Texte intégral
Monsieur le Secrétaire général, Mesdames, Messieurs,
Douze mois se sont écoulés depuis la formation du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, douze mois d'action dans tous les domaines de compétence de ce ministère de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées dont nous avons la charge Christian Jacob pour la famille, Marie-Thérèse Boisseau pour les personnes handicapées et moi.
J'en retire des satisfactions certaines : celle d'assurer nos missions au service des patients et de la médecine, de voir de nombreux projets avancer ou même s'achever et de constater l'enthousiasme et le dévouement exemplaires qui animent notre secteur de la santé mais aussi celui de la famille. La politique familiale annoncée lors de la Conférence de la famille au terme d'un excellent travail avec la CNAF et l'UNAF notamment est pour moi un signal important, un engagement majeur.
J'éprouve également quelques regrets, notamment celui d'une conjoncture difficile qui complique la nécessaire réforme de notre assurance maladie et a pesé sur les négociations conventionnelles.
Je retiens encore quelques sujets de préoccupation, notamment les menaces épidémiques ou la crise morale des professionnels de santé.
Comme il le montre dans le domaine des retraites, le gouvernement est déterminé à poursuivre et à amplifier son activité réformatrice dans la concertation et le respect du dialogue social.
La santé des Français, la sauvegarde de notre modèle français de protection sociale ainsi que la situation financière du régime général que vient de présenter le secrétaire général nous obligent.
Je souhaiterais d'ailleurs remercier François Monnier, une nouvelle fois, pour la clarté de sa présentation que nous avons tous pu apprécier, et pour le rapport réalisé avec l'aide de la Direction de la Sécurité Sociale - permettez-moi de saluer également Dominique Libault - ainsi que les caisses de sécurité sociale. Les systèmes d'information s'améliorent certes, et je m'en félicite. Mais nous savons tous néanmoins combien la préparation du rapport de la commission des comptes est une épreuve ardue.
Aujourd'hui, je voudrais d'abord revenir sur l'état des comptes de la sécurité sociale (I). Je vous présenterai ensuite l'état d'avancement des actions que je vous avais annoncées lors de la précédente commission de la sécurité sociale (II) et je dresserai, en particulier, un bilan des trois groupes de travail que j'avais lancés au sein de votre Commission et dont la presse s'est faite, pour certains, largement l'écho (III).
Je finirai en vous exposant les principes qui inspirent la politique que le gouvernement va mener au cours des prochains mois pour préserver notre système de sécurité sociale, un système juste et solidaire et en évoquant les grandes lignes de notre calendrier (IV).
1. La situation des comptes du régime général est préoccupante : la situation internationale est une cause significative de leur dégradation mais il faut également souligner l'évolution toujours dynamique des dépenses.
Selon les chiffres arrêtés par notre Commission, le régime général aura été en définitive en déficit de 3,4 milliards en 2002. Ce montant est conforme à la prévision que nous avions examinée en septembre 2002. Cela montre la rigueur du travail de la Commission et de son secrétaire général. La légère dégradation est due à la baisse importante des prélèvements sur le patrimoine et les placements. C'est le signe du ralentissement économique que nous sommes en train de vivre. Comme je le soulignai devant vous le 24 septembre dernier, " le solde du régime général se sera détérioré en 2002 de 4 milliards environ par rapport à 2001, bien loin des excédents virtuels annoncés par le précédent Gouvernement. "
J'ai entendu parfois parler de " dérapages " à propos de 2002. Tous les éléments démontrent au contraire que 2002 n'a pas été l'année des dérapages mais celles des rattrapages, en ville et à l'hôpital. Le rattrapage en ville représente 0,7 % de l'ONDAM global, le coût du financement des 35 heures à l'hôpital 1 %. Corrigé de ces financements, l'évolution de l'ONDAM est juste un peu supérieure à celle des années antérieures.
Pour 2003, le déficit du régime général devrait, nous dit-on, atteindre 7,9 milliards . L'écart de 4 milliards avec la prévision de septembre 2002 est très préoccupant. Il nous ramène, comme je le disais devant vous en septembre dernier, " aux pires années du régime général en 1992-1993 ".
Quelle en est la cause ? Très majoritairement, pour près des trois quarts, un manque de recettes, et un sixième environ un surcroît de dépenses d'assurance maladie.
Il s'agit d'abord, et surtout, de la conséquence de la révision des hypothèses de croissance économique. Les évènements internationaux ont un impact important sur la situation économique internationale. Ainsi, en 2003, selon les dernières estimations, le PIB devrait croître à un rythme un peu inférieur à 1,5 % en volume contre 2,5 % que nous anticipions en septembre dernier avec les références du moment.
Au total, les recettes du régime général en 2003 devraient être inférieures de 3 milliards aux prévisions de septembre dernier. A l'étranger, en Angleterre et en Allemagne par exemple, on observe une semblable détérioration des finances publiques. Sans que cela nous rassure, chacun aura pris connaissance du déficit de 20 Md pour la seule assurance maladie en Allemagne.
Néanmoins, la faible évolution des recettes n'explique pas la totalité de l'accroissement élevé du déficit. Malgré son importance déterminante, s'en tenir à cette seule explication serait compromettre la recherche de solutions durables. De fait, l'évolution des dépenses reste nettement plus dynamique que ce qui était prévu. Les dépenses d'assurance maladie pourraient croître de 6 % en 2003. Ce taux de progression est certes inférieur à celui de l'an dernier. Il conduit toutefois à un dépassement de l'ordre de 700 millions de l'ONDAM. Ce dernier avait été construit sur des hypothèses plus médicalisées. C'est probablement la raison pour laquelle son dépassement pourrait être notablement inférieur à ceux des années précédentes. Nous en jugerons le moment venu. Mais le fait est qu'il y a une inertie considérable dans l'inflexion de la pente des dépenses de santé
La forte croissance des dépenses est, d'abord et avant tout, liée à la progression soutenue des volumes d'honoraires et davantage encore des prescriptions dans le domaine des soins de ville. Le vieillissement de la population, le progrès technique et l'aspiration de nos concitoyens à une meilleure qualité de vie expliquent une partie de cette forte progression des dépenses. D'ailleurs, à l'étranger, les taux de croissance des dépenses de santé sont comparables : en 2000, dernière année pour laquelle l'OCDE a publié des données, ils atteignaient près de 6 % aux Etats-Unis, en Espagne et au Royaume-Uni, et même plus de 8 % en Italie et au Japon. Mais ces facteurs de croissance ne peuvent pas tout expliquer.
