Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, sur la politique de la famille en France et dans l'Europe, Paris le 20 novembre 2003.

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Circonstance : Conférence des ministres européens de la famille, à Paris le 20 novembre 2003

Texte intégral

Merci monsieur le ministre.
Mesdames, messieurs les ministres
Mesdames et messieurs les présidents d'associations,
Mesdames, messieurs,
le Gouvernement français est très heureux de vous accueillir aujourd'hui pour cette conférence des ministres européens de la famille à Paris. C'est pour nous un honneur et une joie, une joie notamment au moment où nous nous préparons, au Parlement, la semaine prochaine, à délibérer du traité d'Athènes et à ratifier ce traité pour que l'Europe élargie, au quotidien le 1er mai prochain, puisse entrer dans toutes les réalités de l'Union européenne. Bienvenue à tous. Bienvenue particulièrement à madame Sestini, votre présidente, ministre italienne de la famille. Et je voudrais lui dire très sincèrement combien nous apprécions l'efficacité de la présidence italienne et je la remercie beaucoup d'être, avec C. Jacob, à l'origine de cette réunion. Je salue aussi les personnalités européennes ici présentes, M. de Veld pour le Conseil de l'Europe et je demande à C. Jacob de, tout à l'heure, transmettre à A. Vitorino, de la Commission, nos sentiments également de sympathie.
C'est la première fois, ici, en France, que les 25 pays de la nouvelle Europe sont réunis pour une réunion de travail opérationnelle sur un des sujets majeurs de la construction européenne qui est la politique de la petite enfance. C'est pour nous tous très important : les enfants sont, dans notre société ce que nous avons de plus fragile mais aussi de plus porteur d'espoir, une chance et notre avenir. Mais au fond, comme l'Europe, les enfants sont fragiles, il faut les protéger ; comme l'Europe, ils sont notre chance et il faut, avec eux, construire l'avenir.
Je voudrais vous dire avec clarté que la France a une grande ambition pour la politique familiale dans notre pays et au niveau de l'Europe. La famille est, en effet, présente dans notre société aujourd'hui sous des formes diverses et nouvelles. La famille est un peu devenue un jeu de Lego constituée de liens à géométrie variable. Mais cette nouvelle organisation familiale ne doit pas nous faire oublier cet espace de valeurs qu'est la famille. Et, comme le disait H. Bazin, c'est " le seul endroit où le sang de chacun circule dans celui des autres ". C'est-à-dire que c'est avant tout un espace de fraternité et un espace d'humanisme. C'est pour cela que, pour nous, c'est un espace majeur pour l'action publique. Nous travaillons particulièrement, au sein du Gouvernement français sur les deux extrémités de la famille : d'une part la petite enfance et d'autre part, les personnes âgées. Nous avons engagé un programme pluriannuel d'envergure pour la dépendance, qui concerne les personnes handicapées mais aussi les personnes âgées et nous allons ainsi mobiliser, pour les quatre ans qui viennent, 9 milliards d'euros pour cette politique, en créant une cinquième branche de notre solidarité pour intégrer davantage dans la société ceux qui parleur âge sont menacés d'isolement voire d'exclusion. Et nous avons, comme nos amis allemands, choisi de mobiliser la communauté nationale toute entière pour cet effort de solidarité en demandant à chacune et à chacun de travailler une journée supplémentaire pour financer ce plan Dépendance. Ce sera, pour une très grande majorité de Français, le lundi de Pentecôte. C'est une étape très importante de notre mobilisation. Il y a ce que nous pouvons faire avec la solidarité financière. Il y a aussi la fraternité personnelle, l'engagement de soi : donner un peu de soi-même, donner de son travail, donner de soi-même pour les autres. C'est cela le message que nous avons voulu engager pour ceux qui, aujourd'hui, sont soumis au risque de la dépendance.
Dans cette politique, évidemment, celle qui vous concerne plus particulièrement aujourd'hui, je voudrais souligner le plan important pour l'accueil du jeune enfant, qui a mobilisé près d'un milliard d'euros et qui permet aujourd'hui, grâce à l'impulsion de C. Jacob, que 90 % des familles françaises bénéficient d'une aide de 160 par mois dès la naissance, ainsi qu'un certain nombre de dispositifs simplifié pour la garde d'enfants.
C'est un point très important de notre organisation politique, de la politique familiale.: un ministre en charge de ce dossier mais aussi une méthode autour de la Conférence de la famille qui est un espace de dialogue avec l'ensemble des partenaires, les ministères évidemment mais aussi, bien sûr, les nombreuses associations qui dialoguent pour faire en sorte que la politique soit au plus près des aspirations des citoyens. C'est une méthode importante que nous développons ; c'est une dynamique de concertation. L'année dernière, nous avons travaillé sur l'accueil du jeune enfant ; cette année, en 2004, nous travaillerons sur la politique de l'adolescence. Ainsi, dans la Conférence de la famille, c'est d'abord une politique partenariale mise en uvre ensuite par le Gouvernement.
Aujourd'hui, nous célébrons le 14ème anniversaire de l'adoption de la Convention internationale des droits de l'enfant, texte qui, pour nous tous, a représenté une avancée considérable.
Toutefois, nous le constatons, la force des instruments internationaux n'est pas toujours en rapport avec la réalité vécue par les enfants, par toute cette enfance qui, partout dans le monde, y compris en Europe, souffre. L'humanité ne pourra se prévaloir d'avoir fait progresser véritablement les droits de l'homme tant qu'elle n'aura pas réussi à traiter, à réduire le fléau des violences faites aux enfants.
Mon gouvernement a présenté récemment un projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance. Il permettra de créer un observatoire de l'enfance maltraitée, de renforcer la place des associations de protection de l'enfance, de lutter beaucoup plus efficacement contre le travail des enfants mais aussi contre l'absentéisme scolaire qui peut être une source de problèmes graves et de nouvelles inégalités pour les enfants. Ce combat pour les droits des enfants relève également de la responsabilité de la société et donc, concerne chacun des citoyens. A cet égard, je voudrais saluer le rôle et l'action des associations qui militent en Europe pour faire en sorte que nous puissions, les uns et les autres nous enrichir de nos expériences mutuelles.
En effet, la dimension européenne est pour nous un objectif majeur de cette politique. L'Europe des proximités, l'Europe concrète, ça doit pouvoir aussi être l'Europe de l'enfance, avec ces 90 millions d'enfants qui peuplent l'Union Européenne, mais au-delà, naturellement, ces 200 millions de jeunes qui vivent sur notre continent tout entier. Par définition, par essence, par culture, la jeunesse est une force d'ouverture. Et s'il nous faut, pour nos peuples, pour notre peuple européen construire une Europe des sécurités qui rassure, il faut aussi construire une Europe de l'ouverture, ouverture sur soi-même, ouverture sur la société et ouverture, notamment, que la jeunesse et sur la famille. C'est un enjeu européen majeur, notamment dans cette période historique où l'Europe vieillit et où la natalité doit, pour tous, être une priorité et une source de vigilance. C'est un élément de notre politique. Je pense que c'est un élément majeur de la comparaison de nos différentes politiques pour faire en sorte que nous puissions enregistrer, les uns et les autres, les bonnes initiatives et avoir une sorte d'échange des bonnes pratiques dans les 25 pays de l'Union sur cet objectif d'une politique familiale tournée vers l'ouverture de la société et vers un retour à une dynamique de la natalité davantage positive. Je voudrais également vous dire combien nous attendons de cette journée de travail entre les ministres des 25 pays de l'Europe une relance des initiatives pour la lutte contre les violences, notamment par la mise en place de la nouvelle étape du programme Daphné qui a conduit à des avancées notables et qui doit, aujourd'hui, nous permettre une nouvelle étape pour la protection de l'enfance contre les violences.
Les perspectives qui sont ainsi ouvertes sont évidemment, pour vous tous, des perspectives vastes. C'est pour cela que nous souhaitons vraiment que vous puissiez construire une démarche durable d'échanges et de partenariats. Ce rendez-vous ne doit pas rester sans lendemain. Nous devons, ensemble, construire cette démarche européenne d'une Europe vigilante à son enfance, vigilante pour la jeunesse. Tocqueville disait : " Chaque génération est un nouveau peuple " ; il nous faut veiller à ce que l'Europe, régulièrement, s'enrichisse de ces nouveaux peuples.

