Texte intégral
J.-J. Bourdin-. Dans Le Figaro Magazine d'aujourd'hui, le Premier ministre estime que "la gauche est décevante et qu'elle n'assume pas son éthique des responsabilités." Vous êtes d'accord ? Elle est décevante ?
- "C'est surtout le cas en Provence-Alpes-Côte d'Azur, où elle est arrogante et où elle dépense l'argent public d'une manière tout à fait contestable, en publicité et en cadeaux. Et j'espère bien que la Chambre régionale des comptes, un jour, s'intéressera à toutes ces dérives."
C'est-à-dire ?
- "C'est-à-dire que quand on distribue des sièges pour bébé, quand on distribue des ordinateurs, quand on veut donner un chèque à chaque lycéen en lycée professionnel... Alors, heureusement, hier, le Conseil régional a décidé qu'on donnerait cet argent aux proviseurs, aux chefs d'établissement qui le répartiront. Mais quand même ! A un an des élections, il y a des procédés sur lesquels on pourrait réfléchir et qui ne sont pas toujours dignes de la démocratie."
N. Sarkozy disait hier qu'il ne faut pas "humilier les minorités." Il l'a dit en s'adressant à J.-P. Raffarin. Il lui donnait peut-être une leçon ?
- "Je ne pense pas qu'il donne de leçon. Il est exact que le Premier ministre a suffisamment de préoccupations pour ne pas trop s'intéresser aux excès de l'opposition. Pour autant, dans notre vie politique, il peut toujours y avoir un peu d'humour. Alors, quand on fait du politiquement correct, on nous demande ce que l'on fait. Et quand on fait un peu d'humour, on nous reproche de faire de l'humour ! Allez ! J.-P. Raffarin est un excellent Premier ministre, je le soutiens. Quant à N. Sarkozy, il a fait encore la preuve, cette nuit à l'Assemblée nationale, qu'il savait défendre les textes qui intéressent les Françaises et les Français. Le reste, c'est l'écume des jours."
A propos des mouvements sociaux, vous avez décidé de payer aux éboueurs marseillais, employés par la municipalité, la moitié des treize jours de grève. Pourquoi ?
- "Parce que c'est la première fois, depuis huit ans que je suis maire, que le service public s'arrête. A Marseille, les deux tiers des ordures ménagères sont enlevés par ce que l'on appelle aujourd'hui les "territoriaux." Un tiers de la ville - c'est un héritage de G. Defferre - est confié à des sociétés privées. Jusqu'à présent, il y a cinq ans, j'avais eu des difficultés avec des sociétés privées. Jamais avec le service public, c'est la première fois. Et je comprends que dans une ville comme Marseille, où vous avez 13.000 territoriaux, 13.000 employés de l'assistance publique, auxquels s'ajoutent tous les fonctionnaires d'Etat, tous les instituteurs et tous les professeurs, évidemment, il y avait là un centre de soutien à l'action militante contre le Gouvernement très fort. La grève a eu lieu. J'ai dit aux territoriaux que s'ils faisaient un effort pour la reprise du travail, j'en ferais un. C'est moi le maire, c'est moi qui décide, et cela plaît ou cela ne plaît pas. Mais pour l'instant, je décide ce que je veux."
Vous faites à Marseille ce que l'on ne fait pas au niveau national ?
- "8.000 tonnes d'ordures ménagères dans les rues, cela suffisait, avec 35° et avec toutes sortes de risques sur la santé et sur l'hygiène. Et [...] les leçons, dans un camp comme dans l'autre, en disant qu'il n'y a qu'à appeler l'armée... L'armée ? Qui est-ce que vous voulez appeler ? L'armée, il n'y en a plus aujourd'hui ! Le peu que nous avons est en Côte d'Ivoire. Ce ne sont pas les généraux étoilés qui vont enlever les ordures ménagères quand même ! Alors, avant de demander l'armée, il faut procéder à des réquisitions. Et j'ai attendu, respectueux du droit de grève, de savoir comment le maire de Calais, qui est communiste, ou le maire de Brest, qui est socialiste, procédaient aux réquisitions. Et alors, à mon tour, j'ai procédé aussi aux réquisitions. Mais il faut savoir sortir d'une grève. Au bout de treize jours, l'exaspération était totale et je crois que le syndicat majoritaire en particulier, FO, a compris cela. Ils ont fait un effort, j'en ai fait un. Que ceux qui veulent me jeter des pierres le fassent, mais je ne sais pas ce qu'ils auraient fait s'ils avaient dû décider."
A propos des intermittents du spectacle, le festival de Marseille a été annulé. Cette annulation coûterait 1,4 million d'euros - chiffrés par la directrice du festival...