Sous contrainte de ressources comme nous le sommes, la solidarité a pour contrepartie la responsabilisation de chacun. Or les acteurs et les patients que nous sommes continuent trop souvent à solliciter à l'excès, et je le regrette, notre système de santé. Tout le monde s'accorde sur une dérive consumériste mettant en péril notre système solidaire.
Après la dynamique enclenchée avec l'accord du 5 juin 2002, après les espoirs nés de l'accord du 10 janvier 2003, la rupture entre les caisses et les syndicats de médecins laisse pour partie le volet ambulatoire sans système organisé d'optimisation des dépenses d'assurance maladie et incite les médecins à faire toujours plus de volume d'actes et de prescriptions. L'augmentation invraisemblable du nombre d'actes n'est pas soutenable financièrement, ni justifiable médicalement. La multiplication des actes est même, à mon sens, contraire à la qualité des soins. Il y a là un cercle dangereux et il faudra bien trouver, avec les professionnels et les patients, les moyens d'y mettre un terme. Il faut parvenir à rétablir la logique et le bon sens.
2. Face à ce déficit et à cette forte croissance des dépenses, le gouvernement a agi sur plusieurs fronts conformément à ce qu'il avait dit
Je vous ai présenté, lors de la précédente commission des comptes le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 et les mesures qui l'accompagnaient. Ils traduisent les grandes priorités et une large partie de sa philosophie de notre système de sécurité sociale et de notre système de santé.
Nous avons attentivement veillé à ce que les mesures contenues dans ce projet de loi, et celles qui avaient été annoncées concomitamment, soient en grande majorité effectivement mises en uvre d'ici à la fin du premier semestre de cette année.
J'aimerais d'abord revenir sur les engagements du gouvernement en matière de retraite. La branche vieillesse reste en excédent en 2003, mais nous savons bien les évolutions démographiques inéluctables qui pèseront sur ses comptes à partir de 2006. Le gouvernement avait annoncé que le premier semestre serait l'occasion de mener la réforme trop longtemps retardée, indispensable pour préserver un système fondé sur la répartition, système de solidarité entre les générations. Le gouvernement respecte ses engagements même si cette réforme est difficile. Je ne m'étendrai pas plus sur ce sujet qui fait l'objet de négociations dans d'autres lieux.
En ce qui concerne la branche " accidents du travail et maladies professionnelles ", la loi de financement a modifié son pilotage institutionnel pour améliorer sa gouvernance et a étendu le champ des préretraites de l'amiante aux salariés agricoles dans un souci d'égalité et de solidarité. Mon collègue François Fillon est en train de mettre en uvre ces mesures.
J'aimerais ensuite revenir sur quelques points essentiels de la réforme de notre assurance maladie.
Au fondement de toute politique de santé, il y a la prévention et la santé publique. Les dépenses de santé et d'assurance maladie, l'activité des structures de soins et l'action des professionnels de santé n'ont de sens que si elles concourent à des objectifs de santé publique. C'est pourquoi dès mon arrivée au Gouvernement, je me suis engagé à présenter un projet de loi de santé publique.
Après un long travail d'élaboration et de discussion, ce projet de loi relatif à la politique de santé publique a été soumis pour avis au conseil d'administration de la CNAMTS le 29 avril dernier. Il va être examiné par le Conseil des Ministres le 21 mai prochain. Il devrait être discuté au Parlement en première lecture à l'été, sous réserve des aléas de l'agenda parlementaire particulièrement chargé en raison de la réforme des retraites, et au plus tard au tout début de la session d'automne.
Ce projet de loi contient les grands objectifs de santé publique qui doivent désormais guider l'action de l'ensemble des acteurs de santé. Il propose également quelques grands axes prioritaires d'action. Il donne clairement compétence à l'Etat dans la définition de la politique de santé publique. La navette parlementaire permettra d'améliorer ce texte, notamment dans le domaine de la santé liée à l'environnement et de la santé au travail. J'attends également, dans cette perspective, et pour le mois de juin, les résultats de la mission que j'ai confiée à M. Ceretti sur un point très important à mes yeux : la représentation des patients et de leurs associations.
La santé publique et la prévention passent également par la " guerre au tabac ". Les droits sur le tabac ont été significativement augmentés. Et la baisse de consommation est très nette. C'est un succès pour la santé publique. Ce premier pas doit être suivi, très rapidement, d'autres initiatives.
Au-delà de la fixation d'objectifs partagés de santé publique, la réforme de notre assurance maladie comporte plusieurs volets. Beaucoup sont d'ores et déjà bien engagés depuis un an.
En ce qui concerne l'offre de soins hospitaliers, le plan " hôpital 2007 " voulu et annoncé par le Premier ministre est bel et bien lancé et se met progressivement en uvre. En 2003, un milliard d'investissements supplémentaires sont programmés. 60 établissements et 6 régions ont été retenus pour expérimenter le nouveau mode de financement. Dans le domaine essentiel de l'amélioration de la gestion hospitalière, trois rapports très intéressants et très complémentaires m'ont été récemment remis. Je les ai étudiés avec attention. Et je vais consulter les différents acteurs du monde hospitalier dans les prochaines semaines avant d'annoncer, rapidement, une première série d'orientations.
Dans le domaine du médicament, les axes de la nouvelle politique que j'avais annoncée sont progressivement traduits dans les faits, souvent à la surprise apparente de certains. Je le répète, l'objectif de cette nouvelle politique est, d'abord et avant tout, de favoriser l'accès des patients à l'innovation en réalisant en contrepartie des économies sur les médicaments plus anciens, à travers la politique du générique, ou sur les médicaments moins efficaces.
La progression du générique est un succès depuis l'accord du 5 juin dernier, tout le monde en convient et je m'en félicite. Il faut cependant rester vigilant car des fléchissements apparaissent avec le temps.
Les conséquences de la réévaluation des médicaments prévues dans un décret de 1999 pris par le Gouvernement précédent commencent à être tirées. Vous le voyez, il y a aussi des lignes de continuité dans le changement. Elles l'ont été pour les médicaments à SMR faible ou modéré. Elles vont l'être, comme prévu, et en 3 ans, pour les médicaments à service médical rendu insuffisant qui vont être retirés du remboursement. La première étape est prévue pour le mois de juillet prochain.
Les forfaits de remboursement seront, pour leur part, mis en uvre comme prévu dans les prochains mois après une large information comme l'a demandé le Conseil constitutionnel. L'accord cadre entre l'industrie pharmaceutique et le comité économique des produits de santé est sur le point d'être signé. Cela permettra notamment la mise en uvre du dépôt de prix qui rend possible un accès plus rapide des médicaments véritablement innovants en ville.
