'autant moins que Dominique de Villepin est, depuis très longtemps, un de mes amis personnels et réciproquement. Et j'en ai encore moins si je rappelle qu'en France - c'est l'un des principes de la Ve République - la politique étrangère est exprimée et incarnée par le président de la République, qui lui, n'a pas changé. Alors, une différence, il y en a dans les tempéraments, dans les styles mais j'ai l'intention de continuer, comme Dominique de Villepin, à animer une diplomatie de l'initiative et de l'action, pour que la France joue son rôle chaque fois qu'elle le peut, aussi souvent qu'elle le doit et qu'elle le peut, pour aider à résoudre des conflits ou des crises, partout dans le monde où nous pouvons être utiles. J'ai l'idée aussi, comme je l'ai exprimé devant ces jeunes diplomates français et allemands, que le projet européen se consolide dans sa dimension politique et de défense, mais en même temps il faut qu'il ait le plus vite possible les moyens de travailler et d'avancer avec une Constitution. J'ai enfin le souci, que j'ai exprimé dès le premier jour de mon arrivée, de bien utiliser, de faire très attention à ce formidable outil pour l'influence française, pour les idées françaises, qu'est le ministère des Affaires étrangères, dans toutes ses dimensions, aussi bien à Paris, que dans nos postes diplomatiques et consulaires et dans nos réseaux culturels. Mais la différence de style, c'est à vous de l'observer.
Q - Sur les otages. Un otage italien a été assassiné. Est-ce que l'on ne pourrait pas dire, nous Français, c'est un Européen qui a été assassiné, et au nom de ce principe, avoir une intervention ?
R - J'ai eu ce matin le ministre italien des Affaires étrangères, M. Frattini, pour lui exprimer nos condoléances, à l'attention de la famille de ce citoyen italien qui a été assassiné et notre soutien face aux difficultés dans lesquelles il se trouve. Pour le reste, nous allons travailler ensemble avec tous les pays européens dans les jours qui viennent en Irlande.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 avril 2004)
(Entretien avec la radio allemande "ARD", à Paris le 15 avril 2004) :
Q - Monsieur le Ministre, on a entendu, la dernière semaine, je pense, M. Juppé parler de l'adhésion de la Turquie dans l'Union européenne. Il a mentionné ses doutes à l'égard de cette adhésion. Qu'en pensez-vous ?
R - D'abord, je trouve très important que les partis politiques, en Allemagne, en France, aient un débat sur ces sujets des frontières de l'Union européenne, de l'adhésion éventuelle et future d'autres pays. C'est très important qu'on en parle, le pire c'est qu'on n'en parle pas, parce que le silence entretient toujours les peurs, peut nourrir toutes les démagogies donc, il faut qu'on parle des sujets, qu'on explique, qu'on dialogue avec les citoyens.
S'agissant de la Turquie, la position française, du gouvernement français, du président de la République reste la même. Nous voulons nous souvenir de l'histoire, de notre dialogue avec la Turquie. Voilà 40 ans que ce dialogue a été engagé par la volonté des six pays fondateurs de la Communauté européenne. A l'époque, c'était le chancelier Konrad Adenauer qui était le chancelier fédéral allemand, le président de la République française s'appelait le général de Gaulle et ils ont pensé que c'était important, utile, pour la stabilité, pour la paix, pour la sécurité, d'avoir un dialogue avec la Turquie, qui était encore très loin des frontières de la Communauté. Et ce dialogue a été engagé depuis 40 ans, sur le plan économique, sur le plan commercial, sur le plan politique. Et jamais, depuis 40 ans, personne n'a interrompu ce dialogue. Et la perspective a été engagée, ouverte, d'une adhésion future et la Turquie s'est préparée. Voilà pour l'histoire. Et il faut se souvenir de l'histoire.
La deuxième chose que je peux dire, c'est l'actualité. Nous attendons de la Commission européenne un rapport à l'automne prochain, qui dira si la Turquie est prête ou si elle n'est pas prête et quand elle sera prête pour ouvrir des négociations d'adhésion qui n'ont jamais été engagées avec la Turquie. Il y a un dialogue mais il n'y a pas eu de négociations d'adhésion. Nous allons attendre ce rapport et nous avons besoin de ce rapport. Voilà ce que je peux dire. En attendant, notre souci c'est qu'on préserve, qu'on entretienne, qu'on encourage ce dialogue avec ce grand pays, dans son intérêt et dans le nôtre. Voilà ce que je pense.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 avril 2004)