Puissent vos travaux servir les générations futures ! J'en suis convaincu. Le futur peuple européen a besoin de faire du respect de l'enfant une véritable priorité. Nous voyons bien que ce qui nous rassemble en Europe, ce sont, avant tout, des valeurs, des valeurs que nos Histoires, notre culture, nos cultures, ont pu porter haut dans l'ensemble de la planète. Ces valeurs sont souvent des valeurs générales, universelles, mais ces valeurs, au fond, dans la société moderne, n'apparaissent pas toujours clairement dans l'organisation sociale. Elles apparaissent en revanche clairement dans la sphère privée. Je fais partie de ceux qui sont convaincus que c'est dans la sphère privée qu'émergent les valeurs qui font, au fond, fonctionner la société vers plus de justice, vers plus d'égalité, vers plus d'amour. C'est un point très important de la politique familiale. C'est la source dont le monde a besoin, cette relation entre les hommes, cette capacité d'avoir une société plus aimante. Et c'est, je crois, une des forces de la politique de l'enfance : c'est de s'appuyer sur ces valeurs de la sphère privée et de faire en sorte que la sphère privée soit pour la sphère publique un espace d'émergence des valeurs. C'est un élément très important de ce qui élit la nature humaine et c'est pour cela que nous avons besoin, dans notre société, dans notre Europe, malgré toutes les difficultés, de ce bonheur, de cette gaieté que porte l'enfance. C'est ce qu'il nous faut faire partager. C'est pour cela que votre combat est un combat technique pour que vous pussiez prendre les meilleures mesures ; il est aussi l'un des plus beaux combats politiques parce qu'il y a, je crois, dans l'Europe cette gaieté, ce goût de l'avenir à promouvoir, au fond cet esprit d'enfance dont l'Europe a besoin et dont vous êtes, mesdames et messieurs les ministres, les porteurs. Merci à vous tous.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 21 novembre 2003)