A l'hôpital, une enveloppe de 200 millions dédiée aux molécules onéreuses a d'ores et déjà été allouée. Enfin, le médicament est un axe très important du plan cancer annoncé à la fin du mois de mars dernier par le Président de la République.
Le domaine des soins de ville est plus problématique. J'ai pris acte de la rupture du dialogue entre les caisses et les médecins spécialistes. Cela complique, sans l'interdire, la prise des mesures nécessaires d'optimisation des dépenses ambulatoires. Cela ne permet pas le retour à la confiance, seul moteur d'une réforme ambitieuse dont nous avons besoin. Je le regrette, mais je ne renonce pas.
Dans le domaine du financement, l'Etat a assumé ses responsabilités en compensant les nouveaux allègements de charge et en amorçant le processus de clarification des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale. J'ai mis en place, comme je l'avais annoncé, un groupe de travail réunissant les parlementaires (présidents et rapporteurs des commissions des affaires sociales et des finances du Sénat et de l'Assemblée Nationale) et les ministères concernés (Ministère des finances, ministère des affaires sociales, ministère de la santé et ministère délégué à la famille) pour poursuivre cette opération de vérité. Les travaux sont bien entamés et nous allons déboucher sur des propositions ambitieuses qui prendront place dans le projet de loi de financement pour 2004.
Enfin, nous nous étions engagés avec M. Christian Jacob à mieux aider les familles au moyen de la prestation d'accueil du jeune enfant. C'est un sujet que nous avons traité globalement dans le cadre de la Conférence de la Famille du 29 avril dernier, pour offrir une réponse d'ensemble, cohérente, d'une part aux questions que se posaient les familles sur leurs choix de vie, et d'autre part à la pénurie d'offre de garde.
Pour me résumer, le gouvernement, comme il l'avait annoncé, n'est pas resté inactif face aux difficultés que connaît notre système de sécurité sociale. Son action va se prolonger et s'amplifier au cours des prochains mois par la réforme, dans la concertation, de plusieurs volets importants de notre assurance maladie: le volet de la gouvernance et de la régionalisation, le volet des contours de la solidarité nationale et du financement solidaire et, ce n'est pas le plus simple, le volet de la qualité des soins et de l'optimisation des dépenses ambulatoires.
Nous ne travaillons pas à une illusoire grande réforme définitive mais nous travaillons à poser les bases d'une adaptation continue de l'assurance maladie aux évolutions de notre société et aux défis qui lui sont lancés en ce début du XXIème siècle.
3. Dans cette perspective, les groupes de travail de notre commission ont contribué utilement à préparer plusieurs volets de la réforme en préparation
Réformer la sécurité sociale ne peut se faire sans une concertation large avec les différents acteurs du système de santé. Le dialogue est au centre de notre politique. C'est pourquoi, en septembre, j'ai lancé trois groupes de travail au sein de notre commission. Je vous remercie de votre participation fructueuse aux travaux de ces groupes et je remercie aussi leurs trois animateurs : Mme Rolande Ruellan, qui est conseiller maître à la Cour des Comptes, M. Jean-François Chadelat, notre nouveau directeur du fonds de financement de la CMU et M. Alain Coulomb, qui dirige désormais l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé.
- L'objectif du premier groupe était de nous aider à bien cerner l'évolution des dépenses de santé en nous proposant une méthode de médicalisation de l'ONDAM.
Permettez-moi de vous dire que les conclusions de ce groupe sont particulièrement intéressantes. Rejetant une approche par les besoins de santé qui ne sont pas tous évaluables avec précision, elles mettent en lumière l'existence de déterminants essentiels de l'évolution des dépenses. Il est nécessaire de prendre en compte ces déterminants mais aussi la possibilité d'actions correctrices. Ces actions relèvent d'abord d'un choix politique, ce qui légitime l'action du Parlement.
Par ailleurs, les travaux du groupe mettent en avant la nécessité d'une concertation entre les différents acteurs du système de santé pour préparer la fixation de l'ONDAM par le Parlement. Cette concertation devrait avoir lieu dans une perspective pluriannuelle afin de redonner tout son sens et sa crédibilité à l'objectif national.
- Qui prend en charge les dépenses ? Telle est la question que s'est posée le deuxième groupe de travail. L'objectif de ce groupe n'était pas de préparer une privatisation de la prise en charge comme l'accusation en est portée à la légère, mais de poser la question de l'évolution souhaitable du partage entre régimes de base et assurance complémentaire dans un contexte d'évolution rapide des techniques médicales et des produits.
Ce groupe a constaté l'importance du rôle des assureurs complémentaires, mutuelles, institutions de prévoyance ou sociétés d'assurance. Il n'y a de haut niveau de protection sociale en France que par l'intervention conjointe de l'assurance maladie et des organismes complémentaires. Il est donc légitime de leur donner un rôle accru dans la gestion des dépenses de santé. Ce rôle devra être complémentaire de celui prépondérant des assureurs de base.
Jean-François Chadelat a également proposé de consacrer le rôle de l'assurance complémentaire par une construction juridique originale : la couverture maladie généralisée. Certains y ont vu une amorce de privatisation, d'autres une étatisation rampante ! De grâce, acceptons le débat, sans formules hâtives ni définitives ! Le Gouvernement reste, en toute hypothèse, libre par rapport à cette contribution qui l'éclaire.
Enfin, son groupe souligne l'intérêt de mettre en uvre une aide à la couverture complémentaire pour les ménages à faible revenu non couverts par la CMU. Cette aide pourrait, par exemple, prendre la forme d'un crédit d'impôt dégressif ou bien d'une prestation sociale sous conditions de ressources et servie par les caisses de sécurité sociale.
- Le troisième groupe s'est penché sur la question de la gestion de l'assurance de base. Son objectif était de faire un constat du système actuel et pas de faire des propositions comme cela lui semble parfois être reproché. Ce groupe a permis de bien expliciter les points de vue des différents membres de notre commission, ce qui est un préalable indispensable au dialogue. Toutefois, à mes yeux, il a sous-estimé les dysfonctionnements actuels de notre système de gouvernance, notamment les difficultés intrinsèques de répartition des compétences entre l'Etat et les partenaires sociaux. Ces difficultés ne dépendent pas uniquement d'une pratique particulière de gestion par quelques gouvernements mais bien d'un conflit d'objectifs liés à des légitimités différentes.
