Texte intégral
1) A quoi ce manifeste va-t-il servir ?
Ce message universel, message d'humanité, message délivré par la jeunesse du monde, exprime des constats, des espoirs, des engagements pour le troisième millénaire. Les jeunes nous indiquent à nous tous, les politiques, les dirigeants d'organisations internationales, les responsables d'associations, les adultes, les autres jeunes, les pistes à suivre pour répondre concrètement, aux enjeux de demain : éducation, environnement, paix et développement. Ils nous disent : voilà ce que nous voulons pour notre avenir, voilà ce que nous pouvons faire, voilà ce que vous devez faire.
2) Quelles sont les préoccupations majeures exprimées par ces enfants du monde ?
Les projets initiaux exprimaient des préoccupations souvent très différentes, liées au contexte local, à l'histoire nationale, au niveau de développement. Par exemple, alors qu'une quinzaine de textes étaient consacrées aux nouvelles technologies de l'information, les enfants du Libéria, eux, demandaient simplement en priorité de pouvoir avoir à manger à l'école. Mais tous se sont retrouvés contre la violence, contre le travail des enfants, contre la détérioration de la planète, pour une vraie démocratisation de l'éducation, et la lutte contre les inégalités... Ils ont tous affirmé leur désir d'une véritable tolérance fondée sur la volonté de comprendre et de respecter autrui, leur espoir en une solidarité réelle. Solidarité entre les pays pauvres et les pays développés mais aussi solidarité de proximité avec les plus faibles, les handicapés, les malades, les personnes âgées.
3) Avez-vous la sensation que leur message est entendu et pris au sérieux par les politiques y compris français ?
Il le faut car ces jeunes ont exprimé une exigence : que leur manifeste soit relayé et suivi, qu'il ne soit pas sans lendemain. C'est pourquoi je l'ai transmis à tous les chefs d'Etat et de Gouvernement du monde ainsi qu'aux Parlements. Je le communiquerai en septembre 2000 à l'Assemblée du millénaire à l'ONU en demandant que chacun se l'approprie. Pour le faire vivre, j'inciterai également les députés français à prendre en compte et à utiliser ce manifeste. Il faut se souvenir de l'une des exhortations de ces jeunes : " Nous forgerons notre futur lorsque nos rêves deviendront loi ".
4) Vous encouragez les enfants à prendre la parole. Avez-vous la sensation aujourd'hui que leurs idées sont dignes d'intérêt ?
Je rappelle volontiers que le mot "enfant" vient étymologiquement d'infans, celui qui "ne parle pas". Pendant longtemps, l'enfant était réputé ne pas parler, on ne l'écoutait pas. Aujourd'hui, malgré certaines réticences, l'enfant est de plus en plus invité à s'exprimer. Nous devons l'y encourager. Je citerai deux initiatives de l'Assemblée nationale en ce sens. Le Parlement Mondial des Enfants bien sûr qui, dans le prolongement du Parlement National des Enfants, a permis à 350 jeunes de s'initier à la démarche démocratique, de confronter leurs idées et de se faire entendre. La seconde initiative est la proposition d'instituer en France un Défenseur des enfants qui devra constituer pour eux un recours permanent, une sorte de vigie sur l'application concrète des droits de l'enfant. J'espère que la mise en place de cette institution, qui permettra aux enfants d'alerter, de protester, de proposer, sera prochainement adoptée par le Sénat.
5) Concernant les droits des enfants en France, a-t-on enregistré dans ce domaine des progrès notables ?
Il y a eu dans notre pays une prise de conscience de la nécessité de protéger les droits de l'enfant. Cela s'est traduit sur le plan du droit comme dans la pratique. L'enfant est désormais perçu comme une personne, comme un sujet de droit doté d'un véritable statut. Mais, ainsi que l'a montré la commission d'enquête parlementaire sur les droits de l'enfants que j'ai réunie l'an dernier, les réalités de la vie ne correspondent pas toujours aux droits proclamés. Le nombre d'enfants maltraités, le taux élevé de tentatives de suicide d'enfants, l'absence d'égalité des chances dans le domaine scolaire ou le fait qu'un tiers des enfants ne part jamais en vacances nous renvoient à une réalité dure que des associations comme le Secours catholique côtoient quotidiennement. Nous avons le devoir d'agir. En assurant une véritable protection des enfants, en faisant évoluer le droit de la famille, en donnant aux familles les moyens de favoriser l'épanouissement de leurs enfants, en encourageant les associations qui accomplissent une oeuvre positive mais aussi en favorisant l'expression des enfants et en leur donnant la parole. Car un enfant qui s'exprime, un enfant qu'on écoute est déjà à moitié sauvé.
(source http://www.assemblee-nationale.fr, le 26 janvier 2000)