- "C'est surtout sur le plan psychologique - la somme d'argent est considérable elle-même -, alors que c'était la huitième édition de ce festival, qui est très ouvert, qui est tourné vers les pays méditerranéens, qui est un élément de la vie culturelle de la ville, très important au début de l'été. Que nous soyons obligés de l'annuler est vraiment dommageable, d'autant plus que les intermittents du spectacle que j'ai reçus il y a déjà deux ou trois mois, savent que j'ai pris avec eux des engagements, notamment d'interpeller le Gouvernement - je l'ai fait, je l'ai encore refait cette semaine auprès du Premier ministre... A Marseille, on tourne 150 films par an. Et je demande instamment à tous les producteurs d'engager les intermittents du spectacle. Et nous le faisons. Et donc nous donnons aussi du travail aux intermittents du spectacle. Ma foi, je crois qu'ils peuvent en tenir compte. En tout cas, ils savent que personnellement, j'aurais souhaité que l'on fasse encore un effort pour eux."
Est-ce que le Gouvernement aurait dû attendre un peu ? Est-ce qu'il a été maladroit ?
- "Ce n'est pas le Gouvernement !"
Oui, c'est vrai, c'est une négociation entre patronat et syndicats...
- "C'est une négociation entre les intermittents et le patronat."
Le patronat aurait peut-être pu faire un effort...
- "Peut-être. En tout cas, je souhaiterais qu'il en fasse un de plus."
Pourrait-on nommer un médiateur, par exemple ?
- "Je ne sais pas. Il appartient à J.-J. Aillagon, qui est un excellent ministre de la Culture, de prendre les décisions qu'il souhaite. Ce serait vraiment dommageable que le festival d'Aix, celui d'Avignon, un peu plus tard Orange... Nous avons à peu près 150 festivals au moins dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Vont-ils être tous menacés ? Le festival de piano de la Roque d'Anthéron, [auquel] j'ai participé avec mon ami P. Onoratini à la création, il y a déjà longtemps ? C'est un peu dommage."
Marseille rejette son islam officiel. Je lis les propos de votre directeur de cabinet, C. Bertrand. Il a dit, à propos de M. Zerfaoui, qui est le nouveau président du Conseil régional du culte musulman - 36 ans, biologiste à l'Université d'Aix-en-Provence, imam de la mosquée de Marseille -, qu'ils étaient "très instruits, très cultivés mais c'est le profil des gens d'Al Qaïda. Je ne dis pas qu'ils en sont, mais ils en ont le profil..."
- "Je ne suis pas sûr que cette phrase n'ait pas été un peu sortie de son contexte. En tout cas, ce n'est pas Libération qui fera des papiers pour vanter ce que nous faisons à Marseille. Il y a plus de deux ans, avec mon directeur de cabinet, avec tout un comité autour, nous avons essayé de répondre honnêtement à la demande des musulmans. Que disent les musulmans à Marseille ? Ils sont 150.000 d'ailleurs, dont la moitié sont des Marseillais : "Après tout, les chrétiens ont une cathédrale, les juifs ont eu la grande synagogue, les protestants ont leur temple, nous aurions voulu une mosquée significative." J'ai répondu oui. Et depuis deux ans, je m'efforce d'obtenir un accord complet de la communauté musulmane. Car il ne manquerait plus que cela, que voulant faire un effort en répondant à une demande pressante de la communauté musulmane, celle-ci vienne à me critiquer et à dire qu'elle ne serait pas d'accord avec les projets du maire. C'est à peu ce qui a été dit. J'avais fait des propositions claires et précises, dans le cadre bien entendu de la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat, en m'appuyant sur un texte de M. Chevènement. Si les musulmans ne sont pas d'accord entre eux, qu'ils commencent d'abord par se mettre d'accord entre eux. Et puis après, nous verrons."
Ces dernières semaines, certains maires ont accepté de réserver des tranches horaires aux femmes dans les piscines. Est-ce que vous feriez la même chose à Marseille ?
- "Vous voudriez le faire par taille ? Enfin ! Mais où va-t-on ? Qu'est-ce que cela veut dire ? Nous sommes dans une France laïque, républicaine, avec une tolérance à Marseille. J'applique, depuis huit ans que je suis maire, une politique de générosité, de fraternité, de respect des communautés. Mais personne ne viendra me dicter la loi. La seule loi que je respecte, c'est celle du suffrage universel, qui donne une majorité ou une opposition."
Faut-il une loi sur le foulard ?
- "Je ne le pense pas. Simplement, le rappel des principes de la laïcité, telle qu'elle est définie, me semble être une bonne chose : pas de signe ostentatoire. Quand on fait des cartes d'identité par exemple... Je connais quelques religieuses à Marseille, qui vont faire une mise en plie avant de faire les photos ! Et je préfère cela, plutôt que le voile !"