Les travaux de ce groupe se sont poursuivis par un appel à contribution à tous les acteurs du système de santé, au-delà des membres de notre commission. J'ai reçu à ce jour une vingtaine de réponses en ayant sollicité 36 organisations. Je remercie ceux qui ont déjà répondu et exhorte les retardataires à le faire dans les plus brefs délais. Il est en effet essentiel que chacun puisse rapidement avancer des propositions qui vont permettre au Gouvernement d'engager la concertation nécessaire.
4. Précisément, pour conclure, je veux m'arrêter sur les principes qui vont inspirer l'action du gouvernement au cours des prochains mois ainsi que sur les grandes lignes de notre calendrier
Comme l'a décidé le Premier ministre, le premier semestre de cette année 2003 est placé sous le sceau d'une réforme que notre pays attend depuis au moins dix ans, la réforme de nos retraites.
La politique que nous menons depuis un an dans le dialogue et la concertation a engagé résolument, je crois l'avoir suffisamment souligné, et non sans butter sur des difficultés, plusieurs pans des réformes nécessaires : réforme du médicament, réforme de l'hôpital, réforme du financement.
Le second semestre doit être consacré à la mise en place de la réforme de notre assurance maladie. Ce n'est pas un sujet simple. Les réactions aux rapports des groupes de notre commission le démontrent amplement.
Sa complexité tient à plusieurs aspects. " La " réforme de l'assurance maladie constitue en réalité une série de réformes.
D'autre part, réformer notre assurance maladie a un impact immédiat, et non pas différé dans le temps, sur tous nos concitoyens sans exception et cela à plusieurs titres, soit en tant que patient soit en tant qu'assuré social, soit en tant que contribuable, soit en tant qu'employés de structures de soins, soit en tant que professionnel libéral, soit tout à la fois !
Les efforts des gouvernements successifs ont - reconnaissons-le ! - échoué pour l'instant, dans notre pays, en particulier en ce qui concerne l'optimisation des dépenses ambulatoires, et la " gouvernance ", c'est-à-dire les relations entre l'Etat et les caisses. Et puis, la conjugaison d'un contexte économique et financier tendu et du sentiment de crise matérielle et morale des professionnels de santé, en ville et à l'hôpital, ne simplifie pas les choses.
Je me suis déjà exprimé sur les principes clés qui nous guident dans l'élaboration de la réforme de notre assurance maladie qui doit absolument rester juste et solidaire. Je voudrais néanmoins les rappeler brièvement.
La vérité et le bon sens d'abord. Le vieillissement est un enjeu majeur de notre système de santé et d'assurance maladie auquel il est mal préparé. Outre les aspects structurels, le clavier sur lequel nous pouvons jouer est connu. Mais les mesures conjoncturelles ne peuvent être dissociés des mesures structurelles.
La solidarité ensuite. Notre sécurité sociale est un modèle dans ses valeurs fondatrices. Notre devoir est d'adapter ce modèle aux exigences de notre environnement d'aujourd'hui, qui n'est plus celui de 1945, bien entendu, ni celui des années 1970 ou 1980, afin de le léguer à nos enfants. Notre devoir est de créer de nouvelles formes de solidarité autour de notre santé. Des efforts partagés sont nécessaires.
La confiance également. On n'obtient rien sans elle, ni des professionnels de santé libéraux et hospitaliers, ni des partenaires sociaux, ni des patients. Je ne conçois pas une politique de santé et d'assurance maladie sans la confiance des acteurs. Et je ferai tout mon possible pour l'obtenir.
La responsabilité enfin. Elle doit être partagée, vous le savez. Cela signifie une responsabilisation accrue des patients, une responsabilité mieux assumée par les professionnels, une responsabilité mieux pilotée par les gestionnaires et un cadre de responsabilité mieux défini et plus strictement respecté par l'Etat.
Le respect de ces principes doit nous inciter à nous poser quelques questions :
Comment faire face à la hausse inéluctable de la part des dépenses de santé dans la richesse de notre pays ?
Quelles limites donner à la solidarité ? Peut-elle tout prendre en charge ? Comment ces limites peuvent-elles évoluer avec l'évolution de la société et des techniques ?
Quels rôles donner à l'Etat, aux partenaires sociaux et aux assureurs complémentaires ? Comment associer les patients et les professionnels à la gestion du système de santé ?
Comment rapprocher la gestion du système de santé des patients et des professionnels sans remettre en cause la définition commune au niveau national des politiques de santé et d'assurance maladie ?
Par quelle voie l'assuré peut-il être mieux responsabilisé ?
Par quels moyens les professionnels de santé libéraux ou hospitaliers peuvent-ils être incités à la recherche d'une qualité des soins encore meilleure dans le cadre d'un exercice plus serein.
C'est à ces questions que je veux répondre avec votre soutien, vos idées à travers les réformes de l'assurance maladie.
Notre calendrier commun est un calendrier contraint car nous devons concilier différentes exigences : les exigences du dépôt et de la discussion d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale, comme chaque année, et celles de la concertation autour de la réforme de la gouvernance en particulier, qui doit conduire sur un projet de loi spécifique déposé au Parlement avant la fin de l'année.
Les grandes lignes du projet de loi de financement de la sécurité sociale vous seront présentées à la rentrée, à l'occasion de la réunion de septembre de notre Commission. Elles porteront en particulier sur la réforme du financement que le Gouvernement prépare, sur le financement de l'hôpital, sur l'aide à la couverture complémentaire pour les Français qui le souhaitent, ainsi que sur l'évolution des dépenses et des recettes du régime général dans une perspective pluriannuelle.
J'ai, par ailleurs, l'intention de livrer à la réflexion et à l'examen des acteurs dès le mois de juillet, donc avant la trêve du mois d'août, de grandes orientations arrêtées au vu des propositions reçues. Ouvertes à la concertation dès la rentrée de septembre, elles formeront la base d'un projet de loi sur la gouvernance qui sera déposé au Parlement avant le mois de décembre 2003.
Mesdames, Messieurs, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin souhaite sauvegarder notre système de protection sociale fondée sur la solidarité et sur la justice. La réforme de l'assurance maladie après celle des retraites en sera un élément essentiel.
Elle se prépare dans la concertation et le dialogue. Les groupes de travail de notre commission l'illustrent.
Cette réforme préservera le libre accès de l'ensemble des français à un système de santé de qualité.
L'objectif est clair. Ce gouvernement poursuivra la réforme de la sécurité sociale et la mènera à son terme, soyez en assurés.
Je vous remercie.
