Texte intégral
Fabrice Drouelle : Voilà un drame qui intervient au moment où Jacques Chirac s'envole pour une tournée en Afrique ; Jacques Chirac qui demande précisément aux autorités ivoiriennes que toute la lumière soit faite sur cet assassinat. " Assassinat ", oui, c'est bel et bien le mot qu'emploient les autorités françaises, que ce soit le Président ou la ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, que vous allez entendre, cette interview que Frédéric Barrere a réalisée en fin de matinée au ministère de la Défense.
Michèle Alliot-Marie : Jean Helene était un journaliste unanimement apprécié, qui connaissait bien l'Afrique et qui connaissait bien les forces françaises. Nous sommes donc d'autant plus sensibles à ce qui s'est passé. Ce qui s'est passé : au commissariat central d'Abidjan, au moment où étaient libérées 11 personnes qui avaient été arrêtées en étant soupçonnées de monter un complot, le journaliste de RFI était là pour les interviewer. Il y a eu, semble-t-il, une première agression avec un policier qui a voulu l'empêcher de faire son travail. Le chef de ce policier a donné des instructions pour qu'on le laisse tranquille, qu'il puisse continuer à procéder à ses interviews. Et au moment où il est reparti vers sa voiture, le policier a dégainé, et bien que, semble-t-il, ses collègues aient essayé de l'en empêcher, a tiré sur monsieur Helene et l'a abattu.
Frédéric Barrere : C'est un policier, un homme en uniforme, qu'est-ce que vous savez ?
C'est un policier qui était dans le commissariat. Je me suis entretenue avec le ministre de la Défense ivoirien, tout à l'heure, nous en avons parlé. Les autorités ivoiriennes m'ont assuré que non seulement il avait été arrêté, mais qu'il serait très rapidement déféré devant la justice. Les autorités ivoiriennes, le président Gbagbo, ont présenté leurs condoléances à notre pays.
Jacques Chirac, cette nuit, a parlé d'assassinat ?
Oui, tout à fait, c'est un assassinat. Les conditions dans lesquelles cela s'est passé le prouvent de façon évidente.
La situation se tend en Côte d'Ivoire, l'hostilité vis-à-vis de la France grandit également, et notamment, on accuse la France de ne pas désarmer les rebelles dans la région de Bouaké.
Je ne partage pas du tout cette analyse et je ne crois pas qu'elle corresponde à la réalité.
Il y a eu des moments de fortes tensions en Côte d'Ivoire. Il y a eu des moments, je dirais, d'agressivité organisée contre les forces françaises. Cela n'est plus le cas aujourd'hui. Ceci dit, il reste un certain nombre de groupes incontrôlés, des groupes notamment des Forces nouvelles. C'est comme cela, malheureusement, que nous avons perdu deux soldats au mois d'août. Ils ont été pris à partie par un petit noyau de gens qui n'étaient plus commandés, qui n'étaient d'ailleurs plus payés non plus, et qui venaient faire purement et simplement des exactions. De la même façon, il existe encore, y compris à Abidjan, de ces groupes ou de ces individus, mais dont l'activité relève du droit commun.
Donc, en la matière, je pense qu'il ne faut pas tout mélanger. La Côte d'Ivoire a été secouée par une crise importante. Il demeure aujourd'hui de nombreux problèmes à régler. Ceci dit, cela n'est ni la qualité ni le rôle des forces françaises ou africaines qui se trouvent mises en jeu. Nous jouons notre rôle de force impartiale. Car c'est indispensable si l'on veut aider à la réconciliation et au maintien de l'unité du pays. Le rôle de la France n'est pas de désarmer. Je vous rappelle que c'est de la responsabilité du gouvernement ivoirien.
Vous n'avez pas d'informations remontant, vous expliquant que, peut-être, le gouvernement de Laurent Gbagbo voudrait que les soldats français quittent la Côte d'Ivoire ?
Toutes les informations que j'ai, y compris dans les contacts directs que j'ai eus avec le président Gbagbo, me font au contraire penser exactement l'inverse. Nous sommes là pour permettre à ce pays de retrouver une situation normale qui lui permette d'arriver, dans des conditions démocratiques et unitaires, vers les élections présidentielles de 2005.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 27 octobre 2003)