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 4 juillet 2003)
- "C'est surtout le cas en Provence-Alpes-Côte d'Azur, où elle est arrogante et où elle dépense l'argent public d'une manière tout à fait contestable, en publicité et en cadeaux. Et j'espère bien que la Chambre régionale des comptes, un jour, s'intéressera à toutes ces dérives."
C'est-à-dire ?
- "C'est-à-dire que quand on distribue des sièges pour bébé, quand on distribue des ordinateurs, quand on veut donner un chèque à chaque lycéen en lycée professionnel... Alors, heureusement, hier, le Conseil régional a décidé qu'on donnerait cet argent aux proviseurs, aux chefs d'établissement qui le répartiront. Mais quand même ! A un an des élections, il y a des procédés sur lesquels on pourrait réfléchir et qui ne sont pas toujours dignes de la démocratie."
N. Sarkozy disait hier qu'il ne faut pas "humilier les minorités." Il l'a dit en s'adressant à J.-P. Raffarin. Il lui donnait peut-être une leçon ?
- "Je ne pense pas qu'il donne de leçon. Il est exact que le Premier ministre a suffisamment de préoccupations pour ne pas trop s'intéresser aux excès de l'opposition. Pour autant, dans notre vie politique, il peut toujours y avoir un peu d'humour. Alors, quand on fait du politiquement correct, on nous demande ce que l'on fait. Et quand on fait un peu d'humour, on nous reproche de faire de l'humour ! Allez ! J.-P. Raffarin est un excellent Premier ministre, je le soutiens. Quant à N. Sarkozy, il a fait encore la preuve, cette nuit à l'Assemblée nationale, qu'il savait défendre les textes qui intéressent les Françaises et les Français. Le reste, c'est l'écume des jours."
A propos des mouvements sociaux, vous avez décidé de payer aux éboueurs marseillais, employés par la municipalité, la moitié des treize jours de grève. Pourquoi ?
- "Parce que c'est la première fois, depuis huit ans que je suis maire, que le service public s'arrête. A Marseille, les deux tiers des ordures ménagères sont enlevés par ce que l'on appelle aujourd'hui les "territoriaux." Un tiers de la ville - c'est un héritage de G. Defferre - est confié à des sociétés privées. Jusqu'à présent, il y a cinq ans, j'avais eu des difficultés avec des sociétés privées. Jamais avec le service public, c'est la première fois. Et je comprends que dans une ville comme Marseille, où vous avez 13.000 territoriaux, 13.000 employés de l'assistance publique, auxquels s'ajoutent tous les fonctionnaires d'Etat, tous les instituteurs et tous les professeurs, évidemment, il y avait là un centre de soutien à l'action militante contre le Gouvernement très fort. La grève a eu lieu. J'ai dit aux territoriaux que s'ils faisaient un effort pour la reprise du travail, j'en ferais un. C'est moi le maire, c'est moi qui décide, et cela plaît ou cela ne plaît pas. Mais pour l'instant, je décide ce que je veux."
Vous faites à Marseille ce que l'on ne fait pas au niveau national ?
- "8.000 tonnes d'ordures ménagères dans les rues, cela suffisait, avec 35° et avec toutes sortes de risques sur la santé et sur l'hygiène. Et [...] les leçons, dans un camp comme dans l'autre, en disant qu'il n'y a qu'à appeler l'armée... L'armée ? Qui est-ce que vous voulez appeler ? L'armée, il n'y en a plus aujourd'hui ! Le peu que nous avons est en Côte d'Ivoire. Ce ne sont pas les généraux étoilés qui vont enlever les ordures ménagères quand même ! Alors, avant de demander l'armée, il faut procéder à des réquisitions. Et j'ai attendu, respectueux du droit de grève, de savoir comment le maire de Calais, qui est communiste, ou le maire de Brest, qui est socialiste, procédaient aux réquisitions. Et alors, à mon tour, j'ai procédé aussi aux réquisitions. Mais il faut savoir sortir d'une grève. Au bout de treize jours, l'exaspération était totale et je crois que le syndicat majoritaire en particulier, FO, a compris cela. Ils ont fait un effort, j'en ai fait un. Que ceux qui veulent me jeter des pierres le fassent, mais je ne sais pas ce qu'ils auraient fait s'ils avaient dû décider."
A propos des intermittents du spectacle, le festival de Marseille a été annulé. Cette annulation coûterait 1,4 million d'euros - chiffrés par la directrice du festival...