(source http://www.sante.gouv.fr, le 23 mai 2003)
Douze mois se sont écoulés depuis la formation du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, douze mois d'action dans tous les domaines de compétence de ce ministère de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées dont nous avons la charge Christian Jacob pour la famille, Marie-Thérèse Boisseau pour les personnes handicapées et moi.
J'en retire des satisfactions certaines : celle d'assurer nos missions au service des patients et de la médecine, de voir de nombreux projets avancer ou même s'achever et de constater l'enthousiasme et le dévouement exemplaires qui animent notre secteur de la santé mais aussi celui de la famille. La politique familiale annoncée lors de la Conférence de la famille au terme d'un excellent travail avec la CNAF et l'UNAF notamment est pour moi un signal important, un engagement majeur.
J'éprouve également quelques regrets, notamment celui d'une conjoncture difficile qui complique la nécessaire réforme de notre assurance maladie et a pesé sur les négociations conventionnelles.
Je retiens encore quelques sujets de préoccupation, notamment les menaces épidémiques ou la crise morale des professionnels de santé.
Comme il le montre dans le domaine des retraites, le gouvernement est déterminé à poursuivre et à amplifier son activité réformatrice dans la concertation et le respect du dialogue social.
La santé des Français, la sauvegarde de notre modèle français de protection sociale ainsi que la situation financière du régime général que vient de présenter le secrétaire général nous obligent.
Je souhaiterais d'ailleurs remercier François Monnier, une nouvelle fois, pour la clarté de sa présentation que nous avons tous pu apprécier, et pour le rapport réalisé avec l'aide de la Direction de la Sécurité Sociale - permettez-moi de saluer également Dominique Libault - ainsi que les caisses de sécurité sociale. Les systèmes d'information s'améliorent certes, et je m'en félicite. Mais nous savons tous néanmoins combien la préparation du rapport de la commission des comptes est une épreuve ardue.
Aujourd'hui, je voudrais d'abord revenir sur l'état des comptes de la sécurité sociale (I). Je vous présenterai ensuite l'état d'avancement des actions que je vous avais annoncées lors de la précédente commission de la sécurité sociale (II) et je dresserai, en particulier, un bilan des trois groupes de travail que j'avais lancés au sein de votre Commission et dont la presse s'est faite, pour certains, largement l'écho (III).
Je finirai en vous exposant les principes qui inspirent la politique que le gouvernement va mener au cours des prochains mois pour préserver notre système de sécurité sociale, un système juste et solidaire et en évoquant les grandes lignes de notre calendrier (IV).
1. La situation des comptes du régime général est préoccupante : la situation internationale est une cause significative de leur dégradation mais il faut également souligner l'évolution toujours dynamique des dépenses.
Selon les chiffres arrêtés par notre Commission, le régime général aura été en définitive en déficit de 3,4 milliards en 2002. Ce montant est conforme à la prévision que nous avions examinée en septembre 2002. Cela montre la rigueur du travail de la Commission et de son secrétaire général. La légère dégradation est due à la baisse importante des prélèvements sur le patrimoine et les placements. C'est le signe du ralentissement économique que nous sommes en train de vivre. Comme je le soulignai devant vous le 24 septembre dernier, " le solde du régime général se sera détérioré en 2002 de 4 milliards environ par rapport à 2001, bien loin des excédents virtuels annoncés par le précédent Gouvernement. "
J'ai entendu parfois parler de " dérapages " à propos de 2002. Tous les éléments démontrent au contraire que 2002 n'a pas été l'année des dérapages mais celles des rattrapages, en ville et à l'hôpital. Le rattrapage en ville représente 0,7 % de l'ONDAM global, le coût du financement des 35 heures à l'hôpital 1 %. Corrigé de ces financements, l'évolution de l'ONDAM est juste un peu supérieure à celle des années antérieures.
Pour 2003, le déficit du régime général devrait, nous dit-on, atteindre 7,9 milliards . L'écart de 4 milliards avec la prévision de septembre 2002 est très préoccupant. Il nous ramène, comme je le disais devant vous en septembre dernier, " aux pires années du régime général en 1992-1993 ".
Quelle en est la cause ? Très majoritairement, pour près des trois quarts, un manque de recettes, et un sixième environ un surcroît de dépenses d'assurance maladie.
Il s'agit d'abord, et surtout, de la conséquence de la révision des hypothèses de croissance économique. Les évènements internationaux ont un impact important sur la situation économique internationale. Ainsi, en 2003, selon les dernières estimations, le PIB devrait croître à un rythme un peu inférieur à 1,5 % en volume contre 2,5 % que nous anticipions en septembre dernier avec les références du moment.
Au total, les recettes du régime général en 2003 devraient être inférieures de 3 milliards aux prévisions de septembre dernier. A l'étranger, en Angleterre et en Allemagne par exemple, on observe une semblable détérioration des finances publiques. Sans que cela nous rassure, chacun aura pris connaissance du déficit de 20 Md pour la seule assurance maladie en Allemagne.
Néanmoins, la faible évolution des recettes n'explique pas la totalité de l'accroissement élevé du déficit. Malgré son importance déterminante, s'en tenir à cette seule explication serait compromettre la recherche de solutions durables. De fait, l'évolution des dépenses reste nettement plus dynamique que ce qui était prévu. Les dépenses d'assurance maladie pourraient croître de 6 % en 2003. Ce taux de progression est certes inférieur à celui de l'an dernier. Il conduit toutefois à un dépassement de l'ordre de 700 millions de l'ONDAM. Ce dernier avait été construit sur des hypothèses plus médicalisées. C'est probablement la raison pour laquelle son dépassement pourrait être notablement inférieur à ceux des années précédentes. Nous en jugerons le moment venu. Mais le fait est qu'il y a une inertie considérable dans l'inflexion de la pente des dépenses de santé
La forte croissance des dépenses est, d'abord et avant tout, liée à la progression soutenue des volumes d'honoraires et davantage encore des prescriptions dans le domaine des soins de ville. Le vieillissement de la population, le progrès technique et l'aspiration de nos concitoyens à une meilleure qualité de vie expliquent une partie de cette forte progression des dépenses. D'ailleurs, à l'étranger, les taux de croissance des dépenses de santé sont comparables : en 2000, dernière année pour laquelle l'OCDE a publié des données, ils atteignaient près de 6 % aux Etats-Unis, en Espagne et au Royaume-Uni, et même plus de 8 % en Italie et au Japon. Mais ces facteurs de croissance ne peuvent pas tout expliquer.
