Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, dans "Le Pélerin" du 10 octobre 2003, sur les réactions à la suite de son plan "Vieillissement et solidarités".

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Média : Le Pélerin

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Êtes-vous surpris par cette avalanche de critiques ?
Non. Mais je regrette cette propension à vouloir toujours réagir dans l'instant aux mesures annoncées, sans prendre réellement le temps d'en examiner vraiment la portée.
Nous faisons-là une réforme historique, sans précédent depuis 1945, en créant une " cinquième branche " de notre protection sociale. Une réforme qui mobilise, pour les personnes handicapées et les personnes âgées, 9 milliards d'euros (60 milliards de francs) sur cinq ans dans un dispositif complet et dense comportant une cinquantaine de mesures. Rejeter cela d'un revers de main n'est pas très responsable.
Vous instaurez une nouvelle Caisse nationale dont le statut paraît bien confus
C'est simple, nous créons, une caisse spécifique pour être sûr que l'argent va bien aux personnes dépendantes contrairement à l'exemple de la vignette. Cette Caisse nationale centralisera les moyens de financement, définira des normes d'attribution des aides qui seront les mêmes à travers tout le territoire, mais elle en confiera la gestion aux départements, au plus près des besoins et de la vie des gens. Des élus locaux et des représentants associatifs siégeront dans ces instances.
C'est là, c'est vrai, une différence fondamentale avec les modes de gestion des organismes de Sécurité sociale.
Ce modèle préfigure-t-il certaines dispositions de la réforme annoncée de la Sécurité sociale ?
Nous avons voulu, simplement, affirmer des priorités telles que le " droit à compensation " pour les personnes handicapées, le maintien à domicile pour les personnes âgées, dans la mesure où 90 % des personnes de plus de 75 ans veulent continuer à vivre à domicile, et aussi la création de plus de 200 nouvelles maisons de retraite.
Je souhaite une action humaniste qui prenne en compte le besoin spécifique de chacun dans la mise en uvre de la politique sociale. C'est un engagement du président de la République.
Une partie des professionnels estime " insuffisantes " les mesures annoncées.
Quel que soit le dossier que l'on traite, vous trouverez toujours des gens pour dire que les moyens affectés sont insuffisants. C'est une donnée permanente de la vie politique. Mais qu'est-ce qui a été fait ces dix derniè-res années ? Les gouvernements précédents ont-ils fait mieux ? Si mes prédécesseurs avaient mené à bien ces réformes quand la France bénéficiait de 4 % de croissance, je n'aurais pas eu à les faire aujourd'hui, avec, au 1er semestre 2003, une croissance négative de 0,3 % !
Pourquoi avoir choisi de supprimer un jour férié plutôt que de renoncer à la baisse de l'impôt ?
La ligne permanente de ma politique est le refus d'augmenter les charges qui pèsent sur le pouvoir d'achat des Français. Ma stratégie est celle de la croissance : garantir le pouvoir d'achat, favoriser la consommation des ménages. Je veux financer ce droit nouveau par la création de richesses supplémentaires et non par l'accroissement des prélèvements obligatoires, ce qui, dans notre pays, est le réflexe spontané des forces de l'immobilisme. J'agis pour la croissance. Je sais que la croissance revient. Je suis optimiste. Ma politique sociale n'est pas à crédit, je mets les recettes en face des dépenses.
Trop souvent, la solidarité se résume à " je paye, puis j'oublie ". Je souhaite, au contraire, restaurer la valeur républicaine de fraternité. Permettre à chacun de prendre un engagement, donner un peu de soi-même. Tout ne se résoud pas par l'argent, il faut aussi du cur.
Certains dénoncent un manque de concertation
Nous avons écouté beaucoup de monde, y compris les autorités de l'Eglise catholique et les représentants des organisations syndicales. Par ailleurs, le débat n'est pas clôt. Il reste encore à préciser les contours de cette nouvelle " branche " dépendance. Nous avons une vision ouverte sur le sujet. On prendra le temps pour en discuter.
Et puis, le Parlement sera saisi au cours du premier trimestre 2004, pour en débattre. Il est faux de prétendre que nous confisquons le débat démocratique. Mais on ne peut pas nous reprocher à la fois d'avoir tardé à annoncer des mesures, suite aux événements dramatiques de l'été, et de n'avoir pas davantage pris le temps de la concertation !
La crédibilité d'une politique vient de la cohérence entre une pensée et une action. Nous ne voulons pas être parmi les derniers de la classe en Europe et nous mobilisons, aujourd'hui, les moyens nécessaires pour cette action en faveur des personnes dépendantes.


(Sourcehttp://www.premier-ministre.gouv.fr, le 10 novembre 2003)