- "C'est surtout sur le plan psychologique - la somme d'argent est considérable elle-même -, alors que c'était la huitième édition de ce festival, qui est très ouvert, qui est tourné vers les pays méditerranéens, qui est un élément de la vie culturelle de la ville, très important au début de l'été. Que nous soyons obligés de l'annuler est vraiment dommageable, d'autant plus que les intermittents du spectacle que j'ai reçus il y a déjà deux ou trois mois, savent que j'ai pris avec eux des engagements, notamment d'interpeller le Gouvernement - je l'ai fait, je l'ai encore refait cette semaine auprès du Premier ministre... A Marseille, on tourne 150 films par an. Et je demande instamment à tous les producteurs d'engager les intermittents du spectacle. Et nous le faisons. Et donc nous donnons aussi du travail aux intermittents du spectacle. Ma foi, je crois qu'ils peuvent en tenir compte. En tout cas, ils savent que personnellement, j'aurais souhaité que l'on fasse encore un effort pour eux."
Est-ce que le Gouvernement aurait dû attendre un peu ? Est-ce qu'il a été maladroit ?
- "Ce n'est pas le Gouvernement !"
Oui, c'est vrai, c'est une négociation entre patronat et syndicats...
- "C'est une négociation entre les intermittents et le patronat."
Le patronat aurait peut-être pu faire un effort...
- "Peut-être. En tout cas, je souhaiterais qu'il en fasse un de plus."
Pourrait-on nommer un médiateur, par exemple ?
- "Je ne sais pas. Il appartient à J.-J. Aillagon, qui est un excellent ministre de la Culture, de prendre les décisions qu'il souhaite. Ce serait vraiment dommageable que le festival d'Aix, celui d'Avignon, un peu plus tard Orange... Nous avons à peu près 150 festivals au moins dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Vont-ils être tous menacés ? Le festival de piano de la Roque d'Anthéron, [auquel] j'ai participé avec mon ami P. Onoratini à la création, il y a déjà longtemps ? C'est un peu dommage."
Marseille rejette son islam officiel. Je lis les propos de votre directeur de cabinet, C. Bertrand. Il a dit, à propos de M. Zerfaoui, qui est le nouveau président du Conseil régional du culte musulman - 36 ans, biologiste à l'Université d'Aix-en-Provence, imam de la mosquée de Marseille -, qu'ils étaient "très instruits, très cultivés mais c'est le profil des gens d'Al Qaïda. Je ne dis pas qu'ils en sont, mais ils en ont le profil..."
- "Je ne suis pas sûr que cette phrase n'ait pas été un peu sortie de son contexte. En tout cas, ce n'est pas Libération qui fera des papiers pour vanter ce que nous faisons à Marseille. Il y a plus de deux ans, avec mon directeur de cabinet, avec tout un comité autour, nous avons essayé de répondre honnêtement à la demande des musulmans. Que disent les musulmans à Marseille ? Ils sont 150.000 d'ailleurs, dont la moitié sont des Marseillais : "Après tout, les chrétiens ont une cathédrale, les juifs ont eu la grande synagogue, les protestants ont leur temple, nous aurions voulu une mosquée significative." J'ai répondu oui. Et depuis deux ans, je m'efforce d'obtenir un accord complet de la communauté musulmane. Car il ne manquerait plus que cela, que voulant faire un effort en répondant à une demande pressante de la communauté musulmane, celle-ci vienne à me critiquer et à dire qu'elle ne serait pas d'accord avec les projets du maire. C'est à peu ce qui a été dit. J'avais fait des propositions claires et précises, dans le cadre bien entendu de la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat, en m'appuyant sur un texte de M. Chevènement. Si les musulmans ne sont pas d'accord entre eux, qu'ils commencent d'abord par se mettre d'accord entre eux. Et puis après, nous verrons."
Ces dernières semaines, certains maires ont accepté de réserver des tranches horaires aux femmes dans les piscines. Est-ce que vous feriez la même chose à Marseille ?
- "Vous voudriez le faire par taille ? Enfin ! Mais où va-t-on ? Qu'est-ce que cela veut dire ? Nous sommes dans une France laïque, républicaine, avec une tolérance à Marseille. J'applique, depuis huit ans que je suis maire, une politique de générosité, de fraternité, de respect des communautés. Mais personne ne viendra me dicter la loi. La seule loi que je respecte, c'est celle du suffrage universel, qui donne une majorité ou une opposition."
Faut-il une loi sur le foulard ?
- "Je ne le pense pas. Simplement, le rappel des principes de la laïcité, telle qu'elle est définie, me semble être une bonne chose : pas de signe ostentatoire. Quand on fait des cartes d'identité par exemple... Je connais quelques religieuses à Marseille, qui vont faire une mise en plie avant de faire les photos ! Et je préfère cela, plutôt que le voile !"
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 4 juillet 2003)