Sous contrainte de ressources comme nous le sommes, la solidarité a pour contrepartie la responsabilisation de chacun. Or les acteurs et les patients que nous sommes continuent trop souvent à solliciter à l'excès, et je le regrette, notre système de santé. Tout le monde s'accorde sur une dérive consumériste mettant en péril notre système solidaire.
Après la dynamique enclenchée avec l'accord du 5 juin 2002, après les espoirs nés de l'accord du 10 janvier 2003, la rupture entre les caisses et les syndicats de médecins laisse pour partie le volet ambulatoire sans système organisé d'optimisation des dépenses d'assurance maladie et incite les médecins à faire toujours plus de volume d'actes et de prescriptions. L'augmentation invraisemblable du nombre d'actes n'est pas soutenable financièrement, ni justifiable médicalement. La multiplication des actes est même, à mon sens, contraire à la qualité des soins. Il y a là un cercle dangereux et il faudra bien trouver, avec les professionnels et les patients, les moyens d'y mettre un terme. Il faut parvenir à rétablir la logique et le bon sens.
2. Face à ce déficit et à cette forte croissance des dépenses, le gouvernement a agi sur plusieurs fronts conformément à ce qu'il avait dit
Je vous ai présenté, lors de la précédente commission des comptes le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 et les mesures qui l'accompagnaient. Ils traduisent les grandes priorités et une large partie de sa philosophie de notre système de sécurité sociale et de notre système de santé.
Nous avons attentivement veillé à ce que les mesures contenues dans ce projet de loi, et celles qui avaient été annoncées concomitamment, soient en grande majorité effectivement mises en uvre d'ici à la fin du premier semestre de cette année.
J'aimerais d'abord revenir sur les engagements du gouvernement en matière de retraite. La branche vieillesse reste en excédent en 2003, mais nous savons bien les évolutions démographiques inéluctables qui pèseront sur ses comptes à partir de 2006. Le gouvernement avait annoncé que le premier semestre serait l'occasion de mener la réforme trop longtemps retardée, indispensable pour préserver un système fondé sur la répartition, système de solidarité entre les générations. Le gouvernement respecte ses engagements même si cette réforme est difficile. Je ne m'étendrai pas plus sur ce sujet qui fait l'objet de négociations dans d'autres lieux.
En ce qui concerne la branche " accidents du travail et maladies professionnelles ", la loi de financement a modifié son pilotage institutionnel pour améliorer sa gouvernance et a étendu le champ des préretraites de l'amiante aux salariés agricoles dans un souci d'égalité et de solidarité. Mon collègue François Fillon est en train de mettre en uvre ces mesures.
J'aimerais ensuite revenir sur quelques points essentiels de la réforme de notre assurance maladie.
Au fondement de toute politique de santé, il y a la prévention et la santé publique. Les dépenses de santé et d'assurance maladie, l'activité des structures de soins et l'action des professionnels de santé n'ont de sens que si elles concourent à des objectifs de santé publique. C'est pourquoi dès mon arrivée au Gouvernement, je me suis engagé à présenter un projet de loi de santé publique.
Après un long travail d'élaboration et de discussion, ce projet de loi relatif à la politique de santé publique a été soumis pour avis au conseil d'administration de la CNAMTS le 29 avril dernier. Il va être examiné par le Conseil des Ministres le 21 mai prochain. Il devrait être discuté au Parlement en première lecture à l'été, sous réserve des aléas de l'agenda parlementaire particulièrement chargé en raison de la réforme des retraites, et au plus tard au tout début de la session d'automne.
Ce projet de loi contient les grands objectifs de santé publique qui doivent désormais guider l'action de l'ensemble des acteurs de santé. Il propose également quelques grands axes prioritaires d'action. Il donne clairement compétence à l'Etat dans la définition de la politique de santé publique. La navette parlementaire permettra d'améliorer ce texte, notamment dans le domaine de la santé liée à l'environnement et de la santé au travail. J'attends également, dans cette perspective, et pour le mois de juin, les résultats de la mission que j'ai confiée à M. Ceretti sur un point très important à mes yeux : la représentation des patients et de leurs associations.
La santé publique et la prévention passent également par la " guerre au tabac ". Les droits sur le tabac ont été significativement augmentés. Et la baisse de consommation est très nette. C'est un succès pour la santé publique. Ce premier pas doit être suivi, très rapidement, d'autres initiatives.
Au-delà de la fixation d'objectifs partagés de santé publique, la réforme de notre assurance maladie comporte plusieurs volets. Beaucoup sont d'ores et déjà bien engagés depuis un an.
En ce qui concerne l'offre de soins hospitaliers, le plan " hôpital 2007 " voulu et annoncé par le Premier ministre est bel et bien lancé et se met progressivement en uvre. En 2003, un milliard d'investissements supplémentaires sont programmés. 60 établissements et 6 régions ont été retenus pour expérimenter le nouveau mode de financement. Dans le domaine essentiel de l'amélioration de la gestion hospitalière, trois rapports très intéressants et très complémentaires m'ont été récemment remis. Je les ai étudiés avec attention. Et je vais consulter les différents acteurs du monde hospitalier dans les prochaines semaines avant d'annoncer, rapidement, une première série d'orientations.
Dans le domaine du médicament, les axes de la nouvelle politique que j'avais annoncée sont progressivement traduits dans les faits, souvent à la surprise apparente de certains. Je le répète, l'objectif de cette nouvelle politique est, d'abord et avant tout, de favoriser l'accès des patients à l'innovation en réalisant en contrepartie des économies sur les médicaments plus anciens, à travers la politique du générique, ou sur les médicaments moins efficaces.
La progression du générique est un succès depuis l'accord du 5 juin dernier, tout le monde en convient et je m'en félicite. Il faut cependant rester vigilant car des fléchissements apparaissent avec le temps.
Les conséquences de la réévaluation des médicaments prévues dans un décret de 1999 pris par le Gouvernement précédent commencent à être tirées. Vous le voyez, il y a aussi des lignes de continuité dans le changement. Elles l'ont été pour les médicaments à SMR faible ou modéré. Elles vont l'être, comme prévu, et en 3 ans, pour les médicaments à service médical rendu insuffisant qui vont être retirés du remboursement. La première étape est prévue pour le mois de juillet prochain.
Les forfaits de remboursement seront, pour leur part, mis en uvre comme prévu dans les prochains mois après une large information comme l'a demandé le Conseil constitutionnel. L'accord cadre entre l'industrie pharmaceutique et le comité économique des produits de santé est sur le point d'être signé. Cela permettra notamment la mise en uvre du dépôt de prix qui rend possible un accès plus rapide des médicaments véritablement innovants en ville.
A l'hôpital, une enveloppe de 200 millions dédiée aux molécules onéreuses a d'ores et déjà été allouée. Enfin, le médicament est un axe très important du plan cancer annoncé à la fin du mois de mars dernier par le Président de la République.
Le domaine des soins de ville est plus problématique. J'ai pris acte de la rupture du dialogue entre les caisses et les médecins spécialistes. Cela complique, sans l'interdire, la prise des mesures nécessaires d'optimisation des dépenses ambulatoires. Cela ne permet pas le retour à la confiance, seul moteur d'une réforme ambitieuse dont nous avons besoin. Je le regrette, mais je ne renonce pas.
Dans le domaine du financement, l'Etat a assumé ses responsabilités en compensant les nouveaux allègements de charge et en amorçant le processus de clarification des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale. J'ai mis en place, comme je l'avais annoncé, un groupe de travail réunissant les parlementaires (présidents et rapporteurs des commissions des affaires sociales et des finances du Sénat et de l'Assemblée Nationale) et les ministères concernés (Ministère des finances, ministère des affaires sociales, ministère de la santé et ministère délégué à la famille) pour poursuivre cette opération de vérité. Les travaux sont bien entamés et nous allons déboucher sur des propositions ambitieuses qui prendront place dans le projet de loi de financement pour 2004.
Enfin, nous nous étions engagés avec M. Christian Jacob à mieux aider les familles au moyen de la prestation d'accueil du jeune enfant. C'est un sujet que nous avons traité globalement dans le cadre de la Conférence de la Famille du 29 avril dernier, pour offrir une réponse d'ensemble, cohérente, d'une part aux questions que se posaient les familles sur leurs choix de vie, et d'autre part à la pénurie d'offre de garde.
Pour me résumer, le gouvernement, comme il l'avait annoncé, n'est pas resté inactif face aux difficultés que connaît notre système de sécurité sociale. Son action va se prolonger et s'amplifier au cours des prochains mois par la réforme, dans la concertation, de plusieurs volets importants de notre assurance maladie: le volet de la gouvernance et de la régionalisation, le volet des contours de la solidarité nationale et du financement solidaire et, ce n'est pas le plus simple, le volet de la qualité des soins et de l'optimisation des dépenses ambulatoires.
Nous ne travaillons pas à une illusoire grande réforme définitive mais nous travaillons à poser les bases d'une adaptation continue de l'assurance maladie aux évolutions de notre société et aux défis qui lui sont lancés en ce début du XXIème siècle.
3. Dans cette perspective, les groupes de travail de notre commission ont contribué utilement à préparer plusieurs volets de la réforme en préparation
Réformer la sécurité sociale ne peut se faire sans une concertation large avec les différents acteurs du système de santé. Le dialogue est au centre de notre politique. C'est pourquoi, en septembre, j'ai lancé trois groupes de travail au sein de notre commission. Je vous remercie de votre participation fructueuse aux travaux de ces groupes et je remercie aussi leurs trois animateurs : Mme Rolande Ruellan, qui est conseiller maître à la Cour des Comptes, M. Jean-François Chadelat, notre nouveau directeur du fonds de financement de la CMU et M. Alain Coulomb, qui dirige désormais l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé.
- L'objectif du premier groupe était de nous aider à bien cerner l'évolution des dépenses de santé en nous proposant une méthode de médicalisation de l'ONDAM.
Permettez-moi de vous dire que les conclusions de ce groupe sont particulièrement intéressantes. Rejetant une approche par les besoins de santé qui ne sont pas tous évaluables avec précision, elles mettent en lumière l'existence de déterminants essentiels de l'évolution des dépenses. Il est nécessaire de prendre en compte ces déterminants mais aussi la possibilité d'actions correctrices. Ces actions relèvent d'abord d'un choix politique, ce qui légitime l'action du Parlement.
Par ailleurs, les travaux du groupe mettent en avant la nécessité d'une concertation entre les différents acteurs du système de santé pour préparer la fixation de l'ONDAM par le Parlement. Cette concertation devrait avoir lieu dans une perspective pluriannuelle afin de redonner tout son sens et sa crédibilité à l'objectif national.
- Qui prend en charge les dépenses ? Telle est la question que s'est posée le deuxième groupe de travail. L'objectif de ce groupe n'était pas de préparer une privatisation de la prise en charge comme l'accusation en est portée à la légère, mais de poser la question de l'évolution souhaitable du partage entre régimes de base et assurance complémentaire dans un contexte d'évolution rapide des techniques médicales et des produits.
Ce groupe a constaté l'importance du rôle des assureurs complémentaires, mutuelles, institutions de prévoyance ou sociétés d'assurance. Il n'y a de haut niveau de protection sociale en France que par l'intervention conjointe de l'assurance maladie et des organismes complémentaires. Il est donc légitime de leur donner un rôle accru dans la gestion des dépenses de santé. Ce rôle devra être complémentaire de celui prépondérant des assureurs de base.
Jean-François Chadelat a également proposé de consacrer le rôle de l'assurance complémentaire par une construction juridique originale : la couverture maladie généralisée. Certains y ont vu une amorce de privatisation, d'autres une étatisation rampante ! De grâce, acceptons le débat, sans formules hâtives ni définitives ! Le Gouvernement reste, en toute hypothèse, libre par rapport à cette contribution qui l'éclaire.
Enfin, son groupe souligne l'intérêt de mettre en uvre une aide à la couverture complémentaire pour les ménages à faible revenu non couverts par la CMU. Cette aide pourrait, par exemple, prendre la forme d'un crédit d'impôt dégressif ou bien d'une prestation sociale sous conditions de ressources et servie par les caisses de sécurité sociale.
- Le troisième groupe s'est penché sur la question de la gestion de l'assurance de base. Son objectif était de faire un constat du système actuel et pas de faire des propositions comme cela lui semble parfois être reproché. Ce groupe a permis de bien expliciter les points de vue des différents membres de notre commission, ce qui est un préalable indispensable au dialogue. Toutefois, à mes yeux, il a sous-estimé les dysfonctionnements actuels de notre système de gouvernance, notamment les difficultés intrinsèques de répartition des compétences entre l'Etat et les partenaires sociaux. Ces difficultés ne dépendent pas uniquement d'une pratique particulière de gestion par quelques gouvernements mais bien d'un conflit d'objectifs liés à des légitimités différentes.
Les travaux de ce groupe se sont poursuivis par un appel à contribution à tous les acteurs du système de santé, au-delà des membres de notre commission. J'ai reçu à ce jour une vingtaine de réponses en ayant sollicité 36 organisations. Je remercie ceux qui ont déjà répondu et exhorte les retardataires à le faire dans les plus brefs délais. Il est en effet essentiel que chacun puisse rapidement avancer des propositions qui vont permettre au Gouvernement d'engager la concertation nécessaire.
4. Précisément, pour conclure, je veux m'arrêter sur les principes qui vont inspirer l'action du gouvernement au cours des prochains mois ainsi que sur les grandes lignes de notre calendrier
Comme l'a décidé le Premier ministre, le premier semestre de cette année 2003 est placé sous le sceau d'une réforme que notre pays attend depuis au moins dix ans, la réforme de nos retraites.
La politique que nous menons depuis un an dans le dialogue et la concertation a engagé résolument, je crois l'avoir suffisamment souligné, et non sans butter sur des difficultés, plusieurs pans des réformes nécessaires : réforme du médicament, réforme de l'hôpital, réforme du financement.
Le second semestre doit être consacré à la mise en place de la réforme de notre assurance maladie. Ce n'est pas un sujet simple. Les réactions aux rapports des groupes de notre commission le démontrent amplement.
Sa complexité tient à plusieurs aspects. " La " réforme de l'assurance maladie constitue en réalité une série de réformes.
D'autre part, réformer notre assurance maladie a un impact immédiat, et non pas différé dans le temps, sur tous nos concitoyens sans exception et cela à plusieurs titres, soit en tant que patient soit en tant qu'assuré social, soit en tant que contribuable, soit en tant qu'employés de structures de soins, soit en tant que professionnel libéral, soit tout à la fois !
Les efforts des gouvernements successifs ont - reconnaissons-le ! - échoué pour l'instant, dans notre pays, en particulier en ce qui concerne l'optimisation des dépenses ambulatoires, et la " gouvernance ", c'est-à-dire les relations entre l'Etat et les caisses. Et puis, la conjugaison d'un contexte économique et financier tendu et du sentiment de crise matérielle et morale des professionnels de santé, en ville et à l'hôpital, ne simplifie pas les choses.
Je me suis déjà exprimé sur les principes clés qui nous guident dans l'élaboration de la réforme de notre assurance maladie qui doit absolument rester juste et solidaire. Je voudrais néanmoins les rappeler brièvement.
La vérité et le bon sens d'abord. Le vieillissement est un enjeu majeur de notre système de santé et d'assurance maladie auquel il est mal préparé. Outre les aspects structurels, le clavier sur lequel nous pouvons jouer est connu. Mais les mesures conjoncturelles ne peuvent être dissociés des mesures structurelles.
La solidarité ensuite. Notre sécurité sociale est un modèle dans ses valeurs fondatrices. Notre devoir est d'adapter ce modèle aux exigences de notre environnement d'aujourd'hui, qui n'est plus celui de 1945, bien entendu, ni celui des années 1970 ou 1980, afin de le léguer à nos enfants. Notre devoir est de créer de nouvelles formes de solidarité autour de notre santé. Des efforts partagés sont nécessaires.
La confiance également. On n'obtient rien sans elle, ni des professionnels de santé libéraux et hospitaliers, ni des partenaires sociaux, ni des patients. Je ne conçois pas une politique de santé et d'assurance maladie sans la confiance des acteurs. Et je ferai tout mon possible pour l'obtenir.
La responsabilité enfin. Elle doit être partagée, vous le savez. Cela signifie une responsabilisation accrue des patients, une responsabilité mieux assumée par les professionnels, une responsabilité mieux pilotée par les gestionnaires et un cadre de responsabilité mieux défini et plus strictement respecté par l'Etat.
Le respect de ces principes doit nous inciter à nous poser quelques questions :
Comment faire face à la hausse inéluctable de la part des dépenses de santé dans la richesse de notre pays ?
Quelles limites donner à la solidarité ? Peut-elle tout prendre en charge ? Comment ces limites peuvent-elles évoluer avec l'évolution de la société et des techniques ?
Quels rôles donner à l'Etat, aux partenaires sociaux et aux assureurs complémentaires ? Comment associer les patients et les professionnels à la gestion du système de santé ?
Comment rapprocher la gestion du système de santé des patients et des professionnels sans remettre en cause la définition commune au niveau national des politiques de santé et d'assurance maladie ?
Par quelle voie l'assuré peut-il être mieux responsabilisé ?
Par quels moyens les professionnels de santé libéraux ou hospitaliers peuvent-ils être incités à la recherche d'une qualité des soins encore meilleure dans le cadre d'un exercice plus serein.
C'est à ces questions que je veux répondre avec votre soutien, vos idées à travers les réformes de l'assurance maladie.
Notre calendrier commun est un calendrier contraint car nous devons concilier différentes exigences : les exigences du dépôt et de la discussion d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale, comme chaque année, et celles de la concertation autour de la réforme de la gouvernance en particulier, qui doit conduire sur un projet de loi spécifique déposé au Parlement avant la fin de l'année.
Les grandes lignes du projet de loi de financement de la sécurité sociale vous seront présentées à la rentrée, à l'occasion de la réunion de septembre de notre Commission. Elles porteront en particulier sur la réforme du financement que le Gouvernement prépare, sur le financement de l'hôpital, sur l'aide à la couverture complémentaire pour les Français qui le souhaitent, ainsi que sur l'évolution des dépenses et des recettes du régime général dans une perspective pluriannuelle.
J'ai, par ailleurs, l'intention de livrer à la réflexion et à l'examen des acteurs dès le mois de juillet, donc avant la trêve du mois d'août, de grandes orientations arrêtées au vu des propositions reçues. Ouvertes à la concertation dès la rentrée de septembre, elles formeront la base d'un projet de loi sur la gouvernance qui sera déposé au Parlement avant le mois de décembre 2003.
Mesdames, Messieurs, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin souhaite sauvegarder notre système de protection sociale fondée sur la solidarité et sur la justice. La réforme de l'assurance maladie après celle des retraites en sera un élément essentiel.
Elle se prépare dans la concertation et le dialogue. Les groupes de travail de notre commission l'illustrent.
Cette réforme préservera le libre accès de l'ensemble des français à un système de santé de qualité.
L'objectif est clair. Ce gouvernement poursuivra la réforme de la sécurité sociale et la mènera à son terme, soyez en assurés.
Je vous remercie.
(source http://www.sante.gouv.fr, le 23 mai 2003)